Les accords de libre échange avec les pays du sud et de l`est de la

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Colloque du Réseau Intégration Nord Sud (RINOS)
Montréal, 1-3 juin 2005
Organisé conjointement avec le Centre Études Internationales et Mondialisation
(CEIM)
Université du Québec à Montréal
INTÉGRATIONS RÉGIONALES ET STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT :
Les relations Nord-Sud dans l’Euromed, les Amériques et l’Asie.
Communication au colloque RINOS Montréal 2-3 juin 2005. Intégrations régionales et
stratégies du développement
Les accords de partenariat Nord/Sud au regard de l’économie politique du
développement : comparaison des Accords de partenariat économique (APE) entre
l’Union Européenne et les ACP et des accords Euro- Méd
Philippe Hugon, Professeur Paris X Nanterre, FORUM
Résumé
Les accords de libre échange et de partenariat entre l’Union européenne et les pays au sud
se situent dans un nouveau contexte de mondialisation, de globalisation financière et de
multilatéralisme au sein de l'OMC mais également de renouveau du régionalisme et de
plurilatéralisme. Plusieurs facteurs expliquent la mise en place d’accords de partenariat et de
libre échange entre l’UE et les pays du Sud
Cette communication présente en premier lieu la remise en question des accords
préférentiels entre l'Union européenne et les pays du Sud. Elle compare ensuite les accords
de libre-échange « bilatéraux » et le partenariat Euro-Med avec les APE « régioanux » entre
l’UE et les ACP résultant de la convention de Cotonou puis met à l’épreuve les accords de
libre-échange et de partenariat Nord/Sud au regard des stratégies de l’économie politique du
développement
Les accords de libre échange et de partenariat entre l’Union européenne et les pays au sud
se situent dans un nouveau contexte de mondialisation, de globalisation financière et de
multilatéralisme au sein de l'OMC mais également de renouveau du régionalisme et de
plurilatéralisme. L’OMC adopte pour principe les accords de réciprocité peu compatible avec
les anciens accords régionaux (article XXIV). L’UE a aligné ses pratiques et son langage sur
les institutions de Bretton Woods et elle a largement abandonné ses traditions en termes de
droit au développement, de compensation des asymétries, des aides sans conditionnalités et
des mécanismes stabilisateurs. Elle est devenu le centre d’un vaste réseau d’accords de libre
échange bilatéraux avec les PECO, les PSEM et les ACP. Le plurilatéralisme est caractérisé
par un pluri partenariat dans les relations libre échangistes ; il apparaît comme l’avant garde
du libre échange en conduisant à des réciprocités plus libérales que les concessions obtenues
au sein de l’OMC (Regnault 2003b).
Plusieurs facteurs expliquent la mise en place d’accords de partenariat et de libre échange
entre l’UE et les pays du Sud :
1. Les PSEM et les ACP ont bénéficié du libre accès sur le marché communautaire pour
leurs produits manufacturés avec peu de progrès significatifs et un bilan mitigé du fait de la
faible diversification et de la sous industrialisation de nombreux PSEM et ACP. Les
préférences douanières (sauf pour le protocole sucre à Maurice ou le protocole viande au
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Botswana) et les régimes d'admission temporaire (sauf pour la confection au Maroc et en
Tunisie) ont rarement, à la différence des " maquiladores " le long de la frontière mexicaine,
entraîné une diversification des produits manufacturés (Catin, 1997).
2. Les PSEM et les ACP sous ajustement ont certes réalisé, dans l'ensemble, des
stabilisations macro économiques et financières réussies. En revanche, les alliances entre le
pouvoir politique, les bourgeoisies locales (liées au commerce) ont conduit à des
transformations structurelles limitées voire à des mesures en trompe l'œil et à un maintien
d'économies de rente surtout dans les pays disposant de rentes naturelles (Algérie, Angola ;
Égypte, Nigeria, Syrie). Il en est résulté à la fois une faible croissance économique et une
attractivité limitée des capitaux du fait notamment de la faiblesse des IDE de complémentarité
liées aux échanges intra industriels (Michalet 2005). Les PSEM avec 5,9 milliards $ soit
0,9% du total mondial en 2002 et les ACP (1%) sont peu attractifs des IDE. Ils représentent
5,7% des importations de l’UE et 8,2% de ses exportations totales, avec peu de montée en
gamme des produits exportés et 6% pour chacune des zones des stocks dIDE européens mais
moins de 1,5% des flux d’IDE européens en 2002 (Eurostat).
3. Les PSEM et les ACP sont peu intégrés gionalement. De nombreux facteurs
explicatifs peuvent être donnés de cette faible intégration, tels les conflits, le poids des
économies de rentes, les rivalités nationales ou la faiblesse et les disparités des niveaux de
développement. Le commerce intra- PSEM représente 0,6% des importations et 1,5% des
exportations totales et le commerce intra ACP-africains moins de 5% du commerce total. Les
zones peu intégrées de manière progressive à l’économie mondiale sont également peu
intégrées régionalement.
4. L'Europe redéfinit ses espaces de proximité depuis la chute du mur de Berlin et
l'élargissement de l'Europe. L'essentiel du redéploiement de l'Union européenne s'est fait vers
les PECO. Faut il rappeler que le revenu par tête est dans les dix nouveaux entrants à l’UE
deux fois supérieurs à ceux des PSEM et des ACP et que les fonds structurels européens sont
par habitant et par an de 545 euros pour ces dix pays européens contre 10 euros du FED pour
les ACP et 14 euros d’aide de MEDA pour les PSEM ? On observe des intérêts divergents
entre les pays d'Europe du Sud, orientés vers la Méditerranée, et les pays de l'Europe du nord
et du centre orienté vers les PECO. Les pays du Sud de l'Europe sont également les plus
concernés et les plus concurrencés par les PSEM et par les ACP notamment pour les produits
agricoles. De nombreux pays européens voudraient normaliser leurs relations avec les
anciennes colonies et, au nom de cette normalisation, s'orienter vers les nouveaux marchés
porteurs ou éventuellement privilégier les seuls pays les plus pauvres (cf « Tout sauf les
armes » pour les PMA. On peut parler d’une division cognitive du travail (Moatti, Mouhoud
1994) vis-à-vis de laquelle les PSEM et les ACP sont largement exclus.
5. On observe enfin un renouveau du régionalisme sous ses différentes formes aussi bien en
Asie de l'Est (ASEAN, AFTA, régionalisme réticulaire des firmes et de la diaspora chinoise)
qu'en Amérique (ALENA, MERCOSUR) ou en Afrique (UEMOA, SADC…). Ce nouveau
régionalisme ouvert s'inscrit dans un contexte de mondialisation et est en phase avec celui-ci.
Il privilégie les relations Nord/Sud et les accords institutionnels devant favoriser des transferts
de crédibilité et permettant l’attractivité des capitaux. Il met également en relief les
dimensions politiques et géographiques de l’intégration en raisonnant en concurrence
imparfaite, en privilégiant les effets d’agglomération (Hugon 1997, 2003).
Il y a plusieurs similitudes entre les pays méditerranéens et les pays ACP. La taille de
leurs marchés est relativement réduite et, par conséquent, les exportations sur des produits
valorisés sont un facteur clé de la croissance économique et du développement. Le commerce
des pays méditerranéens comme celui des pays ACP a une forte dépendance vis-à-vis du
marché européen et les flux d'échanges intra régionaux sont limités.
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Cette communication présente en premier lieu la remise en question des accords
préférentiels entre l'Union européenne et les pays du Sud. Elle compare ensuite les accords
de libre-échange « bilatéraux » et le partenariat Euro-Med avec les APE « régionaux » entre
l’UE et les ACP résultant de la convention de Cotonou puis met à l’épreuve les accords de
libre-échange et de partenariat Nord/Sud au regard des stratégies de développement et de
l’économie politique internationale
I/ La remise en question des accords préférentiels européen et le nouveau régionalisme
Nord/Sud
1.1 L'alignement sur les règles de l'OMC
Les négociations multilatérales au sein de l'OMC ont érodé et éroderont
progressivement les préférences accordées aux pays en développement. La libéralisation
progressive du commerce à l'échelle mondiale conduit à une plus grande intégration dans
l'économie mondiale et limite le traitement spécial et différencié des pays en développement.
L’actuelle dérogation de l'OMC concernant les préférences accordées aux ACP prendra fin en
2008.
L’intégration de la Chine dans l’OMC et la concurrence de l’Inde s’accompagnant
dans le domaine du textile de la suppression en 2005 de l’ATV faisant suite à l’AMF a changé
la donne et menace les industries du Maroc, de la Tunisie , de l’Egypte ou de la Turquie ou
des pays ACP tels Maurice dont les coûts de production sont supérieurs alors que l’Europe
est le premier importateur de ces produits.
Les principes de base régissant le système commercial international sont : a) le
principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination (visant à garantir des conditions
commerciales loyales ou clause de la nation la plus favorisée (NPF)( Chaque membre de
l’OMC doit accorder à tout autre Etat membre, un traitement aussi favorable que celui qu’il
accorde aux produits de tout autre pays) et traitement national (Chaque membre de l’OMC
doit accorder aux produits d’un autre membre un traitement aussi favorable que celui qu’il
accorde aux produits d’origine nationale) ; b) la transparence (Ce principe est assuré par
l’obligation entre autres pour chaque État membre de publier leurs régulations commerciales,
et de notifier à l’OMC toutes nouvelles barrières potentielles au commerce).
L'OMC a intégles produits agricoles et les services dans la libéralisation tout en
acceptant l'exception culturelle. Avec l'OMC, la négociation devient permanente. Les débats
sur les normes environnementales ou sociales deviennent stratégiques. Les traitements
préférentiels ne peuvent être accordés qu’à des pays ayant les mêmes niveaux de
développement (ex PMA). Le principe de la non réciprocité et du traitement différencié qui
prend en compte les asymétries est devenu peu conforme avec l'OMC, même si la clause
d’habilitation permet un traitement différencié sans réciprocité. Il y a débat sur les critères
d’éligibilité au traitement différencié et sur les périodes de transition qui suppose une
dérogation vis à vis de l'article XXV,5 et IX de l'OMC. Il rendrait nécessaire une négociation
annuelle qui rendrait peu crédible les politiques commerciales et réduirait la prévisibilité.
Les APE et les accords Euro-Med doivent être compatibles avec les règles de l’OMC
et notamment avec le cycle de Doha or ce cadre évolue selon des calendriers qui de plus
diffèrent. Les négociations des APE intègrent celles menées à l’OMC notamment dans le
cadre du cycle de Doha et les avancées et échecs (cf. Cancun en septembre 2003). Elles ne
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prennent en compte en revanche que certains sujets. Ainsi les sujets dits de Singapour ne
seront pas abordés dans les APE entre l’UE et la CEDEAO+ Mauritanie (Investissements,
facilitation des échanges, concurrence, marchés publics).
1. 2 L'érosion des préférences européennes et l'évolution des relations de l'Europe avec les
pays du Sud
Ces transformations de l'environnement international ont évidemment d'importants
effets sur les relations entre l'Europe et les Suds. Il y a érosion des préférences et transition
pour "affronter les vents implacables de la compétition mondiale sur tous les marchés "
(Stevens 1997 p 18). On notait une pyramide des préférences communautaires permettant de
différencier les États ACP liés aux accords de Lomé, les PMA (pays du pacte andin moins le
Venezuela et pour l'agriculture les pays d'Amérique centrale) caractérisés par un super SPG,
les pays de la rive méditerranéenne ls par des accords d'association, de libre échange ou
d'union douanière et les autres pays en développement d'Asie et d'Amérique latine faisant
l'objet d'un système de préférences généralisées. L'érosion des préférences a correspondu
historiquement à des flux commerciaux paradoxalement inverses à la pyramide des privilèges.
Les pays ACP, qui disposent des plus fortes préférences, ne représentent que 4% des
importations européennes alors que les pays méditerranéens en représentent 5% (1990).
Les Conventions successives de Lomé de 1975 à 2000 et en partie les accords avec les
PSEM étaient élaborées selon 6 principes principaux : les préférences commerciales prenant
en compte les asymétries entre pays, des mécanismes compensateurs des instabilités des
recettes d’exportation des PVD, le partenariat égalitaire, la coopération paritaire
(administration conjointe et dialogue), la combinaison d’aide, de commerce et de politique et
la vision à long terme. L’UE a depuis adopté le principe des accords de libre échange fondée
sur la réciprocité. L'UE mène ses relations commerciales externes en suivant deux voies
parallèles : la voie multilatérale dans l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) elle
parle d’une seule voix et la voie bilatérale grâce aux accords de libre échange (ALE) avec
certains pays individuels et groupes de pays (cf. Tableau 1).
Tableau 1: Evolutions des relations commerciales de l'UE (1993-2008)
1993
Accords d'association avec les pays de l'Europe centrale et de l'Est (PECE)
1995
Accord-cadre de coopération interrégionale avec le Mercosur
Lancement du partenariat euro-méditerranéen (Bercelone)
1999
Accord de libre échange (ALE) signé avec le Mexique
Accords de partenariat et de coopération (APC) avec la Russie, l'Ukraine et la
République de Moldova.
2000
Lancement des négociations ALE avec le Mercosur
ALE signé avec l'Afrique du Sud
2001
Initiative « Tout sauf les armes » approuvée
Lancement du cycle de Doha sur le développement
2002
Décision d'accepter 10 nouveaux pays dans l'UE en 2004
Décision d'accepter 2 nouveaux pays dans l'UE en 2007
Décision de lancer éventuellement les négociations d'adhésion avec la Turquie en
2004.
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2003 L’UE lance une nouvelle politique d'intégration des pays d'Europe de l'Est et de la
Méditerranée du Sud
Les ministres de l'agriculture de l'UE décident une réforme de la PAC
Réunion ministérielle de l'OMC à Cancún (septembre)
2004 Le système généralisé de préférences (SGP) expire
2005 Fin du cycle de Doha (?)
2007 Négociations sur les accords de partenariat économique à finaliser
2008 Expiration de la dérogation de l'OMC en ce qui concerne les préférences commerciales pour les
pays ACP
Début des accords de partenariat économique (2008-2020)
Source : Overseas Développement Institute, Londres
II/Les accords de libre-échange et de partenariat entre l’Union Européenne et les pays
du Sud
L’UE a mis en place des accords de partenariat qui ont plus de portée que les accords
de libre échange. Ils créent des cadres institutionnels, par exemple, des assemblées
parlementaires communes et des structures de dialogue, visant à développer une
responsabilité politique réciproque. L'UE se préoccupe de plus en plus des questions non
économiques, comme les droits de l'homme, la démocratie, une bonne gestion des affaires
publiques, l’Etat de droit et la relation entre l'aide économique et la réforme politique. L'UE
exigera de plus en plus que le « dialogue » dans les APE et les PSEM englobe ces problèmes
politiques.
La nouvelle approche est fondée sur « l'extension des marchés » en rattachant la
libéralisation commerciale à l'intégration économique régionale. En « régionalisant » leurs
marchés, les pays peuvent étendre leur marché et attirer ainsi les investissements directs
étrangers (IDE), qui sont aujourd'hui l’élément moteur du commerce. L'expérience montre
que l'extension des marchés entraîne une hausse des exportations des pays en développement
plus forte que la libéralisation commerciale traditionnelle. En échange de l'adoption de
politiques appropriées pour l'extension des marchés, l'UE offre un accès à son vaste marché
interne. De plus, elle est prête à offrir un volume important d'aide financière et d'assistance
technique en matière commerciale, pour soutenir les coûts d'adaptation que les pays
supportent pour réformer leurs politiques.
Le mandat de négociation de la Commission comprend la libéralisation des biens et
des services, la libéralisation des mouvements de capitaux, les domaines apparentés au
commerce que sont la concurrence et la protection des droits de propriété intellectuelle, ainsi
que les investissements, les marchés publics et les barrières techniques au commerce, comme
les normes et réglementations techniques. Les accords dans le cadre d’Euro Med sont
bilatéraux avec chaque pays alors que les APE avec les ACP sont régionaux.
2. 1 Les Accords bilatéraux de libre échange dans le cadre du projet Euro-Med
Le projet d'Euro-Med de Barcelone (nov. 1995) entre l'UE et onze PSEM (Algérie,
Chypre, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Syrie, Tunisie, Territoires palestiniens
autonomes de Gaza et de Cisjordanie) tenait à une « conjonction astrale » (Guerrato) fondant
un projet de co -prospérité ou de prospérité partagée entre les pays du sud et de l’est de la
méditerranée et l’union européenne. Il contenait trois volets politique de Sécurité, Social,
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