L’espace méditerranéen : une interface Nord/Sud Introduction L’espace méditerranéen constitue une référence historique forte (« Mare Nostrum » romaine, foyer de la culture gréco-latine, berceau des 3 monothéismes, carrefour de mondes byzantin, latin et musulman au XIIè siècle) mais n’est + un centre du monde depuis la Renaissance (déplacement du centre de gravité planétaire vers l’Atlantique avec la découverte du Nouveau Monde). C’est aujourd’hui un espace organisé autour d’une mer continentale divisée elle-même en plusieurs ensembles (Méditerranée occidentale, orientale, adriatique, etc…) comprenant 25 Etats et environ 250 millions d’hab. L’espace méditerranéen est à la fois une zone de clivages et une zone de contacts. Mais est-il vraiment une interface Nord/Sud cad un espace mettant en relation 2 entités homogènes constituées ? Ou reste-t-il un espace fragmenté et cloisonné où les disparités st nombreuses sans logique d’organisation constructive ? 1 – un espace défini par son milieu et son histoire A – les caractéristiques physiques Le terme Méditerranée doit son nom à la mer intérieure presque fermée bordée par les littoraux des 3 continents (Europe, Afrique, Asie mineure). L’espace méditerranéen (EM) comprend donc la zone maritime correspondante et ses rivages transcontinentaux. Plusieurs caractéristiques physiques permettent de définir cet ensemble : o Un climat particulier (temps doux et chaud, orages violents avec risques d’inondations, incendies, etc…) o Un éco-système fragile marqué par des éléments majeurs (« la montagne et la mer » selon F. Braudel, des plaines étroites et enclavées, la culture de l’olivier comme « marqueur climatique »,) o Une zone d’intensité sismique majeure (activité volcanique et tremblements de terre fréquents) B – une histoire riche fondée sur des éléments culturels fondateurs La richesse et la singularité de l’EM s’illustrent à travers des découvertes historiques déterminantes. Citons 3 exemples majeurs : o La Révolution Néolithique (12 000 – 6 000 av JC) se diffuse du Croissant fertile à la Méd occidentale. La sédentarisation des hommes crée les 1ères civilisations agricoles. Au Proche-Orient apparaît le 1er alphabet (phénicien). o L’Antiquité gréco-romaine: 2 périodes particulièrement riches aboutissent à l’unification du monde méditerranéen. Il s’en suit un devt des cités-Etats, une politique d’ouverture commerciale et d’urbanisation massive et enfin une approche moderne de l’aménagement du territoire (gestion savante de la question de l’eau et des infrastructures de transports, etc…) o le berceau des 3 monothéismes : En effet, le judaïsme, le christianisme et l’Islam st nées et se sont étendues majoritairement dans la région (ex : Jérusalem « trois fois sainte »). Aujourd’hui, la référence religieuse reste un élément identitaire fort qui fragilise l’unification de la région Ainsi l’EM est un ensemble religieux fragmenté en 3 ensembles : l’Europe occidentale marquée par le catholicisme, l’Europe orientale soudée autour du christianisme orthodoxe, le Maghreb, le Proche-Orient et l’Asie mineure influencés par l’Islam et le judaïsme 2 – Un espace de clivages et de fractures A – les inégalités Nord-Sud : une ligne de clivages qui évolue le clivage Nord-Sud dans l’EM est à la fois démographique, économique et culturel. Ainsi, les pays européens du nord de la méditerranée st en moyenne + riches et + développés que les pays du sud (la France, l’Italie, l’Espagne et la Grèce totalisent 85% du PIB de l’EM !!). En termes démographiques, les pays du nord st tous post-transitionnels (avec des singularités en terme de taux de fécondité tels que l’Espagne, la Grèce ou l’Italie (1,3) alors que la transition démographique reste inachevée dans les pays du sud (ex : Maghreb autour de 2,1 (Tunisie) à 3,5 (Libye) – Proche Orient de 2,2 (Liban) à 5,6 (territoires palestiniens !!)). D’autre part, les structures familiales reflètent des différenciations profondes : modèle exogame au nord (cad époux issus de cercles familiaux différents) et endogame au sud (famille communautaire + élargie) mais dans cette répartition N/S, il y a des exceptions tels Israël (pays développé assimilé au Nord avec un IDH : 0.905) ou l’ex-Yougoslavie (suite aux conflits des années 90, la région s’est appauvrie et accumule d’importants retards). Ainsi, une frontière NO/SE apparaît aujourd’hui + pertinente pour caractériser les clivages économiques et sociaux : o France et Italie st les pays les + riches (mais tournés prioritairement vers le cœur de l’UE cad la mégalopole européenne) o L’Espagne, la Grèce et le Portugal se sont bcp développées depuis les années 80 (intégration et aides de la CEE). La Slovénie (entrée en 2004) et les pays des Balkans (Croatie) espèrent bénéficier des mêmes avantages. o Au sud, l’ouest maghrébin et l’Egypte connaissent une ébauche de développement grâce à l’exploitation des hydrocarbures, l’exploitation touristique et les industries de MO. Mais ces Etats demeurent fragiles (croissance démographique mal maîtrisée, structures rurales traditionnelles insuffisamment adaptées à l ‘éco de marché, inégalités sociales, carences démocratiques, etc…) o A l’Est, la Syrie, le Liban et la Palestine forme l’ensemble régional le + fragile. B – fractures et tensions politiques : des différences notables entre l’Est et l’Ouest Il y a de nombreux « points chauds » autour de la Méditerranée surtout dans la partie orientale. Ainsi, la méditerranée de l’Est est composée de régimes politiques instables ou fortement marqués par des traditions autoritaires (ex : « démocratures arabes » en Algérie, Tunisie ou Egypte) : o La région des Balkans (ex-Yougoslavie) : se remet difficilement de conflits religieux et interethniques. Seule l’intervention des EU (par l’intermédiaire de l’OTAN) a pu mettre fin aux guerres de Bosnie (1995) et du Kosovo (1999). Cette région politiquement morcelée (indépendance de la Rép du Monténégro reconnue par la communauté internationale et admise à l’ONU en juin 2006) cherche à intégrer l’UE pour résoudre ses difficultés économiques. o La Turquie cherche aussi (…depuis 1980) à rejoindre l’UE. Pays laïc mais majoritairement musulman, elle tente de résoudre ses difficultés internes (pble kurde, montée de l’islamisme, question de l’émancipation des femmes) et à rassurer des voisins inquiets (contentieux historiques avec la Grèce depuis 1974 à propos de la division de l’île de Chypre, relations conflictuelles avec le monde arabe, débat autour de la reconnaissance du génocide arménien de 1915). C’est le pays méditerranéen le + peuplé avec l’Egypte (74 millions d’hab en 2005) dont l’avenir peut conditionner celui de ses proches voisins. o Le Proche Orient : elle représente la région la + emblématique des crises géopolitiques depuis 1945. Plusieurs contentieux durables restent en suspens (le partage de la Palestine et les relations entre les communautés juives et arabes, la question de la répartition des points d’eau, les inégalités de richesses) opposent Israël à ses voisins arabes mais aussi la Syrie au Liban (ex : assassinat de R. Hariri en 2005, conflits religieux et confessionnels entre chrétiens et musulmans). A l’ouest, les tensions politiques existent mais à une dimension moindre. Citons le pble du nationalisme corse et le différend entre l’Algérie et le Maroc à propos du statut du Sahara occidental. 3 - une interface Nord/Sud ? A – un espace stimulé par différents types d’échanges A1) l’importance des flux migratoires Le niveau de vie des pays européens du nord de la méditerranée est attractif et génère une immigration importante de travailleurs étrangers. Par ex, il y a 3 millions de Turcs ds l’UE, 1 million de Marocains ou 400 000 Tunisiens (attention : ces chiffres concernent l’ens de l’UE qui n’est pas exclusivement méditerranéenne) Il faut noter un durcissement des politiques migratoires depuis les années 70. Par ex, depuis 1974, la France a mis un terme à l’immigration des travailleurs. Les flux de travailleurs étrangers st aujourd’hui essentiellement clandestins et les pays européens de l’espace Schengen cherchent à renforcer le contrôle sur leurs frontières externes avec l’Afrique du Nord (l’île de Lampedusa au sud de l’Italie, l’enclave de Gibraltar ou les concessions espagnoles de Ceuta et Melilla st devenues des points du clivage Nord-Sud ) D’autre part, les flux migratoires se transforment. Autrefois, les pays du Maghreb constituaient majoritairement le champ migratoire de la France. Aujourd’hui, à l’heure de l’espace Schengen, les migrants d’Afrique du nord (qui comprennent bcp d’Africains venus des pays pauvres du sud du Sahara) cherchent avant tout à pouvoir rentrer dans n’importe quel pays de l’UE. Enfin, des pays traditionnellement des foyers de départ st aujourd’hui des pays d’accueil comme l’Espagne et l’Italie. A2) des flux touristiques d’importance mondiale L’EM constitue le 1er foyer touristique mondial (30% des touristes au monde) et le 2è espace de croisière derrière les Caraïbes. Le région est spécialisée dans le tourisme balnéaire et accueille prioritairement une clientèle européenne issue de l’UE (80% de la totalité des touristes avec une forte proportion de Nordiques et d’Anglo-Saxons). Les pôles dominants st : l’Espagne méditerranéenne (46 millions de touristes/an), la France méditerranéenne (17 millions de touristes/an) mais aussi la Tunisie (4 millions) ou le Maroc (2 millions). Au Nord de la méditerranée, la fréquentation touristique est ancienne (ex : mise en valeur de la Côte d’Azur depuis la fin XIXè) et chère (3 destinations littorales majeures : Espagne, France et Italie) mais les PSEM (pays du Sud et de l’Est méditerranéen) ont développé des infrastructures misant sur la diversité du patrimoine (Grèce, Turquie, Tunisie) et surtout sur le faible coût de la vie (pays du Maghreb et Turquie) La pression touristique a des incidences négatives sur l’environnement : o surexploitation des littoraux (phénomène « d’amaigrissement des côtes » cad perte d’une partie du sable du fait d’une urbanisation excessive) o « bétonnage » des côtes défigurant les paysages naturels (appelé « marbellisation ») o diminution des réserves d’eau douce (la plupart des pays st touchés par le « stress hydrique » en été) o dégradation du milieu et de la faune marine (mais réussite d’un plan international de sauvegarde de la méditerranée (le Plan Bleu) depuis 1975) A3) les flux commerciaux et financiers le bassin méditerranéen est un lieu d’échanges importants (même si on ne peut pas le comparer avec les gds flux commerciaux de l’Atl. Nord ou du Pacifique). C’est néanmoins un axe majeur du trafic pétrolier mondial (env. 30% des échanges) grâce au canal du Suez. Il existe ainsi des échanges croissants entre le Nord et le Sud (pays de l’UE méditerranéen fortement consommateurs d’hydrocarbures et exportateurs de produits manufacturés vers le sud). Les PSEM comptent peu dans l’économie mondiale mais s’appuient sur une coopération commerciale forte avec les pays les + riches de la région (l’UE est le 1er partenaire commercial des pays du sud méditerranéen). Ainsi la façade maritime Barcelone-Marseille-Fos-sur-mer-Gênes est largement sollicitée pour les échanges. Mais ces échanges restent dissymétriques. Les flux dominants sont des flux Nord-Nord. Les flux N-S st secondaires (les exportations des pays du nord méditerranéen vers le sud ne représentent que 4% de leur activité commerciale) et les flux S-S ne représentent que 3 % du total des échanges de l’EM. Les investissements de l’UE vers les PSEM st relativement faibles (moins de 5 %) B – l’organisation de l’espace européen Trois idées principales permettent d’analyser l’EM (et de construire la légende du croquis) B1) une faible intégration politique et économique Il n’existe pas d’organisation rassemblant l’ensemble des pays de l’EM. Cependant les relations entre l’UE et les PPM (Pays Partenaires méditerranéens) se développent. En 1995, la conférence de Barcelone établit les bases d’une zone de libre échange à l’horizon 2010 dans la région. Des accords d’associations culturelles et de partenariats st signés avec le Maroc, la Tunisie ou Israël car les PPM craignent que leur statut de « pays atelier » soit remis en cause dans la perspective d’une UE élargie. Enfin, la question d’une Union Pour la Méditerranée qui intégrerait un ensemble de 44 pays (l’UE des 27 + les PPM) lancée en juillet 2008 par le PDR française N. Sarkozy s’est traduite par le lancement d’un nouveau « cycle de coopération » énergétique et environnemental à l’échelle N/S. Par contre, des sujets politiquement « conflictuels » tels les questions d’immigration, de démocratisation des pays arabo-musulmans ou de résolution du conflit israélo-palestinien ont été à ce jour écartés. Rappelons également que la mise en place de l’UPM (dont le siège devrait s’installer à Barcelone) est un processus pour contourner le refus d’accepter la candidature de la Turquie dans l’UE ! On observe une concentration majeure de la population le long du littoral. Ainsi, plus de 60% de la population vit à moins de 10 km de la mer. Au nord, on assiste à un phénomène d’héliotropisme (attraction exercée vers les régions ensoleillées) qui vitalise l’EM. Au sud, se poursuit un exode rural important qui grossit la population des villes. On observe également une tendance à la métropolisation (cad concentration des hommes, activités et pouvoirs ds les gdes capitales). On distingue des grandes villes de dimension continentale comme Barcelone, Marseille et Gênes. Au sud, seul Le Caire constitue la seule mégapole d’Afrique . B2) les dynamiques spatiales de l’EM B3) Typologie de l’EM (plusieurs ensembles, logique centre-périphéries) Le centre : l’Europe méditerranéenne occidentale dominée par l’Arc Latin (Espagne, France, Italie) et la Grèce = 85% du PIB méd. – rôle moteur joué par les métropoles industrielles et touristiques (Madrid, Barcelone, Toulouse, Marseille, Gênes, Rome) – intégration réussie de ce centre ds la mondialisation Périphéries en voie d’intégration : pays de l’Est européen comprenant nouveaux membres de l’UE (Slovénie, Malte, Chypre) + Israël et Turquie Pays du sud méditerranéen : ils souffrent d’un retard de devt mais possèdent des potentialités (hydrocarbures, industries de MO) – cherchent à développer leurs relations commerciales avec l’UE Conclusion : l’EM est-il vraiment une interface N-S ? L’EM est incontestablement un lieu d’échanges. Mais ceux-ci restent souvent dissymétriques (commerce inégal, flux migratoires et flux touristiques à sens unique) du fait des inégalités de richesse et de développement. L’opposition N/S est souvent caricaturale et réductrice. Une gde diversité caractérise la nature des pays, des économies et des sociétés. La rive Nord comme la rive sud st des ensembles hétérogènes en terme de puissance, de richesse et de développement. Enfin, l’EM reste une des régions les + conflictuelles du monde (clivages politiques et religieux). Les EU jouent le rôle de « gendarme » de la région (à l’aide de l’OTAN et de la 6è flotte) et l’UE tente de développer une politique de partenariats.