Q de Tobin et formes de la concurrence

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N° 2008 – ??
Mars
Q de Tobin et formes de la concurrence
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Pierre Villa
Q de Tobin et formes de la concurrence
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Pierre Villa
N° 2008 – ??
Mars
Q de Tobin et formes de la concurrence
TABLE DES MATIERES
RESUME NON TECHNIQUE ....................................................................................................... 4
RESUME COURT....................................................................................................................... 5
NON-TECHNICAL SUMMARY .................................................................................................... 7
ABSTRACT .............................................................................................................................. 8
I. LA SOUS OPTIMALITE EN REGIME CLASSIQUE .................................................................. 12
II. LA SOUS OPTIMALITE EN REGIME KEYNESIEN .................................................................. 18
2.1. Les chocs macroéconomiques ................................................................................. 18
2.2. Les chocs microéconomiques .................................................................................. 24
III. L’INFORMATION ASYMETRIQUE ...................................................................................... 31
CONCLUSION......................................................................................................................... 33
BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................... 36
3
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
Q DE TOBIN ET FORMES DE LA CONCURRENCE
RESUME NON TECHNIQUE
L’explication de l’investissement à partir de l’écart entre les cours de bourse et leur valeur
d’équilibre revêt un caractère tautologique dans la mesure où elle reporte sur le concept de
cours d’équilibre la question indépendamment du fait que, dans la réalité, un grand nombre
d’entreprises ne sont pas cotées en bourse ou qu’elles sont endettées dans des conditions
telles qu’il n’y a pas équivalence entre les actions et la dette parce que les hypothèses de
validité du théorème de Modigliani-Miller ne sont pas remplies.
Or nous montrons que les cours de bourse optimaux dépendent de la taille des entreprises,
de leur diversité, des formes de la concurrence, du régime de l’économie, qu’il soit
classique ou keynésien, et de l’information asymétrique sur les paramètres cachés selon le
risque qui préserve la moyenne. Dans les modèles usuels on ne tient compte que de la taille.
Si l’on considère tous ces paramètres, les cours de bourse agrégés sont systématiquement
supérieurs à leur valeur optimale. En d’autres termes le « q de Tobin » est
systématiquement supérieur à l’unité. Ce résultat général provient du fait que la notion
courante de risque global est peu précise et qu’elle ne peut se résumer à la variance même
lorsque les chocs sont gaussiens ou les fonctions d’utilité quadratiques
Pour mener à bien la discussion, nous nous plaçons dans une situation où le théorème de
séparation s’applique soit parce que l’utilité est quadratique ou que les aléas sont gaussiens.
La diversité des entreprises non seulement n’est pas indépendante de l’incertitude mais
encore elle la structure. Les chocs macroéconomiques non assurables correspondant au
cycle des affaires sont corrélés tandis que les chocs microéconomiques sont spécifiques et
non corrélés. Ainsi les entreprises créent des états de la nature et le risque du portefeuille
agrégé dépend de leur nombre. Mais la diversité dépend des formes de la concurrence.
C’est pourquoi nous en traitons deux figures à la Cournot : l’équilibre non coopératif et
l’équilibre conjectural cohérent. Les entreprises sont soumises à une condition d’entrée
représentée par les coûts fixes de formation en régime classique et le taux d’utilisation des
capacités en régime keynésien.
En régime classique les risques s’additionnent partiellement au niveau global. La
surévaluation des cours de bourse trouve son origine dans le fait que les entreprises
surévaluent les risques spécifiques en ne voyant pas qu’ils ne s’additionnent que
partiellement car ils ne sont pas corrélés. La taille’ et le nombre d’entreprises est trop faible.
Les marchés financiers qui considèrent le niveau agrégé prennent en compte cette assurance
partielle de sorte que la prime de risque qu’ils appliquent est plus faible et que les cours de
bourse sont supérieurs à l’unité.
En régime keynésien les entreprises se partagent la demande selon un processus de clientèle
fondé sur le capital installé. Les risques se divisent partiellement. Comme les entreprises
arbitrent entre la probabilité de ne pas satisfaire la demande et le coût de la variance des
profits, elles se partagent les débouchés en surinvestissant afin de réduire leur nombre sans
tenir compte de l’assurance contre les chocs au niveau agrégé. Ainsi la prime de risque
4
Q de Tobin et formes de la concurrence
agrégée est inférieure à celle des entreprises et les cours de bourse sont cette fois encore
excessifs par rapport à l’optimum.
En information asymétrique sur des variables cachées maîtrisées par les entreprises et
inconnues des investisseurs la prime de risque agrégée ne peut être calculée que sur la
moyenne conjecturée de ces variables qui est inférieure à la valeur pour l’entreprise
marginale. La prime de risque est inférieure et les cours de bourse encore plus élevés. Pour
obtenir ce résultat, nous avons supposé que le choix des variables cachées était soumis au
principe du risque préservant la moyenne. Ces variables peuvent être résumées à
l’adjonction au profit d’un paramètre qu’on peut ordonner, comme par exemple la réussite
des projets. Prendre le risque d’échouer, c’est aussi réduire la variance des profits (effet de
deuxième ordre) tout en maintenant l’espérance du profit (effet de premier ordre).
Pour conclure, le nombre des entreprises et leurs actions cachées créent des états de la
nature qui accroissent le risque global supporté par le portefeuille de marché moins que le
risque individuel supporté par chaque actif. Cette assurance partielle est à l’origine de la
valeur excessive des cours de bourse. Il ne s’agit pas d’une interprétation subjective des
probabilités mais bien d’une conception objective. Où les événements incertains sont crées
par l’activité économique elle-même et non pas par un manque de connaissance de la réalité
par l’économiste. De ce fait, dans cette interprétation des marchés financiers qui sont de
simples intermédiaires entre les ménages investisseurs et les entreprises, l’explication de
l’investissement grâce aux cours de bourse n’offre aucun progrès théorique puisque les
déterminants des premiers sont les mêmes que ceux des seconds. Les cours de bourse
n’offrent aucun avantage à être utilisés comme objectifs intermédiaires ou finaux de la
politique monétaire par exemple. Tout dépendra de leur corrélation avec les variables
explicatives réelles. Leur capacité à être des indicateurs avancés de l’investissement (ou de
la croissance) est réduite en raison du biais systématique qu’ils présentent et des conjectures
sur les variables cachées nuisibles.
RESUME COURT
Lorsqu’on tient compte de la taille des entreprises, de la diversité ainsi que du régime
classique ou keynésien, ou encore des variables cachées quand l’information est
asymétrique, les équilibres correspondent à une aversion pour le risque trop faible par
rapport à l’optimum. Les primes de risque sont insuffisantes et les cours de bourse calculés
avec cette prime de risque systématiquement excessifs. Cela s’exprime par le fait que le « q
de Tobin » est supérieur à l’unité. La démonstration est menée pour différentes formes de
concurrence (équilibres non coopératifs et équilibres conjecturaux cohérents) dans la
situation où le théorème de séparation s'applique. Même lorsque les aléas sont gaussiens ou
les fonctions d'utilité quadratiques, le portefeuille de marché n’a pas une définition
intrinsèque. Les mêmes cours de bourse trop élevés peuvent correspondre à une diversité et
à une variance des profits très différentes selon la situation économique. L’agrégation des
risques devient une tâche insurmontable et il convient pour interpréter les cours de bourse
d’adopter un point de vue holiste, selon lequel les formes explicatives qu’on peut identifier,
parce qu’elles sont récurrentes au fil du temps, dépendent d’un petit nombre de paramètres.
De ce fait les cours de bourse ne sauraient être utilisés comme objectif intermédiaire ou
5
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
final de la politique économique puisqu’ils nécessitent une identification préalable de leur
mouvement et ils perdent de leur pouvoir explicatif de l’investissement.
Classement JEL :
Mots Clés :
E10, E30
Théorème de séparation, mean preserving spread, équilibre conjectural
cohérent, q de Tobin.
6
Q de Tobin et formes de la concurrence
TOBIN'S Q AND THE FORMS OF CONCURRENCE
NON-TECHNICAL SUMMARY
Explaining investment by the discrepancy between the quotation of shares and their
equilibrium value proves to be tautological because it transfers the explanation on the
notion of equilibrium price. This assertion is independent of the fact that, in reality, a great
number of firms are not quoted or that they are indebted under such conditions that shares
and debt are not equivalent because the hypotheses of the Modigliani-Miller theorem are
not fulfilled.
Now we show that the optimal prices of shares depend on size, diversity, the form of
competition, the regime of the economy – whether classical or keynesian – and the
asymmetrical information about hidden parameters according to the mean preserving
spread. In usual models size is only considered. If the other parameters are taken into
account, aggregate share prices are systematically greater than their optimal value. In other
words, the Tobin’s q is systematically greater than one. This general result originate in the
fact that the common notion of risk is not very accurate and that risk cannot be summarised
by variance, eventhough shocks are gaussian or utility functions are quadratic.
In order to bring the discussion to a successful issue, we consider a situation where the
separation theorem is verified because utility functions are quadratic or errors are gaussian.
The diversity of firms is dependent not only on uncertainty but also it structures it.
Uninsurable macroeconomic shocks corresponding to the business cycle are correlated and
microeconomic shocks are specific and uncorrelated. So the firms create the states of nature
and the risk of the aggregate portfolio depends on their number. But this one depends on the
form of concurrence. That is why we deal with it through two figures of Cournot
competition. : non cooperative equilibria and consistent conjectural equilibria. Firms are
subject to an entry condition formalised by a fixed cost in the classical regime and the rate
of capacity utilisation in the keynesian regime.
In the classical regime risks add partially. The excess of the price of shares originates in the
fact that firms overvalue specific risks because they do not understand that they partly
aggregate. The size and the number of firms are too small. Financial markets, which
consider the aggregate level, take care of this partial insurance. So the risk premium they
consider is smaller and the price of shares is greater than one.
In the Keynesian regime firms share demand according to a customer process relying on
installed capital. Risks divide partially. Because the trade off is between the probability not
to satisfy demand and the cost of the variance of profits, the demand is divided by
overinvesting in order to reduce the number of producers without considering the insurance
against shocks at the aggregate level. So the aggregate risk premium is lower than those of
firms and the price of shares is still exceeding the optimal value.
When information on hidden variables pegged by firms is asymmetrical, that is when these
variables are unknown to investors, the risk premium can only be computed on the average
7
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
conjectured, which is lower than the value of the marginal firm. The risk premium is lower
and the price of shares higher. This result is obtained by considering that the hidden
variables follow the mean preserving spread. For instance, these variables are a parameter
that can be added to the rate of profits. They summarised the probability of success of the
projects. When the risk of failure increases, the variance of profits (second order effect)
decreases and their mean is constant (first order effect).
To conclude, the number of firms and their hidden actions create states of nature, which
increase the risk bearing each security. This partial insurance explains the overpricing of
shares. Probabilities are not subjective but objective. Uncertain events are created by the
very real economic activity and not by a lack of information about reality. In this
interpretation, financial markets are just intermediaries between households and firms. The
price of share explanation of investment is not a theoretical progress because determinants
of the second one are the same as those of the first ones. The price of shares has no
advantage as intermediate of final target for economic policy. All depends on the
correlation between the real variables. Its ability as an advanced indicator is reduced by the
systematic bias and the conjecture that must be made on hidden variables.
ABSTRACT
In a framework with several parameters such as size, diversity, regime (whether classical or
keynesian) and measures of asymmetrical information (through hidden variables and mean
preserving spreads), risk aversion is too low compared with the optimum in equilibria. Risk
premia are insufficient and the aggregated price of shares systematically overvalued when
computed with this rate of risk premium. It expresses by the fact that Tobin’s q is greater
than one in equilibrium. The proof is led according to different concurrence schemes (non
cooperative and consistent conjectural equilibria) in a framework where the separation
theorem applies. Even when disturbances are gaussian or when utility functions are
quadratic, the market portfolio has no intrinsic definition. The very same too high prices of
shares can be associated with a different number of firms and a different variance of profits
according to the regime of the economy. The aggregation of risks is a hopeless and
insuperable task and it is convenient to interpret the price of shares in adopting a holistic
point of view. According to which point, the explaining forms, that can be identified,
because they are recurring as times go by, depend on a few numbers of parameters. As a
matter of fact the prices of shares could not be considered as an intermediate or a final
target of economic policy because they need, to be explained, a previous identification of
the causes of their movements. So their explanation power of investment are lost by the
same way as their explanatory variables are the same or correlated with the ones of
investment.
JEL Classification: E10, E30
Keywords:
Separation theorem, mean preserving spread, consistent conjectural
equilibria, Tobin’s q.
8
Q de Tobin et formes de la concurrence
Q DE TOBIN ET FORMES DE LA CONCURRENCE
Pierre VILLA
1
La désintermédiation financière et le déclin relatif du crédit ont accru la part de
l’investissement financé par les actions. Au niveau théorique ce constat a renouvelé l’attrait
pour les explications synthétiques de l’investissement résumant ses déterminants à l’écart
entre les cours de bourse et leur valeur d’équilibre au détriment des spécifications
traditionnelles prenant pour variables explicatives la demande anticipée, le coût relatif des
facteurs et la profitabilité (rapport du taux de profit au coût d’usage du capital). Toutefois
rien ne garantit a priori que le choix optimal pour les entreprises corresponde au choix
optimal de portefeuille des intervenants sur le marché. Les cours de bourse réels agrégés
résumés au niveau macroéconomique par le « q de Tobin » sont la variable qui résume le
lien entre la sphère financière et la sphère réelle. Comme toute variable synthétique elle
recouvre des situations complexes et diverses qui ne peuvent être ramenées à un seul
paramètre. Ainsi le fait qu’à l’équilibre « q » soit égal à l’unité n’est souvent que le résultat
d’une simplification abusive associée à une représentation modélisée trop simple de la
réalité, utilisant trop peu de paramètres. En général le marché des actions est supposé
efficace, les entreprises sont en concurrence parfaite et ne font face à aucune contrainte de
débouchés. Mais si l’économie dépend de plusieurs paramètres génériques, comme la taille
et la diversité, l’optimum n’est pas atteint et le « q de Tobin » est supérieur à l’unité même
en situation d’information complète, aussi bien en régime classique où la rentabilité est
déterminée par les conditions de l’offre qu’en régime keynésien où elle dépend de la
répartition de la demande. La situation est aggravée lorsque l’information est asymétrique
puisque les marchés sont amenés à augmenter encore plus l’aversion pour le risque et à
prendre plus de risque car ils ne connaissent pas les actions cachées.
Dans ce texte nous exhibons de nombreux équilibres économiques pour lesquels le « q de
Tobin » est systématiquement supérieur à l’unité alors que la variance est plus ou moins
élevée qu’à l’optimum. En effet la prime de risque dans ces équilibres est trop faible parce
qu’elle dépend de deux à quatre paramètres : la taille, la diversité, le régime et le risque qui
préserve la moyenne des actions cachées. Ces équilibres ne sont certes pas optimaux au
premier rang selon le point de vue de l’équilibre financier mais ils sont efficaces du point
de la production et du comportement des entreprises. Le passage à l’optimalité nécessiterait
une politique économique réelle correctrice car ils sont stables et leur non-optimalité n’est
pas due à un défaut de fonctionnement des marchés financiers mais à des imperfections de
l’économie réelle comme les caractéristiques de la concurrence, les contraintes
quantitatives ou l’information asymétrique. A l’origine de ces résultats se trouve
l’ambiguïté de la notion de risque du langage commun qui réduit la question à un
paramètre. Le risque ne peut être ramené à la variance même dans les cas les plus simples
utilisés habituellement où on suppose que l’utilité est quadratique. Le résultat que nous
mettons en avant ne dépend pas ainsi du fait que le choix de portefeuille entre actif risqué et
1
Pierre Villa, CEPII, 9 rue Georges Pitard, 75015, Paris, e-mail : [email protected]
9
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
non risqué est une fonction décroissante de la variance uniquement si l’utilité est
quadratique comme il est justement affirmé couramment. Il ne s’agit pas de cela, mais
d’une articulation entre microéconomie et macroéconomie. Le texte fournit plus qu’un
contre-exemple qui ne serait valable qu’avec des fonctions d’utilité quadratiques qui
garantissent la monotonicité des choix de portefeuille. En effet pour modéliser le choix de
portefeuille avec aversion pour le risque des agents, il s’appuie sur le théorème de
séparation de Cass et Stiglitz (1970) que nous rappelons ici. Considérons une économie
constituée d’un actif certain et d’un nombre n d’actifs risqués. On dit qu’il y a séparation
si le choix optimal de portefeuille des agents peut être décomposé en deux. Tout d’abord la
constitution d’un portefeuille de marché et ensuite le choix entre ce portefeuille de marché
et l’actif sans risque. Le théorème de séparation énonce qu’une condition nécessaire et
suffisante pour que cette séparation soit possible est que l’une ou l’autre condition soit
vérifiée :
(i)
les aléas de rendement suivent une loi gaussienne ou le produit de convolution d’une
loi gaussienne par une autre loi.
(ii) Les fonctions d’utilité
U sont à aversion pour le risque constante ou bien vérifient
U '  (aW  b) .
c
Se placer dans les conditions de validité du théorème a des implications pour la mesure du
risque et la forme de la frontière d’efficience qui est l’ensemble des portefeuilles de marché
efficaces. Supposons que les agents aient une richesse initiale W0 . La séparation implique
que la demande d’actif est une fonction affine de la richesse initiale, les deux coefficients
dépendant de la forme de la fonction d’utilité et des rendements (donc de la forme des
chocs). La maximisation de l’espérance de l’utilité de la richesse finale W conduit donc à :
E (U '(W )W )  E (aW  b) cW  (W 0,U ) .
Cette équation paramètre la frontière efficace des portefeuilles de marché qui dépend de la
nature des chocs et de la fonction d’utilité. Celle-ci ne se résume à une relation entre
l’espérance et la variance que si les aléas sont gaussiens ou si les fonctions d’utilité sont
quadratiques. Dans les autres cas, elle prend une forme compliquée, qui peut dépendre des
moments d’ordre supérieur de la richesse et qui n’est pas forcément monotone entre
l’espérance et la variance. Il s’agit ici d’une intuition et non pas de la démonstration du
théorème qui est beaucoup plus compliquée. Ainsi dans cet article nous nous placerons
dans la situation où le théorème de séparation est vérifié et pourtant nous verrons que le
risque ne se résume pas à la variance contrairement à l’intuition fallacieuse que ce théorème
pourrait induire à faire croire.
Par delà la diversité des situations décrites toutes les modélisations que nous proposons
2
s’articulent autour de deux aspects :
1) du côté de la production, on tient compte de la concurrence imparfaite (le degré
monopolistique), des contraintes de débouchés, de la diversité des entreprises (nombre
d’entreprises) et de la nature des risques, qu’ils soient corrélés au cycle des affaires (on
2
Les formalisations s’inspirent de J. E. Stiglitz (1989) pour la partie classique, de E. malinvaud (1987) et P.
A. Muet et H. Sterdyniak (1988) pour la partie keynésienne.
10
Q de Tobin et formes de la concurrence
parle de risque macroéconomique) ou non corrélés (on parle de risques
microéconomiques ou idiosyncratiques) ;
2) du côté de la finance, on introduit le choix de portefeuille avec aversion pour le risque
selon la théorie la plus générale compatible avec le théorème de séparation de sorte que
le choix de portefeuille peut être décomposé en deux, la constitution d’un portefeuille de
marché qui maximise l’espérance du gain à risque donné et les choix individuels entre
un actif sans risque et ce portefeuille risqué.
3
Nous nous plaçons dans une économie constituée d’un actif certain et d’un secteur
productif risqué constitué d’un nombre n d’entreprises distinctes au sens où elles
produisent des biens différents mais où elles utilisent la même technique de production. Les
entreprises produisent des variétés et la diversité a un coût. Dans cette configuration les
entreprises ne se distinguent que par leur risque. L’incertitude sur les profits dépend d’un
risque macroéconomique lié au cycle des affaires et des risques microéconomiques
spécifiques. Selon le premier risque, les chocs frappent les entreprises simultanément et
sont parfaitement corrélés. La variance agrégée des chocs macroéconomiques est donc
proportionnelle au carré du nombre d’entreprises et à la variance du cycle des affaires.
Selon le second la variance des chocs qui frappent une entreprise ne dépend pas de leur
nombre mais de leur taille, les chocs ne sont pas corrélés. La variance globale des chocs
microéconomiques augmente donc linéairement en fonction du nombre d’entreprises.
L’activité des entreprises et les règles de la répartition définissent une technique de
production commune (le rapport capital/travail est fixé en fonction du coût d’usage du
capital et du salaire réel) et un taux de profit X i   (1  u  vi ) où u représente le choc
provenant du cycle des affaires de moyenne nulle de variance
 u2
et
vi le choc spécifique
 v2 . Les deux chocs ne sont pas corrélés
E ( X i )   tandis que la variance est
(i allant de 1 à n) de moyenne nulle et de variance
entre eux. L’espérance du taux de profit est
V ( X i )  (n u2   v2 ) 2 . Le choc macroéconomique perçu par une entreprise augmente
en effet avec leur nombre puisque toutes sont atteintes et que la corrélation est totale, au
4
contraire des chocs spécifiques . Au niveau agrégé, l’espérance du taux de profit est n et
sa variance   n
2
 u2  n v2 .
2
Du point de vue financier chaque entreprise est financée uniquement par des actions
spécifiques. Les rendements de ces actifs sont corrélés selon les conditions de la
production. Il ne s’agit pas d’actifs de Arrow-Debreu, les marchés sont incomplets puisque
les aléas sont continus, qu’il existe un risque macroéconomique non assurable et que le
3
4
S’il y a plusieurs actifs certains, ils sont parfaitement substituables.
La variance du choc issu du cycle des affaires pour une entreprise est
n
V  var(u1 )   cov(u1 , u j )  var(u1 )  (n  1) v ar(u1 ) var(u j )  n var(u )
2
11
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
nombre d’entreprises est fini. Les entreprises, et donc les actifs, forment une base pour les
états de la nature mais leur nombre crée aussi des états de la nature.
Les investisseurs placent leur richesse initiale
W0 en actif non risqué (par exemple la dette
publique) dont le rendement est le taux d’intérêt r et en actions dont le rendement aléatoire
est X . La production des biens nécessite un capital réel K tandis que la création
d’entreprise a un coût a qui est perdu car il ne peut être récupéré en cas de disparition de
l’entreprise. Ce coût est financé par l’investisseur. Ce dernier choisit le portefeuille d’actifs
optimal qui maximise son utilité U k . On négligera par la suite l’indice.
I.
LA SOUS OPTIMALITE EN REGIME CLASSIQUE
Commençons par caractériser la frontière des portefeuilles optimaux. Si n entreprises sont
créées, na est investi dans leur lancement et nK dans la production des biens.
L’espérance de rendement du portefeuille est donc :
m  E (W0 )  W0  n K  r (W0  nK )  (1  r )na
et
sa
variance
  (n   n ) K .
2
2
2
u
2
v
2
2
Les portefeuilles optimaux de marché sont paramétrés par leur écart-type :
Max m sous la contrainte   n2 u2  n v2  K  0
n, K
La contrainte porte sur l’écart-type afin d’écarter les portefeuilles dominés ou
correspondant à un écart-type négatif.
En appelant L le Lagrangien formé avec le multiplicateur
conditions nécessaires du premier ordre s’écrivent :

de la contrainte, les
dL
a

   r  (1  r ) 
(2n u2   v2 )  0
dn
K 2 n 2 u2  n v2
(1)
dL
 n(  r )   n 2 u2  n v2   0
dK
(2)
soit :
K

2
2(1  r )a
(1  n u2 )
 r
v
(3)
(  r ) n
(4)
 n 2 u2  n v2
12
Q de Tobin et formes de la concurrence
 v2
2 n 2 u2  n v2
  

n v2
(1  r )a   r

K
2 n v2  n 2 u2
(5)
U '' 2
 s’interprète comme la prime de risque qui intervient dans le calcul de
U'
l’équivalent certain de la fonction d’utilité. Elle augmente avec le nombre et la taille des
entreprises. En vertu des conditions du premier ordre (1) et (2), on a :
dm
  0.
d
d
dK
 0 (en vertu de équation (4)), que
 0 (en vertu de l’équation (3)) et
dn
dn
d 2 m d
d      dK

 0 . La frontière est convexe (voir


 0 , alors
que
d 2 d 
dn
n K dn
Comme
figure 1).
Caractérisons maintenant les équilibres de concurrence oligopolistique non coopératifs de
Nash. Les entreprises maximisent l’espérance de leur profit calculée sous forme
d’équivalent certain : V  (  r ) K  k (n u   v ) K
2
d’aversion pour le risque et k (n u   v ) K
2
2
2
2
2
2
2
où
k est le coefficient
est la prime de risque. On obtient :
dV
   r  2k 2 (n u2   v2 ) K  0
dK
(6)
En concurrence oligopolistique la valeur de l’entreprise doit couvrir le coût d’entrée :
V  (1  r )a , soit :
(  r ) K  k (n u2   v2 ) 2 K 2  (1  r )a  0
On en déduit :
K
2(1  r )a
 r
k 2 K (n u2   v2 )  (1  r )
(7)
a
K
(8)
La comparaison des équations (3) et (7) implique :
K N  K o . Dans les équilibres de
marché paramétrés par le coefficient de prime de risque le niveau du capital de chaque
entreprise, c’est à dire leur taille, est trop faible par rapport à l’optimum financier parce
13
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
qu’en concurrence imparfaite les entreprises surévaluent le risque. Elles ne voient pas que
l’augmentation du nombre réduit le risque global macroéconomique car les chocs
spécifiques sont non corrélés. Le coût marginal du capital est exactement égal au coût
moyen d’entrée (équations 5 et 8). En revanche l’équilibre de concurrence oligopolistique,
pour efficace qu’il soit du point de vue de la production, n’est pas optimal car il y a trop
peu d’entreprises. La contrainte d’entrée dans le marché ne prenant pas en compte la
diversité, on investit trop peu en actifs risqués.
Pour le voir, il suffit de comparer les primes de risque dans les deux équilibres. A
l’optimum, selon les propriétés de l’équivalent certain, on peut écrire :
2 ''
(U (W ))  U ( E (W ))  U '  U .
2
d’où :
 
U '' 
2U '
Le taux de prime de risque correspondant vaut :
(  r )n
 U ''  
k0   
   2
2 2
2
 2U ' 0   K0 (n  u  n v )
A l’équilibre réel, l’équivalent certain s’écrit :
k  2U ' 
2
U ''
2
et le taux de prime de risque est (équations 6,7 et 8) :
(  r )
 U '' 
kN   
  2
2
2
2
 2U '  N 2 K N (nN u  nN v )
Au niveau global, la variance pour n entreprises est multipliée par n car le portefeuille
agrégé est traité comme la somme des équivalents certains des profits. La prime de risque
agrégée vaut :
(  r )nN

 U '' 
N   
 o
 N 
2
 2U '  N
2 nN2  u2  nN v2
(9)
Selon la condition (9) la prime de risque à l’équilibre de marché est moitié moindre qu’à
l’optimum. On y sous-investit car on omet la réduction des risques que procure la diversité
(voir figure 1).
La relation entre les aversions pour le risque s’obtient en développant l’équation (9) à l’aide
des équations (3) et (7) :
14
Q de Tobin et formes de la concurrence
1
KN    / n N
2
u
2
v

1
1
2
2 K 0  u   v2 / n0
ou
 u2   v2 / n c  2(1  n0 u2 /  v2 )  u2   v2 / n o
soit :
n0  nN .
En l’absence de cycle des affaires,
K N  K 0 et nN  n0 . D’une manière générale,
lorsque le nombre des entreprises et les chocs spécifiques sont importants, les entreprises
ont tendance à sous-investir et à rechigner à entrer dans le marché ( K N  K o et
nN  n0 ). La présence de chocs spécifiques dont on mésestime les propriétés
assurancielles est à la source du manque de concurrence. L’économie réelle ne prend pas
assez de risque. Il n’est pas possible d’aller vers l’optimum. Si l’Etat subventionne la
création d’entreprises, il abaisse simultanément le coût d’entrée et donc la taille, mais la
sous-optimalité subsiste puisqu’elle ne dépend pas de la dimension du coût d’entrée mais de
son existence.
Si les entreprises conjecturent que leurs concurrentes augmentent leur capital pour
maintenir leur part de marché, les équilibres de marché sont des équilibres conjecturaux
cohérents paramétrés par le nombre d’entreprises que nous appellerons ECC. Les équations
(7) et (8) déterminent le capital et le taux d’aversion pour le risque pour un nombre de
firmes donné. L’optimum correspond donc à nc  no et on obtient l’ordonnancement
suivant :
Kc  K N  Ko
nN  nc  n0
Les écart-types vérifient :
 N  c  0
En raison de la convexité de la frontière, on a :
 N  c  o
L’équilibre conjectural cohérent rapproche de l’optimum parce que les entreprises
investissent pour maintenir leur part de marché ce qui réduit le coût moyen (voir figure 1).
Dans les deux équilibres de marché la sous optimalité a une expression en terme de prime
de risque et de valeur des cours de bourse.
On définit la prime de risque ex ante des entreprises par :
15
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
 a  2k (n u2   v2 ) 2 K
La prime de risque ex post par :
 p  k (n u2   v2 ) 2 K  (1  r )a / K
La prime de risque agrégée de l’optimum financier (dans le cas de l’équilibre de Nash) par :
 f  ( / 2) n2 u2  n v2 K  k (n2 u2  n v2 ) 2 K
Elle est égale à la moitié de ce que les ménages détenteurs de richesse souhaiteraient.
On définit ensuite différents concepts de « q de Tobin » selon ces différentes primes de
risque :
Le « q de Tobin » marginal ex ante qma 
Le « q de Tobin » moyen ex post
qm p 
Le « q de Tobin » financier moyen
qf 

r  a

r p
 nK
rnK   f
Lorsque la taille des entreprises est trop faible, on a qma  qm p  1 . Il faut investir
jusqu’à ce que le coût marginal (ici le coût associé au risque) soit égal au coût d’entrée de
sorte que qma  qm p  1 .
Mais à l’équilibre de marché, le « q de Tobin » financier moyen qui est mesuré dans
5
l’économie
par
l’indice
moyen
des
cours
de
bourse ,
vaut
q f  1
k 2 (n u2   v2 ) K
1.
r  k 2 (n u2   v2 ) K
Les cours de bourse sont à l’équilibre de marché supérieurs à l’unité parce que le nombre
d’entreprises est trop faible et que la taille globale du secteur risqué est insuffisante par
rapport au portefeuille de marché. Abaisser le coût d’entrée par des subventions diminuerait
la taille des entreprises mais ne modifierait pas la sous-optimalité qu’on peut interpréter
selon son humeur comme une inefficacité radicale de la concurrence oligopolistique ou une
tendance permanente des marchés financiers à faire prendre des risques aux épargnants.
5
On obtient de manière générale l’ordonnancement suivant :
16
q f ( N )  q f ( ECC )  q f (opt )  1
Q de Tobin et formes de la concurrence
Figure 1 - Cas classique
m
mO
ECC
mC
Nash
mN
Frontière
0
N
C
O

Figure 2 - Cas keynésien
m
mO
Nash
ECC
mC
mN
0
Frontière
O
C
17
N

CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
II.
LA SOUS OPTIMALITE EN REGIME KEYNESIEN
Dans le paragraphe précédent les entreprises étaient en situation classique où la production
était déterminée par l’offre de sorte que les risques comme les profits s’additionnaient. Ici
nous les plaçons dans un régime keynésien où la production est fixée par la demande et les
risques peuvent se diviser. Le niveau de la richesse initiale des ménages est toujours fixé et
les chocs de demande portent sur le flux de la production réalisé avec cette richesse.
Cependant la modélisation est plus compliquée car il faut décrire la façon dont les
entreprises se partagent quantitativement le marché. Cela nous amène à distinguer les chocs
macroéconomiques des chocs microéconomiques et les conjectures que les entreprises font
lorsqu’elles sont en concurrence imparfaite.
2.1. Les chocs macroéconomiques
Il s’agit de chocs du cycle des affaires quantitatifs. On suppose que les entreprises sont
contraintes par la demande et qu’elles sont en concurrence oligopolistique à la Cournot
pour se partager la demande globale dans un processus de captation de la clientèle. Pour
cela elles installent des capacités de production proportionnelles au capital de façon à saisir
une part de marché proportionnelle à la part de leurs capacités dans la capacité globale. En
notant
part,
Di et D   Di la demande qui leur est adressée et la demande globale d’une
K i et K   Ki les capitaux individuel et total, la demande adressée à chacune
Di K i

. La demande globale est une variable aléatoire de densité f ( D ) et la
D K
production servie est le minimum de la demande et de l’offre, soit : Y  Min( D, K ) .
vérifie
Lorsque les capacités installées sont supérieures à la demande, les entreprises produisent et
servent la demande, dans le cas contraire elles ne satisfont la demande que dans la
proportion de leur capacité et œuvrent à pleine utilisation. L’espérance de la production
globale s’écrit :
K


K
E (Y )   Df ( D)dD   Kf ( D)dD et la variance :
K


K
V (Y )   D2 f ( D)dD   K 2 f ( D)dD  E 2 (Y )
On a donc
dE (Y )
 P( D  K )
dK
(10)
dV (Y )
 2( K  E (Y )) P( D  K )
dK
(11)
L’espérance de la production de chacune s’écrit :
18
Q de Tobin et formes de la concurrence
Ki
E (Yi )   Di f ( Di )dDi 

Ki

i

i
Ki
V (Yi )   D f ( Di )dDi  
2
i
Ki
 K dD  K E(Y ) et la variance :

K
2
K 
K f ( Di )dDi  E (Yi )   i  V (Y )
K
2
i
2
Le profit espéré d’une entreprise est donc :
 i   E (Y )
Ki
 rK i et sa variance :
K
2
K 
 Vi    i  V (Y )
K 
2
2
On notera que lorsque les entreprises sont identiques leur nombre
l’équilibre
n vérifie ex post à
1 Ki

.
n K
Il en résulte que :
dE (Yi ) E (Y )
K dK
K dK

(1  i
) P i
dKi
K
K dKi
K dK i
(12)
2
dV (Yi )
K
K dK
 K  dV (Y ) dK
 2 2i (1  i
)V (Y )   i 
dKi
K
K dKi
 K  dK dKi
(13)
Comme précédemment, il est possible de calculer les portefeuilles optimaux en régime
keynésien. Ils vérifient
Max m  n i sous la contrainte n Vi   . Contrairement au
n , Ki
cas classique, ils ne dépendent pas du nombre d’entreprises qui se partagent le marché en
raison de la proportionnalité de la demande captée par rapport aux capacités de production.
Le marché financier ne se soucie que de la taille du capital total qui vérifie (en dérivant par
rapport au capital) :
 2( K  E (Y ))
 P( D  K )  r  
P( D  K )  0
2
V (Y )
En remontant comme précédemment à l’aversion pour le risque, on obtient :

 r/P
 U '' 

 2
 
 2U ' opt  V (Y )  K (1  u )
19
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
où u 
E (Y )
est le taux d’utilisation moyen des capacités de production et P la
K
probabilité que la demande excède la capacité de production installée.
Comme le capital est la seule variable de commande, la caractérisation de la frontière est
très simple. La condition du premier ordre s’écrit
dm
   0 . La condition du
d
d 2m
d2 

 0 . En faisant varier  on écrit :
deuxième ordre s’écrit :
dK 2
dK 2
d 2m
d 2  d d 
d 2 m d




0

 0 . Contrairement au cas
,
d’où
dK 2
dK 2 d  dK
d 2 d 
classique la frontière est concave (voir figure 2).
Pour définir l’équilibre de marché en concurrence imparfaite à la Cournot, il faut préciser
les anticipations des entreprises. Nous considérerons deux cas : l’équilibre conjectural
cohérent et l’équilibre non coopératif de Nash.
a) L’équilibre conjectural cohérent
Les entreprises dans le marché anticipent que leurs concurrentes agiront de même.
L’équilibre est défini de manière analogue au cas classique en maximisant l’équivalent
certain du profit et en introduisant la condition de profit espéré nul comme condition
d’entrée dans le marché. On écrit :
2
K
K 
Max  E (Y ) i  rK i  k  i   2V (Y )
Ki
K
K
(14)
sous la contrainte que les entreprises anticipent que les autres auront le même
comportement (condition de l’équilibre conjectural cohérent). Il en résulte qu’elles
anticipent que
dK i dK
K

et que le nombre d’entreprises n 
est constant.
Ki
Ki
K
La condition nécessaire s’écrit en utilisant les équations (12), (13) et (14) :

r 2k 2 K (1  u )

P
n
(15)
La condition d’entrée est :
u  r 
k 2V (Y )
nK
soit en éliminant
(16)
k entre (15) et (16) :
20
Q de Tobin et formes de la concurrence

r 2K 2 ( u  r )(1  u )

P
V (Y )
(17)
Cette expression exprime la prime de risque exigée sur le capital en fonction des
caractéristiques de l’équilibre global qui dépendent des capacités agrégées installées et non
pas du degré de concurrence. En dérivant le terme de droite de (17), on obtient :
d
r dP 1  P
 2

( E  rK )  0
dK
P dK
V
La prime de risque augmente avec les capacités installées. La courbe des équilibres est
croissante en fonction de l’écart-type. On peut d’ailleurs retrouver ce résultat différemment
en remontant aux aversions agrégées pour le risque et en remarquant que l’équilibre de
marché traite le portefeuille agrégé comme la somme des portefeuilles, mais que, comme
l’incertitude est macroéconomique, les risques se divisent. On obtient :
k

 U '' 
c   
 c   V (Y ) 
n
2
 2U ' c
En
utilisant
l’équation
(16),
on
obtient :
c 
( u  r ) K
 V
et
donc
dc ( P  r  K 2 ( u  r )(1  u) P / V
. En utilisant l’équation (17), on trouve que :

dK
V
d c
d 2
 0 . La frontière des équilibres de marché est concave.
 0 et
d 2
dK c
A l’ECC l’aversion absolue pour le risque est moitié moindre qu’à l’optimum. Comme la
frontière des optima est concave : c  0 ou encore K c  K 0 .
Les entreprises sur-investissent globalement par rapport à ce que serait l’optimum financier
d’une part pour satisfaire la demande et d’autre part pour gagner des parts de marché en
augmentant leurs capacités d’autant plus qu’elles conjecturent que les autres agiront de
même. Cette sous-optimalité est indépendante du degré de division des risques qui est une
question individuelle et non pas globale. On peut alors définir comme précédemment un « q
de Tobin marginal » des entreprises ex ante qma , un « q de Tobin moyen ex post » des
entreprises qm p et un « q de Tobin financier » q f .
qma 
qm p 

r / P  2k 2 K i (1  u )
u
r  k V (Yi ) / K i
2
avec K i 
avec V (Yi ) 
K
n
V (Y )
n2
21
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
K
k 2 (1  u ) K
qf 
 1
1
(r / P) K  k 2 (1  u) K 2
(r / P)  k 2 (1  u ) K
Lorsque qma  qm p  1 , les entreprises doivent investir pour éviter que de nouveaux
entrants apparaissent sur le marché. A l’équilibre obtenu par variation du nombre
d’entreprises on obtient : qma  qm p  1 , mais les cours de bourse sont supérieurs à
l’unité : q f  1 .
L’analogie avec le cas classique s’arrête à l’inefficacité grossière qui prend la forme d’un
excès des cours de bourse, alors que l’origine de l’inefficacité change de sens : les
entreprises sur-investissent. Le risque est ici représenté non seulement par les chocs de
demande mais aussi par la probabilité de ne pas satisfaire la demande par manque de capital
(équation (15)). Le coût d’entrée est remplacé par la baisse du taux d’utilisation qu’il faut
consentir pour éviter l’apparition de nouveaux concurrents (équation (16)). Les marchés
financiers (et les ménages qu’ils représentent dans ce modèle) souhaiteraient que les
entreprises prennent globalement moins de risques en réduisant la capacité ce qui
augmenterait le taux d’utilisation moyen. Ils sont indifférents au partage du risque qui est
neutre pour les chocs macroéconomiques. Tout se passe pour eux comme si l’effet externe
global du à la diversité était nul. A l’inverse, du point de vue de l’économie réelle, le risque
doit être compensé par des gains de part de marché. Ce déplacement devrait être obtenu par
l’apparition de nouvelles entreprises dans le marché. Mais cela réduirait le taux d’utilisation
moyen, accroîtrait le capital global tout en réduisant le capital individuel de chaque firme et
accroîtrait les coûts unitaires exprimés par la variance unitaire (
d (Vi / K i )
 0 , équation
dK i
(16)). Il n’y a donc pas intérêt à entrer en production pour satisfaire la demande qui n’est
pas servie ou si certaines y entrent d’autres en sortent en raison de la baisse de leur part de
marché.
b) L’équilibre de Nash non coopératif
Les entreprises ne prennent pas en compte la réaction des autres de sorte qu’elles pensent
qu’un accroissement de capital leur permettra de gagner des parts de marché. Elles
conjecturent donc que dK  dKi . La maximisation du profit individuel s’écrit en utilisant
(12) et (13) :
P
1 2k 2V (Y )
1 2k 2 K (1  u) P
 r   u (1  ) 
(1  ) 
0
n
n
nK
n
n2
La condition d’entrée est inchangée :
k 2V (Y )
u  r 
0
nK
22
Q de Tobin et formes de la concurrence
On remarque tout d’abord que le nombre d’entreprises ne peut tendre vers l’infini et donc
que la concurrence parfaite ne peut être atteinte même comme limite. En effet dans ce cas
l’optimum devient :
 u  r  2k 2
V (Yi )
Ki
tandis que la condition d’entrée s’écrit :
 u  r  k 2
V (Yi )
Ki
Lorsque le nombre d’entreprises devient très grand, le coût d’entrée est inférieur au coût
marginal de production et le nombre d’entreprises qui sortent du marché est supérieur au
nombre d’entreprises qui y entrent. Il existe donc un niveau optimal de concurrence
imparfaite pour lequel l’aversion pour le risque est donnée par :
 (1  u) PKi2

 (n  1)   0
V (Yi )


 P  r  ( u  r ) 2
Le risque macroéconomique associé aux entreprises devient :
k
 r/ P
 U '' 
N   
  N   V (Y )  2
n
2 K (1  u )  (n  1) 2V (Y ) /( KP)
 2U '  N
On a donc :
N 
 r/P
 V (Y )
2 K (1  u )   2V (Yi ) /( K i P)
2
ou encore :
N 
 r/P
V (Y )
2 K (1  u )
Le risque pris dans l’équilibre non coopératif est encore plus élevé que le risque pris à
l’équilibre conjectural cohérent qui était lui-même excessif du point de vue des marchés
financiers. En effet les entreprises conjecturent que leur investissement sera plus efficace
pour gagner des parts de marchés. Elles considèrent que l’investissement global en
l’absence de réaction des concurrents sera suffisant pour dresser des barrières à l’entrée
puisque le taux d’utilisation moyen sera globalement inchangé au premier ordre (lorsque le
nombre d’entreprises est suffisamment important). Ex post l’excès de capital est encore
plus important.(la variance du profit est plus forte). Pour s’en convaincre, il suffit de
remarquer que la situation de monopole (une seule entreprise, n  1 ) correspond à
l’équilibre conjectural cohérent. Ainsi cet exemple propose une situation où l’équilibre
conjectural cohérent, en introduisant une rationalité partielle, rapproche l’équilibre réel de
l’équilibre financier optimal.
23
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
2.2. Les chocs microéconomiques
Les entreprises sont soumises à des chocs de demande spécifiques
de variance

2
v
vi de moyenne nulle et
dont la caractéristique est d’être indépendants entre eux. Comme
précédemment les entreprises se partagent la production en proportion des capacités
installées. Elles se trouvent confrontées à un dilemme qu’on peut rapporter en ces termes.
Afin de satisfaire les chocs spécifiques qu’elles identifient, il convient d’installer des
capacités excédentaires dans l’intention d’éviter de ne pouvoir fournir lorsque la demande
est excédentaire. Comme conséquence favorable, ce capital permettra de conquérir des
parts de marché au détriment des concurrents lorsque ceux-ci auront des difficultés à
satisfaire la demande excédentaire après avoir été mis en présence de chocs spécifiques sur
leur propre courbe de « demande perçue ». Pourtant les chocs spécifiques des autres
entreprises sur le marché obligent chaque firme à investir pour maintenir sa part de marché
sur son propre produit dans des proportions excessives qui accroissent le risque et le coût
marginal du capital et qui favorisent l’entrée de concurrents nouveaux. Le choc agrégé
résultant de la somme des chocs spécifiques dépend ainsi du nombre d’entreprises et on ne
peut plus considérer que l’augmentation du nombre d’entreprises divise le risque agrégé,
car ce dernier s’accroît avec le nombre. Comme pour le choc macroéconomique, les risques
spécifiques, en régime keynésien, conduisent le secteur privé à adopter un système de
production où la prime de risque est trop importante.
La complexité combinatoire du cas keynésien et des chocs spécifiques nécessite de traiter
séparément et complètement l’équilibre de marché financier et les équilibres de
concurrence privés correspondant à l’ECC et à la situation non coopérative.
a) Les optima financiers
Dans les équilibres financiers symétriques chaque entreprise a installé un capital
possède une part de marché
Di 
K i et
Ki
K
1

 i . La demande qui lui est adressée est
n  Ki K
Ki
D  vi où vi est un choc spécifique d’espérance nulle E (vi )  0 et D la part
K
certaine
de
la
demande
agrégée.
La
production
est
une
variable
aléatoire
K
Yi  Min( i D  vi , K i ) . Comme les chocs sont indépendants, les productions sont
K
indépendantes et la variance de la production agrégée Y  Yi est la somme des
variances individuelles. L’espérance de la production de chaque entreprise a la même forme
que précédemment :
(K D) / n
EYi 


Ki
D
D  vi ) f (vi )dvi  K i P(vi  K i  )
K
n
24
Q de Tobin et formes de la concurrence
En supposant que les chocs suivent la même loi :
EY   EYi 
( K D) / n

( D  nv) f (v)dv  KP (v 

K D
)
n
La variance de la production individuelle s’écrit :
(K D) / n

V (Yi ) 
(

D
 vi ) 2 f (vi )dvi  K i2 P  E 2 (Yi )
n
En raison de l’indépendance des variables la variance agrégée devient :
V (Y )  V (Yi ) 
1

n
( K D) / n


 E 2 (Y )
( D  nv) 2 f (v)dv  K 2 P  
n

Le portefeuille de marché est ainsi le résultat du programme de maximisation suivant :
Max  E(Y )  rK sous la contrainte :  V (Y )   .
K ,n
Pour calculer les conditions nécessaires on utilise les calculs intermédiaires suivants :
dE (Y )
dV (Y ) 2( K  E (Y )) P
 P,

0
dK
dK
n
dE (Y )

dn
(K D) / n

vf (v)dv  0 puisque E (v )  0

d 2 E (Y )
( K  D) 2 K  D


f(
)  0,
dn 2
n3
n
d 2E K  D K  D

f(
)0
dKdn
n2
n
d 2E
1 K D
 f(
)0
2
dK
n
n
et
La dernière inégalité résulte de ce que les seuls équilibres avec incertitude possibles sont
ceux pour lesquels les capacités couvrent au moins la demande certaine ( K  D) . En
effet, s’il n’y a pas d’incertitude les capacités sont égales à la demande ( K  D  E ) et
le profit est positif. S’il apparaît une incertitude, le gain marginal à satisfaire la demande est
( K  D) P
de sorte que ou bien
V
 P  r  0 et K  D ou bien  P  r  0 et K  D .
Pr
pour une variance marginale égale à
Les dérivées partielles par rapport au nombre d’entreprises sont les suivantes :
25
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
dV (Y ) E 2  PK 2  (1  P) D 2


dn
n2
En utilisant la valeur de
(K D) / n


E
(v  2 )vf (v)dv
n
dE (Y )
et en intégrant le deuxième terme du membre de droite
dn
par parties on a :
( K D) / n


(K D) / n
E
E dE 

(v  2 )vf (v)dv  (v  2 )
n
n dn  


( K D) / n

dE
E dE
dv  2
dn
n dn
d’où :
dV (Y ) E 2  PK 2  (1  P) D 2
E dE

2
2
dn
n
n dn
En remarquant que E  KP  D(1  P )  n
dE
, on obtient :
dn
dV
P( K  E )2  (1  P)( D  E ) 2

0
dn
n2
d 2V 2(1  P) P

0,
dK 2
n
E
 2V
(K  E)P
d 2V ( D  E )  ( K  D) P dE


0

 0 car u   P
et
2
2
2
K
K n
n
dn
n
dn
et f  P .
En
outre
on
peut
montrer
que
pour
n
grand
Remarque : ces calculs fastidieux montrent incidemment que les équilibres financiers s’ils
existent correspondent nécessairement à une aversion pour le risque faible sinon il serait
possible de trouver des portefeuilles toujours plus avantageux en augmentant indéfiniment
le nombre d’entreprises et en réduisant leur taille (nous verrons que les conditions du
second ordre impliquent qu’il existe un risque maximal limite).
Les conditions nécessaires du premier ordre se déduisent de ces calculs préliminaires :
m
E

  ( K  E (Y )) P

 r  
Pr 
0
K
K
K
n
V (Y )
(18)
m
E

dE (Y )
 dV (Y )

 


0
n
n
n
dn
2 V (Y ) dn
(19)
L’équation (18) est analogue à l’équation définissant la prime de risque optimale lors des
chocs macroéconomiques et fournit le taux d’aversion optimal :
26
Q de Tobin et formes de la concurrence
n(  r / Po )

 U '' 
k0   
 2
 
 2U ' 0  V (Y )  K o (1  u0 )
(20)
La deuxième relation fournit une autre expression de cette aversion :
k0 

 V (Y )

2E / n
V / n
(21)
L’optimum n’est plus indifférent au nombre d’entreprises. Pour un même niveau de
capacités installées, l’aversion pour le risque est multipliée par le nombre d’entreprises
comme dans le cas néoclassique que nous avons étudié au début de ce texte, car le risque de
ne pas satisfaire la demande est cette fois la somme des risques pour chaque entreprise.
Afin de caractériser les équilibres nous allons discuter de l’évolution de l’aversion pour le
risque selon la capacité installée et le nombre d’entreprises. En raison des conditions du
premier ordre (équations (18) et (19)), la taille et le nombre d’entreprises agissent de façon
proportionnelle et en sens inverse. On a en effet en raison des conditions du premier ordre :
dE (E / K ) (E / n)



d  (  / K ) (  / n)
En dérivant par rapport à
 , on obtient :
2
 2 E   m  2  dK
   d E

(

)
 K  d  2
K 2 K K K 2 d 
 2 E   m  2  n
(

)
0
K n K K K n  
2
En raison des signes des dérivées partielles que nous avons calculés précédemment, on en
d 2E
0
déduit que, pour n suffisamment grand, on a :
d 2
L’aversion pour le risque
 o  (
(22)
U ''
)o  o est une fonction décroissante de la variance
2U '
du portefeuille. La courbe des optima est concave (voir figure 2). Il est possible en outre de
remonter aux instruments en utilisant les équations (20) et (21)) ainsi que les conditions du
second ordre :
  
2 E
2 


 
0
K K
K 2
K 2
  
2 E
2 

  2  
0
n n
n
n 2
27
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
Comme


 0 et
 0 , on obtient :
K
n
  
  

  0 et    0
 K o
 n o
(23)
Le contrôle du risque se fait en arbitrant entre la réduction du capital et l’accroissement du
nombre d’entreprises.
Nous allons maintenant comparer ces équilibres avec les équilibres de l’économie réelle
selon la forme de la concurrence.
b) L’équilibre conjectural cohérent
Comme pour le cas des chocs macroéconomiques, les entreprises anticipent que leurs
concurrentes vont répondre à leurs actions de manière analogue de sorte que le nombre
d’entreprise est constant. Le programme s’écrit :
Max
K
1
 EY  rK  k 2V 
n
Le coût marginal a la même forme que pour les chocs macroéconomiques :
r 2 k 2 ( K  E )
 
P
n
En revanche la condition d’entrée ne dépend plus du nombre :
k 2V
u  r 
K
La comparaison avec l’optimum se fait selon la même procédure que précédemment et
s’écrit avec les mêmes notations :
kc Vc  c  0 / 2
Comme précédemment l’aversion pour le risque est moitié moindre à l’équilibre conjectural
cohérent que pour le portefeuille optimal correspondant à la même aversion pour le risque.
Mais comme l’aversion pour le risque des optima décroît avec l’écart-type du profit, l’ECC
conduit à une variance excessive. En effet les entreprises négligent l’effet de l’agrégation
du risque. A priori il ne semble plus possible de comparer le nombre et la taille dans les
deux équilibres puisque ces variables jouent indépendamment et de manière monotone.
Tout ce que l’on peut dire est que c  o . En fait on peut aller plus loin en remarquant
que la condition d’entrée ne joue que si

E
V
 k 2
 0 , sinon on pourrait de
n
n
manière infinitésimale augmenter le nombre d’entreprise pour un capital total donné. On a
28
Q de Tobin et formes de la concurrence
 V
E c V
E

 0 . En remarquant qu’à l’optimum
 o
 0 et que
n
n 2 V n
V n
c  0 / 2 et en raison des conditions du second ordre, on en déduit que : nc  n0 . Etant
donc :
donné que la taille et le nombre ont des effets opposés à l’optimum (équation 23), on a
nécessairement K c  K 0 .
Le risque spécifique conduit les entreprises à sur-investir pour satisfaire la demande car
elles sous-évaluent la variance de la demande globale. Ex post le taux d’utilisation moyen
des capacités est plus faible, cela accroît le coût d’entrée et réduit le nombre d’entreprises
par rapport à l’optimum.
Comme précédemment on peut définir les « q de Tobin » correspondants à ces
configurations.
qma 

r / P  2 k 2 ( K  E )
qm p 
u
r  k 2Vi / K i
qf 

1
r / P  k 2 K (1  u )
A l’ECC on a : q f  qma  qm p  1
Ainsi le « q de Tobin » est supérieur à l’unité, parce que la variance est trop forte, bien que
le risque soit excessif par rapport à l’optimum. Cela provient du fait que l’arbitrage entre le
taux d’utilisation qui agit sur l’espérance du revenu et la variance est biaisée au niveau
individuel.
c) L’équilibre de Nash
Le programme des entreprises est le même que précédemment mais elles ne conjecturent
pas que leurs concurrentes vont réagir. Cela s’écrit :
Max
K
1
 E  rK  k 2V 
n
sous la contrainte :
dn
dK
 (1  n)
n
K
La condition d’entrée à l’équilibre reste la même :
 E  rK  k 2V  0
29
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
La condition, du premier ordre à l’équilibre s’écrit :
 P  r  k 2
dV n(1  n)  dE
dV 


 k 2
0

dK
K  dn
dn 
On en déduit le taux d’aversion pour le risque :
kN 
  r / P   (n(1  n) / K )dE / dn
2 ( K  E ) / n  (n(1  n) / K ) 2 dV / dn
Comme
2
dE
dV
 0 et
 0 , on a k N  kc  ko et  N  c  o .
dn
dn
L’ordonnancement des écarts-type découle de la convexité de la courbe des optima (voir
figure 2) :
 N  c  0
Compte tenu de la forme de la courbe des optima (équation 23), on obtient :
nN  nC  no
K N  Kc  K0
A l’équilibre non coopératif les entreprises prennent plus de risque qu’à l’équilibre
conjectural cohérent parce qu’elles investissent non seulement pour satisfaire la demande
qui leur est adressée mais aussi pour gagner des parts de marché. Le taux d’utilisation
moyen ex post s’en trouve réduit et la contrainte d’entrée sur le marché plus drastique.
Dans cette situation le « q de Tobin » du marché est encore plus élevé :
q f ( N )  q f ( ECC )  q f (opt )  1
Ainsi en régime keynésien, quelle que soit la forme que prend la concurrence, la valeur des
cours de bourse est supérieure à la valeur d’équilibre optimale, c’est à dire l’unité, bien que
la variance des revenus soit plus importante. Ce paradoxe apparent provient du fait qu’il est
plus important au niveau individuel de satisfaire la demande et/ou de gagner des parts de
marché pour augmenter le revenu que de réduire la variance du revenu. En d’autres termes
il vaut mieux chercher à satisfaire la demande lors des pics que de s’assurer contre les
variations de cette demande lors des creux. De ce fait les entreprises dressent des barrières à
l’entrée en réduisant le taux d’utilisation des capacités. Au niveau global l’économie
souffre d’un excès de capital qui en réduit le revenu. Pour se rapprocher de l’optimum il
faudrait réduire la taille des entreprises et augmenter leur nombre afin que l’économie
satisfasse les pics de demande grâce à la diversité. Mais cela voudrait dire que lorsque la
demande est faible, certaines entreprises ne produisent pas. C’est cette contrainte
qu’exprime le taux d’utilisation dans la condition d’entrée du marché.
30
Q de Tobin et formes de la concurrence
III. L’INFORMATION ASYMETRIQUE
Jusqu’à présent nous avons décrit une situation d’information complète où les entreprises
sont en concurrence oligopolistique à la Cournot et produisent dans des conditions
analogues différentes variétés. Cette différentiation a un coût de production que nous avons
résumé au coût fixe et à la probabilité de ne pas satisfaire la demande en regard des
capacités installées. Si chaque entreprise est représentée par un actif financier, le
portefeuille optimal conduit à une aversion pour le risque plus élevée que les équilibres
oligopolistiques quel que soit leur nature, que les entreprises ne coopèrent pas ou qu’elles
forment une collusion partielle comme dans les équilibres conjecturaux cohérents. Le
risque se multiplie avec la diversité en régime classique et se divise en régime keynésien.
Les contraintes d’entrée abaissent le nombre d’entreprises mais s’expriment différemment.
Dans le premier cas le capital manque car chaque entreprise surévalue la variance, dans le
second il est en excédent car elle surévalue la probabilité de ne pas satisfaire la demande.
La variance n’informe pas complètement sur les risques. En situation d’information
incomplète il n’existe pas de résultats aussi généraux car il faut préciser la nature de
l’information. Cependant on peut donner une intuition des extensions lorsque l’information
inconnue du marché financier est résumée à un seul paramètre.
L’information asymétrique est représentée par une variable cachée dont seules les
entreprises ont connaissance. Elle est spécifique et il suffit de traiter le cas des risques non
corrélés  u  0 . Si on reprend la notion de « mean preserving spread » (le risque
préservant la moyenne) de Rotschild et Stiglitz (1970), il est équivalent de dire qu’une
variable X est plus risquée qu’une variable Y qui possède la même espérance, si l’espérance
de l’utilité concave de la première est inférieure à l’espérance de l’utilité de la seconde ou si
cette variable X est la somme de la variable Y et d’une variable Z telle que X et Y+Z aient
même loi et que l’espérance conditionnelle de Z par rapport à Y soit nulle. Dans le cadre
des hypothèses du modèle ici développé, la variable concernée est le taux de profit et on
peut adopter un point de vue multiplicatif. Nous représenterons la variable cachée d’une
entreprise
i 
par la variable aléatoire
valeur minimale
l’actif certain) :
xi positive comprise entre 0 et 1 et ayant une
b (on écarte ainsi les entreprises non risquées qui sont déjà incluse dans
0  b  xi  1
xi , il suffit d’imaginer que les entreprises
choisissent des projets dont la probabilité de réussite est p qui, en cas d’échec de
probabilité 1  p , les conduisent à la faillite qui engendre la disparition du profit, annulant
Pour donner une interprétation économique de
ainsi la valeur de l’actif correspondant. Si ces projets ont même rentabilité espérée, ils se
distinguent par leurs moments d’ordre supérieur. La faillite réduit le risque d’une certaine
manière car elle écrête les situations où la rentabilité est mauvaise. Dans la modélisation
proposée x serait égal à p et le choix du projet indépendant du risque s’il réussit. La
valeur x  1 correspond aux projets qui réussissent toujours et
systématiquement.
31
x  0 à ceux qui échouent
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
Dans le cadre classique avec risque spécifique, la valeur d’une entreprise est égale à :
Vi  (  r ) Ki  a(1  r )  kxi 2 K i2 v2
Tout d’abord on remarque que la valeur optimale du capital qui maximise la valeur et
vérifie la condition d’entrée ne dépend pas du risque caché :
 r
a
 r
et kx 

2 v2 2 K
K 2(1  r )
Ensuite, la valeur est une fonction décroissante du paramètre caché x . Il existe un risque
minimal x  1 pour lequel cette valeur est nulle. Le capital qui maximise la valeur de cette
entreprise marginale est donnée par :
 r
a
 r
et k 

2 v2 2 K
K 2(1  r )
Comme nous avons supposé qu’il existait un risque maximal x  b , les entreprises dont le
risque est compris entre b et 1, plus risquées que l’entreprise marginale, ont une valeur
positive. Appelons
xm  E ( x) la valeur moyenne du paramètre de risque caché. La valeur
moyenne des entreprises est positive :
Vm  (  r ) K  (1  r )a  k 2 K 2 xm  0 puisque 0  b  xm  1 .
Comme toutes les entreprises produisant chaque variété sont identiques, la variance agrégée
est
  n K v E ( x) et l’aversion pour le risque agrégée :
c  k  
n (  r )
E ( x)
2 v
Le portefeuille de marché optimal est obtenu par le programme suivant :
Max n(  r ) K  na(1  r ) sous la contrainte
K ,n
  n v KE ( x )
L’aversion pour le risque optimale est :
0 
n (  r )
 v
1
E( x )

2c
 2c
E ( x ) E ( x)
On a donc les inégalités :
c (asymetrie)  c (symetrie)  0 (symetrie)  0 (asymetrie)
32
Q de Tobin et formes de la concurrence
Le même raisonnement pourrait être mené pour le cas keynésien. En effet il est basé sur
deux hypothèses : l’information asymétrique est modélisée dans le cadre du mean
preserving spread et elle est résumée à un seul paramètre. La première hypothèse garantit
qu’on peut résumer les paramètres cachés à l’addition (ou la multiplication) d’une variable
aléatoire au profit (aléatoire lui même) sans cette variable aléatoire cachée. La seconde
hypothèse assure que cette variable aléatoire additive (multiplicative) est de dimension 1, ce
qui permet d’ordonner les risques (cela étant impossible dans le cas de plusieurs variables).
Comme précédemment on peut définir un « q marginal ex ante »
qma , un « q moyen ex
post » qm p et un « q de Tobin financier » q f . Dans le cas classique :
qma 
qm p 
qf 

r  2k  2 KE ( x)
2
v

r  (1  r )a / K  k v2 2 KE ( x)

r  k  KE ( x ) E ( x) E ( x)
2
v
2
Dans le cas keynésien :
qma 
qm p 
qf 

r / P  2k  ( K  E ) E ( x )
2

r / P  k Vi / K i E ( x)
2

r / P  k ( K  E ) E ( x ) E ( x) E ( x)
2
A l’équilibre, qma  qm p  1 et q f  1 . Avec information incomplète, le q de Tobin est
encore plus élevé parce qu’en l’absence d’information les marchés évaluent la prime de
risque au niveau moyen du risque de sorte que la prime de risque est encore plus faible.
CONCLUSION
Nous avons proposé des équilibres très divers paramétrés par la taille, la diversité, le régime
et les actions cachées pour lesquels l’aversion pour le risque est plus faible qu’à l’optimum
et les cours de bourse sont supérieurs à la valeur optimale.
Ils existent d’autres travaux qui montrent que les cours de bourse sont supérieurs à la valeur
d’équilibre optimale. On peut au moins en énumérer de trois sortes qui ne sont pas du
33
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
même ordre : la concurrence oligopolistique à la Bertrand par les prix, l’existence d’actifs
incorporels que les marchés prennent en compte et qui ne sont pas inclus dans la mesure du
capital et le financement du capital par la dette.
La concurrence oligopolistique à la Bertrand peut être introduite dans la modélisation ici
6
développée . La hausse des prix permet d’augmenter le profit mais réduit la part de marché.
On peut donc exprimer l’espérance du taux de profit sous la forme suivante :
 Ki   i Ki  rKi où le supplément de profit  i est donné par la courbe de demande

K 
perçue  i  A  i  (   1 est l’élasticité de la demande). La maximisation du profit
K
 r
donne :  i 
et à l’équilibre, si toutes les entreprises sont identiques,
 1
K 
i   i 
K 

 n (en utilisant les mêmes notations que dans le texte). L’espérance du
profit optimal devient :
 r
K .
 1 i
La condition sur le nombre d’entreprises, obtenue à
l’aide de la courbe de demande perçue, remplace la condition d’entrée utilisée dans le texte.
Ainsi la concurrence oligopolistique à la Bertrand donne les mêmes résultats qualitatifs que
ceux que nous avons présentés pour la concurrence à la Cournot.
Les travaux de Laitner et Stolyarov (2003) étudient les situations où la valeur de marché
inclut aussi des actifs incorporels, comme les brevets et les licences qui ne sont pas pris en
compte dans l’évaluation du stock de capital fixe, mais qui rapportent des revenus. De ce
fait le profit inclut les revenus de ces actifs et le taux de profit est plus élevé, ce qui se
traduit par une surévaluation apparente des cours de bourse. Ce type d’argument est
évidemment d’un autre ordre. Il signifie que les rentes provenant des brevets ou des
licences sont considérées comme des profits. Toutefois leurs travaux posent problème car
ils supposent que le rendement des actifs incorporels est égal au taux de profit, ce qui veut
dire que ces actifs ne se distinguent pas du capital mesuré usuellement ou pour être plus
précis que les actifs incorporels sont des substituts parfaits des actifs corporels. Une
correction des évaluations de la comptabilité nationale (en retirant les rentes au numérateur
ou en ajoutant le capital incorporel au dénominateur) corrigerait cet effet qui ne serait
qu’une erreur de mesure sauf si les marchés financiers procèdent ainsi. En fait les brevets et
les licences constituent un autre facteur de production qui permet de produire des variétés
de capital nouvelles, par innovation dans le premier cas et par imitation dans le second,
sources d’effets externes ou de hausses des rendements d’échelle. Il s’agit d’un facteur
spécifique à la production individuelle (au sens que donne à ce terme la théorie
traditionnelle du commerce), dont la substituabilité avec les autres capitaux est imparfaite,
qui est au mieux complémentaire et additif dans une fonction de production agrégée. La
6
Malgrange et Villa (1984) proposent une modélisation dans le cadre dynamique de Hayashi (1982) pour la
situation keynésienne et la concurrence oligopolistique à la Bertrand mais sans introduire la diversité. Ils
trouvent que les cours de bourse (le q de Tobin moyen) sont supérieurs au « q marginal » dans tous les cas
même lorsque la fonction de production est homogène de degré 1.
34
Q de Tobin et formes de la concurrence
rémunération de ce facteur est une rente égale à la somme actualisée des sur-profits que
procurent la production des biens capitaux qui sont utilisés dans la production des biens
finaux (Grossman et Helpman (1991), Romer (1990) utilisent une concurrence à la Bertrand
pour financer cette rente). Cette rente doit être retirée puisqu’il n’y a pas substituabilité
parfaite. Mais elle est justement égale à la valeur des coûts fixes qui est aussi celle des
brevets ou des licences. Le modèle présenté (qui ne s’interesse pas à la production ou à la
diffusion du savoir) corrige le profit de ces rentes (tout au moins dans sa partie classique,
dans la partie keynésienne les entreprises sont déjà formées) et ce motif de surévaluation
des cours de bourse disparaît, tout au moins dans la théorie. Dans la pratique il semble que
les marchés financiers confondent profits et rentes d’innovation ou d’imitation.
Le troisième argument se place encore à un niveau différent. Lorsque les entreprises sont
endettées, la théorie de la valeur boursière est perturbée car les cours de bourse sont
fonction croissante du levier d’endettement. Supposons que l’entreprise soit endettée pour
un montant D , à un taux d’intérêt r . Une part d du capital est financée par l’endettement
et une part 1  d par les actions. La dette est égale à D  dK . L’entreprise distribue pour
rD d’intérêts et pour  K  rD de dividendes. La valeur boursière Q de l’entreprise doit
être telle que : ( r   )Q   K  rD où
q
 est la prime de risque, soit :
Q
  (  r )d /(1  d )

K D
r
L’effet de levier permet d’accroître les cours de bourse pour une même rentabilité et une
même prime de risque. En fait le revenu de la richesse est inchangé si on remarque que la
dette des entreprises est un actif certain substituable à la dette publique :
( K  rD)  r (W0  K  D) . Concrêtement la bourse opère un transfert de revenu des
détenteurs d’actifs non risqués vers les détenteurs d’actifs risqués. L’équivalence serait
complète si le choix portait sur les actifs uniquement. Il suffirait de définir le rendement des
actifs risqués par  K    (  r )d /(1  d ) . Le problème vient du fait que le profit
issu de la production est défini sur l’ensemble du capital et par le capital et que le taux
d’endettement n’est pas une variable libre de l’investisseur mais une variable liée de
l’entreprise comme on peut le voir en cas de risque de faillite. Les conditions de non
réalisation des hypothèses du théorème de Modigliani-Miller sont dans notre modèle la
seule source de biais. Les déductions fiscales pour les charges d’intérêt accroîssent les
cours de bourse au premier ordre. Pour en rester à notre cadre, l’endettement est une source
d’information asymétrique correspondant à la partie 3 à travers les contrats de crédit. Il
accroît les cours de bourse au deuxième ordre car le risque de faillite dépend de
l’endettement. La faiblesse des cours de bourse en France jusqu’au milieu des années 1980,
alors que l’économie était très endettée, n’est pas un contre-exemple au modèle. En effet, il
faut faire appel à un autre type d’explication : le régime d’économie d’endettement. Le
capital étant très concentré (capitalisme familial) ou les entreprises étant nationalisées, le
taux de profit pouvait être très faible (d’autant plus que le taux d’intérêt réel était voisin de
0), la croissance plus élevée que le taux de profit et l’endettement une source importante du
financement tout en restant stable, c’est à dire en convergeant vers une limite.
35
CEPII, Document de travail n° 2008 - ??
Ces développements montrent une fois de plus les difficultés liées à l’agrégation et militent
pour un point de vue holiste en macroéconomie. La recherche de la carte à l’échelle 1 en
matière de risque est sans espoir. En revanche il conviendrait de s’orienter vers une
représentation directement globale à l’aide de formes simples à plusieurs paramètres pour
expliquer les cours de bourse. Mais alors l’intérêt pour juger de l’investissement devient
très relatif.
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