Compte rendu d`intervention Jean Philippe Strebler - scot

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Rencontre débat du 14 septembre 2013 : « Affichage publicitaire : entre évolution de la réglementation et enjeux pour le territoire ». Compte-rendu
Intervention de Jean-Philippe STREBLER,
Maître de conférences en droit public, associé à l’université de Strasbourg,
Directeur de la Fédération nationale des SCOT
Le droit de l’affichage date de décembre 1979 et n’avait quasiment pas évolué depuis trente ans.
En 2010, une réforme importante du droit de l’affichage est intervenue avec l’adoption de la loi Grenelle 2. Alors que majoritairement ces nouvelles règles sont devenues plus restrictives, certaines
nouvelles règles, plus souples, ont été ajoutées. Parmi elles :
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l’autorisation du micro-affichage à l’extérieur des vitrines à conditions qu’il ne dépasse pas
un total de 2 m², et cela même si l’affichage n’a rien à voir avec l’activité.
l’autorisation d’installer des bâches sur les échafaudages des chantiers ou sur les façades
aveugles dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants.
Aujourd’hui, que ce soit en France ou sur le territoire du SCoT Grand Douaisis, on trouve une
quantité importante de dispositifs publicitaires en tous genres. D’après ce que l’on peut voir, suite
aux travaux de repérage réalisés par le SCoT, énormément de dispositifs semblent d’ores et déjà
illégaux et ne sont déjà pas en règle tant avec l’ancienne qu’avec la nouvelle réglementation.
Plusieurs législations se « superposent » qui concernent l’affichage publicitaire :
En particulier, le code de l’urbanisme, le code de la route (notamment pour les questions de sécurité
routière) ou encore le code général des collectivités territoriales (pour la taxe sur la publicité extérieure), doivent être « simultanément » respectés, mais la législation qui s’avère la plus efficace résulte du code de l’environnement.
Ce dernier opère une distinction nette entre publicité, enseigne et préenseigne, pour lesquelles des
règles différentes s’appliquent.
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les publicités, constituées d’inscriptions, de formes ou d’images sont destinées à informer le
public ou à attirer son attention (quand il ne s’agit ni d’enseignes, ni de préenseignes) ;
les enseignes sont des inscriptions, formes ou images qui ont un rapport avec une activité et
qui sont apposées là où cette activité est exercée (nom d’un commerce, drapeau du concessionnaire…) ;
les préenseignes signalent pour leur part la proximité d’une activité.
Généralement, les règles sont plus souples pour les enseignes que pour les publicités et les préenseignes. En effet, il n’y a aucun endroit en France où les enseignes sont interdites, par contre il y a
beaucoup d’endroits où les publicités et préenseignes sont interdites : en dehors des agglomérations, dans les parcs naturels régionaux, sur les arbres, sur et autour des monuments historiques, sur
les installations d’éclairage public (même si partout en France il y en a parce qu’au final, il n’est sans
doute pas moins esthétique d’accrocher l’annonce de manifestations sur les candélabres plutôt que
d’ajouter un mât porte-affiche là où il est par ailleurs demandé aux collectivités de dégager les obstacles pour les personnes à mobilité réduite)…
Rencontre débat du 14 septembre 2013 : « Affichage publicitaire : entre évolution de la réglementation et enjeux pour le territoire ». Compte-rendu
Cependant, avec la nouvelle réglementation, les enseignes vont connaitre d’importantes restrictions
notamment en matière de dimensions et de nombre. Cela se fera immédiatement pour les nouvelles
enseignes et d’ici juillet 2018 pour les enseignes installées avant le 1er juillet 2012. En effet, la réforme prévoit d’autoriser qu’une seule enseigne au sol le long de la voie et la réduction de la taille
des enseignes murales à 15 % de la surface de la façade commerciale. Pour l’autorité compétente en
matière de police de la publicité (le maire s’il existe un règlement local de publicité), il va donc potentiellement falloir faire face à de nombreuses réclamations puisque beaucoup de commerçants vont
devoir démonter leurs enseignes. Par ailleurs, pour les communes appliquant la taxe locale sur la
publicité extérieure, les recettes pourraient s’en trouver significativement réduites.
La publicité est quant à elle soumise à tout une série de conditions applicables depuis le 1er juillet
2012 aux nouveaux dispositifs et d’ici juillet 2015 pour les dispositifs installés avant le 1er juillet 2012.
Quelques exemples : si on implante une publicité sur une façade, il faut que celle-ci soit aveugle ; la
publicité doit être implantée à plus de 50 cm du sol et être à plat ; elle est, de plus, soumise à des
règles de densité…
Les préenseignes sont soumises aux mêmes règles que celles applicables à la publicité sauf pour les
préenseignes dérogatoires et temporaires.
Les préenseignes dérogatoires sont celles situées hors agglomération. D’une taille au plus égale à
1,5 m², elles sont réservées à certaines catégories d’activités (notamment les activités particulièrement utiles aux personnes en déplacement : restaurants, stations-service, garages, hôtels…). Cependant, dans le cadre de la réforme, la quasi-totalité de ces préenseignes dérogatoires devrait disparaitre d’ici juillet 2015 puisqu’elles ne seront plus admises que pour les activités en relation avec la
fabrication ou la vente de « produits du terroir » ou pour les monuments historiques ouverts à la
visite.
Une intervention de l’autorité chargée du pouvoir de police devra sûrement devoir être envisagée
pour faire réellement déposer ces dispositifs qui seraient devenus illégaux. Cela pourrait être également l’occasion de procéder aux déposes des préenseignes dérogatoires qui n’étaient déjà pas en
règle avec l’ancienne réglementation, notamment celles signalant des activités non autorisées
(exemples : marchand de chaussures, magasin de bricolage…). A partir de 2015, les paysages hors
agglomération devraient donc connaitre une véritable amélioration.
Jusqu’en 2010, maires et préfets disposaient d’un pouvoir de police « concurrent » afin de
faire appliquer la réglementation : les maires pouvaient intervenir et ils le faisaient au nom de l’Etat.
Depuis juillet 2010, l’autorité compétente en matière de police de l’affichage est, par principe, le
préfet, sauf s’il existe un règlement local de publicité (RLP) ; dans ce cas, le maire devient l’autorité
de police de la publicité, et il intervient alors au nom de la commune et non plus de l’État. C’est notamment le cas de Douai et Pecquencourt.
En l’absence de RLP, le préfet est donc le seul à pouvoir ordonner soit l’enlèvement d’un panneau
irrégulier, soit sa mise en conformité dans un délai de quinze jours.
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Les communes gardent toutefois un vrai rôle à jouer. Effectivement, le maire, officier de police judiciaire (mais aussi plusieurs catégories d’agents territoriaux), peut constater toutes les infractions sur
son territoire en dressant un procès-verbal. Cette action permet d’entamer la procédure de mise en
conformité. Le procès-verbal est transmis au préfet qui n’a plus qu’à signer un arrêté de mise en
demeure donnant 15 jours au propriétaire du dispositif pour le mettre en conformité ou le déposer.
Passés 15 jours, si ce n’est pas fait, le maire, même s’il n’a pas le pouvoir de police, met en recouvrement une astreinte de 200 euros par jour de retard et par dispositifs au profit de la commune.
L’autorité compétente en matière de police doit faire procéder à la dépose (ou à la mise en conformité) du dispositif même s’il se trouve sur un terrain privé. Or le préfet n’a pas forcément les moyens
techniques et humains pour le faire : il doit faire appel à un prestataire ; il peut s’agir d’une entreprise privée, mais les services de la commune pourraient aussi s’en charger.
Par conséquent, même si le maire n’a pas le pouvoir de police (en l’absence de règlement local de
publicité), une commune motivée pour agir à l’encontre de l’affichage publicitaire irrégulier, peut
tout à fait obtenir des résultats très concluants grâce au partage du travail qu’induit cette procédure. En effet, cela permet d’alléger la charge de travail des services de l’État et permet donc, par
une présence « sur le terrain » d’être plus efficace.
Si le seul respect des règles nationales ne suffit pas à améliorer les paysages, d’autres méthodes
restent à disposition, comme notamment l’approbation d’un règlement local de publicité qui donne
la possibilité de restreindre ces règles nationales.
Avant de passer à cette étape, il est indispensable de s’assurer qu’il est réellement nécessaire de
mettre en place des règles plus restrictives que celles déjà instaurées au niveau national.
L’expérience fait dire que dans les agglomérations1 de moins de 10 000 habitants qui
n’appartiennent pas à une « unité urbaine » de plus de 100 000 habitants, la question de la réelle
nécessité de mettre en place un RLP se pose. En effet, pour ces « petites communes », il y a d’ores et
déjà toute une série de conditions particulièrement intéressantes et restrictives (exemple : la publicité est limité à 4 m², uniquement sur des façades ou des clôtures aveugles, la publicité numérique et
lumineuse est interdite...).
Pour les communes situées en parc naturel régional, la publicité et les préenseignes sont interdites
dans les agglomérations, il n’est donc pas nécessaire d’établir un RLP… si ce n’est pour réintroduire
de la publicité.
Sauf à vouloir réintroduire la publicité, il n’est donc absolument pas nécessaire d’ajouter des règles
supplémentaires en parc naturel régional : il suffit de faire respecter la réglementation nationale
(et l’interdiction de publicité qu’elle édicte).
A l’inverse, lorsque l’on est dans une agglomération de plus de 10 000 habitants (ou qu’on fait partie
d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants), les possibilités offertes par la réglementation
nationale peuvent justifier de faire un RLP.
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La population à prendre en compte est bien celle de l’agglomération et non de la commune. Ainsi, dans une
commune, il peut y avoir plusieurs agglomérations. Attention, si une agglomération de moins de 10 000 habitants appartient à une unité urbaine de plus de 100 000 habitants, les règles deviennent alors plus permissives.
Rencontre débat du 14 septembre 2013 : « Affichage publicitaire : entre évolution de la réglementation et enjeux pour le territoire ». Compte-rendu
Pour mettre en place un RLP, la procédure à suivre est la même que pour un plan local
d’urbanisme ; il faut donc compter environ 2 à 3 ans pour qu’il soit approuvé, puis, il faut attendre
un délai de 6 ans pour que les enseignes existantes soient mises en conformité et 2 ans pour les
autres dispositifs (publicité et préenseignes). Il faut donc être patient lorsque l’on s’engage dans
cette procédure.
Par ailleurs, si une commune est touchée par un problème ponctuel d’affichage publicitaire ;
c’est-à-dire si à un endroit donné on trouve beaucoup d’affichage en raison, par exemple, d’une forte
fréquentation, il est tout à fait possible pour la commune d’interdire la publicité sur un terrain ou un
bâtiment qui présente un caractère esthétique, historique ou pittoresque (par exemple la mairie,
l’église, un parc…). La publicité sera alors interdite sur cet immeuble et 100 mètres alentour.
Maires et préfets disposent donc de vraies capacités d’agir même si ces actions tendent parfois à se faire attendre. Cette inaction peut s’expliquer par une méconnaissance de la réglementation : le manque de maitrise des procédures et de la réglementation profite alors aux professionnels
de l’affichage qui, eux, les connaissent très bien…
Connaitre les moyens d’action s’avère indispensable pour une commune souhaitant agir sans forcément aller jusqu’à mettre en place un RLP.
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