Pierre Vinclair, Les Gestes impossibles, Flammarion, 2013, 164

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Pierre Vinclair, Les Gestes impossibles, Flammarion, 2013, 164 pages, 17 euros.
« elle danse la mort »
nous
nous sommes morts
« NOUS
SOMMES MORTS »
faire parler
nous
faire parler
« nous »
les morts
Pierre Vinclair s’y emploie
en autant
de gestes impossibles
qui sont
les gestes du langage
gestes impossibles vécus
comme tels
mais pour qu’apparaisse
l’humaine condition
sous la trame
de la parole tissée,
soufflée,
sculptée
en soulevant l’esquisse de tremblement
gestes
impossibles
vécus pleinement
pour que soient
présentifiés
les morts
sur la page
les morts
de toutes
les époques
– « nous »
de toutes les époques –
qui
nourrissent en vent le vent
gestes impossibles
rendus à
leur nécessité
pour que soit rendu
de manière singulière
c’est à dire signifiante
c’est à dire
impersonnelle
– par
visions
successives
[le grand tableau
des visions anonymes
où le « je »
se transmue
en « nous »] –
le réel
« L’écrivain
[…]
se propose
en effet
de donner à voir
de manière singulière
un réel
auquel on n’a jamais accès
que par des catégories conventionnelles,
et ceci par un usage
pertinent
de signes arbitraires.
Autrement dit,
user des
mots
pour dépasser les mots,
retourner les mots contre euxmêmes,
« écrire pour ôter les noms »,
comme disait Proust.
Or,
cette poétique de la vision,
qui enjoint à l'art
de nous
montrer
ce que
l’usage commun des catégories
nous cache,
ne relève pas d’une métaphysique romantique,
qui voudrait par
exemple
comme celle de Jacobi
rendre possible
une
intuition des choses
en soi :
elle a bien
pris acte,
en effet,
que nous n'aurons
pas d’expérience
extra-grammaticale
du
réel.
Et celui qui s’essaie
aux contraintes ne s’abstrait pas
de la grammaire :
il en rajoute.
Il
la travaille,
la tord,
ou mieux l’incline,
pour faire émerger,
dans le texte,
au
cœur du texte,
cette voix
ou cette vision
qui déplace les
usages communs.
Au lieu
de le raccrocher
à un genre,
les
contraintes
le singularisent donc
à mesure de leur rareté
– et
cette singularisation
est bien impersonnelle,
puisque le poète
n’aura pas pensé
ce qu’il écrit
avant de l’écrire
– c’est l’acte
d’écriture
qui crée de la pensée » (« Le Chamane
et les
phénomènes »)
dans ce recueil
Pierre Vinclair
met en
acte
ces assertions
mettant
logiquement
son pas
dans la neige
dans celui
de Mallarmé
car écrivant
« LES FLEURS
S’ENVOLERONT.
les couleurs / s’échangeront
contre un écho. / (manteau
que neige froisse.) // on entendra
dedans
battre le cœur / de –
c’est tout.
quelque chose
sera. / de la
langue // qui
caresse
la peau, / dans
ta bouche –
/ je suis
ce rat,
écoute »
ce qui est
le nœud
du
livre
il écrit / réécrit
ceci
« […] À quoi bon
la
merveille
de transposer
un fait de nature
en sa presque
disparition vibratoire
selon le jeu de la parole,
cependant,
si ce n’est
pour qu’en émane,
sans la gêne d’un proche ou
concret rappel,
la notion pure ?
Je dis :
une fleur !
et,
hors de l’oubli
où ma voix relègue aucun contour,
en tant
que quelque chose d’autre
que les calices sus,
musicalement se
lève,
idée même et suave, l’absente de tous bouquets » (Avantdire au "Traité du verbe" de René Ghil, 1886)
Matthieu Gosztola
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