PARLEMENT EUROPÉEN 2009 - 2014 Document de séance 26.1.2011 B7-0080/2011 PROPOSITION DE RÉSOLUTION déposée à la suite de déclarations du Conseil et de la Commission conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement sur la situation en Tunisie Marie-Christine Vergiat, Jacky Hénin, Patrick Le Hyaric, Willy Meyer, Ilda Figueiredo, Rui Tavares, Gabriele Zimmer, Eva-Britt Svensson, Elie Hoarau au nom du groupe GUE/NGL RE\854982FR.doc FR PE455.909v01-00 Unie dans la diversité FR B7-0080/2011 Résolution du Parlement européen sur la situation en Tunisie Le Parlement européen, – vu la déclaration du Président du Parlement européen sur la situation en Tunisie le 17 janvier 2011, – vu l'accord d'association euro-méditerranéen entre l'Union européenne et la Tunisie entré en vigueur le 1er mars 1998, – vu la communication de la Commission sur la politique européenne de voisinage du 12 mai 2004 et le plan d'action UE-Tunisie entré en vigueur le 4 juillet 2005, – vu sa résolution du 14 mai 2010 sur la politique de l'Union européenne en faveur des défenseurs des droits de l'homme, – vu ses précédentes résolutions sur la situation des droits de l'homme en Tunisie, – vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement, A. considérant qu’il s’agit d’un soulèvement du peuple tunisien, exaspéré par l’absence de liberté, de justice sociale et de démocratie comme par les manifestations d’une corruption d’un niveau inégalé au bénéfice d’un clan familial et politique, B. considérant que, selon le plan d’action UE-Tunisie dans le cadre de la politique européenne de voisinage, "la Tunisie s’est engagée auprès de l’UE à renforcer la démocratie et le pluralisme politique par l'accroissement de la participation à la vie politique et l'adhésion à l'ensemble des droits de l'homme et libertés fondamentales", C. considérant que les autorités tunisiennes n'ont tenu aucun des engagements en matière de démocratie et de droits de l'Homme, ainsi qu'en matière de justice sociale; considérant que l’UE a trop rarement et très faiblement rappelé le gouvernement tunisien à ses obligations dans le cadre de l'accord entre l'UE et la Tunisie; considérant l'ouverture de négociations pour l'octroi du statut avancé à la Tunisie par l'Union européenne malgré les dénonciations régulières par des ONG tunisiennes et internationales des violations graves des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'ancien régime tunisien et la dégradation considérable et continue de la situation démocratique et sociale en Tunisie depuis de nombreuses années et en particulier depuis la dernière élection présidentielle, D. considérant que l’immolation par le feu d’un jeune "diplômé-chômeur", M. Mohamed Bouazizi, a été le facteur déclenchant de la révolution tunisienne, E. considérant que la réponse répressive du gouvernement face aux mobilisations populaires ayant conduit aux heurts sanglant des 8 et 9 janvier, ayant fait des dizaines de morts, en particulier dans la ville de Kasserine, et ayant débouché sur l'instauration de l'état d'urgence le 14 janvier, n’a pas empêché une mobilisation accrue des forces progressistes PE455.909v01-00 FR 2/5 RE\854982FR.doc en faveur de l'établissement d'un État de droit, F. considérant que le chiffre des morts évolue entre 78, selon la version gouvernementale, et plus d’une centaine, selon les ONG et l'ONU, et considérant que le nombre de blessés reste indéterminé, G. considérant la libération de plusieurs prisonniers d'opinion par le gouvernement de transition, H. considérant que la mobilisation ne faiblit pas et continue de demander la démission du gouvernement de transition notamment à cause de l’appartenance au RDC, jusqu’à une date récente, du Président de la République par intérim, du Premier ministre et de plusieurs ministres nommés aux fonctions les plus importantes, I. considérant que les différentes politiques d'ajustement structurelles imposées par le FMI et les organisations internationales depuis des décennies jouent un rôle considérable dans les problèmes sociaux et économiques qui ont conduit au soulèvement populaire actuel, J. considérant que la France a, jusqu'à la dernière minute, soutenu le régime dictatorial de Ben Ali y compris en proposant son aide dans la répression de la mobilisation populaire, K. considérant que l’Union européenne, et notamment certains États membres qui ont, pendant des décennies, soutenu le régime de Zine El Abidine Ben Ali ont une responsabilité particulière face à la crise actuelle, 1. salue la détermination du peuple tunisien à recouvrer sa liberté et à mettre fin au régime instauré par l'ancien président Zine El Abidine Ben Ali; exprime sa solidarité avec tous les progressistes tunisiens qui luttent contre ce régime depuis ses débuts; souligne le fait que la révolte actuelle en Tunisie constitue un espoir pour tous les pays du Maghreb et audelà; 2. exprime son souhait de voir s'instaurer un véritable État de droit en Tunisie; 3. souhaite par conséquent la tenue d’élections législatives et présidentielles, libres, sincères et transparentes, dans un délai raisonnable; 4. condamne la violence d'État, l'instrumentalisation et la confiscation du pouvoir et des institutions au profit d'une oligarchie dont a fait preuve le régime de Zine El Abidine Ben Ali; 5. souligne la nécessité, si le peuple tunisien en fait la demande, d'accorder un soutien financier nécessaire non seulement aux réformes entreprises mais aussi pour répondre aux besoins économiques et sociaux de la population tunisienne; 6. demande la mise en place d’une commission d’enquête, indépendante et impartiale, chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme commises, y compris les cas d’exécutions extrajudiciaires et d'arrestations arbitraires, l’identification des responsables et leur traduction, le cas échéant, en justice, avec octroi de réparations aux victimes et/ou à leurs familles; demande également que la lumière soit faite sur la responsabilité de pays RE\854982FR.doc 3/5 PE455.909v01-00 FR tiers dans le soutien et les complicités au régime de Zine El Abidine Ben Ali; 7. note avec satisfaction l'annonce de la création de trois commissions concernant le déroulement des événements, la corruption et la réforme des institutions et des lois, commissions qui doivent être composées de personnalités indépendantes issues de la société civile et reconnues par tous; souligne le fait que celles-ci doivent pouvoir agir en toute indépendance; 8. demande à la communauté internationale de prendre toutes les mesures nécessaires pour identifier et geler les biens provenant de la corruption en Tunisie; 9. demande la libération immédiate de tous les manifestants arrêtés lors des évènements, la libération de tous les prisonniers d’opinion et demande qu'il soit mis un terme sans délai aux procédures pouvant encore exister contre les opposants politiques; 10. soutient le peuple tunisien dans sa demande de rétablissement de la liberté d’association en mettant un terme aux régimes d’autorisation préalable des partis politiques, des associations et des syndicats et en cessant d’interférer dans leur fonctionnement; 11. souligne des avancées en terme de rétablissement de la liberté de la presse et de la communication; 12. apporte de la même façon son appui à la volonté populaire de mettre un terme effectif aux liens entre l’appareil d’État et le RCD, ce qui signifie la fin de la mise à disposition de fonctionnaires au bénéfice de ce parti et la restitution des biens immobiliers appartenant à la puissance publique mais attribués au RCD; 13. soutient le peuple tunisien dans sa volonté d'avoir un nouveau gouvernement de transition qui ait la confiance de la population, ce qui implique nécessairement l’exclusion, notamment des ministères régaliens, des personnalités les plus engagées avec l’ancien régime; 14. demande l'abrogation immédiate des lois liberticides, en particulier la loi sur le contrôle de la presse et l'amendement à l'article 61bis de la loi pénale tunisienne; 15. soutien le peuple tunisien dans sa demande légitime de résorber le chômage et de réduire la pauvreté et de répondre aux attentes économiques et sociales de la population; 16. condamne le soutien que l’Union européenne, et notamment certains États membres ont apporté pendant des décennies au régime de Zine El Abidine Ben Ali; 17. dénonce plus particulièrement la France pour ses ingérences tant économiques que politiques vis à vis de la Tunisie; souligne la complaisance et la complicité dont l'ancien régime tunisien a bénéficié de la part des grandes puissances occidentales et de l'Union européenne sous prétexte de "rempart contre l'islamisme"; souligne que le mouvement actuel est profondément populaire et avant tout laïc, social et démocratique; 18. s'oppose par conséquent fermement à toute tentative d’ingérence extérieure dans les affaires de la Tunisie et à toute tentative de déstabilisation du processus démocratique en PE455.909v01-00 FR 4/5 RE\854982FR.doc cours; 19. demande à l'Union européenne de développer un réel partenariat d'intérêt mutuel pour le développement dans toutes ses dimensions, pour des coopérations favorisant l'emploi, la qualification, la formation en lieu et place des accords dits d'associations reposant prioritairement sur la constitution de zones de libre-échange conçues pour l'intérêt des multinationales et du capital privé par l'exploitation d'une main d'œuvre sans droits sociaux véritables; 20. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, aux gouvernements et aux Parlements des États membres ainsi qu'au gouvernement et au parlement tunisiens. RE\854982FR.doc 5/5 PE455.909v01-00 FR