Coordination et subordination en chinois contemporain

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Connexion et dépendance : le cas du chinois contemporain
LU Peng
East China Normal University
Dans cette communication, nous nous intéresserons aux genres de phrases complexes
en chinois contemporain illustrés par les exemples (1) et (2).
(1) án Lǐ Sì zuìjìn hdànshì háishì bù bien que Li Si récemment très occupé mais
Zhang San encore Neg vouloir
zhǎáng.
chercher autre-personne aider
'Bien que Li Si soit très occupé ces derniers temps, Zhang San ne veut toujours pas
s'adresser à quelqu'un d'autre pour l'aider.'
(2) Lǐ Sì zuìjìn hdànshì háishì bù k
Li Si récemment très occupé mais Zhang San encore Neg vouloir
zhǎáng.
chercher autre-personne aider
'Li Si est très occupé ces derniers temps, mais Zhang San ne veut toujours pas s'adresser
à quelqu'un d'autre pour l'aider.'
Trois types d’éléments connectifs figurent dans (1) : un subordonnant án ‘bien que’
dans la première proposition, une "co-jonction"
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dànshì 'mais' se trouvant exclusivement en
position initiale de la seconde proposition et un adverbe corrélateur háishì 'encore' qui figure
en position pré-verbale, à droite du sujet de la seconde proposition. Dans (2), les éléments
connectifs dans la seconde proposition sont identiques à ceux de (1), mais la première
proposition ne comporte pas d'élément connectif.
Dans la première partie, nous comparerons les comportements de ces deux types de
phrases complexes. Les trois tests suivants seront appliqués pour montrer qu'il est possible de
distinguer les degrés de dépendance entre ces deux types de connexion selon que la première
proposition comporte ou non un subordonnant.
A. Effacement de la première occurrence des sujets coréférentiels
B. Enchâssement de la phrase complexe comme complétive
C. Interrogation à l'aide de shi-bu-shi? 'est-il vrai que…?'
Les principales différences entre les phrases du type 1 (en présence du subordonnant)
et celles du type 2 (en l'absence du subordonnant) sont résumées dans le tableau suivant.
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À l'instar de Rebuschi (2001), nous nommons les éléments connectifs figurant exclusivement en position
initiale de la seconde proposition "co-jonction". Néanmoins, les "co-jonctions" chinoises ne ressemblent pas en
tout point aux "co-jonctions" en français décrites par Rebuschi. Nous discuterons de leurs propriétés syntaxiques
et leur rôle dans la phrase complexe dans la seconde partie de cette communication.
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type 1 (avec subordonnant)
type 2 (sans subordonnant)
Absence du sujet dans la
première proposition
lorsque les sujets sont
coréférentiels
OUI
La première proposition peut se
férer au sujet de la seconde,
même si elle est positionnée
devant cette dernière.
NON
Seule une relation coréférentielle
anaphorique est admise entre les
sujets de deux propositions.
Enchâssement à Marie
dit que
OUI
L'ensemble des 2 propositions est
enchâssé.
NON
Seule la première proposition est
dans la portée de Marie dit que.
Interrogation par shi-bu-
shi 'est-il vrai que…?'
OUI
L'ensemble des deux propositions
entre dans la portée de
l'interrogation (i.e. il est possible
de questionner sur la relation
établie entre les deux
propositions).
NON
L'interrogation n'est pas toujours
possible et est parfois peu naturelle,
car il est impossible de déterminer la
portée de shi-bu-shi, ce qui rend
difficile l'interprétation de la phrase.
Lorsqu'une co-jonction et/ou un adverbe corrélateur figure(nt) dans la seconde
proposition, en cooccurrence avec un subordonnant dans la proposition antécédente, celle-ci
manifeste une dépendance importante vis-à-vis de la seconde proposition. D'abord, elle peut
se passer de sujet en se référant à celui de la seconde proposition. Ensuite, l'ensemble des
deux propositions constitue une seule unité syntaxique et discursive qui peut être enchâssée et
questionnée.
En revanche, lorsque seul(e)(s) une co-jonction et/ou un adverbe corrélateur figure(nt)
dans la seconde proposition en l'absence d'élément connectif dans la proposition antécédente,
la relation entre les deux propositions est relativement "lâche", c'est pourquoi les phrases du
second type répondent négativement aux tests d'enchâssement et d'interrogation.
Comme l'indique Rebuschi (2001), la distinction "absolue" entre subordination et
coordination est contestable. Par ailleurs, nous admettons l'idée défendue dans Rebuschi
(ibid. : 27), selon laquelle "il y a d'incontestables indices de co-dépendance dans les structures
généralement considérées comme coordonnant de manière galitaire" des sous-structures du
même type." D'une manière encore plus générale, à partir du moment où il y a une jonction, il
existe forcément une dépendance réciproque entre les deux propositions jointes, quel que soit
le type de connexion opérée. Néanmoins, les différences observées entre les phrases
complexes du type (1) et du type (2) nous indiquent qu'il est tout de même possible de
distinguer différents degrés de dépendance entre les propositions jointes. Nous pouvons
analyser les différences résumées dans le tableau ci-dessus de la façon suivante. D'un côté,
dans le premier type de connexion, la dépendance entre les deux propositions est
asymétrique : la première proposition manifeste une plus grande dépendance à l'égard de la
seconde proposition. De l'autre, il existe plutôt une sorte de"co-dépendance" symétrique entre
deux propositions jointes en l'absence d'un subordonnant. De plus, la dépendance de la
première proposition vis-à-vis de la seconde dans les phrases du type (1) est d'un degré plus
élevé que la "co-dépendance" entre les deux propositions "co-jointes" et "co-dépendantes"
des phrases du type (2).
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Pourrions-nous ainsi amener ces différences à la distinction entre la subordination et la
coordination ? Quel serait le statut syntaxique des "co-jonctions" qui peuvent apparaître à la
fois dans les connexions du type 1 et du type 2 ? Nous chercherons à apporter des réponses à
ces questions dans la partie 2 de cette communication.
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