Fiche Français moderne : Le discours rapporté Le discours rapporté représente un dédoublement de l’énonciation : le discours tenu par un locuteur de base contient un discours attribué à un autre locuteur (parfois au locuteur de base), qui est rapporté par le locuteur premier. La reproduction du discours d’autrui peut prendre différentes formes : discours direct, discours indirect ou style indirect libre. Celles-ci mettent en jeu plusieurs dimensions grammaticales : types de phrases, subordination, concordance des temps et indication des personnes. On établit entre ces formes un rapport de dérivation : le discours direct est la forme de base, qui est transposée en discours indirect ou en style indirect libre. I)Le discours direct Forme la plus littérale de la reproduction du discours d’autrui, rapporté tel quel, comme une citation. Cependant, fidélité apparente seulement. En effet, le discours direct neutralise les caractéristiques du discours oral. Le discours direct est inséré dans un autre discours, avec des marques explicites du décalage énonciatif produit : il est encadré par des guillemets ou, dans le cas d’un dialogue inséré dans un récit, chaque réplique est introduite par un tiret (les textes du XIXème souvent n’ont pas de guillemets). Le discours direct est généralement signalé par une phrase introductive, qui indique l’énonciateur et précise éventuellement les conditions de son discours. Cette phrase peut occuper 3 positions : - Avant le passage au discours direct : elle est suivie de 2 points, qui ouvrent sur le discours rapporté, placé en position de complément d’objet du verbe introducteur : exp : Robespierre a dit : « danton est un traître ». - A l’intérieur ou après le fragment au discours direct, sous forme d’incise : exp : Danton, a dit Robespierre, est un traître ou Danton est un traître, a dit Robespierre Possible aussi sans phrase introductive : le DD présente les caractéristiques de l’énonciation de discours. Les pronoms ou déterminants de 1ère personne (je, mon) renvoient à l’énonciateur dont le discours est rapporté. Les temps sont repérés par rapport au moment de sa parole : le présent correspond au moment de son énonciation, même si le discours est inséré dans un contexte passé, comme dans nos exemples. Tous les types de phrases de l’énonciation directe sont possibles, en particulier les plus liés à la situation d’énonciation, comme l’injonction ou l’exclamation. II) Le discours indirect Le discours rapporté au style indirect perd son indépendance syntaxique et énonciative. Il se construit comme une proposition subordonnée, qui est complément d’un verbe principal signifiant « dire » ou « penser ». Il n’y a pas de rupture énonciative, ni par ponctuation, mais un mot subordonnant (que, si…) ou un démarcatif. L’énonciateur est généralement le sujet du verbe introducteur : exp : Robespierre a dit que Danton était un traître. Les verbes introducteurs du DI évaluent plus la proposition qu’ils introduisent (prétendre, supposer, révéler…). La mise en subordination provoque des transpositions de temps et de personnes, ainsi que des changements qui affectent les déictiques et les types de phrases. La transposition des personnes suit des règles complexes, selon le rapport entre le locuteur de base, son allocutaire et le locuteur dont il rapporte le discours : -locuteur rapportant son propre discours, aucune transposition de personne : exp : J’ai dit que je viendrai. -quand le locuteur rapporte à son allocutaire le discours d’une tierce personne, il emploie la 3ème personne. exp : Il a dit qu’il viendrait. -si l’allocutaire est concerné par le discours rapporté, l’emploi des personnes est plus complexe ; ainsi « tu » peut désigner l’allocutaire à l’intérieur du DR. exp : Elle a dit qu’elle te remerciait pour ton cadeau. Il faut tenir compte des 2 situations d’énonciation, immédiate et rapportée. Aussi des changements de déterminants et de pronoms sont possibles : exp : Il a prétendu qu’on lui avait pris son livre. Le changement des temps du verbe est réglé par la concordance des temps. Quand le verbe introducteur (ou le contexte) est à un temps du présent et du futur, le verbe subordonné ne subit pas de changements. Quand le verbe principal est à un temps du passé, la subordonnée subit des changements de temps suivant la relation entre le moment où le discours a été énoncé et celui où il est rapporté. On établit les règles de concordance suivantes : Il a dit : « je suis parti » / « je pars » / « je partirai » Il a dit qu’il était parti / qu’il partait / qu’il partirait 3 rapports chronologiques de base du fait subordonné au verbe principal : - antériorité : le plus-que-parfait transpose le passé-composé - simultanéité : l’imparfait transpose le présent - postériorité : le conditionnel transpose le futur, pour indiquer le « futur vu du passé ». Exceptions : - le présent de définition ou de vérité générale peut être maintenu. exp : elle pensait que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. - un futur peut être conservé s’il marque aussi l’avenir par rapport au moment où le discours est rapporté : exp : J’ai dit que je viendrai demain. - un présent peut aussi être maintenu par le locuteur quand il veut marquer qu’il prend en charge les paroles rapportées : exp : Il a dit que tu es un imbécile. La transposition à l’imparfait permet au contraire au locuteur de se détacher du discours rapporté, sans l’assumer : Il a dit que tu étais un imbécile (= c’est lui qui l’a dit, et non pas moi, qui me contente de rapporter ses paroles). Dans la langue classique, le discours indirect pouvait être développé en plusieurs phrases, souvent longues, introduites par de nombreux « que ». Les auteurs modernes se limitent le plus souvent à une ou deux phrases, en raison de la lourdeur de la subordination, et préfèrent employer, dans les textes narratifs, le style indirect libre. III) Le style indirect libre Il garde les diverses intonations du discours direct, mais il est susceptible de marquer les transpositions de personnes et de temps du style indirect, signes de la dépendance énonciative des paroles ou pensées rapportées. En revanche, la spécificité de l’indirect libre tient à ce qu’il superpose au moins deux instances d’énonciation, le discours rapportant se faisant l’écho d’une autre voix, dont on ne peut reconstituer les paroles comme une citation distincte. Tout l’intérêt littéraire de ce style tient dans son ambiguité, dans l’indécision de ses frontières. L’indirect libre permet d’insérer la voix du personnage, de dire à la fois l’événement et le point de vue sur l’événement. IV) Le discours narrativisé De Gérard Genette. Celui-ci constitue un degré de plus dans l’abstraction des paroles ou pensées transmises. Il consiste à traiter le récit de paroles ou de pensées comme le récit d’un événement. C’est une sorte de résumé des paroles prononcées sans que le contenu soit vraiment détaillé : exp : La Princesse de Clèves « Elle se mit un jour à parler de lui ; elle lui en dit du bien et y méla beaucoup de louanges empoisonnées »