COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L’HOMME Avis portant sur le projet de loi renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes (Adopté par l’assemblée plénière le 19 novembre 1998) - Saluant le progrès que représente au plan des Droits de l’homme ce projet de loi qui tient compte des obligations découlant de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et qui contribue à clarifier le Code de procédure pénale. - Approuvant l’insertion, en tête du Code de procédure pénale, d’un article préliminaire affirmant solennellement les principes fondamentaux, dont celui de la présomption d’innocence reconnu comme essentiel. - Considérant le principe de présomption d’innocence affirmé par la loi et rappelant le principe d’égalité de tous devant la loi. La Commission nationale consultative des droits de l’homme, sur les dispositions relatives à la garde à vue 1. Exprime le vœu que le régime d’intervention de l’avocat au moment de la garde à vue soit le même quel que soit la nature de l’infraction reprochée au gardé à vue. 2. Souhaite que, en toute matière, l’entretien du gardé à vue avec l’avocat, après la vingtième heure ne soit pas supprimé et que deux rencontres avec l’avocat soient bien prévues, l’une au début de la garde à vue, l’autre après la vingtième heure, permettant notamment à l’avocat de s’assurer de l’état de son client. 3. Souhaite qu’en matière de garde à vue, l’avocat soit informé, dès la première heure, des charges pesant sur son client, comme c’est actuellement le cas au bout de la vingtième heure (art. 63-4 al. 3 du Code de procédure pénale). 4. Désire que soit modifiée la formule figurant au 8è al. de la page 2 de l’exposé des motifs aux termes duquel " pourra bénéficier de l’assistance d’un avocat dès la première heure ", car il ne s’agit pas ici de l’assistance d’un avocat dans sa signification habituelle, mais d’un simple entretien. 5. Bien que ne contestant pas la nécessité de prévoir des prolongations à la garde à vue dans certains cas, souhaite que lorsque la loi autorise ces prolongations, celles-ci soient ordonnées uniquement en fonction des besoins de l’enquête reconnus par décision motivée, du Parquet en cas d’enquête préliminaire ou du magistrat instructeur en cas d’ouverture d’information. 6. Demande qu’il soit expressément prévu que toute violation des dispositions concernant la garde à vue soit sanctionnée par une nullité formelle de la procédure de garde à vue. Sur les dispositions relatives aux droits des parties au cours de l’instruction et à l’audience 7. Retient comme positif le renforcement du caractère contradictoire de la procédure d’instruction qui consacre le principe de "l’égalité des armes" entre l’accusation, la défense et les parties civiles ainsi que précisé dans les articles 3 à 8 du projet de loi, et 9 pour l’audience. 8. Souligne la nécessité de rendre effective l’application de ce principe en permettant au conseil des intéressés de demander, par envois recommandés ou télécopies, copies de tous actes ou de formuler les requêtes par les mêmes moyens. Sur les dispositions relatives au juge de la détention provisoire 9. Considère comme une avancée l’institution d’un juge de la détention provisoire choisi parmi les magistrats du siège du niveau de président ou vice-président et qui se prononcera sur les demandes de mise en détention, de prolongation de mise en détention, et de mise en liberté (article 10 à 14 du projet). 10. Regrette néanmoins que la collégialité n’ait pas été retenue compte tenu des avantages d’une décision prise par une juridiction collégiale, y compris pour des raisons de sécurité dans des affaires sensibles et dangereuses. 11. Attire l’attention sur l’incidence de la réforme pour les petites juridictions, en raison de la proportion des affaires dans lesquelles des magistrats auront à intervenir en leur double qualité de juges du siège et de juges de la détention. 12. Estime que, sur un plan général, l’argument d’ordre budgétaire doit céder au regard des nécessités d’une bonne justice, objectif affirmé par le gouvernement à maintes reprises. Sur les dispositions relatives à la durée de l’enquête pénale et de la détention 13. Note également avec satisfaction l’avancée que représentent les délais fixés pour la conduite des investigations, de l’enquête, de l’instruction et la durée de la détention (art. 15 à 18) 14. Souhaite que toutes les décisions rendues en la matière soient spécialement motivées par référence aux faits de la cause. 15. S’interroge sur l’absence de précision concernant les rapports de la police judiciaire avec les deux magistrats intervenant dans le cours de l’instruction. Sur les dispositions renforçant le droit à être jugé dans un délai raisonnable 16. Approuve les dispositions des articles 20 et 21, mais déplore que, pour le débat contradictoire, la décision sur la publicité demandée par le justiciable, qui peut être refusée notamment pour le bon déroulement de l’enquête ou au nom de l’ordre public, fasse l’objet d’une décision du président du TGI non susceptible de recours. 2 Sur les dispositions relatives à la communication 17. Se félicite que le gouvernement entende se préoccuper de ce grave problème, notamment au regard de la vie privée, mais déplore cependant les insuffisances des mesures proposées qui comportent des possibilités de restrictions risquant d’enlever aux dispositions nouvelles toute portée pratique. 18. Souhaite en conséquence que la publicité au terme du débat contradictoire sur la détention provisoire et devant la Chambre d’accusation soit obligatoire, sans condition aucune. 19. Demande, en revanche, que toute publication, hors de ces "fenêtres de publicité", d’informations concernant des instructions en cours, soit incriminée et effectivement poursuivie. Sur les dispositions renforçant les droits des victimes 20. Approuve les dispositions prévues aux articles 26 et 27 complétant dans la section VIII du Code pénal visant les atteintes à la dignité de la victime d’un crime ou d’un délit et la diffusion de renseignements concernant l’identité d’un mineur victime d’une infraction. Sur les suites de la procédure législative 21. En raison de l’importance de la réforme entreprise (capitale pour le respect et le développement des droits de l’homme), exprime le vœu d’être tenue informée des suites de la procédure législative et notamment des mesures d’application. 3