Compétences n°9: se préparer à l`exercice professionnel OUBLI DE

Compétences n°9: se préparer à l'exercice professionnel
OUBLI DE PRESCRIPTION
Je suis en dernier semestre d'internat en médecine générale, en stage hospitalier. Je
suis dans un service de médecine interne à orientation addictologique. En pratique,
nous avons une moitié de patients hospitalisée pour sevrage volontaire en alcool ou
autre substance, et une autre moitié de patients hospitalisée pour des conséquences
somatiques de leur addiction.
Les prescriptions sont informatisées et sont reconduites tacitement tous les jours.
Seule une nouvelle prescription nécessite une signature du médecin.
Je reviens d'une semaine de vacances, et je récupère mes patients, gérés par une autre
interne pendant mon absence.
Il y a quelques nouveaux patients, en particulier monsieur L., patient de 50 ans, poly
toxicomane, hospitalisé pour sevrage en alcool. Monsieur L. est sous méthadone pour
une addiction à l'héroïne sevrée, consomme du crack, du skénan et des
benzodiazépines. Il a déjà fait plusieurs crises d'épilepsie dans un contexte mal défini
(crises de sevrage ou vrai épilepsie?), pour lesquelles il est sous gardénal, qu'il utilise
à sa façon: doses élevées et au coup par coup.
L'hospitalisation permettra également, selon le souhait du médecin nous l'adressant,
de pouvoir mettre en place un traitement antiépileptique plus adapté, et de sevrer le
patient du gardénal.
Dans ce sens, un avis neurologique a été demandé.
Le sevrage en alcool se passe bien, et je profite de l'hospitalisation pour stabiliser la
dose de benzodiazépines du patient.
Au bout de quelques jours, le neurologue passe dans le service, et demande à voir le
traitement du patient. J'ouvre donc les prescriptions sur l'ordinateur, et je me rends
compte en présence du neurologue que le gardénal n'apparait absolument pas sur la
prescription.
Ma collègue a oublié de le prescrire à l'entrée, et je n'ai pas vérifié toute l'ordonnance
en prenant le relais.
Je me sens très coupable, et peu crédible vis à vis du neurologue. Mon premier
réflexe est de penser que ce qui est arrivé n'est pas de ma faute, mais que c'est
l'interne qui a oublié la primo prescription qui est à blâmer. Puis je me dis qu'un
comportement de cours de récréation ne m'aidera pas à mieux prendre en charge le
patient ni à me faire respecter du neurologue, et que l'important est de trouver des
solutions pour réparer cette erreur. Je décide d'assumer et je dis au neurologue que le
gardénal a été oublié.
Je crois qu'il apprécie ma franchise, et il me dit que c'est « un mal pour un bien »,
puisque le traitement était inadapté. Le patient étant couvert par des benzodiazépines,
on peut en profiter pour le sevrer du gardénal.
Finalement, la consultation s'est très bien passée et je pense avoir eu une réaction
professionnelle. Je suis fautive de ne pas avoir vérifié avec attention les prescriptions
de ma collègue, et je me promets qu'à l'avenir je serai plus attentive, car les
conséquences auraient pu être beaucoup plus graves.
1/ Qu'est-ce qu'une erreur médicale?
2/ Comment réagir face à une erreur médicale et comment travailler dessus?
1/ Le terme d’erreur médicale est couramment employé dans le milieu médical, et la
définition en usage par les associations médicales varie d’un pays à l’autre.
Voici quelques définitions:
« Erreurs ou fautes commises par des professionnels de santé qui ont pour
conséquences un dommage pour le patient , incluant erreurs de diagnostic, erreur
dans l'administration des médicaments, erreur dans le déroulement d'une intervention
chirurgicale, mauvaise manipulation du matériel, et erreurs dans l'interprétation des
examens complémentaires. »
« Un évènement défavorable pour le patient, consécutif aux stratégies et actes de
diagnostic, de traitement, de prévention, de réhabilitation. Il est évitable si l’on peut
estimer qu’il ne serait pas survenu si les soins avaient été conformes à la prise en
charge considérée comme satisfaisante au moment de sa survenue »
« Evènement indésirable lié au soin »
« Dysfonctionnement, censé évitable, par rapport à une norme théorique et
forcément partielle, mais reconnue comme valide. Ce niveau s’inscrit dans le registre
de la compétence et donc de la formation qui inclut la connaissance de ses qualités et
de ses faiblesses en tant que soignant. »
Une partie des erreurs médicales est constituée par les erreurs de médication:
« Toutes les erreurs qui se produisent à un des maillons du circuit de la médication
(prescription, préparation, délivrance, administration et prise du médicament).»
On peut se demander si l'erreur commise, n'ayant eu aucune conséquence
dommageable pour le patient, est à considérer comme une erreur médicale. Il me
semble tout de même qu'il y a bien erreur médicale, dans la mesure où une
prescription a été oubliée, avec une potentielle dangerosité pour le patient, même si le
patient va bien et ne s'est rendu compte de rien. Le terme utilisé pour ce type d’erreur,
n’entrainant pas de conséquence, est « presque événement » ou « near miss ».
.
2/ Je suis toujours assez perturbée par le statut particulier de l’interne : à la fois
étudiant, en plein apprentissage et théoriquement sous la responsabilité de plusieurs
personnes ; et d’un autre côté souvent livré à lui-même, gérant des patients seuls. Ce
double statut a un effet troublant : envie de se faire un peu confiance, et peur de faire
des erreurs. Par conséquent, une erreur de diagnostic ou de traitement peut générer
chez l’interne des réactions très différentes : soit un intense sentiment de culpabilité,
avec perte de confiance en soi et une perte d’autonomie ; soit un rejet de la
responsabilité sur la hiérarchie et une distanciation.
Dans tous les cas, la première étape est de reconnaître l’erreur et d’accepter sa part de
responsabilité. Pour le patient comme pour soi, c’est l’étape inévitable pour que
l’erreur médicale soit vécue de manière saine et pour pouvoir aller de l’avant.
« En tant que victime de l’erreur, le patient va juger intolérable une attitude médicale
retranchée derrière le rejet de responsabilité et l’absence d’empathie .A l’inverse,
quand le praticien reconnait son erreur, formule des excuses, cherche à trouver avec
le patient le moyen d’atténuer les conséquences de son erreur et met en place des
mesures pour éviter que cette erreur se reproduise, les conditions de l’acceptation par
le patient sont réunies.» Dr Latil
« Le professionnel de santé doit accepter d’écouter. Il s’efforce d’être empathique
tout en restant ferme. Il doit montrer au patient qu’il l’écoute, reconnaît son point de
vue, le respecte, le comprend et compatit de manière sensible et humaine. » Dr
Galam
Ensuite il faut se demander quels sont les éléments qui ont favorisé la survenue de
l’erreur et tenter de les corriger : fatigue, manque d’attention ou de concentration,
défaut de connaissance, défaut de communication, surcharge de travail...
Il faut prendre des mesures pour éviter que ce type d'erreur ne se répète: savoir passer
la main quand il le faut, mettre ses connaissances à jour par des FMC...
Mais il est également important d'avoir un point de vue extérieur, et pour cela il faut
avoir le courage de partager l'expérience des erreurs, en particulier entre pairs. Cela
permet par ailleurs de dédramatiser ses erreurs et de se rendre compte que personne
n'est à l'abri.
Pour cela, il existe des associations qui facilitent ces rencontres et ces moments
d'échange. C'est le cas du GROUPE REPERES. Crée en 1990 par des médecins
généralistes, « sa méthode se fonde sur l’analyse réflexive et une inter formation
insérées dans nos vécus et leurs contextes. Elle associe l’information pertinente et le
travail à partir des cas cliniques des médecins. »
Parmi ses séminaires phares, il y a « dédramatiser et travailler nos erreurs »:«C’est
pour dépasser cette solitude et réintroduire l’erreur médicale dans son contexte
collectif que le groupe REPERES a entamé ce travail. »
3/Finalement, j'ai été affectée par cette erreur, et je me suis sentie assez coupable.
Cela m'a poussé à redoubler de vigilance lors des prescriptions suivantes, à tel point
que je revérifiais l'intégralité des prescriptions des patients minutieusement tous les
jours. Mais n'est-ce pas ce que j'aurais dû faire depuis le début?
Par ailleurs, j'ai appris à ne pas faire confiance aveuglément à un autre médecin, et à
tout reprendre au début quand je reçois un nouveau patient. Je pense également qu'il
ne faut pas hésiter à contredire les informations d'un médecin supérieur hiérarchique.
Mais je pense que j'aurais été beaucoup plus affectée s’il y avait eu des conséquences
négatives pour le patient. Etant d'une nature peu sûre de moi, je pense que j'aurais eu
du mal à retrouver confiance en moi pendant quelques temps.
Je pense que la question de l'erreur devrait être intégrée à notre formation, pour nous
apprendre à accepter la part d'incertitude de tout acte médical, et nous apprendre à
connaitre nos faiblesses et à gérer nos erreurs.
Dans ce sens, la HAS a publié récemment un guide « Annonce d’un dommage
associé aux soins », prouvant que la question de la gestion de l’erreur médicale est en
constante évolution.
4/bibliographie
- « Place de l’erreur médicale dans le système de soins » ; Dr François Latil ;
janvier 2007
- « Dédramatiser et travailler nos erreurs » ; Dr Eric Galam; La revue du
praticien-médecine générale, février 2005
- « La sécurité du patient en médecine générale » ; J.Brami /R.Amalberti
- www.jnmg.org: groupe REPERES
- www.has-sante.fr : «annonce d’un dommage associé aux soins » mai 2011
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