Université René Descartes - Paris V
Faculté des Sciences Humaines et Sociales
Sorbonne
Département de Sciences Sociales
Enquête de Magistère 3°Année
Modalités et pratiques
de catégorisation
des groupes sociaux
(synthèse)
Réalisée sous la direction de :
Dominique Desjeux
Isabelle Moussaoui
Isabelle Clair
Xavier Marc
Nasser Tafferant
DECEMBRE 2001
Modalités et pratiques de catégorisation sociale
Décembre 2001
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Etudiants ayant réalisé l’enquète :
Céline Benet
Amélie Brenner
Aurore Brousse
Fabrice Clochard
Marie Cuenot
Laëtitia Dechaufour
Béatrice Delay
Valérie Derrien
Judith Ferrando
Matthieu Geoffray
Stéphanie Giamparco
Agnès Golfier
Emilie Guillaume
Céline Janvier
Solenne Lepingle
Pauline Marec
Nedjma Meknache
Anne Morel
Audrey Palma
Lise Pannetier
Sophie Sainte Thérèse
Dorothée Walquemane
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I. Introduction
« Affaire classée » : tel est le mot du juge à la fin d’une procédure judiciaire, lorsque le
dossier a été rangé dans un lieu précis, pour ne plus être ouvert, relu, modifié. Cette
connotation juridique du classement est à rapprocher de la racine grecque du terme catégorie,
« kathégorestai », c'est-à-dire « accuser publiquement ». Classer, catégoriser, c’est en effet
mettre une étiquette, placer dans une case un objet pour qu’il rentre dans un ordre précis et ne
dérange plus. Etablir des catégories sociales revient à faire cette opération sur la société, ce
qui explique la forte tension qui sous-tend ce phénomène, exprimée par les controverses
théoriques qui durent depuis des siècles. On peut faire l’hypothèse que le travail de
catégorisation, loin d’être neutre, est le fruit d’une lutte incessante.
En effet, si tout le monde opère des catégories, certaines personnes ont pour fonction d’en
produire, d’en appliquer et d’en diffuser. On pourra les appeler les « professionnels du
classement », pour reprendre des termes bourdieusiens. Ces personnes ont pour point commun
la capacité de rendre publique une façon de percevoir la réalité sociale ; en cela, ils participent
au modelage du sens commun. Une hypothèse est que cela correspond de manière sous
jacente à une lutte pour imposer le « bon » classement : selon la terminologie de Bourdieu, on
peut voir que dans ce champ se trament des stratégies d’acteurs visant à détenir le monopole
de la violence symbolique légitime.
S’intéresser aux catégories nécessite ainsi de retracer et de reconstituer le système
d’action de ce champ afin d’en découvrir les enjeux sous-jacents. L’analyse qui suit a pour
objectif cette reconstitution, à partir de soixante cinq entretiens réalisés auprès de tels
professionnels, producteurs et utilisateurs de catégories sociales.
Pour cela, il faut partir des pratiques de ces professionnels et saisir les interactions liant les
acteurs de ce champ entre eux, concernant la formation des catégories. Le système d’action
ainsi mis en lumière ne peut toutefois être analysé indépendamment du contexte social,
historique et politique dans lequel il est placé : il faut comprendre à quels enjeux externes au
champ les catégories produites répondent. Enfin, on doit se demander comment les
représentations qu’ont les acteurs du système et de leur relation à leur objet d’étude influe sur
les catégories qu’ils créent.
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I.1 Le système d’action, les pratiques de la catégorisation
Nous allons, tout d’abord, essayer de retracer les étapes-clés de la pratique professionnelle
des enquêtés en matière de production de catégories.
I.1.1 La boîte à outils du professionnel
Travailler sur les catégories sociales suppose pour les professionnels du classement qui
travaillent en qualitatif ou en quantitatif, la mobilisation de catégories à toutes les étapes de la
recherche à la fois dans le recueil et le traitement de celles-ci. Les outils peuvent être : des
variables, des indices ou tout autre type d’indicateur permettant d’isoler des catégories de
populations.
Nous avons pu définir deux positions en matière de construction de catégories, une
matière déductive et une manière inductive.
La manière déductive qui correspond plus à une démarche quantitative. Le
découpage et l’existence des catégories existent à priori, c’est-à-dire que ces
catégories sont pré-finies à l’enquête. Les professionnels du classement utilisent
des données qui permettent de comprendre la réalité sociale à partir de critères
communs. Les enquêtés manient des échantillons avec des catégories construites.
Les catégories sont le point de départ de l’enquête.
La manière inductive correspondant plutôt à une démarche qualitative et considère
qu’il n’existe pas de construction de catégorie a priori. Les catégories se
construisent pendant l’enquête, et dans un contexte particulier, et sont une partie
du résultat de l’enquête. Nous pouvons néanmoins poser une limite à cette
approche : elle travaille à partir de catégories qu’ils n’ont pas définies eux-mêmes.
Pourtant, il semble impossible d’échapper à ces catégories, qui aident à structurer la
pensée et façonnent nos préjugés en analysant l’incroyable pouvoir social de ceux qui classent
et qui, en rendant public leur mode de classement, contribuent à la structuration des mentalités
collectives.
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Le discours des professionnels du classement a permis d’isoler trois grands types d’outils
qui sont les suivants :
les outils de catégorisation qualifiés de « classiques »
la combinaison d’outils classiques avec des variables propres au secteur ou a
l’objet d’étude
des outils « ad hoc » dont l’utilisation est souvent limitée à une structure.
Les outils « classiques », selon les professionnels interrogés, sont des variables socio-
démographiques en partie définies par l’INSEE
1
. L’utilisation de ces nomenclatures permet
selon les personnes que nous avons interrogées, à la fois un gain de temps et une garantie de
représentativité. L’utilisation des catégorisations de l’INSEE (comparaisons, économie de
temps) réside dans la croyance en la scientificité de ces outils.
Les catégories « classiques » peuvent être combinées à des variables propres à un secteur
ou à un objet d’étude. Cela permet un découpage de la population considérée « plus fin » et
donc plus opérationnel selon les professionnels interrogés.
Il semble que la prise en compte de plusieurs variables ait défini deux types d’analyse, soit
plus sociologique soit plus psychologique. Ainsi, la multiplication des variables a généré des
analyses de plus en plus psychosociales et plus individualistes, elle a permis de définir des
modes de vie, des catégorisations de plus en plus précises les différents aspects (mode de
vie, de consommation, trajectoire sociale) de l’individu sont intégrés dans la recherche. Cet
affinage et cette multiplication des catégorisations conduisent à un certain éclatement des
catégories qui existent actuellement. La profusion des différentes professions pourrait aussi
expliquer la multiplication des points de vue sur les modes d’approches des catégorisations, et
donc la multiplication des catégories.
Nous pouvons nous demander si cette complexification dans l’appréhension de la réalité
sociale n’a pas contribué, en partie, à mettre en place la croyance en une fragmentation de la
société.
1
L’âge (an nombre d’années, en tranche d’âge ou en génération), le sexe, la catégorie socioprofessionnelle,
le niveau de revenu, le niveau de diplôme, la situation familiale (situation matrimoniale, composition du ménage,
nombre d’enfants), la situation géographique (rural/urbain, commune, canton, département), le type de logement.
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