
persistance de cette sous-alimentation dans les pays où elle sévit sévèrement actuellement, où
la croissance démographique est forte et les ressources agricoles limitées.
L’estimation des superficies dédiées à des cultures pour agrocarburants n'est cependant pas
prise en compte. Quand on ajoute ces 58 millions d’ha aux 70 millions d’ha cultivés
supplémentaires prévus par la FAO, on obtient un chiffre proche de 130 millions d’ha, très
inférieur à l’estimation des superficies encore disponibles pour la mise en culture.
Enfin, les changements climatiques entraîneraient probablement un accroissement, modeste,
des superficies cultivables du monde, mais une diminution dans les pays en développement,
notamment en Asie du Sud et du Sud-Est où cette ressource est déjà rare.
En définitive, les superficies des terres utilisables en culture pluviale dans le monde seraient
largement supérieures aux superficies nécessaires pour assurer tout à la fois des conditions de
sécurité alimentaire satisfaisantes pour l’ensemble de l’humanité et un certain développement
des cultures pour les agrocarburants.
Une question politique de gouvernance économique et sociale
Il reste encore suffisamment de ressources en terres pour nourrir la population mondiale dans
l’avenir prévisible, pourvu que soient effectués les investissements nécessaires pour développer
ces ressources et pourvu que prenne fin la négligence à l’égard de la recherche et du
développement agricoles.
La voie à laquelle prédisposent la plupart des institutions en place est de poursuivre les
politiques et les pratiques qui, depuis plusieurs décennies, ont favorisé un mode de
développement agricole exagérément concurrentiel, entraînant de graves revers sociaux.
Mais une voie alternative peut être suivie en mettant en culture de nouvelles terres. Elle
consiste à promouvoir des agricultures diversifiées, à rendements relativement faibles,
économes, avec peu d’effets négatifs sur l’environnement, et assurant des moyens d’existence
décents aux près de trois milliards de personnes qui constituent la population agricole mondiale.
Le choix de cette voie alternative requiert que les politiques publiques se fixent trois priorités :
- une rémunération correcte du travail et la taxation des coûts sociaux et environnementaux ;
- la promotion de cadres juridiques et législatifs transparents assurant aux agriculteurs qui
pratiquent des modes de production durables un accès à la terre ;
- une recherche participative, qui intègre les savoirs scientifiques généraux et les savoirs
spécifiques aux agricultures locales.
La question essentielle ne serait donc pas celle du potentiel en terres exploitables mais elle
serait de nature politique au sens large du terme : politiques économiques, foncières,
redistributives, etc.
L'"accaparement des terres" : mythes, réalités
Les ressources en terre sont mal distribuées sur la planète. Ces distorsions sont en large partie à
l'origine de la progression des transactions pour le contrôle des terres à l'échelle mondiale.
Parfois qualifié d’"accaparement des terres", le processus d'acquisition ou de jouissance de
terres à des fins principalement agricoles (mais pas seulement) est souvent perçu comme une
nouvelle forme d’agro-colonialisme. Les investissements, privés ou publics, vers les terres
agricoles "disponibles", en particulier celles des pays du Sud, ont été particulièrement
médiatisés depuis "l’affaire" Daewoo Logistics qui avait, fin 2008, négocié auprès du
gouvernement malgache la location de 1,3 million d’ha et une durée de 99 ans.