Crim, 18 juin 2008
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Pascal,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 11 avril
2008, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de tentative d'assassinat, a confirmé
l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention
européenne des droits de l'homme, 145, alinéa 6, et 593 du code de procédure pénale, manque
de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance du juge des libertés
et de la détention ;
"aux motifs qu'il résulte des observations de l'avocat du mis en examen, consignées au procès-
verbal du débat contradictoire que « la porte a été fermée durant le débat » ; que force est de
constater que cette formulation est pour le moins ambiguë, car elle ne met pas la cour en
mesure de savoir si la publicité de l'audience a été omise dès le début du débat ou bien si elle
a pris fin pendant son déroulé à la suite de la fermeture intempestive de la porte de la pièce où
il avait lieu et d'apprécier ainsi l'importance de l'omission dénoncée ; que même si l'absence
de publicité s'est poursuivie pendant tout le cours du débat, en méconnaissance des
dispositions de l'article 145, alinéa 6, du code de procédure pénale qui édictent que le débat
devant le juge des libertés et de la détention et le prononcé de la décision sont publiques pour
les personnes mises en examen majeures, sauf décision contraire du magistrat, l'inobservation
de cette formalité ne peut entraîner la nullité de l'ordonnance statuant sur la détention que s'il
en est résulté une atteinte aux intérêts de la partie concernée ; que le mis en examen n'indique
pas, dans ses écritures, en quoi l'omission du juge des libertés et de la détention a eu pour effet
de porter atteinte à ses intérêts ; que la lecture des circonstances du débat devant le juge des
libertés et de la détention ne permet pas non plus à la cour d'objectiver un tel grief, les deux
seules personnes qui stationnaient à l'extérieur de la pièce, étant, selon l'avocat du mis en
examen, ses deux confrères qui attendaient pour assister les deux autres co-mis en examen ;
que le moyen tiré du caractère non public du débat sera, dans ces conditions, écarté ;
"alors que, d'une part, il résulte des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de
l'homme et préliminaire du code de procédure pénale que la procédure pénale doit être
équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ; qu'il s'en déduit que
l'inobservation, par le juge, de la publicité du débat contradictoire et du prononcé de la
décision, prévue par l'article 145, alinéa 6, du code de procédure pénale, porte nécessairement
atteinte aux intérêts de la personne mise en examen, dès lors qu'il n'est pas constaté que celle-
ci, son avocat ou le ministère public se sont opposés à cette publicité dans les conditions
exigées par cette disposition ; qu'en se déterminant par les motifs précités, la chambre de
l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
"alors que, d'autre part, l'article 145, alinéa 6, du code de procédure pénale, qui dispose que, si
la personne mise en examen est majeure, le débat contradictoire a lieu et le juge statue en
audience publique, ne prévoit aucune distinction selon que la publicité de l'audience a été
omise dès le début du débat ou bien si elle a pris fin pendant son déroulé à la suite de la
fermeture intempestive de la porte de la pièce où il avait lieu ; qu'en ajoutant à cette
disposition une distinction qu'elle ne contient pas, la chambre de l'instruction a méconnu le
texte susvisé" ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation du débat contradictoire prise de ce qu'il
résultait des constatations du procès-verbal que la porte du cabinet d'instruction avait "été
fermée durant le débat", la chambre de l'instruction prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état et dès lors que le fait que la porte fût fermée ne signifiait pas que le
public eût été empêché d'entrer, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention
européenne des droits de l'homme, 199, alinéa 3, 706-71, R. 53-33 à R 53-39, et 593 du code
de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, qui vise la demande à comparaître faite par le mis en examen en
même temps que l'appel, mentionne que celui-ci a eu la parole en dernier par l'intermédiaire
de l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle depuis la maison d'arrêt
d'Angers, conformément aux dispositions de l'article 706-71 du code de procédure pénale et
R. 53-33 à R. 53-39 du même code ;
"alors que l'article 199, alinéa 3, du code de procédure pénale, impose, en matière de
détention provisoire, la comparution personnelle de la personne mise en examen, lorsque la
demande en est faite ; que l'article 706-71 du code de procédure pénale prévoit l'utilisation
d'un moyen de télécommunication audiovisuelle pour le débat contradictoire préalable au
placement en détention provisoire d'une personne détenue pour une autre cause, si les
nécessités de l'enquête ou de l'instruction le justifient ; qu'en faisant application au mis en
examen de l'article 706-71 du code de procédure pénale, aux lieu et place de l'article 199,
alinéa 3, sans constater que le mis en examen était détenu pour une autre cause et que les
nécessités de l'enquête et de l'instruction justifiaient le recours à ce procédé, la chambre de
l'instruction a méconnu les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que Pascal X... a eu la parole en dernier,
depuis la maison d'arrêt d'Angers, par l'intermédiaire d'un moyen de communication
audiovisuelle, en application des dispositions des articles 706-71 et R. 53-33 à R.53-39 du
code de procédure pénale ;
Attendu qu'il se déduit implicitement mais nécessairement desdites mentions que les
conditions prévues respectivement par les alinéas 1 et 3 de l'article 706-71 du code de
procédure pénale se trouvaient remplies en l'espèce ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la
Convention européenne des droits de l'homme, 137, 137-3 à 139, 143-1, 144, 145, et 593 du
code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le placement en détention provisoire du mis en examen ;
"aux motifs qu'outre le trouble exceptionnel et persistant qui s'attache à une tentative
d'assassinat pour de l'argent, en raison du peu de considération pour la vie humaine que révèle
ce genre de fait, il y a lieu également d'éviter que le mis en examen ne puisse se concerter
avec son co-auteur ou le commanditaire du crime ; que le mis en examen avait été dé
condamné, le 20 novembre 2007, à la peine de trois mois d'emprisonnement avec SAME
pendant deux ans pour menaces de mort réitérées ; qu'il résulte de ses propres indications qu'il
était dans l'attente d'une nouvelle décision judiciaire concernant là encore des faits de
violences ; que des risques de réitération des infractions sont donc caractérisés ; qu'enfin, le
mis en examen ne peut justifier ni d'un domicile fixe, puisqu'il vit dans un squat, ni d'un
emploi régulier ; qu'un tel mode de vie ne permet pas de garantir le maintien de la personne
mise en examen à la disposition de la justice ; que ces circonstances particulières déduites des
éléments de l'espèce, établissent que le placement en détention provisoire de la personne mise
en examen demeure justifié au regard des critères limitativement énumérés par l'article 144 du
code de procédure pénale ; que l'ordonnance doit dès lors être confirmée ;
"alors que le placement en détention provisoire est prescrit par une ordonnance spécialement
motivée qui doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère
insuffisant des obligations du contrôle judiciaire ; qu'en ne prononçant pas sur ces obligations,
la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés" ;
Vu l'article 144 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007
;
Attendu qu'il résulte dudit article que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou
prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés de la
procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs objectifs définis
par ce texte et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle
judiciaire ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention plaçant
Pascal X... en détention provisoire, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, sans préciser expressément que les objectifs
fixés ne pouvaient être atteints par un placement sous contrôle judiciaire, la chambre de
l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé :
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la
cour d'appel de Rennes en date du 11 avril 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé,
conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel
d'Angers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la
chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, sa mention en marge ou à la suite de
l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience
publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code
de procédure pénale : M. Le Gall conseiller le plus ancien faisant fonction de président en
remplacement du président empêché, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, Mme
Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de
chambre ;
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