De la fin du XVIIIème siècle au début des années 70, les caractères

De la fin du XVIIIème siècle au début des années 70,
les caractères originaux de la croissance française.
I. Un démarrage économique plus tardif que le modèle britannique, à des
structures économiques et sociales plus lentes à évoluer et une forte proto-
industrialisation.
A. Alors que, dès la fin du 18ème siècle, l'économie française semble prête à décoller …
La fin du 18ème siècle montre qu'il n'y a pas d'infériorité considérable par rapport à la Grande Bretagne, et même que
la France dispose d'atouts importants:
Des caractéristiques physiques favorables: territoire important, surface agricole utile, et surtout population:
- L'agriculture française n'est plus une agriculture stagnante comme l'atteste le succès du courant physiocrate
et les tentatives de Turgot pour libéraliser le commerce des grains. Eclosion de nombreuses sociétés
d'agriculture diffusant le progrès technique. Toutefois, de nombreux historiens réfutent la thèse d'une forte
révolution agricole en raison de la faible diffusion de ce progrès technique limité à quelques régions.
- La population française est particulièrement forte: avec 28 millions d'habitants en 1790, c'est le pays le plus
peuplé d'Europe.
Une puissance commerciale et maritime.
Une structure économique originale reposant sur une conception colbertiste du mercantilisme (rappeler les
autres conceptions pour bien montrer le caractère original de la France sur ce plan).
Une proto-industrialisation importante (analyses de Deyon + Mendels): d'où des rendements décroissants et une
implantation surtout locale des industries.
B. … elle se caractérise, au début du 19ème siècle, par un retard croissant vis-à-vis de la GB qui incarne
un véritable modèle de développement.
Pour des raisons conjoncturelles:
- La Révolution française s'accompagne de progrès considérables dans de nombreux domaines
(développement scientifique, création de nombreuses écoles d'ingénieurs …) mais a aussi un coût
économique et social important (problème des assignats par exemple)
- Guerres napoléoniennes.
- Blocus continental.
Mais surtout pour des raisons structurelles.
- Dès la fin du 18ème siècle, le débat économique entre libéralisme industrialiste et agrarianisme (mouvement
physiocrate) tourne à l'avantage de ce dernier alors que les analyses de Smith s'imposent en GB des
mentalités plus lentes à évoluer en France.
- Un cadre institutionnel moins favorable: alors que la GB a des structures plus démocratiques (Habeas
Corpus …) la France accuse un retard dans ce domaine: or: analyses de D. North sur l'importance de
l'existence de droits fondamentaux dans le processus de développement (on peut aussi mobiliser Peyrefitte
et la notion de confiance).
- Une société plus rigide, corsetée dans le système des corporations, et dont la mobilité sociale verticale est
réduite; alors qu'en GB la barrière sociale entre aristocratie et monde des affaires est basse, la distance
sociale est forte en France.
II. La France du 19ème siècle à la Seconde guerre mondiale connaît une croissance
moins vigoureuse et moins régulière que d'autres grands pays, ce qui la
caractérise comme une économie de type intermédiaire.
C. Une croissance française atone qui se caractérise par l'absence de take-off.
Rostow considérait que les conditions préalables au décollage étaient réunies en France; néanmoins l'économie
française "décroche" face au dynamisme de la croissance britannique, à tel point qu'il s'avère délicat de repérer
un véritable take-off durant la période. Vers 1870, c'est au tour de l'Allemagne de rattraper et de dépasser la
France. La croissance plus soutenue des années 1890 1913 (la France a mieux négocié le virage de la 2de
révolution industrielle) ne permettra pas de combler le retard.
Les explications se trouvent essentiellement:
- dans le déclin démographique français, caractérisé par un malthusianisme veloppé et profond, qui fait
que la France sera un des rares pays européens resté à l'écart du phénomène d'émigration en Europe;
- dans la persistance d'une agriculture surnuméraire, considérée comme un pilier du régime républicain, et
facteur d'ordre social;
- de la pusillanimité des entrepreneurs français, peu présents à l'exportation;
- d'une préférence sociale pour l'économie de rente.
D. L'entre-deux-guerres montre une sensibilité particulière à la crise de 1929.
Bien que des symptômes de crise soient apparus avant 1929, la grande crise touchera la France plus tardivement
(1931)
Celle-ci présente des traits spécifiques:
Recul de la production industrielle moins ample et donc chômage moins massif: en 1935, 4,2% de chômage
contre plus de 20% aux E.U.
Mais une crise qui dure plus longtemps: les résultats des politiques économiques ont été peu probants, avec
notamment l'échec de la déflation Laval qui favorisera l'arrivée du Front populaire.
III. Après 1945, des années de forte croissance dues à des structures
économiques et sociales relativement originales fondées sur le colbertisme et
l'économie mixte. On ne peut pour autant parler de "modèle français".
A. Une croissance particulièrement forte, mais inflationniste…
La France fait partie des pays à croissance plutôt forte puisque la moyenne annuelle de la période se situe à
5,5%; l'analyse de cette croissance a été effectuée par Carré Dubois et Malinvaud dans "La croissance
française" en 1970. (Rappeler ici les points essentiels de cette analyse). Sur ce plan la croissance française de se
distingue pas de celle des pays voisins: le résidu se situe au même niveau. C'est donc sur d'autres plans qu'il faut
chercher les caractères originaux de la croissance française.
Par contre la croissance française a été particulièrement inflationniste, au moins jusqu'à la fin des années 50, se
distinguant nettement de la RFA ou de la GB. Elle constitue une véritable spécificité française liée entre autres à
l'existence d'une économie d'endettement (recherche d'un effet de levier positif) et de comportements socio-
économiques favorables à l'inflation (mécanismes d'indexation, faiblesse de la concurrence …)
B. … aux caractéristiques originales qui montrent l'existence d'une exception française plus que d'un
véritable modèle.
Des particularités démographiques: baby-boom très important + exode rural (alors que le processus était achevé
dans la plupart des autres grands pays) + important recours à l'immigration.
Le rôle de l'Etat dans la croissance, dans la continuité de la tradition colbertiste, et qui aboutit à une véritable
économie mixte: principal investisseur et banquier du pays, il devient aussi planificateur et industriel
- avec une forme originale de planification indicative (citer ici J. Monnet, P. Massé et le plan "ardente
obligation")
- avec un vaste programme de nationalisations
- un financement de la croissance par le recours à une économie d'endettement.
La tradition colbertiste est réactualisée par le keynésianisme: montrer ici la "diffusion par le haut" du
keynésianisme, qui constitue une spécificité française.
Enfin, au niveau social, une faiblesse syndicale très particulière, marquée par l'émiettement et la faible
syndicalisation, entraînant une multiplication des conflits sociaux: le mouvement de mai 68 sera
particulièrement important en France.
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