
Durant mon séjour d'une courte semaine dans la capitale tunisienne et alentour, le seul endroit où j'ai pu
rencontrer un touriste étranger, c'était sur le compte Instagram du comédien égyptien Bassem Youssef.
Ailleurs, il n'en était rien: la piscine de mon hôtel (…) était vide… Les restaurants et cafés ouverts n'étaient
fréquentés que par des Tunisiens. Et ce constat de la désertion totale des visiteurs occidentaux m'a été confirmé
par les très nombreuses conclusions, auxquelles sont parvenus les observateurs, que la Tunisie a été dans
l'incapacité de relancer l'activité de son industrie du tourisme.
Le gouvernement tunisien éprouve la plus grande difficulté à choisir entre, d'une part, faire comme si de rien
n'était et cultiver l'idée de l'atmosphère accueillante, et, d'autre part, assurer que la Tunisie accorde à la sécurité
de ses citoyens et des visiteurs étrangers la plus grande importance. Alors que j'y étais, le président Béji Caïd
Essebsi a prolongé d'un autre mois l'état d'urgence, bien que certains de mes interlocuteurs sur place m'aient
expliqué que cette décision était beaucoup plus dictée par des intentions politiques que des craintes sécuritaires
réelles.
Pourtant, sur le terrain, il est indéniable que le dispositif sécuritaire tunisien a été très sensiblement renforcé. A
titre d'exemples: toute voiture s'approchant de l'hôtel où je résidais (une chaîne américaine) était soumise à une
fouille des plus minutieuses avant d'avoir accès au parking de l'établissement; mon chauffeur de taxi était
systématiquement interrogé à l'occasion de nos visites à des sièges gouvernementaux; et, lors de mes
promenades du soir, à La Marsa, j'étais surprise par la présence, à tous les coins de rue, d'agents de l'ordre
brandissant leurs fusils d'assaut.
Pour les Tunisiens, c'est l'économie
Etant donné l'intérêt que porte la communauté internationale au danger djihadiste en Tunisie et la
détermination dont fait preuve le gouvernement tunisien pour contrer cette menace, l'on pourrait logiquement
s'attendre à ce que les Tunisiens soient obsédés par la question sécuritaire. Or, lors de la bonne vingtaine de
rencontres que j'ai eues avec des responsables gouvernementaux, des politiques, des journalistes et des
militants de la société civile, seul un Tunisien a mentionné la sécurité comme étant son souci premier (…)
En lieu et place de la question sécuritaire, pratiquement toutes les personnes que j'ai rencontrées estiment que
les défis les plus importants auxquels la Tunisie est confrontée sont d'ordre économique, c'est-à-dire qu'il s'agit
plutôt de mettre en œuvre des réformes économiques qui ont été longtemps reportées, attirer les investisseurs
étrangers et s'attaquer plus sérieusement au problème du chômage des jeunes. Une autre illustration du grand
intérêt que les Tunisiens attachent au dossier économique: la semaine dernière, la chute du dinar tunisien par
rapport au dollar et à l'euro, a suscité plus d'inquiétude parmi la majorité des Tunisiens –loin, bien loin de ce
que la presse internationale pouvait dire sur l'anniversaire de l'attentat de Sousse ou la menace que
l'organisation terroriste de l'Etat islamique représente pour le pays. (…) Clairement donc, une bonne partie de
l'opinion publique tunisienne est beaucoup plus préoccupée par les dangers de l'instabilité économique et
politique que par un autre attentat terroriste sur le sol tunisien. Et ceci est en soi une bonne chose.
La menace terroriste en Tunisie n'a rien d'unique
Les observateurs ont raison de rappeler que la Tunisie n'a toujours pas apporté de solutions adéquates à son
problème terroriste, en refusant ou presque d'admettre que ce phénomène a des origines locales. Cependant, de
plus en plus de Tunisiens conviennent que la manière la plus efficace pour extirper ce mal profond requiert
l'amélioration de l'économie tunisienne –à la fois structurellement, par le biais de réformes bien maîtrisées, et
pratiquement, en augmentant sensiblement les investissements étrangers et les exportations, et en attirant de
nouveau les touristes étrangers (…)
Le défi auquel ils sont confrontés pour relancer l'activité de leur industrie touristique est rendu encore plus
difficile par l'intransigeance des interdictions de voyage imposées par les gouvernements européens à leurs
ressortissants. Certes, les visiteurs de la Tunisie sont exposés au risque de violences massives et d'attaques