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Il est toutefois précisé que le juge a «le pouvoir d’impartir des délais et d’ordonner les
mesures nécessaires». Il n’est cependant pas précisé ici s’il le fait de façon systématique ou
s’il intervient seulement à titre subsidiaire, lorsque les choses ne vont pas bien.
L’article 2 donne ainsi l’impression que les parties dirigent l’instance,
qu’elles en ont la maîtrise tout comme elles ont la maîtrise du déclenchement du procès29
et de la matière litigieuse30. Or, cela ne correspond pas à la réalité.
Dans les textes, l’intervention du juge résulte déjà du final de l’article 2 :
“sous les charges qui leur incombent”. Ensuite, la surveillance du juge figure à l’article 3 :
“Le juge veille au bon déroulement [...]”. Toute hésitation est levée lorsque l’on consulte
les dispositions que le nouveau Code consacre, beaucoup plus loin, à la mise en état des
causes devant le tribunal de grande instance. C’est bien d’obligation, et d’obligation
permanente, qu’il s’agit. Par ailleurs, si l’article 763 dispose timidement que le juge a pour
mission de “veiller” au déroulement loyal de la procédure, et spécialement à la ponctualité
de l’échange des conclusions et de la communication des pièces, ajoutant même qu’il peut,
“si besoin est” adresser des injonctions, c’est sans aucune ambiguïté que l’article 764
dispose que ce juge “fixe, au fur et à mesure, les délais nécessaires à l’instruction de
l’affaire” […] après avoir - il est vrai - “provoqué l’avis des avocats”. Présent de l’indicatif
(à connotation impérative), généralité du propos : l’équivoque est levée.
La même tonalité dirigiste ressort de l’article 761, propre à la mise en état
simplifiée : le président peut décider que les avocats se présenteront à nouveau “à la date
qu’il fixe” pour conférer une dernière fois de l’affaire. Il impartit à chacun le délai
nécessaire à la signification des conclusions et à la communication des pièces.
C’est bien ainsi incontestablement le juge qui imprime à la procédure son
rythme et lui confère l’impulsion nécessaire à sa progression, dans un esprit de concertation,
mais avec les moyens de se faire obéir, puisqu’il dispose d’un double pouvoir d’injonction
et de sanction31.
Il n’est donc pas exact de dire que les parties “conduisent” l’instance, sauf
à donner à cette expression un sens très particulier. Il est vrai, en effet, que ce sont elles qui
apportent à l’instance la substance dont elle est faite, en échangeant les conclusions qui
déterminent la matière litigieuse, en procédant aux mises en cause ou aux appels en garantie,
en soulevant les incidents (exceptions, fins de non-recevoir, demande de mesures
d’instruction). La “conduite” qui leur revient concerne donc la substance de l’instance, non
son cheminement procédural32. C’est ainsi que le juge, parce qu’il a mission de veiller au
bon déroulement de l’instance dans un délai raisonnable, peut refuser une demande de
renvoi à une audience ultérieure présentée conjointement par les parties33.
Il apparaît utile de sortir de cette ambiguïté et de renforcer l’idée selon
laquelle les parties font les actes de procédure sous la direction du juge, en substituant au
terme : “conduire”, celui de : “diligenter”. En effet, diligenter, ce peut être conduire, comme
on parle de diligenter une enquête. Mais c’est aussi apporter tous ses soins, tout son zèle,
se hâter de faire ce que l’on doit effectuer34. Cette idée est d’ailleurs présente dans la
formulation retenue par l’American Law Institute et par l’Association Unidroit dans le
dernier état de leur projet commun de “Principes uniformes de procédure civile
transnationale”. Il est en effet indiqué que “Les parties partagent avec le tribunal la charge
de favoriser une solution du litige équitable, efficace et raisonnablement rapide.”35
Dans le souci d’asseoir plus nettement le principe de loyauté en droit
processuel, il importe encore d’indiquer que les diligences des parties dans le déroulement
de l’instance doivent se faire loyalement.
Pour répondre à cet objectif, l’article 2 du nouveau Code de procédure civile
devrait être ainsi nouvellement rédigé :
“Les parties diligentent loyalement la procédure sous les charges qui leur