DOSSIER DOCUMENTAIRE Source : http://www.tunipages.com/actualites/2011 Date / Réf : 05/10/2011 L’Expansion (05-10-2011) Tunisie : l’an I de la reconstruction C’est au pas de course que Mongia Amara traverse le parking bondé du siège flambant neuf de l’Utica, l’organisation patronale tunisienne, au coeur du quartier des affaires de Tunis. La conférence sur la reconstruction du pays a déjà commencé. Et cette quadra, toute de Burberry vêtue, ne manquerait la réunion pour rien au monde. Tout comme les 400 autres patrons venus, à quelques semaines de l’élection de l’Assemblée constituante, prévue le 23 octobre, affûter leurs revendications pour faire redécoller, dans la transparence cette fois, l’économie du pays. Tunisie : l'an I de la reconstruction Dans l’auditorium, les revendications fusent en toute liberté : « Il faut que le pouvoir économique reprenne la main », dit l’un. « Le business doit être indépendant du politique », dit l’autre. « Au profit des Tunisiens et non d’un clan mafieux comme les Trabelsi », la famille de la deuxième femme de Ben Ali, poursuit un troisième. « La révolution du 14 janvier a définitivement libéré la parole, on ne va pas se faire prier pour la prendre », sourit cette chef d’une entreprise de conditionnement de dattes. « Nous avions, en Tunisie, 10 millions de commentateurs sportifs sous l’ère Ben Ali, parce que c’était le seul sujet de discussion possible. Aujourd’hui, ce sont 10 millions d’experts politiques », s’amuse Adel Ayed, directeur général du Groupe Monoprix en Tunisie. Une économie anémiée par la corruption et les passe-droits Pour l’heure, le succès de la « révolution de jasmin » ne se mesure qu’au seul départ de Ben Ali et à l’amorce d’un renouvellement de la classe politique. Pour le reste, tout est à rebâtir. Derrière la vitrine dans laquelle clignotent des indicateurs à faire pâlir de jalousie tous les pays membres de la zone euro (déficit public à 1,5 % du PIB, dette publique à 35 %), l’économie est anémique. La corruption généralisée et le clientélisme ont asphyxié le pays. « Les passe-droits étaient la règle et les patrons n’avaient pas d’autre choix que de se prêter au jeu, sous peine de tout perdre », explique Slim Ben Ammar, président du Centre des jeunes dirigeants de Tunisie. « La famille Ben Ali a commencé à s’intéresser à nos sept hôtels, une affaire que mon père avait bâtie avec acharnement. J’ai refusé le racket. J’ai dû les céder l’un après l’autre sous le poids des contrôles fiscaux à répétition… », raconte Khaled Fourati, hôtelier. Amor Debussy, créateur d’un site de tourisme de santé, confirme : « Les banques ont largement contribué à l’immobilisme en servant le pouvoir de Ben Ali. » Au total, ces pratiques mafieuses auraient coûté de 2 à 3 points de PIB par an depuis plus d’une décennie, avertissait déjà la Banque mondiale en 2004 dans un rapport alarmant. « Par peur de susciter les convoitises, bon nombre d’entreprises ont renoncé à se développer », déplore Abdelaziz Darghouth, patron d’une fabrique de linge de maison. Mongia Amara a dû, elle aussi, raser les murs et batailler avec une entreprise concurrente très proche du clan Trabelsi. « Du jour au lendemain, j’ai perdu tous les marchés publics et les ambassades. » Radhi Meddeb, président de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) et PDG de Comete Engineering, a eu, lui, plus de chance en allant chercher ces dernières années la prospérité audelà des frontières. « Sinon, impossible de croître sur le marché tunisien depuis 1995. »