absences dans l’entreprise. Les congés et les jours de RTT ou de formation, par exemple,
sont-ils comptabilisés au même titre que les arrêts maladie ? On se représente aisément
que leur prise en compte peut conforter l’impression d’un excès d’absences alarmant et
transformer en signe de dysfonctionnement un taux assez ordinaire. Or, obtenir des
chiffres “ nettoyés ” de tels effets de grossissement n’est pas toujours aisé, car toutes les
entreprises n’instaurent pas une méthode de calcul assez fine pour décrire le phénomène
réel. En revanche, ce défaut de production de chiffres précis est, selon nous,
symptomatique : il témoigne d’une tendance à considérer que, “ normalement ”, tout le
monde devrait être là.
Cette considération péjorative trahit parfois un mode d’organisation du travail où les
effectifs sont extrêmement serrés : une seule absence crée une difficulté dans la marche
de la production ou du service. Il arrive ainsi qu’une équipe ou un atelier soit désigné
comme particulièrement touché par l’absentéisme et que, après analyse, on constate au
contraire qu’il s’agit d’un secteur où le taux d’absence est assez faible. Que celui-ci soit
ressenti comme élevé tient davantage aux retombées de la moindre absence qu’au
nombre réel d’absents.
Mais cette perception faussée n’est pas le seul fait de la direction. Car les salariés sur
lesquels retombe alors une surcharge de travail peuvent tenir à leur tour un discours
selon lequel certains n’hésitent pas à s’absenter pour un oui ou pour un non. Dans ce
type d’organisation du travail où les marges de manœuvre sont réduites, l’absentéisme
devient un objet de conflit au sein du personnel. Tout le monde se plaint : les plus
assidus dénoncent la perte de solidarité de leurs collègues et leur indifférence aux
difficultés que leur attitude engendre ; ceux qui s’absentent plus souvent dénoncent la
même perte de solidarité, puisque leurs collègues les accusent d’exagérer et de se
moquer de leur travail. Les représentants du personnel sont pris à partie et, excédés par
un problème qui les dépasse, ils seront peut-être tentés de vouloir “ faire la police ”…
sans y parvenir. Retour au sommaire
Des limites relatives au poste
Ainsi, chaque fois qu’il paraît y avoir unanimité sur le fait que l’absentéisme est
problématique, les représentants du personnel doivent porter leur attention sur ce qui
construit cette unanimité. Si un faisceau d’éléments concourt à stigmatiser les absents, le
problème est assurément plus complexe.
Autrement dit, ce type de situation montre le danger qu’il y a à considérer l’absentéisme
comme un comportement et non pas comme le résultat de réelles limites auxquelles
certains se heurtent pour tenir leur poste. Or, si ces limites sont relatives à l’état global
de la santé de chacun, elles sont relatives aussi aux exigences du travail. Les postes
présentent parfois des défauts d’aménagement tels qu’ils sélectionnent des capacités
physiques et psychologiques insoupçonnées, mais impossibles à mettre en œuvre par
tous ou pour longtemps. C’est cette réalité qui motive la grande majorité des absences
au travail, qu’elle soit constatée ou non par un médecin généraliste ou par un médecin
du travail. Ceux qui sont absents, et qui redoutent souvent que leur absence leur fasse
perdre à terme leur travail, ont donc des raisons de souffrir d’être mal considérés par
leurs collègues. Lesquels “ tiennent ”… mais pour combien de temps ? Au sein du CHSCT,
tous ceux qui sont fonctionnellement bien placés pour avoir connaissance des conditions
de travail et pour écouter le point de vue des salariés sur celles-ci gagneront à se
mobiliser dans le but d’éclairer l’absentéisme et d’affiner le repérage des zones où il est
le plus massif.
Flagrant délit…
Le sentiment de culpabilité est à l’occasion accentué par un autre phénomène. Il arrive
aux salariés de croiser un de leurs collègues en arrêt et de commenter cette rencontre en
relevant qu’il ne semble guère malade… Ainsi conviendrait-il de se terrer chez soi, même
durant les heures où il est autorisé de quitter son domicile, si l’on veut être pris au
sérieux. Pourtant, nombre d’atteintes réelles sont peu visibles et le fait de prendre plaisir
à faire ses courses ne trahit pas forcément l’absence de douleurs liées à des efforts précis
et excessifs ou ne remet pas en cause la nécessité d’une convalescence. Encore une fois,
ces interprétations accusatrices doivent aiguiller vers l’hypothèse d’un travail très
contraignant, qui, parce qu’il touche autant les présents que les absents, conduit les
premiers à l’incompréhension et à la rancœur.
Dans les organisations du travail que le manque de souplesse rend extrêmement