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LES QUATRE VAUTOURS D’EUROPE J.-P. Choisy
PRESENTATION COMPAREE
B. – UNE COMMUNAUTE DE CHAROGNARDS COMPLEMENTAIRES
Un peuplement de vautours complet fonctionne en système complet d’élimination des cadavres :
Vautour fauve : fouilleur-tireur à préférence marquée pour les parties molles. Ouvrant les cadavres
par les orifices naturels et les zones de moindre épaisseur de la peau (aines, aisselles), il introduit
son cou serpentiforme dans la cavité générale, arrache les viscères, consomme les masses
musculaires, racle la peau, souvent en la retournant. Sa catégorie de nourriture représentant une fraction de
chaque cadavre supérieure à celle des autres vautours, il est plus abondant qu’eux.
Vautour moine : découpeur à goût prononcé pour les parties dures : peau, tendons, cartilages,
capsules articulaires, aponévroses, etc. Il débite les cadavres de l’extérieur, grâce à un bec encore
plus puissant et tranchant que celui du Vautour fauve. Quoique dominant, il arrive souvent en
milieu ou fin de curée : quand le précédent a déjà évacué une bonne partie des parties molles ?
Percnoptère : picoreur de bribes et autres restes. Son bec fin et long, peu efficace pour ouvrir la
peau des Ongulés, l’est tout à fait prélever les bribes, nettoyant les os jusque dans leurs petites
cavités, entre les côtes, vidant le crâne. Il consomme également le contenu de la panse, délaissé par
les autres vautours.
Gypaète : le Casseur d’os trouve par kilogramme de tissu osseux un peu plus calories que dans les
parties charnues. Ce n’est donc nullement « la part du pauvre »…à condition d’être apte à le
digérer et d’abord à l’ingérer. Les os trop grands pour être avalés et trop gros pour être brisés au bec
sont emportés au vol puis lâchés sur des rochers, autant de fois qu’il le faut pour les casser. De ce
fait, c’est le seul Vautour à avoir conservé les serres préhensiles des Rapaces prédateurs
.
Cette co-adaptation correspond à une optimisation de l’exploitation des ressources, non pas dans le sens, naïf, d’une
perfection absolue, aussi immuable qu’immanente, mais comme le meilleur compromis entre contraintes opposées,
résultat statistique de millénaires de cohabitation et de survie différentielle, « triant » entre les comportements, les
aptitudes, etc. D’ailleurs, le fonctionnement peut varier selon les conditions : ainsi, là où le Gypaète est le seul vautour,
il dispose aussi la chair des charognes. Mais là où il cohabite avec d’autres grands vautours, s’il ne lui reste que le
squelette, il en trouve beaucoup plus, guidé par leurs déplacements et les curées.
NB Le Vautour fauve, exceptionnellement grégaire, ne s’intéresse pas, sauf disette extrême, aux charognes plus
petites que celles d’Ongulés : quelques dizaines d’individus qui seraient descendus sur un cadavre d’écureuil
dépenseraient à se renvoler plus d’énergie que celui-ci n’en représente !
Les trois autres espèces, beaucoup moins grégaires, et même franchement territoriales pour les adultes nicheurs de
Gypaète et de Percnoptère, ne dédaignent nullement les petits Vertébrés. Il y a des populations de Vautour moine et/ou
de Percnoptère pour qui les charognes de Lapin sont une ressource majeure. Les très petits cadavres sont entièrement
consommés. Il leur arrive de donner le coup de grâce à petits Vertébrés blessés, malade, agonisant, alors que le Vautour
fauve, souvent posé à proximité, attend habituellement avec patience que l’animal meurt. La prédation proprement dite
s’observe chez deux espèces :
- Gypaète : là où vivent des tortues terrestres, en exploite les populations, brisant la carapace comme il le fait avec les
gros os : en les larguant sur des rochers ;
- Percnoptère : lorsqu’ils sont faciles à capturer des Amphibiens, petits Reptiles, Invertébrés sont tués
. Parmi ces
derniers, beaucoup sont trouvés en décortiquant les bouses et autres fèces. Si celles-ci sont bien peuplées, le total est
avalé. On a observé la consommation de gros œufs (Autruche en Afrique, Flamant en Europe) après en avoir brisé la
coquille en utilisant des cailloux. Les balles de golf trouvées dans un nid de Provence lors du baguage d’un jeune ont-
elles été prises pour des œufs ? Toutes ces petites proies occasionnelles ne représentent qu’une fraction négligeable de
la masse de nourriture consommée.
NB On a rapporté des cas de vautours fauves ayant tué du bétail (sources : exposé d’un vétérinaire travaillant sur la
question, discussion avec un autre). Ce fut toujours dans des conditions anormales, voire carrément artificielles, très
différentes de celles auxquelles l’évolution a adapté ce charognard :
- effectivement, des vautours fauves peuvent tuer une chèvre…très bien ligotée et pouvant à peine bouger :
une telle « expérience », d’une parfaite mauvaise foi, a été faite !
- plus sérieusement, on a observé des cas de blessure, ou de mort directement ou par nécessité d’euthanasie, lors
de mises bas difficiles en plein-air : nouveau-né inerte, en mauvais état, ou mourant ; femelle dont le fœtus
mort dépassant de la vulve est attaqué par les vautours qui, tirant dessus, sortent l’utérus, etc.
Deux facteurs artificiels sont susceptibles d’augmenter la fréquence de telles anomalies :
Les autres Vautours, qui ont perdu cette aptitude, portent les matériaux de leur nid au bec, comme des Passereaux.
Les observations analogues concernant le Vautour moine restent totalement anecdotiques.