La grande réforme du XIe siècle

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CM Histoire Médiévale
21/09/11
La grande réforme du XIe siècle
Rappels
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Révolution pontificale
Révolution cléricale : évolution des structures des clercs et des relations avec les laïcs
Liberté ecclésiastique en parallèle aux prérogatives des clercs dès la réforme
grégorienne
La réforme du XIe siècle relance le combat ecclésiastique pour imposer une discipline
chrétienne aux laïcs, les soumettre à la loi de Dieu et vérifier son application.
I.
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La Révolution pontificale
Jusqu’au pontificat de Léon IX, 1er pape réformateur, les évêques de Rome
n’exerçaient aucun pouvoir hors de leur diocèse romain et des pays environnants. Ils
sont prestigieux, mais ne sont pas supérieurs aux autres dignitaires des églises
chrétiennes. Les patriarches d’Orient sont aussi prestigieux qu’eux : ils ont l’autorité
sur Constantinople et l’église grecque. Tous ces dignitaires sont des primats : ce sont
des archevêques au-dessus de leurs pairs.
Le pape n’a aucun ascendant décisif. Pendant le Haut M-Age, les décisions sont le
plus souvent prises par les conciles (réunion des évêques et des patriarches): ils ont
l’autorité suprême sur la loi divine.
Sous Léon IX, ça change. Cf. Dictatus Papae de Grégoire VII : c’est le programme de
réforme sur la suprématie pontificale. Le mot seul est répété souvent : c’est une
référence à la notion monarchique que prend l’Eglise.
- Règle n°2 : prise de monopole sur la catholicité universelle. L’Eglise dit qu’elle
seule a la vérité, que le catholicisme est la seule religion valable et universelle. Le
pontife romain prétend être le seul à avoir l’autorité universelle. Les autres
dignitaires ne peuvent la partager. D’où la rupture avec l’église grecque en 1054.
Après avoir négocié avec Michel le Néophyte (patriarche de Constantinople), les
envoyés de l’évêque de Rome l’ont excommunié. L’excommunication présuppose
que le pouvoir du pape est supérieur. On refuse de reconnaître l’autonomie de
l’église grecque sous l’autorité du patriarche. Rome veut la soumettre. Le
patriarche ne veut pas appliquer les principes de la Réforme. Depuis l’Antiquité
tardive, il y a des controverses entre les églises orientale et occidentale sur la
question du dogme, des iconoclastes et l’organisation interne du clergé.
Jusqu’alors, il n’y avait jamais eu de séparation définitive : elles
s’accommodaient. Les réformateurs disent stop : ils veulent imposer leurs
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principes et que les autres églises se soumettent de force aux catholiques
romains. Ce problème subsiste encore aujourd’hui.
- Principe n°2 en relation avec le principe n°26 : pour être catholique, il faut avoir la
foi universelle et reconnaître la supériorité de l’église romaine.
- Principes n°10-11 : le pape est le seul dignitaire chrétien dont l’autorité doit être
reconnue partout de manière universelle.
- D’autres principes imposent sa supériorité par rapport aux autres évêques, qui
étaient ses égaux jusqu’alors. Cette argumentation est contestée par plusieurs.
. Les partisans du conciliarisme pensent que les conciles doivent avoir plus de
poids que le pape.
. Pour les absolutistes c’est le contraire.
- Le pape n’est plus un évêque comme les autres. Avant, les évêques étaient égaux.
C’étaient les héritiers des 12 apôtres du Christ (cf. épisode de la Pentecôte) : c’est
la tradition apostolique. Maintenant, ils sont toujours les héritiers mais selon le
principe n°3, l’héritier de l’apôtre Pierre est supérieur.
- Jusqu’à présent, l’institution était décentralisée, les affaires étaient résolues au
niveau local. Désormais, seul le pape a le droit de déposer les évêques.
- Principe n°4 : le légat est supérieur aux évêques. Il peut les déposer. Le pouvoir
de la papauté est centralisé et s’exerce dans tout l’Occident. Les légats
démultiplient la personne du pape : ils sont chargés d’imposer la suprématie de
l’Eglise romaine partout en Occident et de délivrer un message.
- Principe n°13 : avant, les évêques étaient choisis localement, grâce à des
négociations entre clergé et noblesse. Désormais, la nomenclature ecclésiastique
est héritée de l’Antiquité : le réseau du pouvoir est au service de la curie
pontificale. Les évêques sont les agents du pouvoir pontifical. Le monopole du
pape s’affirme dans 2 activités spécialisées de gouvernement :
. L’activité judiciaire en dernière instance
. La production des lois (cf. principe n°7)
- Principes n°18-19 : c’est l’expression aboutie de l’absolutisme et du pouvoir
absolu. Aucune autorité humaine ne peut aller contre les décisions de justice du
pape. Lui seul peut modifier toute décision de justice prise par un homme et
injugeable. Cet absolutisme prend ses racines dans la réforme grégorienne.
- Principe n°20 : suprématie judiciaire. Tout chrétien peut remettre en cause une
décision prise par un tribunal laïc contre lui : il suffit qu’il se présente devant le
pape.
C’est le programme théocratique des évêques de Rome. Le pouvoir des papes est
supérieur aux princes. Le pape attribue la dignité impériale et peut déposer les
empereurs. Il est contesté par les partisans de l’empereur : ceux-ci revendiquent le
droit de déposer le pape.
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La réforme fait suite à la prise d’indépendance de l’élection pontificale. Le pape est le
chef politique de Rome et du Latium. Sa charge est symbolique et très prestigieuse. 3
partis négocient :
- L’empereur ottonien (malgré l’absence des ottoniens en Italie. Le plus souvent, il
n’a aucune influence)
- L’aristocratie romaine (querelles et concurrences entre les grandes familles)
- Le clergé romain (il se confond avec l’aristocratie romaine)
Selon le moment, l’un ou l’autre des partis est prépondérant dans les négociations.
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Décret de Nicolas II. C’est un changement qui va entraîner un schisme. On refuse de
reconnaître le pape élu dans la discorde. On restreint le collège des électeurs du pape
à environ 10 cardinaux-évêques. Pourquoi réduire le collège électoral ? Le but est de
d’empêcher/limiter l’intervention et l’ingérence des laïcs, ça évite des pressions sur
les votants. Les laïcs ne peuvent ni voter ni parler en salle d’élection. Les cardinaux
sont influencés par les positions de leurs familles. Les influences impériale et
aristocratique restent écoutées au maximum. La validation de l’élection est contrôlée
par les cardinaux prêtres et les cardinaux diacres.
II.
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La centralisation du gouvernement dans l’Eglise : la révolution
cléricale
Jusqu’à la réforme, on oppose les hommes qui ont le salut de l’humanité et les
autres. Ça distingue les moines du reste de la population.
Désormais, on distingue les clercs des laïcs. Au niveau sexuel, les clercs séculiers
n’avaient pas un style de vie fondamentalement différent de celui des laïcs. Avec la
réforme, on déploie une ligne de partage qui organise la société occidentale jusqu’à
la Révolution française.
Les laïcs sont désormais très différenciés des clercs. Ces derniers doivent avoir un
style de vie radicalement différent. Ils doivent suivre des règles de dureté de vie. Ils
abandonnent toute activité guerrière, car c’est contraire à la loi canonique, et ont
pour interdiction de porter les armes. (cf. texte 15 : évêque de Rennes suspendu par
le pape) Mais l’aspect sexuel est le plus important et le plus dur à imposer. Avant, les
clercs avaient le droit de se marier et d’avoir une vie sexuelle. C’est considéré comme
une attitude nicolaïste.
La réforme s’imposera avec violence face à de fortes résistances.
- Texte 14 : instructions de Grégoire VII à l’évêque de Paris pour interdire aux
prêtres ayant des relations sexuelles d’assurer les offices. Le sexe est considéré
comme un péché et la « fornication » comme un commerce charnel illicite.
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Pour contraindre les clercs et les prêtres à adopter cette règle, on menace de leur
interdire d’exercer la messe. S’ils résistent, le peuple a pour interdiction d’assister à
leurs offices tant que leur vie n’est pas conforme. Les mouvements populaires
débordent la papauté : les clercs ne peuvent pas donner de sacrement valable si leur
vie n’est pas conforme.
Texte 16 : les clercs de l’église de Cambrai veulent organiser une résistance contre la
réforme avec les clercs de l’église de Reims. Les réformes leur sont étrangères. De
nombreux conciles sont convoqués : la patrimonialisation des offices est désormais
interdite (ex : transmission des charges de père en fils).
TOUS les clercs ont interdiction de mariage. C’est une référence au concile de Nicée
(4e siècle). Un débat sur le célibat a suscité des désaccords. Les églises orientales
étant contre, la décision a été laissée à la volonté de chaque église. Vers 1050 en
Occident, la plupart des prêtres sont mariés : la réforme éradique ce phénomène. Il
est aussi interdit aux fils de prêtres d’exercer des charges sacrées.
Les défenseurs des anciennes traditions perdent la partie. Les contestations
s’affaiblissent, malgré la persistance de quelques résistances notamment à propos du
concubinage au 17e, qui concerne encore 10 à 20% des clercs. Mais le mariage des
prêtres disparaîtra.
La lutte contre la simonie est l’un des principaux leitmotivs des réformateurs
grégoriens. Pour eux c’est un sacrilège, une hérésie. L’argent est utilisé en matière
religieuse. On accède aux charges ecclésiastiques en payant ceux qui sont capables
de la faire obtenir (cf. texte p22). Jusqu’à la réforme, c’est l’objet de négociations
avec les pouvoirs laïcs, ça fait partie du système. Dès la réforme, l’opprobre est jetée
sur les transactions concernant les choses d’église : les achats de charges et le don
d’argent en échange d’un sacrement. Exemple de l’archevêque de Tours qui obtient
l’épiscopat contre de l’argent pour le roi de France. L’archevêque est scandalisé de
cette accusation portée par le légat du pape.
La volonté de séparer les statuts de clerc et de laïc a des conséquences sur
l’organisation sociale : on impose les libertés ecclésiastiques.
III.
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Les libertés ecclésiastiques
On revendique des privilèges sociétaux pour les hommes de Dieu. On contrôle l’accès
aux charges ecclésiastiques, et ce à tous les échelons de la hiérarchie. L’Eglise
revendique le droit d’investiture sur les candidats à la charge. Les systèmes politiques
antérieurs sont mis sans dessus dessous.
Les prélats étaient utilisés comme les agents du gouvernement impérial, notamment
en Germanie où ils sont un soutien contre les aristocraties locales. Dans les
royaumes, les souverains ou les princes contrôlaient les charges ecclésiastiques de
manière stratégique pour les alliances.
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Tout ça c’est terminé et ça provoque des conflits. La querelle des investitures oppose
les empereurs au pape. Les empereurs veulent choisir les prélats allemands. Ça
entraîne une guerre entre empereurs et pape sous Grégoire VII. Dans le royaume de
France, un conflit s’installe.
Le patronage est limité. L’avis du seigneur local doit être validé par l’évêque, qui est
l’intermédiaire avec la papauté. La papauté exige que les ecclésiastiques soient
dispensés de contribution et exemptés fiscalement. Les paysans en paieront le prix.
Ça pose problème dans les cités-Etats et les républiques au pouvoir collégial d’Italie
du Nord. Les clercs bénéficient de l’exemption et profitent des installations sur leurs
terres. Certains consulats obligent donc les églises à payer de force : c’est un
anathème.
Il existe une justice d’église distincte des juridictions laïques. On met en place des
tribunaux d’église : il y a monopole du jugement des clercs. Ils n’ont pas le droit
d’être jugés laïquement ou civilement. On met en place le clergé comme société
parallèle. Ces tribunaux jugent les clercs pour toutes les affaires et les laïcs pour des
questions réservées (spirituel). Mais plusieurs affaires touchant à la vie quotidienne
sont revendiquées par l’Eglise comme concernant la foi (ex : mariage). L’église
perturbe la logique économique en faisant du mariage un sacrement et en lui
accordant parfois des dispenses pour les mariages entre membres d’une même
famille.
L’Eglise condamne le prêt à intérêt : recevoir de l’argent en spéculant sur le temps.
L’usure devient un crime spirituel. Une immunité est accordée sur la personne des
clercs, elle devient sacralisée et protégée par cette sacralisation. Les clercs ne
peuvent être violentés.
L’Eglise reste l’autorité supérieure face au plus puissant des laïcs : un laïc qui traîne
un clerc devant tribunal laïc est excommunié. Le prêtre est le médiateur entre les
hommes de Dieu. Il est investi du pouvoir de sacrement donc supérieur aux puissants
les plus prestigieux (ex : l’empereur). Le cléricalisme est un pouvoir très fort, exercé
par les clercs de la société.
Conclusion : la monarchie pontificale et les 1ers appareils d’Etat
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Appareils d’Etat : ensemble de moyens matériels concrets par lesquels un pouvoir
centralisé s’exerce sur un espace large. Les pouvoirs publics s’exercent sur un
territoire large à partir d’un centre.
L’Etat est en quelque sorte centralisé. L’Eglise se mue en appareil d’Etat. C’est un
système avec une institution centrale (curie) et des institutions déléguées qui
mettent en œuvre le gouvernement pontifical loin de la curie. Le seul état aussi
précoce c’est la Grande-Bretagne.
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Pour se justifier l’Eglise a une puissante conception du bien commun : le salut de
l’humanité, la vie après la mort, faire en sorte pour le bien de tous que les hommes
obéissent à Dieu.
Les pouvoirs séculiers n’étaient connus que par la contrainte. Dès leur
reconnaissance au XIIIe ils représentent à leur compte la justification religieuse. Ils
captent pour eux la sacralité du pouvoir pontifical. Ils sont monarques de droit divin.
3 entités géographiques :
- Chrétienté latine : territoire que la papauté prétend gouverner
- Italie
- France
La chrétienté est un territoire large qui s’étend sur les marges Nord-est (slaves), Sudouest (Reconquista), Sud-est (Terre Sainte). Elle s’élargit par le biais des guerriers
laïcs sous la direction de la papauté. Mise en place des croisades (la 1 e est décidée à
Clermont en 1095 par Urbain II et exécutée en 1099 : c’est un succès avec la prise de
Jérusalem)
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