LE DOLLAR DU XIX° A NOS JOURS
Le dollar est à la fois une monnaie nationale et une monnaie internationale. Il n'a pas acquis
d'emblée ce dernier rôle, dans lequel il a supplanté la livre sterling. Cela traduit la force
économique et l'hégémonie d'un pays, et contribue à la renforcer. C'est après 1945 que
s'affirme la suprématie du dollar, avec un système monétaire international qui avantage les
États-Unis. Les États-Unis rejettent le système de Bretton Woods quand celui-ci les gêne : le
dollar est défini autrement à partir de 1976, avec un nouveau système monétaire international
(SMI).
Le SMI a toujours reflété les rapports de forces entre les pays à un moment donné; c'est un
instrument dont se sert le pays dominant pour accroître sa domination. L'histoire du dollar
relève de facteurs complexes. Les pouvoirs publics américains n'ont pas de stratégie
financière claire, pas plus qu'il n'y a de complot. L'État joue un rôle, essaie d'arbitrer entre des
positions conflictuelles. On voit aussi la capacité d'adaptation du système monétaire
américain.
I- La montée en puissance du dollar
A/ Jusqu'en 1914
1) Une économie puissante
L'économie américaine est puissante, malgré une organisation monétaire fragile. Cette
puissance est due à plusieurs facteurs :
* L'afflux d'immigrants : il y a environ 4 millions d'Américains en 1780, et environ
100 millions en 1914;
* Le recul de la Frontière, par achat ou par luttes;
* L'ampleur des ressources agricoles, énergétiques et industrielles.
Cela a été renforcé par le protectionnisme et l'expansionnisme. Le protectionnisme concerne
l'Europe, puis s'assouplit, avec le tarif de 1913 abaissant les droits de douane.
L'expansionnisme concerne avant tout les relations avec l'Amérique latine, dès la doctrine
Monroe en 1823, doublée du corollaire Roosevelt en 1905 : c'est la politique du big stick (gros
bâton). Les États-Unis s'autorisent à intervenir partout où les intérêts de leurs nationaux
seraient menacés.
Vers 1900, on met au point la doctrine de la Porte Ouverte à l'occasion de l'ouverture de la
Chine : les Américains veulent voir le marché chinois ouvert et en libre accès, après la
dépression des années 1890.
En 1914, les États-Unis sont une très grande puissance industrielle; ils fabriquent deux fois
plus d'acier que l'Allemagne, trois fois plus que la Grande-Bretagne. Ils produisent 500 000
automobiles par an, contre 45 000 pour la France. Leur puissance n'est pas qu'industrielle : ils
produisent 25% du blé mondial.
2) La monnaie américaine
La monnaie est le dollar, dont le nom vient de l'allemand thaler. En 1785, le dollar devient la
monnaie américaine, définie en argent, comme le franc germinal en 1803. On frappe à la fois
des monnaies d'argent et des monnaies d'or (bimétallisme). Les Américains finissent par
adopter le monométallisme or. En 1900, le Gold Standard Act rattache le dollar à l'or sur la
base de 20 dollars l'once d'or.
En 1913 est créée la FED, une banque centrale qui coiffe la douzaine de banques fédérales
existant alors. La FED reçoit le monopole de l'émission des billets verts. Les billets sont
convertibles en or à l'intérieur du pays. Les États-Unis ont ici suivi l'exemple des autres pays
industriels. Les monnaies de tous les pays industriels sont rattachées à l'or. Depuis le milieu
du XIXe siècle jusqu'en 1914, le SMI repose sur l'étalon-or. Les monnaies sont doublement
convertibles :
* Entre elles à l'extérieur : le change (ou pair) se fait sur la base du poids d'or respectif;
* À l'intérieur de chaque pays, les billets sont convertibles en or (convertibilité interne).
Avant 1914, l'or est donc l'étalon de valeur. Il est aussi un moyen de paiement, et enfin une
réserve de valeur.
La part de l'or dans les monnaies nationales ne cesse de diminuer. En revanche, dans les
réserves des banques centrales on voit augmenter la part des devises nationales : la livre
notamment, seule monnaie acceptée par tous avant 1914. L'or peut servir de liquidité
internationale, en cas de déséquilibre de la balance des paiements. Cela contribue à ce qu'il y
ait très peu de variations dans les changes.
B/ 1914-1939
1) La première guerre mondiale
L'énormité des dépenses entraîne le cours forcé des billets de banque, et l'inconvertibilité des
billets en or. En effet, on a fait marcher la planche à billets et on a emprunté : la masse
monétaire en circulation au augmenté et l'inflation est là. Une deuxième cause d'inflation est
le décalage entre l'offre et la demande : cela entraîne une dépréciation de la monnaie par
rapport à l'or.
En 1919, on veut partout la déflation et le retour aux valeurs-or d'avant-guerre. Aux États-
Unis, dès 1920-1922, la contraction de la masse monétaire permet le retour à l'étalon-or et la
convertibilité (sous forme de lingots). La situation est bien meilleure aux États-Unis qu'en
Europe :
* En Grande-Bretagne, la livre sterling est rétablie en 1925 grâce à une politique
draconienne très critiquée par Keynes;
* En France, après les erreurs du Cartel des Gauches et les conséquences du
comportement défiant des milieux financiers, le franc Poincaré est défini en 1928 par rapport
à l'or, avec une dévaluation des 4/5e (franc de quat’sous).
2) La conférence de Gênes (mai 1922)
L'étalon-or est maintenu, mais il est appelé Gold Exchange Standard, défini lors de la
conférence. Les réserves des banques centrales sont de plus en plus constituées d'or et de
devises (livres, et de plus en plus de dollars). Les États-Unis possèdent à l'époque la moitié du
stock d'or mondial, et de débiteurs sont devenus créanciers.
En 1926 c'est l'accord Mellon-Béranger, qui reconnaît les créances américaines avec les
modalités de paiement. Elles seront suspendues par le moratoire Hoover en 1931.
Les Américains irriguent l'Allemagne avec leurs capitaux : le poids financier des États-Unis
s'affirme après, et à cause de la première guerre mondiale. New York est devenue une des
trois grandes places boursières mondiales.
Les États-Unis sont soucieux de garder une balance commerciale positive, ils conservent donc
le protectionnisme : les autres pays ont du mal à acquérir des dollars. Les États-Unis créent
donc aux autres pays des difficultés dans la reconstitution de leurs valeurs de change. Les
autres pays manquent de liquidités pour acheter aux États-Unis, et doivent emprunter... aux
États-Unis. Les États-Unis prêtent, et provoquent le dollar gap, accroissant la dépendance des
autres pays. Ils privilégient leurs intérêts internes au détriment des intérêts internationaux.
3) La crise de 1929
Elle voit l'effondrement de la production, la baisse des prix. On passe de 1,5 à 12 millions de
chômeurs. Franklin Roosevelt est élu à partir de 1932. Les mesures du New Deal ne relèvent
pas d'une stratégie structurée mais sont prises au coup par coup :
* Une politique budgétaire active : l'État dépense par des grands travaux, des aides
sociales et économiques à l'agriculture et à l'industrie.
* En mai 1933, les banques sont fermées, on impose un embargo sur l'or, le dollar est
déclaré inconvertible. La règlementation bancaire est très stricte : la réouverture des banques
est soumise à autorisation, on sépare les institutions, on contrôle les opérations boursières.
* En avril 1933, on abandonne l'étalon-or.
* Le 30 janvier 1934, le dollar est dévalué de 41%. L'once d'or vaut désormais
35 dollars. La plupart des pays d'Amérique latine et le Canada, qui ont suivi la dévaluation,
créent un bloc-dollar, tout comme il y a un bloc-livre sterling. La France veut maintenir le
franc Poincaré et forme un bloc-or avec la Belgique, la Suisse, la Hollande, l'Italie, la
Pologne, avant de céder et dévaluer en 1936 puis en 1939.
La crise a provoqué l'éclatement du SMI. La conférence économique mondiale de Londres en
juin-juillet 1933 échoue totalement à définir une entente mondiale.
La dévaluation américaine n'a pas vraiment permis de relancer les exportations parce que tous
les pays ont dévalué et que l'on importe le moins possible. Cependant, le solde commercial
des États-Unis est excédentaire. Mais la crise n'est pas résolue : le système n'est plus cohérent
et le New Deal n'a pas vraiment suscité la croissance qui ne revient qu'avec la seconde guerre
mondiale.
II- L'apogée du dollar (1944-1971)
A/ Le nouveau système monétaire international
On veut tirer les conséquences des désordres monétaires des années 1930. La préoccupation
majeure est de créer des conditions favorables (stabilité et liquidités suffisantes). La paix en
dépend. Cependant les intérêts des pays ne convergent pas, et la domination des États-Unis
domine supérieurement (sic) : ils se sont enrichis, n'ont subi aucune destruction sur leur
territoire, et détiennent 2/3 du stock d'or mondial.
1) Bretton-Woods
En juillet 1944 se tient une conférence internationale monétaire et financière à Bretton
Woods. Elle rassemble 41 pays, avec un observateur soviétique, pas d'Allemand; Pierre
Mendès-France représente la France. Deux thèses s'affrontent :
La thèse britannique avec le plan Keynes : il préconise un ordre monétaire supranational
avec une banque centrale mondiale et une nouvelle monnaie scripturale, le bancor, défini en
fonction des monnaies des pays membres et non convertibles.
1. La thèse américaine avec le plan White (avril 1943) : les États-Unis refusent toute
institution à laquelle ils devraient transférer une partie de leur souveraineté. Ils veulent faire
reconnaître la suprématie du dollar qui en 1944 est la seule monnaie convertible en or,
donnant accès à un grand marché et ayant gardé sa valeur. Ils insistent sur la liberté des
échanges et des paiements courants.
C'est la thèse américaine qui l'emporte. Les accords de Bretton Woods consacrent à la fois le
retour à l'étalon-or et la convertibilité externe des monnaies sur la base de parités fixes.
Chaque pays doit définir sa monnaie soit en or, soit en dollars. C'est donc un retour au
système de 1922, à ceci près que seul le dollar peut servir de devise de référence. Le dollar
est «as good as gold». Il a totalement supplanté la livre sterling. Il sert de mesure de valeur
(prix en dollars), de moyen de paiement international et de monnaie de réserve.
Les accords de Bretton Woods n'admettent de fluctuations que de plus ou moins 1%.
2) Le FMI
Il est créé en 1947. Si des déséquilibres apparaissent dans le système de Bretton Woods, les
pays peuvent avoir recours à lui. Le FMI a plusieurs fonctions :
* Veiller au respect des accords de Bretton Woods;
* Accorder des prêts à court terme pour résoudre des déséquilibres passagers. Pour cela,
il dispose de droits de tirage.
Le FMI est alimenté par des quote-parts, versées pour 25% en or et 75% en monnaie
nationale. On accorde des droit de tirage automatiques pour ce qui équivaut à la part d'or
versée, et conditionnels si cela dépasse la part d'or versée. Pour dévaluer en cas exceptionnel,
il faut une autorisation du FMI, dominé par les États-Unis qui ont versé la plus grosse quote-
part. Les voix sont en effet proportionnelles à la quote-part, et il faut 80% des voix pour
prendre une décision; mais les États-Unis ont 30% des voix grâce à leur quote-part.
La BIRD (banque internationale de reconstruction et de développement) a pour buts de
résoudre les déséquilibres structurels, et oriente son action vers les pays en voie de
développement.
Pour réduire les entraves au commerce mondial, on a voulu faire une institution, mais cela
échoue. À défaut, les pays du FMI ont signé le GATT en 1947; dans ce cadre ont lieu des
cycles de négociations.
3) Le dollar
Ce système a été voulu par les États-Unis, et il les avantage. Le dollar à l'époque est la seule
monnaie qui soit en quantité suffisante, et l'on a confiance dans cette monnaie mais aussi dans
ce régime politique stable.
De plus, en 1947 les États-Unis ont opté pour la clause d'exception : Bretton Woods dit qu'il
faut absolument veiller à la parité de la monnaie; est réputé remplir cette obligation tout
membre qui achète et vend librement de l'or pour les règlements et les transactions. Les États-
Unis optent pour cette clause; ils vendront et achèteront de l'or à toute banque centrale qui en
fera la demande. Les États-Unis ne seront pas obligés d'intervenir sur le marché des changes
pour maintenir la monnaie.
B/ Le renforcement du rôle international du dollar
Le nouveau système monétaire international ne fonctionne véritablement qu'à partir de 1958.
Les belligérants doivent en effet réorganiser leur système monétaire; presque tous dévaluent
en 1948-1949. La France dévalue en 1948, 1949, 1958 et 1969. Les monnaies réussissent à se
donner une définition fixe en or ou en dollars convertibles en or. Le système repose sur la
confiance que l'on a dans cette monnaie qui émane d'un pays puissant et stable. Le véritable
étalon monétaire c'est le dollar. La mise en place du SMI n'a fait que renforcer le poids du
dollar. Ce qui gage les monnaies nouvellement créées c'est le dollar.
1) Les balances
À partir des années 1950, la balance des paiements américaines est déficitaire, mais à l'époque
c'est un signe de bonne santé. La balance des paiements est un document qui retrace les
transactions économiques faites par les résidents d'un pays et l'extérieur, pendant une riode
donnée.
Composition d'une balance des paiements
Balance de base Balance courante Balance des biens et services Balance
commerciale : blé, pétrole, objets d'art, etc.
Services : fret, tourisme, assurances, services divers (conseils financiers, exploitation de films,
etc.)
Balance des transferts unilatéraux, privés et publics (contributions internationales, etc.)
Balance des capitaux à long et moyen terme (investissements directs ou de portefeuille, prêts
et placements, etc.)
Réserves de change
2) Les États-Unis et les balances
À partir des années 1950, la balance de base est déficitaire, avec des exportations de capitaux
et les dépenses militaires :
* Les capitaux sont exportés dès 1945 : la France reçoit 5,5 millions de dollars en
décembre 1945, 650 millions avec les accords Blum-Byrnes en mai 1946. L'aide Marshall
représente 12 milliards de dollars.
* Les dépenses militaires sont nombreuses : OTAN, OTASE, bases américaines dans le
monde, aides militaires pour l'Europe puis le Japon, guerre de Corée.
* Il y a de nombreux investissements à l'étranger, et de plus en plus vers les pays
industriels d'Europe.
Ce déficit n'est pas un signe de faiblesse et les États-Unis le paient très facilement. Cela
traduit l'expansionnisme américain, leur présence dans le monde par les soldats et les firmes,
ce qui accroît la puissance américaine (débouchés, matières premières, conditions plus
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !