pp. 17, 19), ceux qui s’appuient sur Dt 22.5 pour interdire aux femmes de porter des pantalons, relèguent-ils
allègrement les autres impératifs du même chapitre (parapet autour du toit, pas deux sortes de semences ou
de fil dans les tissus, ne pas couper les coins de la barbe, mettre des franges aux quatre coins de son habit)
parmi les particularités culturelles du temps ? Pourquoi certains de ceux qui exigent, selon 1 Co 11, que la
femme soit voilée dans les assemblées ne sont-ils guère pressés de les autoriser à prier et à prophétiser
comme le fait l’apôtre dans ce chapitre ? Voilà une exégèse sélective où la tradition commande
l’herméneutique. Or, chacun de nous a son “ point aveugle ” dans son œil spirituel qui l’empêche de voir ce
qui, dans son système de pensée, est inspiré par des préjugés ou des présupposés, et non par une exégèse sé-
rieuse.
A force de lire la Bible à travers certaines lunettes, on n’arrive plus à faire différencier le message de
la Parole de notre propre interprétation de ce message. Ainsi le calviniste convaincu trouvera à chaque page
confirmation de la doctrine de l’élection, alors que l’arminien relèvera partout les passages affirmant la liber-
té de l’homme. Le dispensationaliste rangera tous les passages prophétiques dans l’une ou l’autre case future
du système Scofield alors que l’amillénariste appliquera ces mêmes passages au temps actuel. La plupart,
d’ailleurs, adopteront l’une ou l’autre interprétation sans savoir s’ils sont dispensationalistes ou amilléna-
ristes. L’herméneutique inconsciente est souvent plus impérative et plus intraitable qu’une option consciente
dont on connaît les faiblesses et les limites. Du moment que nous sommes tous des interprètes, mieux vaut
interpréter correctement, c’est-à-dire suivant des règles éprouvées.
b) Difficultés inhérentes à la nature de l’Écriture
La seconde raison d’être de l’interprétation tient à la nature de l’Écriture. Plongez-vous dans une chro-
nique du temps de Louis XIII ou de la Révolution française, et vous aurez d’emblée la notion très nette de la
“ distance historique ” qui vous sépare de cette époque de notre histoire. Or, pour la Bible, c’est par dizaines
qu’il faut multiplier ces distances pour nous resituer au temps de la rédaction des premiers ou des derniers
écrits. Son actualité étonnante ne doit pas nous faire illusion : 20 à 35 siècles nous séparent de ses auteurs et
de la civilisation où elle est née autres pays, autres mœurs, autre langage ; tout nous dépayse.
Imaginez que des archéologues de l’an 4000 ou 5000 ap. J.-C. trouvent un journal contemporain.
Comment pourraient-ils comprendre une phrase telle que nous pouvons en lire tous les jours : “ Les délégués
des différents syndicats ont fait le tour de l’assiette de leurs revendications ”. Sans un travail approfondi
d’interprétation, le sens de cette affirmation leur échapperait certainement. Il leur faudrait ressusciter tout le
cadre contemporain : Qu’est-ce qu’un syndicat ? un délégué ? pourquoi différents syndicats ? Quel est le
sens spécial du mot “ assiette ” dans ce cas ? Que signifie “ faire le tour ” d’une question ? Vous voyez d’ici
tous les faux sens qu’une telle phrase pourrait suggérer à des gens qui voudraient se dispenser d’un tel travail
; par exemple : des prêtres d’une secte ésotérique dansant autour d’une assiette dans laquelle ils ont déposé
leurs offrandes... Ou bien pensons à ce que l’on comprendrait dans un siècle dans la phrase citée par S. Ro-
merowsky : “ Le Quai d’Orsay a envoyé un émissaire dans les États du Golfe ” (Lien fraternel, 11.87). Cet
exemple nous montre que le sens de certains mots ou de certaines expressions ne peut être connu que par le
contexte culturel - sans penser aux équivoques engendrés par les différents sens d’un même mot. Comme ce
frère qui lisait dans sa version : “ la reine de Saba vint à Jérusalem avec une grande pompe ” (1 Ro 10.2) et
qui fut édifié par l’à propos de ce cadeau, puisqu’il est dit par ailleurs que Salomon avait de grands jardins (à
arroser) ! La déduction qu’un enfant pourrait tirer de la version Darby de ce même verset ne serait guère plus
juste, puisqu’il y est dit qu’elle “ vint à Jérusalem avec un fort grand train ”.
Les difficultés sont d’ordre historique (allusions à des nations et des civilisations disparues), géogra-
phique (pays, climats, détails topographiques étrangers), culturel (coutumes locales de mariage, de relations
parents-enfants, maîtres-esclaves, polygamie, ...), linguistique (mot étrangers, dont le sens a évolué au cours
des siècles, mesures qui ont changé, syntaxe, style, genres littéraires).
Des expressions comme “ parler de son chef ” (Jn 7.18), “ dans le nom de ”, des mots comme justice,
cœur, chair, entrailles, pureté, tempérance, scandale, mystère, ... ont un sens biblique tout différent du sens
actuel. D’autres comme repentance, miséricorde, convoitise, ... ne sont pratiquement pas utilisés que dans le
langage religieux et demandent donc à être définis à partir de l’Écriture.
Une difficulté supplémentaire provient du sujet principal de la Bible, à savoir nos relations avec Dieu,
car il n’entre guère dans nos thèmes actuels de communication ; notre langage courant n’est donc pas adapté