SYMPOSIUM : Les effets délétères de l’activité physique intensive sur la santé des sportifs : corps, blessure et problématiques de santé Coordonné par Greg Décamps, Président de la Société Française de Psychologie du Sport [email protected] RESUME Depuis quelques années, de nombreuses études sur les liens entre activité physique et santé ont permis de préciser que les prétendus effets bénéfiques du sport ne concernaient que les pratiquants ayant une activité sportive modérée. La pratique sportive intensive a en revanche pu être identifiée comme responsable de nombreux effets délétères sur la santé de ceux qui la pratiquent : outre les blessures et autres risques associés inhérents à la pratique physique, de nombreux autres troubles psychologiques tels que l’épuisement psychologique, les troubles alimentaires, les troubles émotionnels, etc (Cox, 2005 ; Décamps, 2011, 2012; Jowett & Lavallee, 2008). Ce symposium se propose donc de livrer un regard critique et actualisé sur l’avancée des connaissances dans le domaine de la recherche ou de la prise en charge de telles problématiques de santé chez les sportifs au travers de quatre communications réalisées par des praticiens et enseignants chercheurs. La première communication, réalisée par Sandrine Maniez, praticienne ergothérapeute, proposera un focus spécifique à une maladie dégénérative touchant particulièrement les footballeurs professionnels, la sclérose latérale amyotrophique, en proposant au travers d’une présentation clinique un regard sur les répercussions émotionnelles d’une telle maladie ainsi que les aménagements possibles dans sa prise en charge. La seconde communication, basée sur les travaux de Julie Salla et Grégory Michel aura pour objectif de présenter des données relatives à la santé physique des sportifs en tentant d’identifier les facteurs psychologiques permettant de prédire les divers troubles somatiques généralement identifiées au cours de consultations médicales en contexte sportif. La troisième communication réalisée par Géraldine Tapia abordera la question des blessures. Si celles-ci sont fréquentes en contexte sportif, il sera ici question de déterminer les déterminants psychologiques susceptibles de prédire les blessures à répétition. Enfin, la dernière communication basée sur les travaux de Romain Simon et Greg Décamps se centrera sur un trouble de l’image du corps spécifique aux sportifs masculins, la dysmorphophobie musculaire, et viendra questionner la place que certaines croyances liées au corps peuvent avoir dans l’origine et le maintien de ce trouble. L’ensemble de ces communications sera réalisé selon un format de présentation court (dix minutes de présentation), laissant une place importante aux échanges avec la salle dont les avis permettront d’approfondir certaines questions relatives aux orientations d’analyse et de recherche actuelles, et favorisant ainsi les possibilités de collaboration interdisciplinaire. Cox, R. (2005). Psychologie du sport. Bruxelles : Editions De Boeck. Décamps, G. (2011). Psychologie du sport et de la santé. Bruxelles : Editions De Boeck. Décamps, G. (2012). Psychologie du sport et de la performance. Bruxelles : Editions De Boeck. Jowett, S. & Lavallee, D. (2008). Psychologie sociale du sport. Bruxelles : Editions De Boeck. Mots clés :sport, santé, corps, blessures COMM1* IMPACT D’UNE MALADIE HANDICAPANTE CHEZ LE SPORTIF : L’EXEMPLE DE LA SCLEROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE DANS LE FOOTBALL . Maniez, S & Pradat, P.F. [email protected]. Département des maladies du système nerveux, AP-HP, Groupe hospitalier Pitié Salpêtrière, Paris. La pratique sportive de haut niveau n’est pas sans avoir nombre de conséquences délétères sur la santé physique des sportifs. Si de nombreuses études ont ainsi rapporté les répercussions psychologiques qui y sont associées (Décamps & al, 2011 ; Bourdet-Loubère, 2011), il est également possible de constater l’existence de pathologies physiques dont la prévalence s’avère accrue dans certaines disciplines sportives. De récentes études ont dans ce cadre mis en évidence une augmentation significative du nombre du risque de sclérose latérale amyotrophique chez les footballeurs professionnels (Beghi & al, 2010 ; Chio et al, 2005, 2009 ; McCrory et al, 2005 ; Taioli et al, 2007). Ce trouble donne principalement lieu à une atrophie musculaire sans récupération possible et pour laquelle il n’existe actuellement pas de traitement curatif. La seule prise en charge proposée n'est pas axée sur le renforcement mais sur l'entretien et l'économie articulaire. Dans tous les cas, ce diagnostic vient remettre en cause les possibilités de pratiquer une activité physique sportive et vient bouleverser toute la façon de vivre du sportif. Cette communication se propose, en l’absence de données provenant d’études empiriques basées sur un échantillon permettant d’appréhender statistiquement la prévalence de ce trouble et les facteurs psychologiques susceptibles d’y être associés, de s’intéresser à cette pathologie au travers de la présentation du cas d’une ancienne footballeuse internationale pour laquelle le diagnostic de sclérose latérale amyotrophique a pu être posé. Les principaux éléments présentés dans ce cas concerneront l’état émotionnel consécutif à l’annonce du diagnostic ainsi que son évolution du fait de l’arrêt de la pratique sportive. Ces éléments permettront de questionner les prises en charges médicales et psychologiques possibles de ce type de trouble, notamment la prise en compte au sein de la prise en charge des perspectives temporelles futures et de la fixation de nouveaux objectifs en tant que facteur susceptible de prévenir ou limiter l’intensité des répercussions dépressives consécutives à la maladie. Mots clés : Football, Sclérose latérale amyotrophique, Psychologie Références : Beghi, E., Logroscino, G., Chiò, A., Hardiman, O., Millul, A., Mitchell, D., Swingler, R., Traynor, B.J. (2010). Amyotrophic lateral sclerosis, physical exercise, trauma and sports: results of a populationbased pilot case-control study. Amyotrophic Lateral Sclerosis. 3; 11 (3):289-92 Bourdet-Loubère, S. (2011). Le retentissement psychologique des blessures (à répétition) chez le sujet sportif de haut niveau. Sa prise en charge. In : G. Décamps (Ed.) Psychologie du sport et de la santé. Bruxelles : Edtions De Boeck. pp : 317-329. Chio, A., Benzi, G., Dossena, M., Mutani, R., Mora, G. (2005). Severely increased risk of amyotrophic lateral sclerosis among Italian professional football players. Brain. 128:472"6. Chio, A., Calvo, A., Dossena, M., Ghiglione, P., Mutani, R., Mora G. (2009). ALS in Italian professional soccer players: the risk is still present and could be soccer-specific. Amyotrophic Lateral Sclerosis. 10(4):205-9. Décamps, G. ; Mette, A ; Dominguez, N. & Rascle, N. (2011). Les troubles de l’investissement de la pratique sportive : addiction, surentrainement et syndrome d’épuisement psychologique du sportif. In : G. Décamps (Ed.) Psychologie du sport et de la santé. Bruxelles : Edtions De Boeck. pp : 279-293. COMM2 ETUDE DES FACTEURS ASSOCIES AUX PROBLEMES DE SANTE CHEZ LES ADOLESCENTS SPORTIFS « SUBELITES » Julie SALLA, Grégory MICHEL, Laboratoire de psychologie EA4139, Université Bordeaux Segalen.. La pratique sportive intensive, n’est pas sans risque pour la santé physique et psychologique de l’enfant et de l’adolescent. Les professionnels de la santé reconnaissent de plus en plus les effets délétères associés à la pratique sportive intensive chez les adolescents. Les principales répercussions négatives d’une pratique sportive intensive sont sur le plan psychique le stress, la dépression, les troubles du comportement alimentaire, les conduites de consommation et addictives (cf., pour revue Expertise Inserm, 2008 ; Michel et al., 2003 ) ainsi que sur le plan physique : fréquentes blessures, retard de croissance et risque d’ostéoporose dans certains sports tels que la gymnastique (American Academy Of Pediatrics, 2000 ; Paruit,2003). Cependant malgré l'évidence de difficultés psychiques associées à la pratique sportive intensive, les connaissances sont encore parcellaires notamment sur le rôle protecteur et/ ou vulnérabilisant des facteurs contextuels, personnels et environnementaux tant considérés isolément que conjointement. L’objectif de notre étude est d’identifier l’impact de ces différents facteurs sur la santé de l’adolescent subélite afin de repérer les éléments qui l’inscrivent dans une pratique sportive à risques vis-à-vis de la santé psychique et physique. 90 joueurs et joueuses de tennis âgés entre 10 et 18 ans, leurs parents ainsi que leurs entraîneurs ont participé à l’étude. Ces adolescents ont une pratique sportive intensive et sont intégrés dans les filières d’accès au haut niveau. Ils ont rempli les questionnaires suivants : un inventaire de santé (consommation médicamenteuse, TCA, dépression : CDI, Stress : MSP-9, vulnérabilité suicidaire) ainsi que des échelles évaluant le contexte relationnel (QERPE), leur standards personnels (Frost) et l’alexithymie (TAS-20). Les parents et les entraîneurs ont également rempli l’échelle des standards personnels (ESP) visant à évaluer la personnalité perfectionniste. Nos résultats soulignent la nécessité de tenir compte des prédispositions individuelles de l’adolescent ainsi que des facteurs contextuels et environnementaux lorsqu’il s’agit de repérer les facteurs de risques associés à la pratique sportive. Un modèle de vulnérabilité à la détresse émotionnelle rendant compte de la sévérité de la souffrance psychique a été identifié mettant en évidence que des caractéristiques individuelles telles que le perfectionnisme, l’alexithymie ainsi que la blessure positionnaient l’adolescent dans une situation à risques (R=.53, p .001). Au-delà de la mise en évidence de l‘implication de facteurs tant personnels que contextuels et relationnels sur la santé des jeunes sportifs de haut niveau, des outils fondés sur le repérage de ces facteurs pourraient être crées afin de prévenir l’adolescent subélite des risques vis-à-vis de sa santé et de limiter les trajectoires de vulnérabilité. Mots clés : santé, adolescents, subélite, tennis COMM3 LA BLESSURE SPORTIVE A REPETITION : UNE TENTATIVE POUR EN IDENTIFIER LES DETERMINANTS PSYCHOSOCIAUX . Géraldine Tapia, Laboratoire de psychologie EA4139, Université Bordeaux Segalen Mail: [email protected] Si les activités physiques et sportives participent à la promotion de la santé, elles exposent aussi leurs pratiquants à un risque élevé de blessures (Stewart-Brown & Sumilo, 2006). Dans la littérature de référence, la blessure sportive est envisagée comme un évènement complexe aux déterminants multifactoriels (i.e. relevant de plusieurs types de variables). Cependant, peu d’auteurs ont envisagé ce phénomène comme une conduite de risques. Or la blessure, dans sa dimension répétitive, pourrait relever en partie de l’engagement du sportif dans des conduites de risques. Dans ce sens, cette étude se propose d’appréhender la blessure sportive comme un évènement complexe soumis à l’influence d’une pluralité de facteurs, ceux identifiés par les modèles de psychologie du sport et ceux relevant de la littérature associée au champ des conduites de risques. En définitive, ce travail se propose d’identifier les déterminants psychosociaux de la blessure à répétition. L’échantillon est composé de 62 athlètes âgés en moyenne de 22,19 ans. Des dimensions de personnalité (recherche de nouveauté, alexithymie, estime de soi, vulnérabilité perçue, névrosisme, anxiété de compétition) ont été évaluées aux côtés des stratégies de coping et des évènements de vie. Les résultats de la régression logistique linéaire montrent que le meilleur modèle pour expliquer l’occurrence de blessures multiples chez un sportif est celui qui combine les variables vulnérabilité perçue, coping problème, valeur physique perçue, anxiété cognitive et névrosisme. Concernant la vulnérabilité perçue, les résultats révèlent que le nombre de blessures moyen est 1,112 fois plus élevé pour un sportif scorant sur la dimension vulnérabilité perçue à une unité au dessus du score d’un autre. La plupart des études portant sur la blessure sportive reposant principalement sur le stress-injury model (Andersen & Williams, 1988), le fait que la vulnérabilité perçue et le névrosisme viennent à elles deux expliquer une part non négligeable de l’occurrence des blessures supporte l’idée que, bien qu’extrêmement étudié, ce modèle ne rend cependant pas compte de l’ensemble des déterminants psychologiques associés au phénomène de blessure (Deroche et al., 2007). En d’autres termes, l’expérience d’une blessure sportive passée vécue comme menaçante serait susceptible d’augmenter l’accessibilité de cognitions anxiogènes et, en retour, la vulnérabilité perçue (Weinstein, 1980). Une des perspectives qu’ouvre ce travail serait de pouvoir identifier à priori les athlètes qui sont les plus susceptibles de se blesser en pratiquent leur activité sportive afin de pouvoir mieux prévenir ce phénomène aversif pour le parcours du sportif. Mots clefs : blessure à répétition – déterminants psychosociaux – conduites à risques COMM4 FACTEURS PREDICTEURS DE L ’ INSATISFACTION CORPORELLE MASCULINE CHEZ LES SPORTIFS DYSMORPHOPHOBIE MUSCULAIRE : LE CAS DE LA R. Simon & G Décamps, Laboratoire de psychologie EA4139, Université Bordeaux Segalen Au delà des répercussions psychologiques négatives généralement étudiées en psychologie de la santé appliquée aux sportifs (comme notamment le phénomène de blessure), de récentes études ont souligné l’importance chez les sportifs des troubles psychologiques liés à la perception du corps (Ochner & al, 2009). Dans ce domaine, si la littérature scientifique s’est surtout centrée sur l’étude de a pu pointer certaines difficultés liées à l’image du corps des sportives de certaines disciplines, de récentes études ont pu se focaliser sur la dysmorphophobie musculaire, une forme d’insatisfaction corporelle spécifique à l’homme. Chez le sportif, ce trouble défini par Mosley (2009) se traduit par une insatisfaction permanente vis-à-vis de l’apparence corporelle ainsi que par une aversion des situations où le corps se retrouve exposé au regard des autres. Si quelques études ont ainsi permis de préciser les modalités de diagnostic de ce trouble ainsi que ses liens avec quelques caractéristiques psychologiques, l’influence des croyances spécifiques au corps telle que la malléabilité corporelle (Burnette, 2010) reste à préciser. Cette étude se propose donc de tester les liens entre l’image du corps, la dysmorphophobie musculaire, et la malléabilité corporelle auprès d’une population de 137 sportifs masculins ayant rempli des questionnaires d’autoévaluation pour chacune des trois variables sus-citées. L’utilisation d’analyses de régression visant à prédire la dysmorphophobie musculaire montre une interaction négative entre l’image du corps et la malléabilité corporelle : une perception négative de l’image du corps ne prédit la dysmorphophobie musculaire que lorsque les sportifs ont un haut niveau de malléabilité corporelle. Ce résultat permet non seulement de préciser dans quelle mesure certaines caractéristiques psychologiques peuvent prédire la malléabilité corporelle, mais également de mieux définir les interventions psychologiques qui permettraient de prévenir et prendre en charge ce trouble de l’image du corps spécifique aux sportifs. Mots clés : sport, dysmorphophobie musculaire, image du corps, malléabilité corporelle Ochner, C., Gray, J. & Brickner, K. (2009). The development and initial validation of a new measure of male body dissatisfaction. Eating Behaviors, 10, 197-201. Mosley, P.E. (2009). Bigorexia: Bodybuilding and muscle dysmorphia. Eating Disorders Review, 17, 191-198. Burnette, J. L. (2010). Implicit theories of body weight: Entity beliefs can weigh you down. Personality and Social Psychology Bulletin, 36, 41-422.