ELP / Colloque sur la fonction psy / 6 & 7 octobre 2007 / p. 1.
Fonction psy
et
« réalité psychique »
Colloque proposé par
l’École lacanienne de psychanalyse
Paris, Hôpital Sainte-Anne
les 6 & 7 octobre 2007
Zucchi : Psuché sorprende Amore
Argument
Telle une nappe de brouillard recouvrant un paysage, la psychologie est partout, apportant à
chacun un lieu possible de résolution de ses « problèmes ». L’offre crée la demande et la demande
l’offre : ainsi enfle la bulle psychique. Écoles, tribunaux, prisons, entreprises, hôpitaux, universités,
journaux, assistance sociale, côté institutions et, côté événements : attentat, incident au travail,
comportement en public, vie familiale, amour, sexe, argent, maladie (psychique, mais aussi
organique), deuil le psychologue est là, au service de chacun et pour le bien de tous. Faire appel à lui
n’est pas toujours requis pour avoir affaire à lui. Même ainsi venu, on l’accepte : médias aidant, n’est-
il pas déjà dans les têtes ? Il ne prétend pas détenir les réponses, seulement les moyens d’obtenir les
réponses. Demi-habile encore, il ne s’avance pas en détenteur d’une morale, quand bien même chaque
jour offre son lot de condamnations portées par des voix psy « autorisées ».
En 1973, Michel Foucault fit de cette omniprésence psy une fonction, la « fonction psy ».
C’était se donner une épingle pour dégonfler la bulle. Née de la psychiatrie du XIXe siècle, la fonction
psy se laissait au départ définir comme le biais selon lequel l’aliéniste s’emploie, via la création d’un
champ de savoir et face au pouvoir du délire, à faire fonctionner la réalité comme pouvoir et, de ce
fait, le pouvoir comme réalité. Tandis que vacillait la souveraineté familiale, la fonction psy a franchi
les murs de l’asile pour aller discipliner tous les indisciplinables. Étendant son micro-pouvoir, elle
devient, au XXe, « à la fois le discours et le contrôle de tous les systèmes disciplinaires », avec toujours
pour référent la famille.
Au regard de la fonction psy, la psychanalyse reste ambiguë, pas moins que la « réalité
psychique » inventée par Freud. Il n’est de réalité que partagée. Or, pour peu qu’ici l’adjectif
« psychique » se mette à désigner une réalité, individuelle, intime, privée, l’invention freudienne vire
au paradoxe du « à chacun la sienne ». La tentative d’une métapsychologie qui eût valu pour tous
(Freud y échoue) et la banalisation culturelle du savoir freudien ont ouvert la voie au psychologue,
praticien de cette réalité-là. Il s’en ferait aujourd’hui volontiers le héraut face aux excès scientistes
d’une vague cognitiviste et neurobiologique que Freud n’aurait certainement pas vue d’un mauvais
œil. Voici maintenant ce psychologue renouant avec l’ancien combat humaniste, au titre d’une
subjectivité critiquée et délaissée par Lacan.
ELP / Colloque sur la fonction psy / 6 & 7 octobre 2007 / p. 2.
En rejetant le dualisme cartésien, point d’ancrage de l’idée même d’une psychologie, en
inventant les dimensions susceptibles d’articuler autrement la chose subjective imaginaire,
symbolique, réel , Lacan a cherché à réduire autant que faire se pouvait cette réalité (fort proche,
disait-il, de la réalité religieuse). La complexité de son dernier enseignement a rendu cet effort presque
inaudible ; il revient pourtant plus que jamais à la psychanalyse de prendre ses distances au regard de
l’extension indéfinie de la fonction psy. Alors même que l’on croit communément qu’elle en constitue
le centre, elle la récuse, dans sa théorie comme dans le meilleur de sa pratique.
On questionnera la préhistoire de la fonction psy, l’histoire de son établissement, sa prégnance
actuelle, son incidence sur les esprits, dans les cœurs et les vies, mais aussi le statut, en psychanalyse,
de ladite « réalité psychique ».
CANEVAS
SAMEDI MATIN : LES PREMIERS PAS DE LA PSYCHOLOGIE
SAMEDI APRÈS-MIDI : FOUCAULT ET LA FONCTION PSY
DIMANCHE MATIN : LA « RÉALITÉ PSYCHIQUE »
DIMANCHE APRÈS-MIDI : LE TOUT PSY
BIBLIOGRAPHIE DE TRAVAIL
Jean ALLOUCH, La psychanalyse est-elle un exercice spirituel ?, Epel, 2007.
Pierre-Henri CASTEL, À quoi résiste la psychanalyse ?, Puf, 2006.
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Paul MENGAL, La Naissance de la psychologie
Jean-Claude MILNER, L’œuvre claire, Seuil, 1998.
Lionel NACCACHE, Le nouvel inconscient : Freud Christophe Colomb des neurosciences, Odile Jacob, 2006.
Tobie NATHAN : La guerre des psy : manifeste pour une psychothérapie démocratique, Empêcheurs de penser en rond, 2006.
Philippe PIGNARRE, Les Malheurs des psys. Psychotropes et médicalisation du social, La Découverte, 2006.
Mathieu POTTE-BONNEVILLE, Michel Foucault, L’inquiétude de l’histoire, Puf, 2004.
Paul VEYNE, Conférence sur Michel Foucault (à paraître)
Fernando VIDAL, Les sciences de l’âme, XVIe-XVIIIe siècle, Honoré Champion, 2006.
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