2 L´agriculture comme axe fédérateur de l´intégration régionale

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Aspects théoriques de l´intégration régionale et des Politiques Agricoles
Communes (PACs)
BROUILLON
À NE PAS CIRCULER
À NE PAS CITER SANS AUTORISATION DES AUTEURS
Jean Balié*, Anna Ricoy**
Septembre 2008
1 Fondements de l’intégration régionale ..................................................................................... 2
1.1 Les différentes vagues de l’intégration régionale .................................................................. 2
1.2 Une hiérarchie des intégrations régionales ............................................................................ 2
2 L´agriculture comme axe fédérateur de l´intégration régionale ............................................ 3
2.1 L´évolution de la perception de l’agriculture......................................................................... 3
2.1.1 Du délaissement historique de l’agriculture… ............................................................. 3
2.1.2 A la reconnaissance récente de son rôle majeur pour le développement ..................... 3
2.2 L’intégration régionale par l’agriculture en Afrique .............................................................. 5
2.2.1 Politiques Agricoles Communes : une acception et une interprétation variables ......... 5
2.2.2 L’enjeu agricole ne peut pas être différencié des enjeux politique et commercial ....... 6
2.3 Une faiblesse des échanges intra régionaux qui s’explique ................................................... 7
2.3.1 La faible complémentarité des économies africaines et la difficile libéralisation ........ 8
2.3.2 L’absence de coordination et d’harmonisation des politiques de commercialisation .. 8
2.4 Des PACs aux formes diverses mais aboutissant à des résultats similaires ........................... 9
2.4.1 En commun, des objectifs ambitieux… ....................................................................... 9
2.4.2 Des schémas d’intégration régionale par l’agriculture toutefois différents ................ 10
2.4.3 Globalement, des instruments non mis en œuvre ....................................................... 11
2.4.4 Poids prépondérant des acteurs extérieurs .................................................................. 11
2.4.5 Manque de ressources financières et humaines .......................................................... 12
3 Comment concrétiser les PACs ............................................................................................... 12
3.1 Améliorer les articulations possibles entre les échelles nationale et régionale ................... 12
3.1.1 Renforcer la cohésion régionale et les liens de solidarité........................................... 12
3.1.2 Cohérence entre niveaux national et régional ............................................................ 13
3.1.3 Convergence des intérêts nationaux et cohérence des espaces régionaux ................. 13
3.1.4 Soutenir l’effet de « catalyse » via le niveau régional ? ............................................. 14
3.2 Promouvoir des mesures de politiques pragmatiques et fondamentales .............................. 14
3.2.1 Nécessité au niveau national de développement de capacités analytiques................. 14
3.2.2 Promotion du développement du commerce intra régional ........................................ 14
3.2.3 Mise en place de mécanisme adapté et ciblé de protection aux frontières ................. 15
3.2.4 Valorisation des alternatives locales ........................................................................... 16
3.2.5 Financement autonome des PACs .............................................................................. 16
3.3 Renforcer la mécanique institutionnelle des négociations intra régionales ......................... 16
3.3.1 Un rôle accru pour les Organisations Paysannes (OP) ............................................... 16
3.3.2 Transparence et développement de la qualité de l’information .................................. 17
3.3.3 Importance de se préparer au niveau national aux négociations régionales ............... 17
4 Conclusions ............................................................................................................................... 18
* Économiste, FAO, Division de l’Économie du Développement Agricole, Rome
** Consultante, FAO, Division de l’Assistance aux Politiques, Rome
2
1 Fondements de l’intégration régionale
1.1 Les différentes vagues de l’intégration régionale
Les accords commerciaux régionaux (intra-régionaux et interrégionaux) sont aujourd’hui une
caractéristique essentielle de l’économie mondiale. Depuis le début des années 1990, le processus de création
d’accords commerciaux régionaux se poursuit sans discontinuer. Jusqu’en juillet 2007, près de 380 accords
de ce type avaient été déclarés au GATT/OMC, dont environ 300 notifiés au titre de l'article XXIV du GATT
de 1947 ou du GATT de 1994. À la même date, 205 accords étaient entrés en vigueur.
Le processus de mise en place de ces accords a suivi trois vagues essentiellement. Entre les années
1940 et 1970, les pays s’accommodaient du libre échange multilatéral et les accords régionaux étaient peu
nombreux. Plus fréquents dans les années 1960-1970, ils avaient pour but principal d’étendre à l’échelle
régionale les politiques de substitution aux importations pratiquées au niveau national. Politique visant à
satisfaire la de domestique en remplaçant progressivement les produits importés par la production locale, la
stratégie de substitution aux importations renvoyait à des objectifs d’industrialisation, de croissance
équilibrée et de réduction de la dépendance d’une économie à l’égard des marchés internationaux. Puis, au
cours des années 80, est apparue une nouvelle vision de l’intégration régionale, dite de « régionalisme
ouvert », se caractérisant par une absence de politiques commerciales discriminatoires à l’égard des pays non
membres de l’espace d’intégration régionale concerné afin de privilégier le libre échange mondial, et par un
unilatéralisme concerté. C’est dans le cadre de cette « troisième vague »de l’histoire de l’intégration
régionale dans les pays en développement, que les initiatives de PAC africaines ont vu le jour, ce qui
explique un certain nombre de leurs caractéristiques.
De nos jours, la motivation sous-jacente de toute intégration régionale provient de la conviction que
l’union fait la force dans un monde globalisé où les équilibres entre les principaux acteurs mondiaux
reposent sur des éléments de rapport de puissance . Le principal enjeu consiste alors à concilier ces objectifs
de pouvoir avec les demandes de respect des identités et spécificités nationales.
Une autre motivation pour l’intégration régionale plus ou moins explicitement évoquée est celle de
développement. Il s’agirait pour les organisations économiques régionales de stimuler l’économie par la
promotion des échanges et également de mobiliser des ressources supplémentaires pour l’investissement. En
effet, la régionalisation vue d’un point de vue pragmatique mais rarement explicite permet aux décideurs
africains d’attirer des capitaux via l’aide de l’Union européenne surtout (Coussy, 1995) en faveur de
l’agriculture et au-delà.
Cependant, d’après Robson (1998), en Afrique, la plupart des initiatives d’intégration fondées sur les
échanges n’ont à l’heure actuelle apportée qu’une faible contribution, voire pas de contribution du tout, au
développement économique et commercial.
1.2 Une hiérarchie des intégrations régionales
La forme la plus simple est une zone de préférence. Dans ce cas, au moins deux pays s’engagent à
s’accorder des conditions préférentielles (abaissement des droits de douane) pour les échanges portant sur
certains produits. Dans le cas d’une zone de libre-échange, les obstacles au commerce sont supprimés entre
les pays concernés pour l’ensemble de la circulation des marchandises. Il n’existe pas de politique
commerciale commune vis-à-vis des pays tiers. C’est ce qui se passe dans le cas d’une union douanière
des tarifs douaniers communs pour les pays tiers sont convenus alors qu’à l’intérieur, les droits de douane et
les obstacles au commerce non tarifaires (quotas d’importation, limitations volontaires des exportations) sont
supprimés. Un marché commun représente une union douanière dans laquelle les mouvements des facteurs
de production tels que le travail et le capital entre les Etats membres sont complètement libéralisés. Dans une
union économique, en outre, les politiques économiques nationales sont harmonisées et structurées en
commun. S’ensuit alors une union monétaire qui soit adopte la forme de taux de change fixes, soit aboutit à
3
une devise commune. Dans une union politique, les Etats concernés abandonnent leur souveraineté politique
et délèguent leurs compétences de décision à des institutions supranationales.
Au-delà des différent schémas d’intégration régionale, et des influences multiples et multiformes, rien
ne prouve que l’agriculture soit le secteur le plus pertinent pour engager une politique régionale commune en
Afrique, au contraire c’est peut le secteur le plus difficile alors comment expliquer ce choix ?
2 L´agriculture comme axe fédérateur de l´intégration régionale
2.1 L´évolution de la perception de l’agriculture
2.1.1 Du délaissement historique de l’agriculture…
La classe politique africaine a longtemps négligé l’agriculture comme enjeu de politique publique,
lui accordant souvent une part très faible et en baisse ces dernières années- du budget des Etats. Entre 1997
et 2001, les pays d’Afrique subsaharienne ont alloué en moyenne 5% de leur budget total à l’agriculture
contre 6% entre 1990 et 1997 [Badiane, Delgado, 1995].
En termes d’instruments mis en œuvre, au contraire de l’histoire des pays développés, où les
politiques de redistribution et les instruments de soutien à la production agricole sont partout vigoureusement
présents, la plupart des pays africains depuis la période d’indépendance ont une tradition de taxation du
secteur agricole afin de financer leur développement industriel [Bates, 1983 ; Timmer, 1991].
En Tanzanie par exemple, les taxes à l’exportation sur les produits agricoles d’environ 2% n’ont été
éliminées qu’en juillet 1998
1
. Si les discours sur l’importance de l’agriculture comme moteur du
développement pour éliminer la pauvreté des zones rurales abondent, les politiques agricoles sont rares ou
correspondent à une accumulation de textes non mis en œuvre. Au Bénin par exemple, depuis 1991, ont été
mis en place : une « Lettre de déclaration politique agricole », un « Document de politique de développement
rural et agricole », un « Schéma directeur du secteur rural », un « Plan stratégique opérationnel », de s »plans
d’actions pour 15 domaines prioritaires qui seront suivis d’études régionales » [Blein, D’Andlau, 2003].
Il a fallu attendre la décision de l’Union Africaine à Maputo, en 2003, pour que les États prennent
l’engagement « d’allouer au moins 10% des budgets d’investissements nationaux au développement du
secteur agricole afin d’améliorer la productivité et de réduire l’insécurité alimentaire ».
2.1.2 A la reconnaissance récente de son rôle majeur pour le développement
Le renouveau de la reconnaissance d’un rôle majeur de l’agriculture dans le développement
notamment à la faveur de la publication du rapport de la banque mondiale (WDR 2008) fait fidèlement écho
à la réalité économique dans la mesure où l’agriculture - qui inclut, dans une acception large, les productions
végétales, la transformation agroalimentaire, l’élevage, la pêche et l’exploitation forestière -constitue l’épine
dorsale de la plupart des économies africaines. C'est le pivot de l'économie puisqu’elle représente plus de
30% de la richesse nationale mesurée par le produit intérieur brut (PIB) dans bon nombre de pays africains
subsahariens et contribue pour 40 % aux recettes d’exportation
1
Trade policy for a competitive economy and export-led growth”, Ministry of Industry and Trade of Tanzania, 2003.
4
Produit intérieur brut agricole en Afrique
Source: Banque Mondiale, World development indicators, 2006
Le poids du secteur agricole dans l’économie peut cependant considérablement varier d'un pays à un
autre : ainsi, si l'économie d’un pays est basée sur le pétrole, la part du secteur agricole dans le PIB est
moindre. Il reste cependant plus important dans tous les pays africains, comparé à d'autres pays du Sud et
bien davantage encore comparé aux pays développés.
L'agriculture est aussi de première importance dans les revenus d’exportations, puisque les produits
agricoles représentent les premiers postes d’exportation dans la plupart des pays africains.
Importance de l’agriculture en Afrique et dans d’autres régions du monde
Part de la population
active agricole (2004)
Part des exportations agricoles dans
les exportations totales (2002-2004)
Afrique subsaharienne
60 %
12,4 %
Amérique latine et
Caraïbes
18 %
16 %
Asie et Pacifique
58 %
5,1 %
Économies de marché
développées
3 %
7,2 %
Source: FAO, State of Food and Agriculture, 2006
5
Le rôle crucial de l’agriculture dans le développement africain est désormais reconnu mais comme
l’article le montrera par la suite les politiques agricoles en Afrique restent loin d’être à la hauteur du poids
que représentent l’agriculture et ses enjeux.
2.2 L’intégration régionale par l’agriculture en Afrique
2.2.1 Politiques Agricoles Communes : une acception et une interprétation variables
Le début des années 2000 a vu se multiplier en Afrique les projets de mise en place de politiques
agricoles communes (PAC), qui ne reposent pourtant pas sur une définition claire et une compréhension
partagée de la notion de PAC.
Nous proposons de définir une PAC par extension par rapport à la définition de politique agricole.
De manière générale, l’usage même de terme « politique » est polysémique en fonction des lieux, des
personnes, des institutions ou des trajectoires historiques des pays auxquels elles s’appliquent. Nous
conviendrons qu’une politique agricole se traduit à la fois par un contenu et un processus d’élaboration et de
mise en oeuvre. Du point de vue du contenu, la politique agricole est constituée d’une suite cohérente
d’éléments, à savoir : une vision, des objectifs, des instruments ou des mesures de mise en œuvre, des
arrangements financiers et institutionnels pour sa concrétisation. Du point de vue du processus, la réalisation
d’une politique agricole passe par différentes étapes depuis la phase de diagnostic (enjeux, opportunités,
menaces), formulation, à la mise en œuvre, et évaluation pour atteindre le résultat. Cet enchaînement est
également appelé le cycle d’une politique.
S’inscrivant dans le mouvement de relance récente des initiatives d’intégration régionale sur ce
continent, des arrangements agricoles sont apparus dans des groupements régionaux aussi divers que la
CEDEAO
2
et l’UEMOA
3
pour l’Afrique de l’Ouest, la COMESA
4
et l’EAC
5
dans les zones Est et Sud du
continent, ou encore la CEMAC
6
, la CEN-SAD
7
ou l’UMA
8
pour l’Afrique du Nord et centrale. La plupart
de ces initiatives ont été baptisées PACs même si chacun de ces groupements a adopté des schémas en
pratique assez différents et atteint des résultats variables. Le contenu ou les processus qui ont donné
naissance à ces arrangements agricoles se rapportent rarement à la définition donnée plus haut. En effet,
comme nous le verrons plus loin, du point de vue du contenu, lesdites PACs se résument bien souvent à des
déclarations d’intentions non mises en œuvre, et vis-à-vis des processus. L’étape cruciale de formulation est
escamotée et marquée par une influence extérieure au détriment d’une implication et d’une appropriation
forte des acteurs nationaux et régionaux.
Toutefois, tous ces projets sont basés sur la reconnaissance d’un rôle essentiel du secteur agricole
dans l’économie et la croissance. En revanche, il est important de noter que d’autres régions y compris en
2
La Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest créée en 1975 regroupe 15 pays : Bénin, Burkina
Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra
Leone, Togo.
3
L’Union Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, créée en 1994, regroupe 6 pays : Cameroun, Centrafrique,
Congo, Gabon, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo.
4
Common Market of East and Southern Africa: le Marché Commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique Australe, créé
fin 1993, regroupe 19 pays : Angola, Burundi, Comores, Congo (R.D.), Erythrée, Ethiopie, Kenya, Madagascar,
Malawi, Ile Maurice, Namibie, Ouganda, Rwanda, Seychelles, Soudan, Swaziland, Tanzanie, Zambie, et Zimbabwe.
5
East African Community, créée fin 1999, regroupe 3 pays: Kenya, Ouganda, Tanzanie.
6
La Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale, créée en 1994, regroupe 6 pays : Cameroun,
Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale, Tchad.
7
La Communauté des Etats Sahélo Sahéliens créée en 1998 regroupe 21 pays : Bénin, Burkina Faso, Centrafrique,
Côte d’Ivoire, Djibouti, Egypte, Erythrée, Gambie, Guinée-Bissau, Libéria, Libye, Maroc, Mali, Niger, Nigeria,
Sénégal, Somalie, Soudan, Tchad, Togo, Tunisie.
8
L’Union du Maghreb Arabe, créée en 1989, regroupe 5 pays: Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie.
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