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La cryopréservation des embryons
en assistance médicale à la procréation :
Apport de la vitrification : Revue de la littérature en Mars 2010
Dr Florence BRUGNON ; MCU-PH
Biologie de la reproduction, CHU Clermont Ferrand
L’indication principale de la cryopréservation embryonnaire en AMP (Assistance Médicale
à la Procréation) concerne la conservation du (ou des) embryon(s) surnuméraire(s) viables obtenus
lors d’une tentative de FIV (Fécondation in Vitro) ou ICSI (IntraCytoplasmic Sperm Injection). La
congélation de ces embryons surnuméraires permet d’augmenter les chances de grossesse par leur
transfert intra-utérin après décongélation en cas d’absence de grossesse après le transfert
d’embryon(s) frais (Guerif et al., 2009 ). La cryopréservation embryonnaire peut également être
envisagée pour les patientes présentant un risque de développer un syndrome d’hyperstimulation de
l’ovulation (Selman et al., 2009) ou dans le cadre de la préservation de la fertilité (Gallot et al.,
2000) pour les femmes devant subir un traitement potentiellement stérilisant (chimiothérapie,
radiothérapie, ..).
Les améliorations des techniques d’AMP avec notamment l’optimisation des traitements de
stimulation de l’ovulation, des critères d’évaluation des gamètes et des embryons ainsi que des
conditions et milieux de culture, permettent aujourd’hui d’obtenir après FIV/ICSI un nombre
important d’embryons surnuméraires viables (Michelmann and Nayudu, 2006) pouvant être
congelés. De plus, l’application de plus en plus étendue de la politique du transfert d’un seul
embryon (Papanikolaou et al., 2006 ; Zech et al., 2007 ; Guérif et al., 2009 ) dans les centres d’AMP
a pour conséquence d’augmenter de façon importante le nombre d’embryons congelés (De Sutter et
al., 2003).
Lors du processus de cryopréservation embryonnaire, la formation de cristaux de
glace intra- et extra-cellulaires peut endommager la structure et les fonctions des cellules
constituant l’embryon (Son et al., 2009). Deux principes de congélation/décongélation ont
été rapportés pour limiter cet effet sur l’embryon : (i) La congélation/décongélation dite
« lente », appliquée depuis plus de vingt ans en routine dans les laboratoires d’AMP
(Trounson et al., 1983 ; Zeilmaker et al., 1984) ; (ii) La vitrification/réchauffement des
embryons, d’application plus récente.
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Le principe de la congélation lente est une déshydratation lente et progressive de
l’embryon par l’utilisation de cryoprotecteurs à faible concentration et par l’application d’une
descente en température lente et contrôlée. Cette technique se décompose en différentes
phases comprenant l’addition lente du milieu cryoprotecteur à concentration croissante, le
refroidissement, l’induction de la cristallisation et une descente en température contrôlée de
0,3 à 0,5°C/min, puis un stockage en azote liquide. Les cryoprotecteurs utilisés
respectivement pour les embryons au stade clivé sont le 1,2 propanediol et le sucrose
(Lassalle et al., 1985 ; Testart et al., 1986). Le glycérol (Cohen et al., 1985) plus ou moins
additionné de sucrose (Menezo et al., 1992) sont utilisés pour la cryopréservation
embryonnaire au stade blastocyste. Cette méthode de congélation lente est longue, coûteuse
et requiert l’acquisition et la maintenance d’un appareil de congélation avec descente en
température programmée (Liebermann and Tucker, 2006). La congélation lente se réalise
ensuite par un passage progressif des embryons dans milieux cryoprotecteurs à concentration
croissante afin de favoriser la réhydratation lente embryonnaire. Les premiers enfants nés
après congélation/décongélation lente embryonnaire ont été rapportés en 1984 par
Zeilmaker et al. Depuis, cette méthode a été appliquée de façon extensive dans les
laboratoires d’AMP à travers le monde pour la congélation des embryons humains obtenus
en FIV/ICSI au stade clivé ou blastocyste. Les suivis des naissances et des enfants nés après
transfert intra-utérin d’embryon(s) congelé(s)/décongelé(s) montrent qu’ils sont en bonne
santé et une absence d’augmentation de malformations néonatales, comparé à la population
générale (Wennerholm, 2000 ;Wennerholm et al., 2009). Même si cette méthode de
congélation/décongélation permet d’optimiser le taux cumulé de grossesse évolutive
(pourcentage de grossesses évolutives après le transfert d’embryons frais + grosesses
évolutives après transfert d’embryons congelés) (Catt et al., 2003 ; Martikainen et al., 2004 ;
Terriou et al.,2006), il s’avère que le taux de grossesses évolutives par transfert intra-utérin
d’embryon congelé/décongelé est beaucoup plus faible comparé au transfert d’embryon frais
(Edgar et al., 2000 ; El-Toukhy et al., 2003 ). Une étude récente (Guerif et al., 2009)
comparant le taux cumulatif de grossesses après transfert d’un seul embryon frais puis
d’embryons congelés-décongelés (congélation/décongélation lente) au stade clivé et
blastocyste n’a pas mis en évidence de différences significatives alors qu’un pourcentage
plus important de grossesses évolutives était observé après le transfert intra-utérin d’un seul
embryon frais au stade blastocyste, comparé au stade clivé. Ces résultats suggèrent donc la
nécessité d’amélioration des protocoles de cryopréservation embryonnaire, en particulier au
stade blastocyste, pour optimiser les chances de grossesse chez ces couples. Les travaux
rapportés initialement chez l’animal (Rall and Fahy, 1985) puis chez l’Homme (Kasai and
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Mukaida, 2003 ; Youssry , 2007) plus récemment, tendent à démontrer que la vitrification est
une méthode de congélation embryonnaire innovante pouvant représenter une alternative à la
congélation lente (Liebermann et al., 2002 ; El-Danasouri and Selman, 2001 ; Vajta and
Nagy, 2006).
La méthode de congélation par vitrification permet, par l’utilisation de concentrations
importantes de cryoprotecteurs pénétrants une déshydratation embryonnaire rapide avant
l’application d’une descente en température ultra-rapide (~15 000 à 30 000°C/min) par
l’immersion du dispositif contenant le (ou les) embryon(s) dans l’azote liquide ils seront
ensuite stockés. Cette méthode permet ainsi l’induction d’un état vitreux sans formation de
cristaux de glace intra- et extra-cellulaires (Vajta and Nagy, 2006 ; Kuwayama, 2007). Une
courte durée d’exposition de l’embryon aux cryoprotecteurs pénétrants, utilisé à haute
concentration pour cette méthode (Ethylene glycol, DMSO,…), permet d’éviter leur effet
délétère potentiel sur la structure et les fonctions cellulaires (Vanderzwalmen et al., 2006).
De plus, l’addition de saccharides non pénétrants (sucrose, glucose, fructose, raffinose,…)
et/ou de macromolécules (Polyvinylpirrolidone, Ficoll,…) (Titterington et al., 1995 ; Kattera
and Chen, 2006) permet de limiter la concentration intra-cellulaire du cryoprotecteur
pénétrant et de sa toxicité éventuelle (Kasai et al., 2004 ; Guignot et al., 2006). Le protocole
de vitrification/réchauffement nécessitant un savoir faire technique, une validation préalable
de la technique par les biologistes et technicien (ne)s des laboratoires d’AMP est nécessaire
afin de maitriser les courts temps d’incubation dans les milieux contenant des cryoprotecteurs
à haute concentration (Dessolle et al., 2009). Des supports de cryopréservation
embryonnaire dits « ouverts » (Vajta et al., 1998 ; Mukaida et al., 2002 ; Son et al., 2003)
ont été développés pour favoriser la descente en température ultra-rapide par une exposition
directe de l’embryon contenu dans un faible volume de milieu cryoprotecteur avec l’azote
liquide (grilles de microscopie electronique, cryoloop, hémi-paillettes, open-pulled straw,
boucle de nylon, cryotop…). Néanmoins par l’utilisation de ces dispositifs ouverts, il existe
un risque de transmission microbiologique par contamination de l’azote liquide lors de la
congélation et/ou de la conservation (Bielanski et al., 2000). Conformément à la directive
européenne du 31 mars 2004 et sa récente mise à jour datant du 8 février 2006 (définissant
les exigences du conseil de l’union européenne en matière de qualité et de sécurité
notamment pour le, le contrôle, la conservation et le stockage des cellules humaines) des
systèmes fermés aseptiques (Kuwayama et al., 2005 ; Camus et al., 2006) ont été
développés (paillettes, cryotip,…) avec des résultats de taux de survie embryonnaire post-
décongélation et de grossesses évolutives similaires à l’utilisation de systèmes ouverts
(Kuwayama et al., 2005). La décongélation des embryons vitrifiés se réalise par
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réchauffement rapide et réhydratation par l’utilisation de solutions contenant du sucrose à
concentration décroissante. Les nombreuses études rapportées chez l’animal depuis une
vingtaine d’années (Vajta, 2009) ont montré une bonne survie des embryons réchauffés après
vitrification et l’absence d’effet tératogène avec la naissance de portées saines notamment
dans l’espèce : murine (Rall and Fahy, 1985 ; Kasai et al., 1990 ; Ali and Shelton, 1993 ;
Mochida et al., 2005 ; Graves-Herring and Boone, 2009), bovine (Saito et al., 1994 ; Saha et
al., 1996 ; Huang et al., 2007), porcine (Beebe et al., 2005 ; Berthelot et al., 2007 ; Cuello et
al., 2008), ou équine (Carnevale, 2006). Chez l’Homme, le taux de survie embryonnaire
après réchauffement est élevé (>80%) aussi bien au stade clivé qu’au stade blastocyste (Desai
et al., 2007 ; Loutradi et al., 2008 ; Selman et al., 2009 ; Son et al., 2009). Le suivi des
grossesses et des enfants nés après transfert intra-utérin d’embryon(s) vitrifié(s)/réchauffés(s)
(Wennerholm et al., 2009) ne montrent pas d’augmentation du taux d’anomalies congénitales
comparés au transfert intra-utérin d’embryons frais aussi bien au stade clivé (Desai, 2007 ;
Balaban et al., 2008 ; Raju et al., 2008 ; au total 99 enfants nés ont été rapportés dans la
littérature dans l’analyse de la littérature actuelle) qu’au stade blastocyste (Choi et al.,
2000 ; Yokota et al., 2001 ; Son et al., 2003 ; Takahashi et al., 2005 ; Hiroaka et al., 2006 ;
Mukaida et al., 2006 ; Hiraoka et al., 2007 ; Parriego et al., 2007 ; Liebermann, 2009 ; au
total 683 enfants nés ont été rapportés dans l’analyse de la littérature actuelle). Par ailleurs,
Mukaida et al., 2009, ont rapporté au congrès ESHRE d’Amsterdam, lors d’une
communication orale, leur grande expérience de vitrification des blastocystes humains de
janvier 2000 à décembre 2008. Pour les 6574 blastocystes décongelés après vitrification, le
taux de survie est de 93%, le taux de grossesse est de 49,2% avec un nombre d’embryon
transféré par cycle de 1,5. Le suivi néonatal des 458 garçons et des 451 filles issues du
transfert de ces blastocystes vitrifiés ne montre pas d’augmentation du taux d’anomalies
congénitales comparé au transfert des blastocystes frais.
Les études comparant les résultats obtenus après congélation/décongélation lente et
vitrification/réchauffement d’embryons humains tendent à montrer que les taux de survie
embryonnaire post-décongélation et de grossesses évolutives sont plus élevés après
vitrification/réchauffement des embryons aussi bien au stade clivé (Stehlik et al., 2005 ;
Rama Raju et al., 2005 ; Balaban et al., 2008 ; Loutradi et al., 2008 ; Son et al., 2009) qu’au
stade blastocyste (Liebermann et al., 2006 ; Stehlik et al., 2005 ; Kuwayama et al., 2005 ;
Son et al., 2009).
En conclusion, les nombreuses données de la littérature montrent clairement que la
cryopréservation des embryons humains en AMP par la technique de vitrification est
aujourd’hui une méthode démontrée comme étant non tératogène et permettant d’augmenter
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de façon significative les taux de survie embryonnaire et les chances de grossesse, comparé à
la congélation lente. Compte-tenu de ces éléments, la technique de vitrification des embryons
humains est utilisée aujourd’hui de façon courante dans des laboratoires d’AMP à travers le
monde comme par exemple au Japon (Mukaida et al., 2003 ; Takahashi et al., 2005 ;
Kuwayama et al., 2007 ; Mukaida et al., 2009), en Belgique (Vanderzwalmen et al., 2006 ;
Van den Abbeel, 2009) ou aux Etats Unis (Liebermann, 2009).
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