COMPRENDRE L EMERGENCE DE L IDEE EUROPEENNE AU XX s. G. SAUNIER Paix et idée européenne Du XIXème jusqu’à nos jours l’association d’idée est permanente, « la paix n’a pas été faite et nous avons eu la guerre » disait Schuman en 1950. L’idée d’Europe remonte à l’idée du fédéralisme. Généalogie et évolution de l’idée d’Europe au XIXème La 1ère moitié du siècle (fin des guerres napoléoniennes 1849) - St Simon en 1814 rédige un texte destiné aux diplomates du Congrès de Vienne qui solde les combats napoléoniens. L’idée est de lier les peuples d’Europe par une institution politique (gouvernement de type fédéral) à titre de juge des différends qui pourraient exister. Mais les monarchies reprennent le pouvoir et le texte passe inaperçu. - Krause, juriste, philosophe et disciple de Kant, veut placer l’Allemagne au cœur du projet européen. A terme, il voit un fédération mondiale. - Schmidt Phiseldek, haut fonctionnaire danois, préconise la fondation d’un Etat fédéral en 1821 avec la « Ligue européenne ». Après guerre, il veut préserver les intérêts communs entre les nations et se préserver contre la concurrence des autres blocs. Le pacifisme religieux : La peace society de Londres est une société de paix qui recherche les causes des conflits internationaux afin de leur opposer une motion religieuse. De nombreux émissaires sont envoyés pour fonder des organisations et réclame la condamnation de la guerre par l’acte moral. Le continent européen semble être l’espace qui convient. La société morale chrétienne à Paris se crée et beaucoup de libéraux la rejoignent. La société décerne un prix à l’auteur qui trouve le meilleur moyen d’éviter la guerre. Pecquer reçoit le prix pour son ouvrage qui parle d’une Europe fédérale. Le libre échange : Richard Cobden, économiste britannique, parle de l’harmonie naturelle entre les peuples. En supprimant les restrictions au libre-échange s’établira une interdépendance économique et la guerre apparaîtra comme un mauvais calcul pour les dirigeants. Suite au printemps des peuples en 1848 se confrontent les milieux, les visions futures, les réflexions au Congrès des amis de la paix à Paris en août 1849. Sorte de Congrès de Vienne à l’envers, il s’interroge sur la forme que prend le gouvernement des peuples. Mais les monarchies reprennent de plus belle en Europe, les révolutions également. 2nde moitié du XIXème, relative stagnation du mouvement Proudhon, père de l’anarchisme et du socialisme français, n’adhère pas aux idées des amis de la paix. Il publie en 1863 « des principes fédératifs » avant de mourir. Il pense que l’essor du PT ne ferait qu’accroître les guerres, il faut asseoir la paix sur le principe de fédéralisme, toute organisation doit reposer sur l’autorité et la liberté. Chaque citoyen entre dans une association, avec le libre choix de coopérer ou non avec d’autres, mais reçoit en échange la liberté. Les droits individuels sont sauvegardés (Contrat social de Rousseau). Pour défendre l’intérêt général il faut une forme d’autorité, fédéralisme centralisé mais non central, hiérarchique mais avec un sommet qui ne décide pas de tout. Chaque échelon conserve son autonomie, « principe de subsidiarité ». En 1889 a lieu le Congrès universel de la paix qui marque la fin du pas manqué par les Européens. Les parlementaires espéraient sortir avec un pacte fédératif, mais les faits ne suivent pas. La 2 nde révolution industrielle et le retour de la croissance occupent. D’estournelles de Constant, prix Nobel de la paix en 1909, œuvre au rapprochement francobritannique et convainc Roosevelt en 1902 de soumettre les différends à l’arbitrage international, forme de tribunal avant le conflit. C’est le début de la paix par négociation, c’est l’époque de Fachoda et de l’entente cordiale, fille de l’Europe. Les points mis en évidence à l’époque : - un régime parlementaire (fin des monarchies) - une unité morale et intellectuelle - exclusion de la Russie - noyau dur franco-anglais suite aux guerres napoléoniennes - abandon de la souveraineté d’un Etat au profit d’un Parlement européen - grand congrès avec les ambassadeurs des Nations Opposée à la vision de fédération, ceux qui envisagent une confédération, c’est à dire une Europe unie entre coopérations et Etats qui conservent leur souveraineté. L’existence d’organismes qui chapeauteraient les Etats s’impose comme idée. Fédération et confédération ne sont pas totalement dissociées au Xxme siècle dans les esprits. Par contre l’idée de concurrence entre le bloc européen et américain apparaît. A l’époque, on hésite entre l’Europe et L’ONU, l’Europe ne serait que passage vers une fédération mondiale. L’Europe des années vingt I. La paix de Versailles 20 000 hommes sont morts sous les drapeaux, 1/10 homme est invalide, les gueules cassées et le charnier tous côtés confondus pèsent sur les mémoires, laissant le sentiment national plus présent dans les mémoires que l’idée d’Europe. a. les buts de guerre des belligérants Les Allemands sont les premiers à définir les buts de guerre. La bataille de la Marne n’est pas encore jouée et la défaite de la France paraît possible. Si elle perd, elle sera condamnée à payer et ne pourra plus lutter économiquement contre l’Allemagne. L’Allemagne sera alors au centre de son projet Mitteleuropa, avec à ses côtés le Benelux, l’A-H, la Pologne… Les Etats tampons passent dans l’orbite allemand, à l’ouest l’ensemble prendra des terres sur la France, les colonies françaises et russes peuvent être gage de négociation. La diplomatie allemande maintiendra ce plan durant tout le conflit, même si elle n’y a pas toujours cru. Le chancelier allemand Bethmann-Hollweg est éliminé en 1917 des décisions politiques. Le futur règlement du conflit est évoqué fin août 1914 et en septembre la GB, la F, la Russie passent un accord pour consolider l’Entente. Il est interdit de conclure une paix séparément avec l’Allemagne, il faut un vote à l’unanimité. Avec la Marne les Français sont victorieux à l’ouest et les Russes à l’est, ce qui découle sur une proposition de plan de paix de suppression de la puissance allemande. La Russie ferait l’acquisition de la Prusse et de la Galicie, la France récupèrerait l’Alsace-Lorraine, la Sarre, la Rhénanie. Les colonies seraient partagées entre la France, la Russie, le Japon et la coopération entre alliés maintenue dans un rêve de grande zone économique puissante. Les Britanniques sont entrés en guerre afin d’empêcher les Allemands de dominer les continents. Londres refuse le projet Mitteleuropa mais ont des buts de guerre plus restreints. Les EU entrent en guerre en avril 1917 et Wilson définit son projet de paix en janvier 1918. Les 14 points concernent la condamnation de la diplomatie secrète, la réduction de l’armement, l’atténuation des barrières économiques entre pays. Les EU ont toujours idée de faire main basse sur l’Europe. Pour l’Europe, trois idées comptent : la libre circulation sur les mers, le règlement des litiges territoriaux en fonction des nationalités, l’établissement de la SDN avec des « garanties mutuelles d’indépendance politique et d’intégrité territoriale ». b. les traités de paix Le 11 novembre 1918 est signé l’armistice à Rethondes et une conférence de paix se tient de janvier à juin 1919 avec 32 pays où les 4 se réunissent en conseil pour discuter différents points de la SDN (ligue of nation). Lloyd George, Clemenceau, Orlando et Wilson sont présents. Le traité de Versailles entérine la responsabilité allemande le 28 juin 1919, morcelle l’Europe et place 60 M d’individus sous le contrôle d’une autre nationalité. Aspects territoriaux : restitution du Schleswig nord, de l’Alsace Lorraine. La Sarre et Dantzig sont sous contrôle de la SDN, la Poznanie et la Prusse vont à la Pologne, la haute Silésie est questionnée pour être finalement partagée par la SDN entre l’Allemagne et la Pologne. Les colonies sont confiées au vainqueur (Togo, Cameroun). Aspects militaires : il faut empêcher le vaincu de se réarmer. L’armée allemande est interdite de stationner sur un territoire démilitarisé, même après 15 ans, 100 000 soldats maximum comme effectif, plus de service obligatoire, pas d’artillerie lourde, pas d’ Etat major. Aspects économiques et financiers : les accords économiques et les conventions sont annulés, les entreprises allemandes changent de patron. La clause de la nation la plus favorisée s’applique sans réciprocité, les Allemands et les Alliés sont responsables pour les pertes et dommages subis par les Alliés. Il est question de restitutions (niveau de production) et du montant global des réparations. Un traité limite toute forme de puissance d’un Etat. L’Allemagne est privée à 40% de sa capacité de production. Le traité de St Germain en Laye le 10 septembre 1919 démantèle l’Empire Habsbourg et crée 2 Etats pluriethniques : la Tchécoslovaquie (Bohême, Teschen) et la Yougoslavie (Dalmatie). On coupe la Prusse en deux, les Polonais obtiennent la création du corridor, l’Autriche et la Hongrie redeviennent indépendantes. De nombreux problèmes ethniques apparaissent. II. Naissance d’un nouvel acteur des relations internationales : la SDN a. Création La conférence de La Haye en 1899 décide une cour d’arbitrage avec un rôle limité car sans contrainte d’accepter celui-ci. ( Roosevelt avait accepté l’arbitrage international au Mexique). La conférence de La Haye bis en 1907 réaffirme ce principe avec le terme SDN et un engagement moral de la part des nations démocratiques, ce n’est qu’en 1910 que le sens politique et juridique prend corps. Léon Bourgeois, radical et PDT du Conseil en 1895, représentait la France aux deux conférences. Dans « Pour la SDN » il montre les intérêts mutuels en Europe qui poussent à dialoguer et réclame un droit international, un tribunal, une force. Dès le début de la guerre de nombreux pays réclament ce type d’institution ( Ligue of Nations society en GB, ligue des droits de l’homme appuient la constitution d’une SDN). En 1918 est créée par L. Bourgeois l’association française de la SDN qui fédère les différentes forces. La même année Clemenceau accepte le projet de Constitution internationale qu’il lui soumet (réprimer les conflits, armée internationale, sécurité). En parallèle existe un projet anglo-saxon par lequel Lloyd George est séduit et qui trouvera en Lord Cecil Robert et le Général Smuts (tous deux membres du cabinet de guerre) de fervents défenseurs. En 1918 LCR prend la tête de la LNS où le projet commence à y être rédigé. Smuts présentera le plan Philimore aux EU et à la GB en mars 1918, pour une institution souple qui ne peut être coercitive (dont le droit est imposé par la force). Le 25 janvier 1919 est intégré au traité de paix le traité de la SDN. Le 28 avril 1919 le pacte est adopté. Wilson aura passé 6 mois en Europe. Les membres s’engagent à ne pas répliquer en cas d’attaque ennemie mais à faire appel à l’arbitrage de la SDN. Les conflits de règlent devant la cour permanente qui prévoit une série de sanctions économiques et financières. Pour en finir avec la guerre les EU, du fait de leur relatif isolement par l’océan, sont pour le désarmement terrestre, tout comme les Britanniques qui ne craignent plus d’invasion par les mers, la flotte allemande s’étant sabordée. (2 power standard) Cette idée de désarmement n’a pas moyen d’être contrôlée dans son effectivité. Le contrôle par la commission militaire n’est pas précisé par le pacte et les Etats pourraient refuser de s’y soumettre. Quant à la discussion d’une armée internationale, Cecil avance comme argument : « ne pas substituer le militarisme international au militarisme national ». b. Défauts Les EU, partenaire économique et militaire indispensable, refusent la SDN. Le traité a été présenté deux fois devant le Sénat (1919 et 1920) mais n’a jamais obtenu la majorité suffisante (2/3). Les Républicains seraient prêts à signer en cas d’assouplissement des sanctions économiques. Wilson sera battu et les Républicains règneront jusque dans les années 30. Sont absents l’Allemagne et la Russie soviétique, deux grandes puissances. Sur 42 états membres on trouve peu de pays asiatiques et africains, la SDN va rapidement se focaliser sur l’Europe, même les nouveaux venus seront les pays Baltes et la Finlande. La cour de justice internationale se rattache à la SDN comme organisme international coopérant. Ces organismes sont rattachés à un secrétariat (organe administratif) qui reçoit les directives d’un Conseil et de l’Assemblée. On y décide à la majorité (55 pays). c. Réussites «L’esprit de Genève », entre dialogue et coopération (3-4 semaines en automne). Toute la ville est empreinte de cet esprit, l’endroit est au cœur du lobbying international du moment. La Croix rouge, dans l’esprit SDN, est elle aussi présente autour du lac. 1920 est réglé un conflit à A°land, île finlandaise peuplée à 96% de Suédois. 10 puissances maritimes signent un traité qui lui confère une complète autonomie. 1923 le port de Memel à forte population germanique est réclamé par la Pologne et la Lituanie. La SDN tranche : les polonais peuvent l’utiliser comme port international et les Lituaniens conservent la souveraineté. 1925 le conflit Greco- bulgare. La Bulgarie entretient des mouvements indépendantistes en Macédoine grecque. En avril 1925 la Grèce envahit la Bulgarie qui se tourne vers la SDN. Aristide Briand, PDT du Conseil de la SDN convoque une session extra- ordinaire et envoie des télégrammes pour demander la fin des hostilités et le retrait des troupes en attendant une solution juridique. Les deux capitales acceptent et le rapport de la commission, approuvé par le Conseil, mentionne des indemnités que la Grèce accepte de payer. 1922 la SDN connaît un succès économique en sauvant l’Autriche de l’effondrement monétaire. Vienne obtient la création d’un emprunt international avec une nouvelle monnaie- le schillinggagée sur les opérations de douanes. III. Le problème allemand a. la guerre froide franco-allemande Un désaccord entre alliés persiste concernant le montant des réparations, c’est à dire la somme et le pourcentage revenant à chaque nation. La France, la plus touchée, veut rembourser ses frais de guerre et sa dette auprès des EU. La GB, sous l’influence de Keynes, veut le redressement de l’Allemagne pour aider le redressement européen. L’article 23 du traité met en place une commission de réparation. 5 avril- 14 mai 1920 : 1ère crise, occupation française suite à l’intrusion de l’armée allemande dans la partie démilitarisée autour du Rhin. Juillet 1920 : la conférence de Spa fixe les pourcentages de réparation (52% France, 22% GB …) 1-7 mars 1921 : conférence à Londres qui fixe le montant à 132 MRD Marks or. L’Allemagne annonce qu’elle ne paiera pas. ( SDN lance un ultimatum, retard dans le désarmement) 8 mars : Briand décide une intervention militaire avec le RU. 3 mai : la commission constate le manquement des paiements. 5 mai : conférence à Londres fixe un calendrier de paiements (ultimatum) 10 mai : L’Allemagne accepte les conditions. 31 août : verse le 1er MRD. L’Allemagne a gagné un certain nombre d’avantages, comme la réduction de moitié de ses livraisons de charbon (demande appuyée par les Britanniques, afin de préserver leur marché). 6-7 octobre : échec des accords de Wiesbaden qui prévoit le versement du montant en restitutions. Les industriels s’opposent à Rathenau et Loucheur. Décembre 1921 : Weimar demande plus de souplesse dans le calendrier et les versements. 1922 : ouverture d’une conférence où Lloyd et Briand négocient une baisse des réparations. L’Allemagne est en voie de redressement économique et Briand ne veut pas isoler la France. Il accepte une philosophie plus anglo-saxonne et demande en échange la fixation des frontières. Cette optique est désavouée par Millerand, Poincaré remplace Briand. Avril- mai 1922 : la conférence de Gênes fixe un nouvel ordre monétaire international, le Gold Exchange standard ( l’étalon or). Tout l’or a traversé l’Atlantique pour rembourser les EU, le dollar est convertible en or et devient la monnaie de référence. Rathenau quitte la conférence discrètement pour négocier avec le russe Tchitcherine un traité sur le commerce et l’entraînement de militaires allemands en Russie. Poincaré est persuadé de la mauvaise foi allemande. Novembre 1922 : Il occupe la Ruhr en espérant faire pression sur la GB et les EU pour qu’ils poussent l’Allemagne à rembourser. 22 décembre 1922 : manquement aux réparations, les armées françaises et belges occupent la Ruhr et versent à la caisse des réparations du charbon, de l’acier. L’Allemagne déclare la résistance passive et les grèves de la Ruhr paralysent l’économie. Pour les Allemands comme pour les Français les coûts sont lourds. Poincaré doit entretenir une armée d’occupation et le gouvernement allemand emprunte. 12 août 1923 : face au mécontentement de la population Cuno démissionne et est remplacé par Stresemann. 26 septembre 1923 : il met fin à la résistance passive, mais Poincaré n’ouvre toujours pas les négociations. L’Allemagne met en place une nouvelle monnaie, le rentmark, gagé sur la propriété foncière. La situation monétaire se redresse, alors que le franc se déprécie toujours et que Londres et Washington jouent le franc à la baisse pour libérer la Ruhr. Dawse, financier et ancien militaire, décide de revoir la réparation et les montants, ce que Poincaré accepte le 25 octobre 1923. 9 Avril 1924 : la commission présente son rapport. Le gouvernement français obtient un prêt de 100 M. de dollars mais doit accepter le plan Dawes, redressement économique sur 5 ans. L’idée est de permettre au gouvernement allemand d’emprunter à l’étranger, surtout auprès des milieux financiers américains (flux de capitaux des EU vers l’Allemagne) afin de pouvoir rembourser les réparations. b. La détente franco-allemande Juillet- août 1924 : Poincaré est remplacé par Herriot qui veut sortir de l’image militariste et accepte d’évacuer la Ruhr. C’est le début de l’esprit de Locarno. Stresemann se convertit à la diplomatie de conciliation, n’a jamais abandonné l’espoir de révision du traité de Versailles et devient l’apôtre du rapport franco-allemand. Mais pas par l’affrontement. Dès 1925 il met en place un stratégie pour faire reconnaître les frontières rhénanes. 5- 6 Octobre 1925 : Herriot est trop occupé mais Briand rejoint Stresemann, Mussolini, Vandervelde, des Polonais et des Tchèques réunis à Locarno, en Suisse. L’Allemagne reconnaît officiellement les nouvelles frontières entre la France et la Belgique. Les Français évacuent militairement l’Allemagne. 10 septembre 1926 : L’Allemagne entre à la SDN. La France, la Belgique et l’Allemagne promettent de ne plus provoquer de conflits territoriaux. Mais Poincaré revient sur la scène avec le Cartel des gauches. 17 septembre 1926 : Briand et Stresemann ont une entrevue secrète à Thoiry. L’idée est d’obtenir des concessions financières pour l’Allemagne. Or Poincaré refuse cet accord car il ne veut pas être demandeur vis à vis des Allemands. Il met en place un plan de sauvetage du Franc en 1927 et gagne les élections législatives en 1928. Il gouverne sans les radicaux et garde Briand à la tête du quai d’Orsay. Celui-ci est mandaté, avec le concours anglo-saxon, pour aller plus loin dans les négociations avec l’Allemagne (pacte Briand Kellogg qui met la guerre hors-la-loi). 27 août 1928 : 15 pays signent le pacte. Les Allemands font savoir que la guerre n’est plus à l’ordre du jour et les Français acceptent en échange un plan définitif pour les réparations. Février- juin 1929 : un comité est créé avec Owen Young, banquier américain, afin de diminuer le montant à 109 MRD de dollars étalés sur 59 ans. De nombreux accords accompagnent ce plan. Les EU acceptent de ne pas réclamer un certain nombre de dettes. Le tout est effectif avant le 30 juin 1930, l’accord profite à tous est l’équilibre financier est retrouvé. Début des années folles. Les milieux des années 20 I- Le choc de l’après-guerre : de l’Europe qui doute à l’Europe qui s’unit 1- les mutations de l’après-guerre Une génération d’hommes sacrifiés (9 M morts, 6 M infirmes). Des régions dévastées dans leur relief (disparition des infrastructures), une économie en faillite, un budget déficitaire. Les espoirs de rapprochement des nations sont ruinés et pourtant se forme un terreau de l’idée européenne. Choc moral : prolifération de la littérature du dégoût de la guerre qui alimente une polémique pacifiste à l’arrière. (sous Verdun, nuit de guerre, la boue, les Éparges, de Maurice Genevoix) Marque une génération entière qui s’engage pour la paix, la der des der, plus jamais ça, Weimar connaît le même sentiment de paix malgré celui d’injustice. Les concurrents : la puissance des EU a émergé au début du siècle et a été dopé par la guerre (commerce extérieur multiplié par 3). Les EU détiennent 50% du stock d’or mondial. Le dollar concurrence la livre et les EU profitent de l’affaiblissement de l’Europe pour la remplacer dans son commerce. 4 années de guerre ont distendu les relations entre métropoles et colonies, annonçant les prémices de la décolonisation. La GB doit mettre fin à son protectorat en Egypte. De nouveaux modèles de sociétés apparaissent à l’est. L’Union soviétique est porteuse d’espoir pour la classe ouvrière. Les intellectuels théorisent le déclin de l’Europe (Spengler) ( les frères Karamazov de Dostoïevski). Freud rédige le malaise dans la civilisation (1929) où le monde n’est plus réel mais probable, on n’est pas le centre de soi-même, recherche du vrai. Il remet en question les valeurs modernes de l’Europe, comme le mouvement Dada, surréaliste, qui remet en cause les valeurs de la société. Le jazz apparaît. la culture européenne est confrontée à des nouveautés dans son ensemble. La paysannerie est en déclin, les entreprises dépassent 100 000 hommes. « nous autres civilisations nous savons maintenant que nous sommes mortelles ». La crise de l’esprit, P. Valéry. L’Europe pourrait s’éteindre, autour de l’idée de la conscience du déclin, pour beaucoup la réponse est de réaliser la civilisation européenne. «S’unir ou mourir », G. Riou. 2- tensions – réconciliations Important développement économique, OST, rôle des banques, nouvelles productions (automobile, chimie). Les équipes dirigeantes se renouvellent en 1923- 24, avec le cartel des gauches en France, les travaillistes en GB, Stresemann en Allemagne. Ces hommes ont l’esprit genevois, sont des patriotes éclairés. C’est dans un contexte de pression exercée par les Américains (plan Dawes), de rapprochement franco- britannique, d’entrée de l’Allemagne à la SDN en 1926 que se construisent les premiers pas vers l’Europe. Discours de Briand. Homme politique français de premier plan il inscrit sa proposition de construction européenne dans une démarche lente (1920- 1930) après avoir pris la température auprès des milieux genevois. 5 septembre 1929 : les Français évacuent Koblenz. Briand monte sur la tribune de la SDN et prononce son discours sur l’espoir de créer une fédération européenne. 17 mai 1930 : les autorités françaises remettent un second papier à la SDN qui a pour but la mise en place d’un marché commun. Ce texte est le préambule du traité de Rome, il parle d’un fédération souple, qui doit assurer la sécurité collective. Elle comporte Sdes représentants des gouvernements (rôle d’assemblée délibérative sans pouvoir de vote), un comité politique (organe exécutif), des représentants à haut niveau avec un pouvoir décisionnel dans leur pays, un secrétariat. II- Les milieux intellectuels Les intellectuels : Romain Rolland, 1922, fonde la revue Europe avec des articles autour de thématiques. La revue est plus internationaliste qu’européenne. Kurt Hiller, est pour la création des EU d’ Europe si elle facilite la création d’un Etat universel. Salvador de Madoniaga, s’engage plus fortement ? En 1921 il quitte Londres et le Times pour rejoindre la SDN et les questions liées au désarmement. Il est haut fonctionnaire international, humaniste convaincu, défenseur d’une Europe unie, pour la paix entre les peuples. Paul Valéry diffuse lui aussi l’idée d’Europe avec Henri Bergson. Ensembles ils jouent un rôle dans les institutions internationales de coopération institutionnelle. André Gide défend la culture européenne dans sa diversité. Comme Thomas Mann, nationaliste, qui se convertit en 1922 après l’assassinat de Rathenau. Il se déclare défenseur de la République de Weimar et de l’idée d’Europe dès 1925, quand il se met au service de l’ Etat démocratique. Hermann von Keyserling, issu de la noblesse balte devenue russe au 18ème. En 1911- 12 il fait le tour du monde est ouvre l’école de la sagesse à Darmstadt en 1922. Les pro-Européens de l’époque ont voulu voir en lui un plaidoyer de l’Europe. Même s’il soutenait les mouvements paneuropéens il est toujours resté flou quant aux institutions. Pour K. le sentiment national n’est pas incompatible. L’européanisme pourrait être plus dangereux. Julien Benda, s’engage pour l’affaire Dreyfus, humaniste, auteur, il est jusqu’au-boutiste. Il prend toujours position contre les intellectuels de son temps, défend le contraire des opinions majoritaires. L’esprit européen est à inventer, il n’est pas issu d’une spiritualité européenne comme le pense Keyserling (texte). Pour Benda il faut tordre le cou aux sentiments nationaux. les mouvements catholiques : Ils se lancent dans le pacifisme et défendent l’idée européenne. Le mouvement jeune République en France et la ligue allemande des catholiques pour la paix fondent en 1926 l’internationale démocratique. Ils organisent des manifestations avec 100 000 jeunes qui jurent fidélité à l’action européenne. Les étudiants : La ligue d’action universitaire regroupe des étudiants dont Mandés France. Le mouvement est proche des socialistes et de Briand, ils ont un programme de développement de la SDN, organisent des rencontres avec les mouvements européens d’étudiants et jouissent d’un large tribune dans la revue Notre Temps. 1- les revues Jouent le rôle de relais d’idées. Elles tournent autour des mouvements européens et aident à comptabiliser le sentiment européen par la fréquence de publication et le courrier des lecteurs. Nouvelle Revue Française : en 1919 avec Jacques Rivière. Devient un outil de propagande de l’idée européenne. Gide, Valéry, y publient des articles ainsi que des intellectuels allemands. Der neue Rundschau : créée par Fischer en 1890, avec un très grand tirage, s’engage pour la cause européenne aux côtés de Mann, Zweig. Les deux revues emploient des collaborateurs communs, organisent des manifestations. Revue de Genève : dirigée par R. de Traz qui commente les débats diplomatiques au sein de la SDN et organise des dîners conférences autour de Genève sur des questions pratiques : comment construire l’Europe économique ? L’Europe Nouvelle : créée en 1918 par Louise Weiss. Une revue pragmatique qui publie les articles de personnes qui font l’Europe. 2- les mouvements Mouvement paneuropéen : Richard Coudenhove Kalergi. Fils de diplomate, austro-hongrois et japonais, passe son enfance en Bohême. Ouvert sur les cultures, il réfléchit aux conditions d’un renouveau dans la civilisation pour permettre à l’Europe de trouver sa place. IL pose en 1922 les éléments de sa conception des grands espaces géo- stratégiques avec son mouvement qui prend forme en 1923 comme solution à la crise européenne. Le Paneurope est une confédération exclusivement continentale (sans la GB et son Empire, sans la Russie soviétique) avec des institutions communes en commerce, une monnaie et une institution chargée de la protection des minorités ethniques et un tribunal d’arbitrage entre les Etats confédérés. Kalergi connaît un succès, il lance un mensuel afin de créer une structure pour convaincre les opinions. Il suscite un important mouvement de jeunesse et organise un travail de lobbying. Briand, Adenauer, les milieux économiques sont séduits par paneurope. Mouvement de comités de coopération : mouvement d’un mathématicien qui reprend l’idée d’organiser dans chaque pays des comités qui regroupent des hommes représentatifs de leur milieux (parlementaires, scientifiques). Les comités nationaux se fondraient en un comité fédéral effectivement créé en 1928 avec une vingtaine de pays. Grâce à ces hommes l’idée d’Europe s’est diffusée à cette époque. Mais comment passer d’une Europe rêvée à une Europe des faits ? Un milieu pragmatique va penser l’idée européenne, les milieux économiques. III- Les milieux économiques 1750 : 1ère RI (charbon, vapeur, fer) 1930 : 2nde RI (pétrole, électricité, acier) 1- Une conscience commune Les grands industriels des années 20, 30 sont des hommes de pouvoir formés à la belle époque qui peuvent agir par mécénat pour financer les revues et mouvements. Dès la 2 nde RI la GB n’apparaît plus comme un partenaire pour l’industrie (retard important), alors que le rapprochement francoallemand sert de catalyseur à une croissance commune. Les industries sont jeunes, les connaissances et les formations proches. l’impact de la guerre La guerre bénéficie à l’industrie de l’armement mais n’est pas bonne pour les affaires. Ils réalisent aussi la nécessité de développer la solidarité entre nations qui ont connu un même drame. Durant la 1ère GM de nombreux projets d’union douanière fermée à certaines zones géographiques ont échoué (Mitteleuropa), il est alors question d’en finir avec des blocs économiques en concurrence. les Etats Unis A la sortie de la guerre les EU s’imposent comme modèle. N’ ayant connu ni la 1 ère ni la 2nde révolution industrielle, ils partent de bases neuves, leur modernisation étonne. Les industriels européens s’interrogent sur le financement de cette modernisation et réalisent que les EU sont caractérisés par un marché unifié. Le modèle de libre échange américain se propage ainsi que l’idée de lui ressembler afin de le concurrencer. les réalisations - La chambre de commerce internationale est lancée par les EU en 1919 et ouverte à de nombreux pays, y compris les puissances défaites. Tous les métiers du négoce sont représentés et les différents intérêts des états membres défendus. Young, qui fait partie de la chambre de commerce et de l’industrie, alimente dès 1923 les travaux du futur plan Dawes. Des projets qui visent à l’ouverture des frontières en Europe y sont également réalisés. - Une autre tendance vise à organiser l’Europe avec Norman, gouverneur de la banque d’Angleterre, qui constate la perte d’influence de la livre du fait de la présence d’une grande partie des réserves britanniques de l’autre côté de l’Atlantique. IL a l’idée d’une banque centrale européenne avec la mise en commun des réserves. C’est à ce moment qu’apparaissent des acteurs comme Jean Monnet ou Arthur Salter, qui œuvrent à la coopération avec les EU, comme P. Quesnay, directeur de la banque des règlements internationaux, qui parle en 1930 de créer un marché à travers une organisation préalable avec les EU. 2- Méthodes d’organisation du marché européen union douanière : concerne l’ouverture et la baisse des tarifs douaniers, trop contraignants. Les acteurs des milieux financiers sont sensibles aux flux et les banques centrales de l’époque jouent un rôle dans les échanges internationaux (aujourd’hui le marché a fixé les taux de change). Quesnay crée la BRI afin de mettre à plat les problèmes de transaction et préserver un cadre de liberté. On soutient un marché financier ouvert à l’échelle de l’Europe. approche sectorielle : Secteurs sidérurgie et charbon, culture répandue entre les frontières qui s’explique par une solidarité de fait. Comme le marché de l’acier connaît des distorsions de la demande et de grandes variations de prix, le secteur a tendance à favoriser l’entente. En 1926 est mise en place l’entente de l’acier avec Emile Mayrisch, né au Luxembourg en 1862, qui possédait une sidérurgie. Ne pouvant compter sur le marché luxembourgeois uniquement il réunit des aciéries sous le nom d’Arbed, un système d’ententes et de fusions entre la France, la Belgique, le Luxembourg. (cartellisation verticale et horizontale). Il développe l’idée à l’ensemble des entreprises sidérurgiques européennes, en contingentant la production afin de réguler le marché. Ainsi la surproduction d’acier peut être résorbée sur un seul marché, rejoint rapidement par les Allemands, Tchèques, Hongrois. En 1927, l’entente produit 1/3 de la production mondiale de l’acier et se transforme en 1933 en cartel de l’acier. Mais les protectionnismes nationaux réapparaissent et l’entente se résume à une séparation des marchés (marché lorrain, belge). tentatives plus larges de rapprocher les deux approches : L. Loucheur, né en 1872, industriel en chimie, est également un homme politique, le ministre de l’armement, négociateur dans les clauses économiques du TV, puis ministre de la reconstruction. Il est à l’origine, en septembre 1925, de la création d’une ligue économique (F & A), dans la lignée des futurs EU d’Europe. Il prône l’établissement d’ententes sectorielles dans la chimie et veut l’étendre à l’acier. En 1927, une grande conférence diplomatique a lieu, mais elle ne parvient qu’à fixer des prix indicatifs et échoue dans l’ouverture des frontières entre pays membres. Cette idée sera reprise au sein de la SDN afin de réaliser une union tarifaire mais échouera également. On voit dans ces projets peu de réalisation concrète. La crise des années 30 et le retour aux lois protectionnistes mettront un terme à ces projets. Les économistes qui animent les lieux de réflexion, reçoivent (Mayrisch et son comité franco-allemand qui réunit grands patrons, hommes politiques, intellectuels), exercent du lobbying (comité international d’union douanière européen), n’auront pas réussi à faire l’Europe. Mais ils font vivre l’idée auprès de la génération suivante qui y arrivera après guerre. L’échec de cette génération de pacifistes est illustrée par l’échec du projet Briand. Le Projet Briand La SDN traite essentiellement d’affaires européennes dans la mesure où ni l’URSS ni les EU ne sont présents et beaucoup de pays sont représentés à travers les grandes puissances (colonies). Le secrétariat est dirigé par Drumont, qui lit le PB, réunit les délégués du Congrès de Coopération européenne et le valide en juin 1930. Sir Arthur Salter, directeur économique et financier du secrétariat général rédige une critique où il démontre que la SDN traite déjà de ce que le PB désire mettre en œuvre. Les deux systèmes risquent de se nuire et il vaudrait mieux envisager une coopération européenne au sein de la SDN. (très différent du PB d’UE). Le bureau international du travail prend également position avec Albert Thomas. Le BIT est l’organe exécutif de l’OIT dont la mission est de développer un esprit de coopération. Or comment l’OIT pourrait rester utile si l’UE est créée ? (Thomas est vexé du fait de sa non consultation préalable par Briand). La Commission d’étude pour l’UE étudie la réalisation concrète du PB et se réunit à partir de septembre 1930 mais l’esprit de Slater commence à l’emporter. Les délégués ne veulent pas d’autonomie par rapport à la SDN. Les 4 sessions (1931) vont voir le projet se décrédibiliser, avec peu d’avancée et de soutien. La dernière session bilan a lieu alors que l’agression japonaise en Mandchourie met la SDN en échec. L’arrivée d’Hitler au pouvoir met Briand et l’UE en échec. 3- une décennie de crise économique : La décennie est inaugurée par une crise économique sans précédent. Le circuit financier fermé (système de dettes et créances croisées) propage la contamination en Autriche, Allemagne, GB et enfin France (1933). Le protectionnisme augmente de 40% en moyenne les tarifs douaniers, la GB, pourtant patrie du libre-échange, met en place en 1932 un système de préférence impériale et se replie sur son Empire, les EU se ferment au commerce extérieur. En 1931, la GB renonce au Gold Exchange Standard, la livre n’est plus convertible en or. Le dollar aussi se détache et les monnaies perdent 40 de leur valeur. Les importations coûtent plus cher, les échanges internationaux diminuent de 2/3, leur volume baisse de 30%. Ce repli économique alimente les tensions et les replis nationalistes. Les Etats ont alors l’idée de se concerter à Lausanne en juin, juillet 1932, sur un moratoire (délai) des dettes avec annulation pendant un an de l’endettement initial. L’Allemagne ne pourra pas payer (en tout elle aura versé 23/132 MRD de Reich marks), la F & la GB refusent de payer leur dette de guerre à Roosevelt. C’est la fin du plan Young et une dernière conférence a lieu à Londres en 1933 pour trouver un réponse commune face à la crise. Il faut mettre fin aux dévaluations compétitives successives. Roosevelt refuse le projet et c’est la fin d’un système de change négocié. Désormais la valeur d’échange doit dépendre de la santé des pays. Le système éclate en 4 zones : Commonwealth avec le £ (sauf Canada, mais pays scandinaves, Irak, Iran, Grèce, Portugal), zone $ (EU, Canada, Amérique du sud), zone Mark (Allemagne et quasi-totalité des pays d’Europe centrale) et le bloc or, qui veut retrouver la convertibilité or (F, B, PB, Suisse, I, Pologne). C’est la fin de la grande concertation initiale, la pensée libérale est battue en brèche, l’état n’est plus qu’un arbitre qui intervient pour structurer les tissus économiques nationaux. L’interventionnisme de l’état prend aussi une forme dictatoriale (fascismes…)