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Examen de la loi du 31 mars 2010 (M.B. 2 avril 2010)
portant sur
le Fonds des accidents médicaux
I. INTRODUCTION
En première analyse, force est de constater que les termes de la loi sont vagues.
La notion d’absence de faute n’est pas mise en évidence et pour cause.
L’objectif de la loi n’est pas uniquement de traiter de la responsabilité sans faute mais
d’envisager deux autres hypothèses. Celle de l’indemnisation de la victime en cas de faute et
d’absence de réaction de l’assureur et celle de l’indemnisation en cas de défaut d’assurance.
Dans tous les cas, et cela rejoint le titre de l’exposé, le Fonds a une compétence d’avis. Cet
avis peut reposer sur une forme d’évidence ;dans le cas contraire le Fonds peut s’entourer
d’expert ou de collège d’experts et cela aux frais du Fonds.
L’optique de la loi - et cela résulte clairement des travaux parlementaires - est en effet de se
placer du côté de la victime et de l’aider à obtenir une indemnisation juste.
La victime d’un fait médical fautif ou non et pour autant qu’un certain seuil de gravité soit
atteint (infra) ne doit plus nécessairement - même si elle en a toujours le choix - engager des
frais de première expertise et, en cas de refus de l’assistance judiciaire, des frais de justice et
d’expertise judiciaire.
Le Fonds est donc chargé de lui faciliter la vie en traitant son dossier sans frais tout en lui
laissant la porte ouverte vers une voie judiciaire en cas d insatisfaction.
C’est la principale différence par rapport à la loi de 2007 qui n’est jamais entrée en vigueur.
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II. EXAMEN DE LA LOI
1. Qui peut saisir le Fonds ?
(a) Tout demandeur pour autant que le fait ouvrant droit à réparation se soit produit après
l’entrée en vigueur de la loi du 31 mars 2010, soit le 2 avril 2010.
(b) Le Fonds - administrativement en ordre de marche en septembre 2012 - a donc commencé
par examiner les demandes introduites entre ses mains (mais gérées par l’Inami) depuis le 2
avril 2010 afin d’écarter les demandes irrecevables ratione tempore.
(c) Le demandeur est un personne physique agissant en son nom personnel, en sa qualité de
représentant légal (parents d’enfants mineur) ou judiciaire (personne protégé) ou encore un
ayant droit d’une personne décédée.
(d) Le formulaire d’une vingtaine de page envoyé par le Fonds au demandeur dès réception
de sa demande formulée par lettre recommandée contient la liste des hypothèses
d’intervention du Fonds.
2. Les limites de la loi
(a) Contrairement à la loi française, il n’y a pas en Belgique un premier examen destiné à
vérifier si un certain seuil de gravité du dommage est atteint. Ainsi, toutes les demandes
arrivent sur le bureau du Fonds.
(b) La loi a cependant prévu de ne pas faire supporter par la collectivité des demandes ayant
trait aux suites éventuellement dommageables de la médecine dite de confort ; la chirurgie
esthétique est donc formellement exclue du champ d’application de la loi.
3. La recevabilité
La recevabilité est examinée également au regard de la prescription éventuelle. La demande
est irrecevable si elle est adressée au Fonds plus de cinq ans à partir du jour qui suit celui où
le demandeur a eu connaissance du dommage dont il demande l’indemnisation,ou de son
aggravation,et de l’identité de la personne à l’origine du dommage ou plus de vingt ans à
partir du jour qui suit celui où s’est produit le fait qui a causé le dommage.
D’autres causes d’irrecevabilité sont envisagées ; elles relèvent du bon sens.
Ainsi, il y a irrecevabilité :
- si le demandeur a été indemnisé définitivement par un assureur ;
- si une décision coulée en force de chose jugée a été rendue l’indemnisant ou le
déboutant.
4. Contre qui le demandeur peut-il diriger sa plainte ?
(a) Le demandeur peut diriger sa plainte contre tout prestataire de services au sens le plus
large pour autant que ces prestations se soient déroulées en Belgique.
Le médecin est évidemment au premier plan mais les kinés, dentistes et infirmiers etc. sont
également visés.
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(b) Contrairement à la loi française, les praticiens d’une médecine non conventionnelle - visés
par la loi du 29 avril 1999 - rentrent dans le champ d’application de la loi .Il s’agit des
acupuncteurs, homéopathes, ostéopathes et chiropracteurs (la liste est limitative).
5. Les compétences du Fonds
(a) La plus importante de ses compétences est d’examiner une plainte exposant un dommage
sans que la faute soit démontrée.
(b) Jusqu’à la création de cette loi particulière, le demandeur en responsabilité médicale
devait prouver certains éléments devant les juridictions civiles :
- une faute
- un lien causal entre la faute et le dommage
- la hauteur du dommage.
(c) Avant cette loi, tout le poids du procès reposait sur le dossier qu’il avait pu constituer en se
réservant tant bien que mal la preuve de ce qu’il revendiquait.
6. La faute
(a) La faute en matière médicale se définit par comparaison. La faute est établie si un autre
médecin de la même spécialité, mis dans le même environnement technique et scientifique,
n’avait pas commis la même faute..
(b) Mais peu de fautes sont évidentes ; elles peuvent être amoindries sinon effacées par le
concept fort utilisé de « complications documentées ».
(c) Si la littérature médicale aborde la fameuse complication qui échappe à la maîtrise du
médecin cela réduit à néant les chances du demandeur. Celui-ci se voit opposé la bonne foi,
l’impondérable, ce qui est communément appelé « la faute à pas de chance ».
(d) C’est dans les circonstances énumérées ci-dessus (bonne foi, impondérable, pas de
chance) que le demandeur à qui on oppose l’absence de faute démontrée peut se tourner vers
le Fonds.
7. Le lien causal
La loi précise que l’accident médical sans responsabilité est « un accident lié à une prestation
de soins de santé qui n’engage pas la responsabilité d’un prestataire de soins, qui ne résulte
pas de l’état du patient et qui entraîne pour le patient un dommage anormal ».
8. La demande
Elle est formulée par lettre recommandée et accompagnée de toutes les pièces utiles réunies
par le plaignant.
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9. La réponse du Fonds et du demandeur
A. Suite à la réception part lettre recommandée du dossier complet, le Fonds agit par étapes :
(a) Il déclare la demande recevable ou non (voir supra).
(b) En cas d’examen positif, il adresse au demandeur un questionnaire très détaillé
ce qui lui permet soit de prendre une décision dans les six mois, soit de provoquer une
expertise simple ou collégiale.
Dans son courrier reconnaissant la recevabilité de la demande, le Fonds précise que
conformément à la loi, il se donne un délai de six mois pour prendre position. Ce délai n’est
pas prévu à peine de nullité et dans les faits le délai est lourdement majoré.
B. Si le demandeur ou ses ayants droits ne répond pas au Fonds dans un délai d’un mois, une
lettre de rappel lui est envoyée. Après l’écoulement d’un nouveau délai d’un mois sans
réponse, le demandeur est présumé avoir renoncé à sa demande.
Libre à lui cependant, dans le respect des délais de prescription de réintroduire une nouvelle
demande soumise à un nouvel examen de recevabilité.
10. L’instruction du dossier par le Fonds
(a) Le Fonds a également le droit de réunir toutes les pièces utiles et de demander toutes les
informations qu’il souhaite aux praticiens incriminés.
(b) Alors que le Fonds n’hésite pas à dépasser les délais prévus par la loi, les acteurs de la
santé sont eux passibles d’amendes atteignant 500 euros par jour de retard.
(c) Les pénalités peuvent être récupérées par le Fonds via la technique de la contrainte
fiscale…
(d) Les travaux préparatoires et commentaires de la loi expliquent benoîtement que ce sera là
une source de financement du Fonds….
(e) En possession des documents demandés, le Fonds peut décider d’avoir recours à une
expertise.
(f) Cette expertise est entièrement gratuite pour le demandeur ; les frais sont à charge du
Fonds. Cette expertise gratuite a considérablement effrayé un député CDNV (travaux
parlementaires) qui y voyait un gouffre financier s’installer à charge de l’Etat.
C’est dans ce cadre notamment que le centre d’expertise fédérale a été chargé de faire une
projection de la charge financière pour l’Etat de l’exécution des missions confiées au Fonds.
Ce souci d’économie n’a pas empêché que le conseil d’administration soit composé de trente
personnes…
L’article 8 de la loi précise :
Premièrement le Fonds a pour mission d’organiser l’indemnisation des victimes de
dommages résultant de soins de santé ou de leurs ayant droits dans les limites des
articles 4 et 5.
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Dans le cadre de cette mission le fonds est chargé de déterminer si le dommage
résultant de soins de santé subi par le patient engage ou non la responsabilité d’un
prestataire de soins, et d’évaluer la gravité de celui-ci. Dans ce but, le Fonds peut :
(a) solliciter de toute personne physique ou morale tous les documents et toutes les
informations nécessaires pour pouvoir apprécier les causes, les circonstances et les
conséquences du dommage faisant l’objet de la demande ;
(b) faire appel à des praticiens professionnels spécialisés afin d’obtenir des précisions dans
un domaine particulier des soins de santé.
La première partie de la mission du Fonds est donc de faire le départ entre les demandes
engageant ou non la responsabilité d’un prestataire de soins de santé. Les autres missions
seront détaillées infra.
L’article 15 de la loi précise les pouvoirs du Fonds en matière de recueil de renseignements.
Si un prestataire de soins, ou tout autre personne que le demandeur et ses ayants
droits, ne répondent pas dans le délais du mois de la notification de la lettre de rappel
du fond, et sauf cas de force majeure, il deviennent débiteurs de plein droit, à l’égard
du fond, d’une indemnité forfaitaire de 500 euros par jour à dater du lendemain du
dernier jour du délai et ce, jusqu’à la transmission des renseignements et documents
demandés avec un maximum de 30 jours. Le Fond informe par courrier recommandé à
la poste le prestataire de soins, ou tout autre personne que le demandeur et ses ayants
droits du montant qu’il compte lui réclamer à titre d’indemnisation forfaitaire et
l’invite à lui communiquer dans le mois ses éventuelles observations à ce égard. Les
éventuelles observations communiquées après l’expiration de ce délai ne sont pas
prises en compte. La somme forfaitaire visée à l’alinéa 6 est indexée le premier
janvier de chaque année. Le débiteur à l’égard du fond, en application de l’alinéa 6 a
un droit de recours. Le fond peut procéder au recouvrement des sommes qui lui sont
dues par voie de contrainte.
La loi octroie également au Fonds le droit d’agir contre les récalcitrants par la voie de
demande en justice (productions de documents), dommage et intérêts, astreinte etc.
11. L’expertise
(a) Soit le dossier permet un examen dont le résultat est immédiatement positif en faveur du
demandeur (ce pourrait être le cas pour une infection nosocomiale), soit les données
médicales recueillies supposent un examen approfondi par un médecin de la spécialité
médicale idoine.
(b) Pour que l’expertise soit organisée, il faut cependant que le dommage approche le seuil de
gravité prévu par la loi (article 5 voir infra). Cette limitation est immédiatement contredite
par une phrase de la loi qui dit : « Dans les autres cas, le Fonds peut organiser une
expertise..
(c) Désignation du ou des experts. Deux cas de figures :
- Soit le Fonds désigne un expert indépendant ;
- Soit, si cela se justifie, le Fonds désigne un collège d’experts.
La question de l’impartialité du ou des experts est réglée de manière spécifique par le texte de
loi article 17 § 3 à 5)
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