Evaluation du Plan Psychiatrie et Santé mentale 2011-2015

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Evaluation du Plan Psychiatrie et Santé mentale 2011-2015
Audition de M. Dominique FRIARD 18 février 2016
Dominique FRIARD est infirmier de secteur psychiatrique. Il est un des membres fondateurs de
l’association « Soin Etude et Recherche en PSYchiatrie » (SERPSY). Il a été rédacteur en chef adjoint
de la revue " Soins psychiatriques ". Il a publié plusieurs ouvrages dont notamment « L’isolement en
psychiatrie, séquestration ou soin ? », « L’infirmier(e) en psychiatrie : les grands principes du soin en
psychiatrie ».
Introduction :
- Pouvez-vous vous présenter succinctement, et citer vos différentes
fonctions ?
ISP à la retraite. Formateur pour divers organismes, formations qui
m’amènent à voyager dans toute la France, une dizaine d’établissements
par an. Rédacteur-en-chef adjoint de la revue Santé mentale depuis quinze
ans, à ce titre je reçois des textes de toutes les catégories professionnelles
qui exercent en psychiatrie et dans le médico-social, textes qui proviennent
de toute la Francophonie. Superviseur d’équipes. Animateur bénévole du
journal du Gem de Gap.
- Pouvez-vous nous présenter l’association SERPSY ?
Association 1901, créée en 1997 qui regroupe infirmiers, cadres, cadres-
sup, psychiatres, psychologues, éducateurs spécialisés, art-thérapeutes,
retraités. Des usagers participent sporadiquement à nos réflexions après
avoir été membres puis administrateurs de l’association.
Elle organise une fois par an, une journée de réflexion au CH Montperrin, à
Aix-en-Provence, gratuite, sans appui des laboratoires, qui regroupe entre
180 et 250 personnes. La prochaine journée en 2017 aura pour thème
« Corps et psychose ».
Le site serpsy rassemble des milliers de pages relatives aux soins, à la
clinique, à la recherche en soins, aux rapports divers et variés émis par
diverses administrations et qui concernent les soins et la clinique. Il est une
référence pour les soignants qui le consultent abondamment.
L’association regroupe deux pôles principaux : Midi-Pyrénées et Paca. Un
autre groupe est en train de se constituer en Aquitaine.
Son objet est indiqué par son nom. On pourrait dire autrement que son
objet est la promotion de la clinique et des soins. Nous sommes des
militants qui allions engagement dans la clinique et engagement politique
au sens de politique de soins.
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Notre point de vue n’est donc pas seulement celui d’infirmiers mais d’un
collectif au sein duquel la pluridisciplinarité est de règle.
Elaboration et pilotage du plan :
- Avez-vous eu connaissance du Plan Psychiatrie et Santé Mentale
2011-2015 ? Si oui, dans quel cadre ?
En tant que rédacteur-en-chef adjoint de la revue Santé Mentale, en tant que
vice-président de serpsy qui lit et décortique les différents rapports et
textes, en tant que rédacteur d’une revue de presse mensuelle.
- Avez-vous été associé à l’élaboration du Plan (à titre personnel ou par
le biais de la SERPSY voire un autre cadre) ?
Non et il n’y a aucun risque, je ne crois pas que les cliniciens infirmiers
soient associés à ce type de travail. En tout cas pas à l‘époque. Le premier
groupe que j’ai connu les infirmiers ont été considérés comme des
acteurs à part entière du soin a été le récent groupe de travail de la HAS
consacré aux situations de violence lors des hospitalisations en psychiatrie.
- Quel est votre constat général sur la pertinence du plan et de ses
orientations stratégiques?
Je pense que tant que les plans seront préparés de cette façon-là, ils seront à
côté des préoccupations des soignants et des usagers. Ils risquent de
produire l’effet inverse de celui recherché. Les infirmiers qui travaillent en
psychiatrie doivent être 50 000. Ne pas tenir compte de ceux qui font vivre
ces plans, c’est aller dans le mur. Constat partagé par l’ensemble des
membres de l’association et les collègues consultés. Le four des pairs-
aidants montre bien comment une mauvaise stratégie peut couler une idée
généreuse et intéressante. Le collectif a repris ses analyses du plan et les a
précisés.
AXE 1 : PREVENIR ET REDUIRE LES RUPTURES AU COURS DE LA VIE DE
LA PERSONNE......................................
Il me semble que c’est un non-sens. Il suffit d’une entreprise qui licencie
pour provoquer un certain nombre de ruptures, prévenir reviendrait à
supprimer les licenciements. Pas prévenir mais être présent au moment
la personne et son groupe d’appartenance ont besoin d’une écoute,
d’une présence, de soins ; soit avoir des soignants sur le terrain, au plus
près de l’endroit ça souffre. Non pas prévenir mais limiter les
conséquences de ces ruptures inévitables.
13 a) Poursuivre et développer les programmes en faveur de la san
mentale.........................................
A quand remonte le dernier message émanant des Codes à destination de
la psychiatrie ou des personnes souffrant de troubles psychiatriques. La
Sism ne suffit pas.
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13 b) Améliorer l’accès des personnes aux soins psychiatriques et
somatiques, et renforcer la continuité des soins crise/post crise
Avec des moyens humains suffisants. Les soignants qui sont sur le terrain,
en ambulatoire sont régulièrement prélevés pour aller renforcer l’hôpital.
La priorité doit clairement aller à l’ambulatoire, les chiffres montrent bien
que c’est que ça se passe et non à l’hôpital. Il faut penser la crise de la
même façon que les systémiciens et non pas en référence à la définition
médicale de la crise. Voir le dernier dossier de la revue Santé Mentale.
13 c) Améliorer la continuité des soins et l’accompagnement aux différents
âges de la vie de la personne et mobiliser les efforts sur les
hospitalisations longues
Oui.
15 d) Développer l’accès et le maintien au logement par une offre de
logement accompagné, adaptée et diversifiée
Oui mais ça ne dépend pas de nous. Le marché du logement est aussi
sinistré que celui du travail. Donc un vœu pieu.
15 e) Améliorer la prise en charge des addictions
Tout ça a été dépsychiatrisé mais ça a indiscutablement évolué.
15 f) Améliorer la qualité de vie des personnes, la participation sociale et
professionnelle
Ça ne mange pas de pain mais c’est un vœu pieu. En ce qui concerne la
vie sociale, la création des Gems en 2005 constitue un réel progrès, il faut
juste éviter qu’ils ne deviennent des ghettos.
16 g) Améliorer l’accès des personnes au(x) droit(s)
Je ne suis pas sûr que ça pende de nous, mais faisons en sorte que
lorsque les personnes viennent elles soient reçues sans trop d’attente et
trouvent quelqu’un qui les écoute et les aide à formuler leur demande.
16 h) Développer le partenariat avec les aidants, identifier une modalité
de réponse repérable à leur intention
Il semble que ce point a permis aux choses d’avancer sauf en psychiatrie
où, par exemple, profamille n’est pas considéré comme une ETP valable et
ne peut donc être financé. Je peux expliquer pourquoi.
17 AXE 2 : PREVENIR ET REDUIRE LES RUPTURES SELON LES PUBLICS ET
LES TERRITOIRES...................................
18 a) Faire évoluer le secteur et assurer partout un service psychiatrique
de proximité...........................
Le secteur a été émietté. Selon les endroits trois secteurs sont devenus un
pôle et la population ne s’y retrouve pas, les soignants non plus d’ailleurs.
Le secteur est de plus en plus duit à la portion congrue, ce qu’il faut
c’est mieux de secteur, du secteur plus à fond, pas ces pôles que l’on a du
mal à identifier géographiquement.
18 b) Rééquilibrer l’intensité et la variété de l’offre de soin et
d’accompagnement sur chaque territoire, et allouer les ressources en
fonction des besoins de la
population.................................................................
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Un, secteur n’est pas un territoire, d’ailleurs territoire a de drôles de
connotations. Un secteur est et doit être une réalité vivante, humaine
basée sur une connaissance fine de la population qui l’habite. Les
soignants doivent être en capacité de sentir ses palpitations et de prévenir
ce qui va lacérer ce tissu.
18 c) Structurer sur chaque territoire les coopérations et les
complémentarités entre l’ensemble des professionnels, services et
établissements sanitaires, médico-sociaux, sociaux et
associations.................
Oui, le passage vers le médico-social s’est effectué mais à la grande
souffrance du dit médico-social. Ces coopérations devraient se baser sur
un échange de compétences, des régulations partant de la psy pour
expliquer, apporter des connaissances en termes de « savoir y faire avec
la folie ». Des infirmiers cliniciens, doté d’un master en psychiatrie ou en
santé mentale pourraient fort bien réaliser ce travail.
19 d) Sur certains territoires, procéder à des expérimentations destinées à
compléter l’offre de soins en ville
Oui à l’expérimentation si elle est pensée et n’est pas une sorte de
gadget. Nous en avons vu passer quelques-unes.
19 e) Encourager les démarches qualité
A la condition qu’elle ne soit pas un carcan, un ensemble de normes qui
s’impose et s’oppose à la clinique. Isoler (même beaucoup) en respectant
les normes est un gage de qualité, ne pas isoler, non et pourtant du point
de vue du patient, c’est l’équipe qui peut contenir sans isoler avec toutes
les conséquences délétères que cela peut avoir qui propose les soins de
meilleure qualité.
19 f) Faire disparaître les conditions inacceptables d’hospitalisation en
psychiatrie.
Si on parlait des patients détenus, isolés systématiquement sur des ordres
occultes alors que leur état (dépressif par exemple) ne l’implique pas.
L’isolement n’est plus, dans ce cadre une décision médicale mais
administrative. Quid des chambres d’isolement, parfois sans lits, sans
draps, sans rien en vertu d’un protocole imbécile et inutilement
maltraitant. Il suffit qu’un patient se soit suicidé pour que tous les patients
d’une unité aient droit à ce traitement dégradant.
19 g) Améliorer l’accès à l’information pour tous et la lisibilité des
dispositifs, en renforçant la gouvernance locale de la santé mentale
Même question que pour le Codes. Pas besoin d’être fou pour aller
consulter dans un CMP.
20 h) Rendre plus accessibles les soins aux populations qui rencontrent
des obstacles supplémentaires pour se faire aider.
On rêve
20 AXE 3 : PREVENIR ET REDUIRE LES RUPTURES ENTRE LA
PSYCHIATRIE ET SON ENVIRONNEMENT SOCIETAL.....
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21 a) Augmenter la culture générale sur la santé mentale, les soins et les
dispositifs psychiatriques, lutter contre les images négatives véhiculées
sur (et par) la psychiatrie.
Il faudrait qu’elle cesse elle-même de fournir ces images négatives. Il faut
changer notre regard et nos pratiques sur l’isolement et la contention.
Aussi longtemps que ces pratiques seront considérées comme
thérapeutiques, aussi longtemps la psychiatrie aura mauvaise image.
Exiger que lorsqu’un journaliste fait un film sur la psychiatrie carcérale,
sur les pratiques asilaires, sur les UMD il doive en contrepartie présenter
un autre film sur unh hôpital de jour, un CATTP, etc.
21 b) Lutter contre les discriminations, renforcer l’accessibilité pour les
personnes en situation de handicap psychique
Oui les Gems sont une bonne chose mais ils existaient avant le plan.
22 c) Prévoir des espaces et des temps de dialogue et de réflexion entre la
société et le système de soins psychiatriques
Je l’ai beaucoup fait, je n’ai pas repéré que les médias en dehors de
quelques psychiatres ou psychologues médiatiques s’intéressent beaucoup
à ce que les infirmiers peuvent transmettre de cette réalité-là. Des
discours d’experts, des discours de soignants, non. Ceux-ci sont limités à
l’émotionnel. Les infirmiers parce qu’ils sont plus proches des
préoccupations des gens qu’ils rencontrent dans les immeubles, parce
qu’ils parlent un autre langage ont un rôle à jouer.
22 d) Lutter contre la surmédicalisation du mal-être et des difficultés
d’ordre social et mieux adapter notamment la consommation de
psychotropes
Ça ne saute pas aux yeux.
22 e) Repenser la sécurité en psychiatrie, à travers le fil conducteur de la
bientraitance
La bientraitance n’est pas un concept, c’est un vœu pieu qui ne décrit pas
la complexité des situations de soins en psychiatrie, dans les unités de
soins palliatifs. D’ailleurs quand un soignant apprend une semaine avant
de partir qu’il change de service est-ce de la bientraitance ? Pour le
soignant, non mais ce n’est pas important mais pour les personnes qu’il
suit parfois depuis cinq ans, comment peuvent-elles se préparer à son
départ, investir un nouveau soignant ? C’est de la bientraitance, ça ? Les
soignants ne sont pas interchangeables en psychiatrie, ils investissent et
sont investis.
22 AXE 4 : PREVENIR ET REDUIRE LES RUPTURES ENTRE LES SAVOIRS
24 a) Encourager, recueillir et faire connaître les travaux de recherche et
les expériences réussies, à l’étranger et sur notre territoire, poursuivre le
développement de recommandations de bonnes pratiques.
Pour ce qui est de l’étranger ça marche, pour ce qui est des travaux
français il y a encore du boulot. Combien d’entre vous connaissent Jean-
Paul Lanquetin, Ahmed Benaïche, Baptiste Gaudelus, Pierre Cheyroux ou
Sophie Tchukriel ?
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