COMPÉTENCE /PERFORMANCE linguistique La distinction entre la

COMPÉTENCE /PERFORMANCE linguistique
La distinction entre la « compétence » et la « performance » a été introduite par le
linguiste américain Noam Chomsky dans
Aspects de la théorie syntaxique
1
(1965), et joue
un rôle fondateur dans la construction de sa théorie. La compétence désigne la connaissance du
système d'une langue que possède tout sujet parlant cette langue, et qui concerne
spécifiquement la capacité de produire et de reconnaître l'infinité des phrases
grammaticalement bien formées, d'interpréter l'infinité des phrases sémantiquement bien
formées (c'est-à-dire qui ont un sens), d'identifier les phrases ambiguës (c'est-à-dire qui ont
plusieurs sens), de reconnaître les phrases grammaticalement apparentées ainsi que les
paraphrases (c'est-à-dire les phrases ayant le même sens). Cet ensemble de connaissances,
réputé partagé par tous les sujets parlant la langue, constitue l'objet de la «
grammaire
générative
». Celle-ci comporte une composante syntaxique ayant pour tâche d'engendrer
l'infinité des phrases correctes à l'aide d'un axiome et d'un système de règles, et de représenter
les relations qui unissent ces phrases ; sur la syntaxe, pièce maîtresse du modèle, se greffent,
d'une part, une composante sémantique chargée de calculer l'interprétation des phrases, et
d'autre part, une composante phonologique dédiée au calcul de la forme phonique des phrases.
La compétence ainsi définie se distingue de la
performance
, qui renvoie aux productions
et aux interprétations effectives de phrases par des sujets particuliers, dans des contextes
spécifiques. Lorsqu'un sujet construit ou décode une phrase, sa performance « déborde » très
largement sa seule compétence linguistique, dans la mesure où elle met également en jeu toutes
sortes de connaissances de nature extralinguistique (prise en compte du contexte discursif,
représentation de la situation et de l'interlocuteur, connaissances du monde, etc.). Par ailleurs,
les phrases effectivement produites et comprises par des sujets en situation ne sont pas
nécessairement des phrases syntaxiquement ni sémantiquement correctes. À l'inverse, la
performance d'un sujet est nécessairement restreinte par rapport à sa compétence, en ce qu'elle
se heurte à des limitations cognitives inhérentes à l'être humain : par différence avec une
machine aux capacités de calcul illimité, l'humain connaît en effet la finitude de la mémoire, qui
l'empêche de produire ou d'interpréter une phrase au-delà d'une certaine longueur.
L'approche psycholinguistique
Si la modélisation de la compétence constitue l'objectif de la théorie linguistique, en
revanche l'étude des performances, dans leur diversité, revient à des disciplines mixtes, comme
la psycholinguistique, la neurolinguistique, ou encore la sociolinguistique. Il s'est en particulier
développé tout un courant psycholinguistique visant à valider par les moyens de
l'expérimentation les conceptions génératives de Chomsky. Ce courant défend la thèse dite
«modulariste» soutenue par Jerry Fodor (La Modularité de l'esprit, 1989), selon laquelle la
syntaxe et la sémantique constitueraient deux « modules » de traitement distincts et autonomes :
le traitement du message linguistique serait d'abord, y compris temporellement, syntaxique. Il
s'effectuerait à partir d'une reconnaissance de structures de phrase indépendantes du sens,
l'interprétation sémantique n'intervenant que dans un second temps. L'étude des erreurs de
1
Хомский Н. «Аспекты теории синтаксиса», М, 1972.
Chomsky, Noam (1965). Aspects of the theory of syntax. Cambridge: M.I.T. Press.
performance (lapsus, dérives, erreurs de parole...) a conduit les chercheurs à construire de
véritables « modèles de performance » cognitivement plausibles. La psycholinguistique
d'inspiration chomskienne s'est également illustrée dans l'étude de l'acquisition du langage par
le tout jeune enfant
Vers une « grammaire universelle »
À certains égards, la distinction chomskienne entre compétence et performance est
comparable à la distinction
saussurienne
entre langue et parole. Il est incontestable que toutes
deux ont une même fonction méthodologique, celle d'« épingler » l'objet propre du linguiste au
sein de l'ensemble des phénomènes langagiers. Pour l'une comme pour l'autre, cet objet,
résultat d'une construction théorique, est autonome et son étude doit être première, car elle
conditionne l'intelligibilité du reste. Mais les deux distinctions s'inscrivent dans des cadres
théoriques inconciliables. La
compétence selon Chomsky
est conçue dans la perspective d'un
mécanisme génératif : la récursivité formelle permet de rendre compte d'une
combinatoire
infinie
, témoignant de la « créativité » de la langue ; la «
langue » de Saussure
est au contraire
abordée dans une perspective statique et passive. La compétence est caractérisée au niveau de
la construction des
phrases
, alors que la « langue » concerne l'association entre un son et un
sens à l'intérieur de chaque unité « signe ». Enfin et surtout, le caractère social de la « langue »
décrit par Saussure comme un effet en retour de la parole sur chaque sujet parlant, est récusé
par Chomsky, qui défend au contraire
l'innéisme
de la faculté de langage. Pour lui, la
compétence d'une langue particulière procède avant tout de l'inscription d'une «
grammaire
universelle
» dans l'esprit de tous les locuteurs, témoignant ainsi de la spécificité d'un
équipement biologique particulier à l'espèce humaine : « l'instinct du langage », selon l'ouvrage
éponyme de Steven Pinker (L'Instinct du langage, 1994) serait en quelque sorte comparable à
un code génétique se transmettant de génération en génération.
http://books.google.ru/books?id=pHsz233z1nYC&pg=PA97&lpg=PA97&dq=hymes
+communicative+competence&source=bl&ots=VvctyO02cQ&sig=gDHRoDSw0Vp6s
i-iakmjqzo86xM&hl=ru&sa=X&ei=-
W4GU6DlBcaA4gSp8YHIAQ&ved=0CDgQ6AEwADgK#v=onepage&q=hymes%20co
mmunicative%20competence&f=false
Dell Hathaway Hymes (1927) a introduit le langage en acte - verbal et non verbal - au cœur
de l'analyse sociolinguistique. Dans ce cadre, communauté et individu sont en codétermination
réciproque, dès lors que « sens et syntaxe de la langue ne se laissent pas définir
indépendamment des actes de parole qu'elle présuppose »
L'objet d'étude de D. H. Hymes est la langue en acte, son utilisation et ses variations à
l'intérieur des collectifs. Il s'appuie sur l'observation et l'analyse des relations entre les usages de
la parole les « actes de discours », la parole en tant qu'action et les structures sociales. Il «
plaide en faveur d'une linguistique socialement constituée » (Hymes, 1984, p. 20).
Sa conception anthropologique du langage et de la communication l'amène à privilégier
l'enquête de terrain comme mode d'observation directe des interactions langagières, ce qui le
rapproche des méthodes de la sociolinguistique.
A l'instar de D. H. Hymes, W. Labov, le principal représentant de l'approche sociolinguistique
américaine du langage, disciple de Uriel Weinreich (Languages in Contact, 1951), s'est attaché à
étudier la covariation d'éléments de la langue et de facteurs sociaux par observation conjointe
d'une langue et d'une communauté. L'enquête de dialectologie urbaine qu'il mena dans la ville
de New York établit une corrélation entre des éléments (phonologiques et grammaticaux) de
variation linguistique et d'usage quotidien, et des processus sociaux (Labov, 1966).
Toutefois, même si l'anthropologue et le sociolinguiste font de la variation de la langue un
élément central, ils posent un rapport différent entre la parole et l'identité des membres d'une
communauté. La conception covariationniste de D.H. Hymes réserve ainsi une part de liberté
au locuteur qui choisit, dans une situation donnée, un « style » porteur d'une signification
sociale (les phénomènes langagiers sont « situés », « radicalement sociaux et personnels »),
tandis que, dans les travaux de W. Labov, le discours du locuteur semble davantage contraint
par les situations, les paramètres sociaux (la classe socio-économique, l'âge, le sexe...) et les
groupes d'appartenance.
Pour D. H. Hymes, la parole est un système régi par des règles : « Les règles de la parole
correspondent aux manières dont les locuteurs associent des modes d'élocution particuliers, des
sujets ou des formes de message, avec des activités et des contextes particuliers » (Hymes, 1972,
p. 36). La «
compétence de communication
» correspond à «
ce dont
un locuteur a besoin
de savoir pour communiquer de manière effective dans des contextes culturellement
significatifs » ; elle renvoie à « une capacité performative » (abiltty toperform). La notion
centrale est « l'adéquation (appropriateness) des messages verbaux à leur contexte, ou leur
acceptabilité (acceptability) [sélection et élection] au sens le plus large » (Gumpers et Hymes,
1972, préface). En s'appuyant sur « l'acte de discours » (speech event), ou acte de parole,
l'analyse vise à décrire les stratégies, les valeurs et les contraintes combinatoires qui portent le «
sens social » des actes de parole dans un certain cadre culturel. Cette compétence de
communication est « indissociable de certaines attitudes, valeurs et motivations touchant à la
langue, à ses traits et à ses usages et tout aussi indissociable de la compétence et des attitudes
relatives à la relation entre la langue et les autres codes de conduite en communication (Hymes,
1984, p. 74). Par ailleurs, cette compétence est le plus souvent plurilingue du fait de la
coexistence complexe, par exemple d'une langue officielle avec une langue minorisée.
Cette conception du langage s'oppose à l'héritage de la linguistique structurale, construit sur la
distinction entre langue et parole, impliquant un système linguistique homogène et la négation
des variations, courant de pensée dont Noam Chomsky est le représentant majeur. L'approche
chomskienne repose, en effet, sur les postulats suivants (Deleuze et Guattari, 1981, p. 95-139) :
« le langage serait informatif et communicatif » ;
« il y aurait une machine abstraite de la langue qui ne ferait appel à aucun facteur extrinsèque
» ;
« il y aurait des constantes ou universaux de la langue qui permettraient de la définir comme
un système homogène » ;
« on ne pourrait étudier scientifiquement la langue que sous les conditions d'une langue
majeure ou standard ».
Dans ce cadre, la grammaire générative institue un locuteur-auditeur idéal nécessaire à la
constitution de son objet d'étude, construit dans et par l'abstraction. Cette position se situe à
l'opposé d'une perspective ethnographique ou sociolinguistique, centrée sur des descriptions
empiriques, c'est-à-dire sur les usages d'une langue, sur des situations et des réalités effectives.
Selon D. H. Hymes, « Chomsky propose non une théorie de la compétence, de la performance
et de l'usage créatif de la langue mais une rhétorique sur ces termes » (Idem, 1981, p. 125-130).
Il ne s'agit pas de contester l'abstraction, en tant que pratique scientifique, mais de mettre en
évidence que la linguistique, « tant qu'elle en reste à des constantes phonologiques,
morphologiques ou syntaxiques, rapporte l'énoncé à un signifiant et renonciation à un sujet [et
qu'elle] rate ainsi l'agencement [en renvoyant] les circonstances à l'extérieur, ferme la langue sur
soi et fait de la pragmatique un résidu » (Idem, 1981, p. 95-109). Chez D. H. Hymes, mais aussi
chez W. Labov, et M. Bakhtine, la pragmatique ne fait pas qu'ouvrir sur les facteurs externes ; «
elle dégage des variables d'expression ou d'énonciation qui sont pour la langue autant de
raisons internes de ne pas se fermer sur soi » (Idem, 1981, p. 95-109).
Focalisée sur les cas de l'enfant et de l'apprenant, la « compétence de communication » a été
notamment utilisée dans le domaine de l'acquisition du langage et dans celui de l'apprentissage
et de l'enseignement des langues étrangères (Hymes, 1984, p. 18-19). D. H. Hymes a fait état
des nombreuses notions qui en furent dérivées : la compétence de conversation, d'interaction
ou de situation; la compétence sociale, sociolinguistique, pragmatique, réceptive, productive...
(Idem, 1984, p. 125-128). Toutefois, la notion globale de « compétence de communication » lui
semble plus pertinente en ce qu'elle est à même de recouvrir les compétences d'un individu
dans plusieurs langues et d'inclure le langage non verbal (Idem, 1984, p. 18-19).
Pour D. H. Hymes, il convient de dépasser les dichotomies récurrentes caractéristiques du XX
e siècle, telles « langue et parole », « culture et comportement », y compris «compétence et
performance» ; elles se sont avérées inadéquates à appréhender la complexité de la notion de
langue.
L'auteur formule, en 1984, cette critique envers son propre texte, écrit en 1974 et qui, selon ses
termes, « est en grande partie une argumentation modelée par la dichotomie langue/parole »
(Idem, 1984, p. 194). Pour reprendre une formule de W. Labov, de Saussure à Chomsky, c'est
le même paradoxe : « L'aspect social du langage se laisse étudier dans l'intimité d'un bureau,
tandis que son aspect individuel exige une recherche au cœur de la communauté » (Labov,
1976, p. 259 et 361).
La prise en compte de la dimension sociale et pragmatique est donc essentielle. Toutefois, bien
que la fonction pragmatique du langage soit présente dans la théorie linguistique, elle recouvre
des pratiques scientifiques et des concepts distincts : l'étude intuitive et théorique des « actes de
langage » (speech acts) reste fondamentalement différente de l'observation empirique des «
actes de discours » (speech events), reliés à la parole. Par ailleurs, il existe, observe D. H.
Hymes, en complément des actes de parole, d'autres éléments linguistiques susceptibles de
réaliser des effets déclaratifs sur le plan de l'action (par exemple, des marques de déférence ou
de politesse).
Visant autant la « compréhension du langage » que la « compréhension du langage dans la vie
sociale », D. H. Hymes choisit de privilégier « une perspective centrée sur l'action parce que
c'est elle qui autorise l'approche la plus globale ». D. H. Hymes se situe donc au cœur de
l'évolution vers les aspects énonciatifs de la communication (1970-1980) dans leurs dimensions
interactives et relationnelles partir de 1980). Rappelons, dans ce contexte et au-delà de
l'apport d'Emile Benvéniste, l'importance des travaux de John Austin - ce dernier montrant
qu'il n'existe pas seulement, entre l'action et la parole, des rapports extrinsèques, mais aussi des
rapports intrinsèques entre les paroles et les actions que l'on accomplit en les disant, en les
énonçant. Cette mise en évidence du rôle décisif du performatif, et de manière plus large de 1
illocutoire » avec John Searle, a renforcé la position pragmatique.
Les travaux de D. H. Hymes contribuent à approfondir la pensée des phénomènes
communicationnels. Son refus de considérer le langage comme un système clos et autonome
l'amène à repenser la manière dont il est à la fois l'exprimé et l'expression d'agencements
sociaux, eux-mêmes pris dans une perspective historique.
HYMES, D. H. (dir.), The Use of Computers in Anthropology, La Haye, Mouton, 1965.
HYMES, D. H., Pidginization and Creolization of Languages, Cambridge University
Press, 1971.
HYMES, D. H., « Models of the Interaction of Language and Social Life », in J . J .
GUMPERZ & D . H. HYMES (éd.), Directions in sociolinguistics: the ethnography of
communication, New York & Chicago, Holt Rinehart & Winston, 1972, p. 35-71.
HYMES, D. H., Vers la compétence de communication (titre original : Toward
linguistic competence, manuscrit 16, 1973, de la série, non éditée, des Texas
Working Papers in Linguistics), préface et postface (1982) de D. H. Hymes, trad, de F.
Mugler, note liminaire de D. Coste, Paris, Hatier et Crédif, 1984.
QUESTIONS :
1. Каким образом понятие «компетенция» трактует Хомский? Хаймс?
2. Почему в методике обучения ИЯ используется подход Хаймса?
Comment la notion de compétence a évolué depuis Chomsky jusqu’à Hymes ?
- la définition de compétence selon Chomsky ?
- la définition de compétence selon Hymes ?
Pourquoi la didactique des langues étrangères a adopté l’approche de Hymes ?
La méthodologie audio-orale
La méthodologie audio-orale sest développée aux États-Unis grosso modo durant la période
1940-1970 et sest inspirée dune expérience didactique menée dans larmée pour former
rapidement un grand nombre de militaires à comprendre et à parler les langues des différents
champs de bataille de la Seconde Guerre mondiale. The Army Method proposait des dialogues
de langue courante quil fallait mémoriser avant de comprendre le fonctionnement grammatical
des phrases qui les composaient et elle distribuait ses leçons au cours de stages intensifs. Les
succès obtenus ont contribué à ébranler la méthodologie traditionnelle pratiquée alors aux
États-Unis. Plus tard, le lancement du premier Spoutnik russe, en 1957, a lui aussi accéléré le
processus de modernisation de lenseignement des langues, car les États-Unis ne voulaient pas
sisoler, linguistiquement, des autres nations.
Riche de lexpérience de lASTP (The Army Specialized Training Program, 1942-1943), la
méthodologie audio-orale a également bénéficié des apports de deux domaines qui se sont
rencontrés, lun linguistique avec le structuralisme, lautre psychologique avec le béhaviorisme,
et a intégre des techniques nouvelles qui allaient profondément modifier le paysage de
lenseignement des langues vivantes: il sagit dabord du magnétophone, puis du laboratoire de
langues.
Comme lindique son appellation, cette méthodologie donne la priorité à la langue orale et la
prononciation devient un objectif majeur: nombreux sont les exercices de répétition et de
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