Philosophe manifeste une autre utilité. A l'encontre d'un certain Simonide qui voulait convaincre les hommes de
renoncer à connaître Dieu et d'appliquer leur esprit aux réalités humaines, disant que l'homme devait goûter les choses
humaines et le mortel les réalités mortelles, le Philosophe affirme que l'homme, autant qu'il le peut, doit se hausser
jusqu'aux réalités immortelles et divines. Aussi, au XIe Livre des Animaux, dit-il que quelque limitée que soit notre
perception des substances supérieures, ce peu est plus aimé et plus désiré que toute la connaissance que l'on peut avoir
des substances inférieures. Au IIe Livre du Ciel et du Monde, il dit encore que quelque limitée que soit la solution
topique donnée aux problèmes que posent les corps célestes, il arrive au disciple d'en ressentir une joie violente. Tout
cela montre qu'une connaissance si imparfaite qu'elle soit des réalités les plus nobles confère à l'âme une très haute
perfection. Quand bien même la raison humaine ne peut saisir pleinement les vérités suprarationnelles, elle en reçoit
pourtant une grande perfection, pour peu qu'elle les tienne de quelque manière par la foi. C'est pourquoi il est écrit au
Livre de l'Ecclésiastique : Beaucoup de choses qui dépassent l'esprit de l'homme t'ont été montrées ; et dans la 1ère
Épître aux Corinthiens : Nul ne connaît les secrets de Dieu, sinon l'Esprit de Dieu : or Dieu nous les a révélés par son
Esprit.
6 : CE N'EST PAS LÉGÈRETÉ QUE DE DONNER SON ASSENTIMENT AUX CHOSES DE LA FOI, BIEN
QU'ELLES DÉPASSENT LA RAISON
Ceux qui ajoutent foi à une telle vérité, dont la raison humaine ne peut faire l'expérience, ne croient pas à la légère,
comme s'ils suivaient des fables sophistiquées, pour reprendre le mot de la IIe Épître de Pierre. Ces secrets de la
Sagesse divine, la Sagesse divine elle-même, qui connaît parfaitement toutes choses, a daigné les révéler aux hommes.
Elle a manifesté sa présence, la vérité de son enseignement et de son inspiration par les preuves qui convenaient, en
accomplissant de manière très visible, pour confirmer ce qui dépasse la connaissance naturelle, des _uvres très au-
dessus des possibilités de la nature tout entière : guérison merveilleuse des malades, résurrection des morts,
changement étonnant des corps célestes, et, ce qui est plus admirable, inspiration de l'esprit des hommes, telle que des
ignorants et des simples, remplis du don du Saint Esprit, ont acquis en un instant la plus haute sagesse et la plus haute
éloquence. Devant de telles choses, mue par l'efficace d'une telle preuve, non point par la violence des armes ni par la
promesse de plaisirs grossiers, et, ce qui est plus étonnant encore, sous la tyrannie des persécuteurs, une foule
innombrable, non seulement de simples mais d'hommes très savants, est venue s'enrôler dans la foi chrétienne, cette foi
qui prêche des vérités inaccessibles à l'intelligence humaine, réprime les voluptés de la chair, et enseigne à mépriser
tous les biens de ce monde. Que les esprits des mortels donnent leur assentiment à tout cela, et qu'au mépris des réalités
visibles seuls soient désirés les biens invisibles, voilà certes le plus grand des miracles et l'_uvre manifeste de
l'inspiration de Dieu. Que tout cela ne se soit pas fait d'un seul coup et par hasard, mais suivant une disposition divine,
il y a, pour le manifester, le fait que Dieu, longtemps à l'avance, l'a prédit par la bouche des prophètes, dont les livres
sont par nous tenus en vénération, parce qu'ils apportent un témoignage à notre foi. L'Épître aux Hébreux fait allusion à
ce genre de confirmation : Celui-ci, le salut de l'homme, inauguré par la prédication du Seigneur, nous a été garanti par
ceux qui l'ont entendu. Dieu appuyant leur témoignage par des signes, des prodiges, et par diverses communications de
l'Esprit-Saint. Cette si admirable conversion du monde à la foi du Christ est une preuve très certaine en faveur des
miracles anciens, telle qu'il n'est pas nécessaire de les voir se renouveler, puisqu'ils transparaissent avec évidence dans
leurs effets. Ce serait certes un miracle plus étonnant que tous les autres que le monde ait été appelé, sans signes dignes
d'admiration, par des hommes simples et de basse naissance, à croire des vérités si hautes, à faire des _uvres si
difficiles, à espérer des biens si élevés. Encore que Dieu, même de nos jours, ne cesse de confirmer notre foi par les
miracles de ses saints. Les fondateurs de sectes ont procédé de manière inverse. C'est le cas évidemment de Mahomet
qui a séduit les peuples par des promesses de voluptés charnelles au désir desquelles pousse la concupiscence de la
chair. Lâchant la bride à la volupté, il a donné des commandements conformes à ses promesses, auxquels les hommes
charnels peuvent obéir facilement. En fait de vérités, il n'en a avancé que de faciles à saisir par n'importe quel esprit
médiocrement ouvert. Par contre, il a entremêlé les vérités de son enseignement de beaucoup de fables et de doctrines
des plus fausses. Il n'a pas apporté de preuves surnaturelles, les seules à témoigner comme il convient en faveur de
l'inspiration divine, quand une _uvre visible qui ne peut être que l'_uvre de Dieu prouve que le docteur de vérité est
invisiblement inspiré. Il a prétendu au contraire qu'il était envoyé dans la puissance des armes, preuves qui ne font point
défaut aux brigands et aux tyrans. D'ailleurs, ceux qui dès le début crurent en lui ne furent point des sages instruits des
sciences divines et humaines, mais des hommes sauvages, habitants des déserts, complètement ignorants de toute
science de Dieu, dont le grand nombre l'aida, par la violence des armes, à imposer sa loi à d'autres peuples. Aucune
prophétie divine ne témoigne en sa faveur ; bien au contraire il déforme les enseignements de l'Ancien et du Nouveau
Testament par des récits légendaires, comme c'est évident pour qui étudie sa loi. Aussi bien, par une mesure pleine
d'astuces, il interdit à ses disciples de lire les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament qui pourraient le convaincre
de fausseté. C'est donc chose évidente que ceux qui ajoutent foi à sa parole, croient à la légère.
7 : LA VÉRITÉ DE LA FOI CHRÉTIENNE NE CONTREDIT PAS LA VÉRITÉ DE LA RAISON
Si la vérité de la foi chrétienne dépasse les capacités de la raison humaine, les principes innés naturellement à la raison
ne peuvent contredire cependant cette vérité. Ces principes naturellement innés à la raison sont absolument vrais, c'est
un fait, tellement vrais qu'il est impossible de penser qu'ils soient faux. Il n'est pas davantage permis de croire faux ce
qui est tenu par la foi et que Dieu a confirmé d'une manière si évidente. Seul le faux étant le contraire du vrai, comme il
ressort clairement de leur définition, il est impossible que la vérité de foi soit contraire aux principes que la raison