Les prélèvements obligatoires représentent

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Les prélèvements obligatoires représentent-ils un frein à la croissance dans les PDEM ?
Extraits du rapport Ecricome
Présentation du sujet
Sujet riche, assez classique - et pourtant d’actualité - sur le thème des prélèvements obligatoires et leur impact sur la
croissance économique. Le sujet n’est pas historiquement délimité mais un traitement sur longue période est préférable en intégrant des mutations parallèles telles l’internationalisation ou les transformations du capitalisme. Il porte
sur les PDEM dont les systèmes de prélèvements obligatoires diffèrent sensiblement autant pour le niveau que la
structure, d’où l’intérêt d’une comparaison.
La définition du concept de prélèvement obligatoire devra être précise. Le ministère de l’économie et des finances
français les définit comme “la somme des impôts et cotisations sociales reçus par les administrations publiques et les
institutions européennes, déduction faite des impôts et cotisations dus non recouvrés. Ils sont calculés à partir des
données de la comptabilité nationale”. Ils s’élèvent en France à 44 % du PIB contre 41 % en moyenne pour l’Union
européenne, 36 % pour les membres de l’OCDE et 26 % pour les Etats-Unis pour l’année 2002.
Il convient d’affiner la réponse car l’impact des prélèvements obligatoires sur la croissance diffère selon qu’on considère :
du côté des prélèvements obligatoires : leur nature (prélèvements fiscaux et prélèvements sociaux couvrant les
risques sociaux), leurs effets par les recettes ou par les dépenses.
du côté de la croissance économique : les facteurs en jeu, les étapes de la dynamique de croissance (dans la perspective de Rostow ou dans celle des fluctuations économiques), le type de croissance, son intensité, les secteurs considérés - abrités ou non de la concurrence.
le court, moyen, long terme.
Quant aux obstacles des prélèvements obligatoires sur la croissance, la question se pose dans différentes directions :
celle du niveau de prélèvements obligatoires : niveau relatif rapporté au PIB ou aux dépenses publiques avec le problème d’équilibre budgétaire et de dette dans une perspective inter-temporelle, niveau absolu avec celui de l’efficacité
d’une intervention publique par la politique économique, l’affectation et la redistribution des ressources dans le cadre
d’une économie de marché.
celle de leur structure : quelle structure de prélèvements obligatoires fait plus ou moins obstacle à la croissance (par
exemple selon que la protection sociale est financée par l‘impôt ou par les cotisations sociales dans le cadre d’une
économie globalisée ou selon que les prélèvements obligatoires pèsent plus ou moins sur les entreprises, les ménages) ? Une analyse comparative est alors intéressante.
Enfin, la réponse change selon le contexte historique. Ainsi, l’internationalisation entre aussi en jeu par le biais de la
concurrence des biens et services et le type de spécialisation des pays ou par celui de la concurrence des territoires
pour les IDE (investissements directs étrangers).
Le sujet conduit à dépasser la simple perspective “oui / mais”, à se demander quel équilibre trouver entre les effets
positifs et les effets pervers des prélèvements obligatoires sur la croissance. Quel niveau et quelle structure optimale
de prélèvements obligatoires mettre en place afin d’assurer une croissance équilibrée dans un contexte concurrentiel ?
Divers courants de pensée peuvent être mobilisés pour ce sujet, par exemple :
Les prélèvements obligatoires obstacles à la croissance pénalisent la demande de biens et services : Franco Modigliani.
pénalisent l’offre : Jean Baptiste Say, théorie de l’offre Arthur Laffer.
ont des effets pervers : Friedrich Hayek, théorie du Public Choice, Ronald Coase, Ragnar Frisch, théorie des cycles
réels, Richard Goodwin.
sont inefficaces : Robert Barro, Milton Friedman.
Les prélèvements obligatoires facteurs de croissance
financent des biens et services publics : Maurice Allais, théorie de la croissance endogène.
pallient les défaillances du marché en cas d’externalités : Alfred Marshall, Arthur C. Pigou, Thomas Brown.
ont une action de politique économique : John M. Keynes, synthèse keynésoclassique.
ont un effet redistributif et de stabilisateur automatique : Richard Musgrave, Trygve Haavelmö.
On peut y ajouter des analyses plus structurelles comme celle de la théorie de la régulation ou celle de Karl Marx et
des marxistes, des théories de l’internationalisation et de la spécialisation.
Les comparaisons entre pays développés à économie de marché (PDEM) permettent de nuancer la réponse. Certes,
elles restent difficiles à faire car dans les pays anglosaxons une part non négligeable des assurances sociales est laissée à l’initiative individuelle sous la forme d’assurances, de fonds de pensions, de mutuelles et ne sont pas intégrées
aux prélèvements obligatoires. Ceci dit, il n’y a pas de corrélation probante entre la croissance et le poids des prélèvements obligatoires (voir graphique ci-joint).
On observe une tendance pluriséculaire à la hausse des prélèvements obligatoires (loi de Wagner) qui peut plus ou
moins être liée aux évolutions de la croissance, sans que le sens de causalité soit clairement établi (John Wiseman et
Alan.T. Peacock). Par ailleurs, les évolutions récentes disparates ne permettent pas de trancher. En effet, depuis le
milieu des années 1980, certains PDEM ont réduit le poids des prélèvements obligatoires, par exemple, les Etats-Unis
où la croissance économique est forte, le Japon à croissance plus faible. D’autres ont conservé des taux élevés comme
la France (croissance molle) ou l’Europe du Nord à croissance forte. A l’intérieur de l’Union Européenne, la question
prend une tournure particulière du fait de l’hétérogénéité des modèles sociaux et des préférences collectives entraînant une concurrence forte des territoires. Les étudiants peuvent aussi développer les effets de politiques de réduction des prélèvements obligatoires comme celles menées aux Etats-Unis récemment par Ronald Reagan ou Georges W.
Bush.
Proposition de plan
Introduction
 lien avec questions d’actualité : débat autour de l’impact de la taxe à 75 % sur la croissance française
 mise en perspective du débat : influence accrue de la logique libérale selon laquelle un niveau excessif
de prélèvements obligatoires dans les PDEM pèse sur la croissance, en particulier dans des économies
ouvertes sur le monde avec mise en œuvre de logiques libérales à partir des années 80
 bilan de ces politiques + constat de l’existence de niveaux différents de PO selon les pays permet-il de
trancher dans le débat sur les conséquences des PO sur la croissance ?
A- La proposition libérale du poids sur la croissance des prélèvements obligatoires
doit être discutée
1- Si on peut considérer que les prélèvements obligatoires pèsent sur la croissance en
terme d’incitations et d’efficacité…

PO représentent, au delà d’un certain niveau, une désincitation pour les individus (courbe de Laffer,
anticipations ricardiennes des agents)

PO perturbent l’ajustement marchand (cf. microéconomie)

PO financent les interventions publiques qui sont moins efficaces que les actions privées (effet
d’éviction)

Poids des PO est particulièrement sensible dans une économie mondialisée où ils induisent une perte
de compétitivité pour un pays qui prélève beaucoup
2- … on peut également montrer qu’ils jouent un rôle de soutien et de stabilisation de la
croissance

Financement d’interventions publiques permettant de pallier les limites du marché (Smith) et/ou
porteuses d’externalités positives (croissance endogène)

PO permettent des actions de redistribution qui soutiennent la demande (revenus de remplacement,
réduction des inégalités) ou améliorent la cohésion sociale

Action sur les PO peut permettre de stabiliser l’économie en période de récession (tax cut - stablisateurs automatiques)
3- Le lien niveau de prélèvements obligatoires – croissance est très difficile à établir

PO sont caractérisés par une croissance de LT qui n’apparaît pas incompatible avec la croissance (loi
de Wagner, exemple des 30 Glorieuses) : question du sens de la corrélation

Constat que les PDEM sont généralement caractérisés par des niveaux de PO nettement supérieurs à
ceux des PED (cf. interrogations chinoises : insuffisance de la redistribution empêcherait le recentrage
de la croissance)

Parmi les PDEM existence de niveaux de PO nettement différenciés (USA – pays scandinaves) sans lien
significatif avec la dynamique de croissance
B- Le lien prélèvements obligatoires – croissance doit être analysé de manière complexe en prenant en compte la nature et la dynamique des prélèvements obligatoires
1- Les différentes catégories de prélèvements obligatoires et leur impact

réflexion autour de l’incidence fiscale (quel impôt privilégier ?)

question de l’objectif de politique économique privilégié : exemple de la TVA sociale (effet favorable
sur l’emploi à prélèvement constant en se substituant à des cotisations sociales même si risque
d’inflation et de perte de pouvoir d’achat)

réflexion en termes d’incitations qui vont amener les agents à avoir un comportement jugé économiquement plus satisfaisant (taxes écologiques)
2- La question de l’utilisation des prélèvements obligatoires

interrogation sur l’usage plus ou moins pertinent en terme de croissance des PO : distinction entre
dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement

interrogations sur la fonction d’utilité collective et les logiques de rente des acteurs concernés
(groupes de pressions, fonctionnaires)

réflexion sur le poids de la dette publique et les réponses à apporter à son poids croissant
3- Existe-t-il un seuil optimal ? les prélèvements obligatoires comme choix social

interrogation sur la dynamique et les effets de seuil à l’échelle globale ou à celle d’un prélèvement
particulier (taux marginal d’imposition)

lecture des PO comme résultat d’une dynamique politique et sociale exprimant des choix collectifs
(modèle américain par rapport au modèle européen)
Conclusion
L’analyse historique démontre l’existence de périodes où les PO accompagnent une forte dynamique de
croissance mais aussi de phases où un allègement des prélèvements peut se révéler nécessaire à la dynamique économique. Du point théorique, il semble pratiquement impossible de déterminer un niveau optimal de PO.
La question devient alors essentiellement celle du type de PO mis en œuvre et de l’impact de la structure
fiscale d’un pays sur le comportement des agents et la position concurrentielle. De même, au delà des
prélèvement, le type de dépense publique mis en œuvre apparaît déterminant.
Il apparaît au bout du compte que le niveau et la structure des PO dans une économie et dans une société
renvoient à des choix collectifs et doivent être analysé en croisant la question de l’efficacité économique
plus ou moins grande et celle des préférences collectives exprimées
Extraits du rapport Ecricome
Remarques des correcteurs
La plupart des correcteurs a déploré l’insuffisante définition de la notion de “prélèvements obligatoires”. Trop de
candidats en sont restés à des considérations très générales sur l’impôt ou les “charges”. Peu de candidats distinguent
clairement Administrations Publiques et État et certains se contentent d’une évocation de l’intervention de l’État en
général, car ils ne font pas la distinction impôts – cotisations sociales. Le sujet a rarement été analysé avec finesse en
intégrant, par exemple, la structure ou les aspects relatifs des prélèvements obligatoires. Trop peu de candidats ont
été capables de chiffrer le taux de prélèvements obligatoires aujourd’hui en France.
L’intérêt du sujet portait sur les interactions possibles avec le processus de croissance économique. Dans de nombreuses copies il y avait des difficultés pour aller au-delà d’un plan “oui mais” ou “non mais”. Les réponses étaient
alors du type : “les prélèvements obligatoires favorisent la croissance, mais…” Les plans, construits sur le modèle
thèse antithèse sont souvent laborieux, et, pour le fond la campagne électorale récente a largement obscurci le débat.
Les connaissances sur les évolutions historiques ont été assez limitées. La période privilégiée est située après 1945,
voire même après 1974. Le sujet a été trop rarement étudié en prenant appui sur les faits, notamment en comparant
les niveaux de prélèvements obligatoires (mal connus) et les niveaux de réussite économique (comparaison pays
scandinaves/États-Unis par exemple).
Sur le plan théorique, les candidats ont rarement distingué approche micro de l’approche macro des effets des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques ou de la redistribution.
La relation entre les prélèvements obligatoires et les théories de la croissance endogène a été très réductrice en faisant l’hypothèse implicite que cela conduisait à un accroissement des dépenses publiques et donc à plus d’impôts. La
référence à Keynes s’est souvent limitée à la propension marginale à consommer des bas revenus. Peu de copies ont
intégré la relance keynésienne par l’effet du multiplicateur fiscal et le théorème d’Haavelmö.
Quelques bonnes copies ont développé l’idée que les baisses d’impôts pour soutenir la relance économique pouvaient
rapprocher l’approche keynésienne (multiplicateur fiscal) et l’approche libérale (courbe de Laffer etc.). Cela a conduit
à des politiques de réduction d’impôts (celles opérées à l’époque de Kennedy et Johnson ou plus tard par Reagan ou
Bush). Cependant l’optique pouvait être différente à long terme (Public Choice et effet de cliquet de Peacock et Wiseman ou de l’autre la position de l’OFCE sur la cohésion sociale dans une économie ouverte). Quelques copies ont montré que les externalités pouvaient conduire à des incitations des agents économiques par des avantages fiscaux ce qui
pouvait amener une réorientation des dépenses publiques.
L’évolution de la structure des prélèvements obligatoires a été un moyen de dépasser la simple opposition oui mais.
Là encore la qualité des exemples a été essentielle pour consolider l’argumentation.
On a constaté aussi des mauvaises interprétations du sujet :
Souvent en partant d’une définition floue des prélèvements obligatoires certains candidats ont surtout traité du rôle
de l’Etat dans la vie économique sans références explicites à la croissance. L’autre contresens a consisté à justifier
l’existence ou les excès des prélèvements obligatoires et la copie dérivait alors rapidement sur le débat légitimité/efficacité de l’intervention de l’Etat.
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