5/9
Reintroduire des vautours en Europe. Les Alpes : une position clé J.-P. Choisy, sept.
2002
Objectifs et stratégie : éléments de réflexion PNR du Vercors
Tout cela posé, la priorité est : tronçonner les plus grands hiatus entre populations actuelles
d’une même espèce par des réintroductions médianes et non pas les grignoter par les extrémités.
En Europe continentale, avant le début des réintroductions, un énorme hiatus artificiel8 centré
sur les Alpes séparaient les populations pyrénéo-ibériques de celles des Balkans,
à l’exception de populations résiduelles de Percnoptère en France méditerranéenne et en Italie.
Le choix des Alpes pour le Gypaète, plus récemment celui des Préalpes françaises du sud pour le
Vautour fauve et le Vautour moine, ont donc été particulièrement pertinents.
L’importance géographique des Alpes et de leurs bordures dans une stratégie de
réintroduction des Vautours en Europe est confirmée par l’observation dans les récents
noyaux de population de vautours fauves des Préalpes françaises d’oiseaux originaires tant
de l’ouest de l’Europe (Espagne, Pyrénées, Massif Central) que de l’est (Abruzzes,
Croatie). Les stratégies propres aux diverses espèces ont des singularités propres, dont on va
discuter.
I. - GYPAETE GYPAETUS BARBATUS
Ce sont essentiellement les massifs élevés où existent d’importantes populations de chamois et
de bouquetins hors forêts qui lui offrent toute l’année des os accessibles en suffisance. Plus bas,
le milieu est souvent plus boisé et, surtout, l’Homme tolère rarement des densités d’Ongulés
sauvages suffisantes. Mais ce n’est qu’une moyenne statistique et non pas un déterminisme
altitudinal direct et absolu : aussi en dessous de la haute montagne existent aussi des massifs
actuellement très favorables. Dans les Alpes, le Gypaète s’installe dans les massifs de lâcher et
dans quelques autres particulièrement favorables (deux couples nicheurs en Vanoise), surtout s’il
ne sont pas trop éloignés (philopatrie). Ailleurs dans la chaîne, l’observation occasionnelle
d’oiseaux non fixés à un territoire, possible dans tous les massifs, est presque partout encore
exceptionnelle. Le développement des effectifs joint au comportement territorial des adultes
devrait assurer à long terme une recolonisation spontanée de tous les massifs des Alpes où
l’espèce trouvera os, sécurité, sites de nidification.
Dans la mesure où des oiseaux seraient disponibles sans porter atteinte à l’opération en cours,
la création d’un nouveau point de lâcher à l’extrême ouest des Alpes aurait un intérêt tout
particulier : diminuer rapidement le hiatus entre la population de cette chaîne et celle des
Pyrénées. Secondairement l’élargissement de l’aire de présence dans les Alpes françaises, encore
très centrée sur les massifs internes, en serait accélérée9. Lorsque le Gypaète aura élargi son
occupation actuelle dans les Pyrénées et les Alpes, une population dans les gorges du sud du
Massif Central auraient, par rapport aux Pyrénées orientales, une position analogue à celle des
canyons du sud de l'Aragon par rapport celles des massifs du centre de la chaîne. Donc, des
lâchers de Gypaètes dans l’extrême ouest des Alpes et dans les gorges du sud du Massif
Central serait une contribution majeure au développement d’un transit entre Alpes et
Pyrénées. Le retour du Chamois et du Bouquetin dans ce massif10 contribuerait beaucoup à en
augmenter les potentialités pour cette espèce.
cinquante ans seulement, le Gypaète n’aurait pu se nourrir en dehors de la saison de présence des transhumant mais
où de nos jours, abondent Chamois et Bouquetin, fournissant des os toute l’année.
8 De 1000 à 2100 km selon les espèces.
9 Dans le Parc Naturel Régional du Vercors, les falaises du Glandasse et du cirque d’Archiane, à l’extrémité sud de
la plus réserve nature de France, de la Réserve Naturelle des Hauts Plateaux du Vercors, constituent un site
particulièrement favorable à l’espèce occupant une telle position géographique (cf. visite de Michel Terrasse, Hans
Frey, Marteen Bijleveld en 2001). L’espèce y a déjà été observée, ainsi que sur cinq autre sites du Vercors et du
Diois : à proximité immédiate et jusqu’à 20 et 25 km de là.
10 En cours pour le Chamois, projets de réintroduction pour le Bouquetin.