COURS ELEMENTAIRE DE CHIMIE
H. DEBRAY
TOME II.
CHAPITRE XVII
ANTIMOINE
ANTIMOINE, Sb : 120,3
L’antimoine parait avoir été isolé pour la première fois par Basile
Valentin, dans le quinzième siècle. On l'extrait ordinairement de son
sulfure.
128. Préparation. Berthier conseille de chauffer ensemble un mélange
intime de 100 trou lies de sulfure d'antimoine naturel, 42 parties de
limaille de fer, 10 parties de sulfate de soude desséché et 2 parties de
charbon. Il se forme du sulfure de sodium qui dissout le sulfure d'arsenic
; le fer réduit le sulfure d'antimoine et donne du sulfure de fer qui passe
dans la scorie et de et de l’antimoine métallique qui se rassemble en culot
au fond du creuset. Toutefois, il faut fondre plusieurs fois le métal avec
du carbonate de soude afin de le débarrasser des dernières traces de
soufre.
Le métal obtenu par ce moyen contenant du fer est désigné en pharmacie
sous le nom de régule d’antimoine martial.
Comme l'antimoine sert à préparer divers médicaments, il importe de le
séparer de l'arsenic auquel il est toujours associé dans la nature. C’est
une opération qui est rarement complète, et il est difficile d'obtenir
l'antimoine assez pur pour que, fortement chauffé au chalumeau avec du
carbonate de soude sur du charbon, il ne donne aucune odeur d’arsenic.
Pour opérer la purification des régules d’antimoine que l’on trouve dans
le commerce, Liebig conseille de mêler 16 partie d’antimoine
grossièrement pulvérisé avec 1 partie de sulfure naturel et 2 parties de
carbonate de soude sec et de chauffer le mélange jusqu’à fusion dans un
creuset de terre. Il se forme dans cette opération un sulfo-antimoniate
dans lequel l’antimoine est précipité par l’arsenic ; le fer, le plomb et le
cuivre de ces sulfures restent dans la scorie avec le sulfo-arséniate,
l'antimoine se rassemble en culot au fond du creuset. Il convient de le
refondre deux fois avec son poids de carbonate de soude, qui lui enlève
les dernières traces de soufre. On obtient 15 parties de régule purifié
pour 16 parties du produit employé, mais il n'est pas absolument
dépouillé d'arsenic.
M. Wöhler chauffe dans un creuset 4 parties de régule avec 5 parties de
nitre et 2 parties de carbonate de potasse sec. La masse brûle
tranquillement et se transforme en antimoniate et arséniate de potasse,
que l'on sépare par un lavage prolongé à l'eau froide. On réduit, ensuite
l'antimoniate en le chauffant au rouge avec la moitié de son poids de
tartre, ce qui donne un régule d'antimoine et de potassium, que l'on
pulvérise et que l'on jette dans l'eau il donne un violent dégagement
d'hydrogène ; il reste une poudre d'antimoine qu’ont réunit ensuite par
la fusion
On remplace aujourd'hui le nitre et le carbonate de potasse par les sels de
soude correspondants, dont l'emploi est plus économique. L'antimoniate
de soude est d'ailleurs plus insoluble encore que celui de potasse.
On obtient encore de l'antimoine très pur en fondant de la poudre
d'Algaroth avec du flux noir ou avec un mélange de carbonate de soude
et de charbon. On refond ensuite le métal avec un peu de carbonate de
soude additionné de salpêtre pour enlever les dernières traces de chlore
et de charbon.
M. Lefort recommande de fondre avec du sucre l'oxyde d'antimoine
obtenu en traitant, l'antimoine du commerce par l'acide azotique ; dans
cette oxydation l'arsenic passe alors à l'état d'acide arsénique soluble.
1329. Propriétés. L'antimoine est doué de l'éclat métallique, il a presque
la blancheur de l'étain ; sa structure est très cristalline et lamelleuse ;
aussi les pains d'antimoine sont-ils faciles à reconnaître à leur surface
recouverte d'une étoile produite par des cristallisations arborescentes,
qui rayonnent du centre à la circonférence. Sa densité est 6,7, il est
cassant et facile à pulvériser ; il fond à la température de 430° et
cristallise en rhomboèdres par le refroidissement ; il est volatil au rouge
vif, surtout dans un courant de gaz. Il est inaltérable à l'air à la
température ordinaire ; mais quand il est porté au rouge, il brûle avec
facilité dès qu'il a le contact de l'air, en répandant une fumée blanche
inodore d'oxyde d'antimoine. On fait ordinairement l'expérience en
laissant tomber d'urne certaine hauteur de l'antimoine bien rouge sur
une planche qui le projette de tous côtés en globules très petits, qui
s’enflamme avec vivacité, en donnant d’épaisses vapeurs, qu’il ne faut
pas respirer, car elles sont toxiques.
Il se combine directement avec la plupart des métalloïdes, et notamment
avec le chlore, dans lequel il brûle vivement, même quand on opère à la
température ordinaire.
Les acides chlorhydrique et sulfuriques faibles sont sans action sur lui ;
concentré, l’acide chlorhydrique le dissout avec lenteur, en dégageant de
l’hydrogène ; l’acide sulfurique concentré et chaud le transforme en
sulfate d’antimoine, en dégageant de l’acide sulfureux. L’acide nitrique
le transforme en acide antimonique insoluble, l’eau régale le dissout
facilement, en donnant du chlorure d’antimoine.
1330. Antimoine obtenu par la pile. L’électrolyse des dissolutions
d’antimoine donne un métal cristallin d’une densité égale à 6,6 environ
qui ne diffère pas du métal ordinaire. Mais si l’on opère sur une
dissolution concentrée de 1 partie d’émétique et de 4 parties de chlorure
d’antimoine, avec un courant faible, on obtient de l’antimoine amorphe
d’une densité plus faible (5,74 à 5,83) qui possède la curieuse propriété
d’être explosible. Quand on le chauffe ou quand on le soumet à la
percussion, il se transforme en antimoine ordinaire en développant une
grande quantité de chaleur. Il se produit en même temps des fumées de
chlorure d’antimoine que l’antimoine retenait en proportion notable (de
6 à 22 pour 100). C’est au dégagement de cette matière, au moment de la
transformation isomérique du métal qu’est due sa propriété explosive.
Les diddolution de bromure et de iodure donnent des résultats analogue
(Gore).
COMPOSOSE OXYGENES DE L’ANTIMOINE.
L’antimoine forme avec l’oxygène deux composés, l’oxyde d’antimoine
Sb2O3, et l’acide antimonique Sb2O5 ; ces deux composés donnent en
s’unissant un composé intermédiaire, l’acide antimonieux Sb2O4.
1331. Préparation et propriétés. On le prépare en chauffant de
l’antimoine au rouge dans un creuset percé latéralement de deux ou trois
trous et recouvert par un creuset semblable, dont le fond est également
percé. On détermine ainsi un courant d’air dans l’intérieur du creuset
inférieur, sous l'influence oxydante duquel l'antimoine volatilisé se
transforme en oxyde d'antimoine qui se dépose sous forme d'aiguilles
satinées (fleurs argentines d'antimoine) à la partie supérieure du creuset.
Ces aiguilles sont souvent accompagnées de petits octaèdres réguliers
(Wöhler). Lorsqu'on chauffe de l'antimoine dans un tube de porcelaine
traversé par un courant d'air très lent. il se dépose, d'après Terreil, de
l'oxyde octaédrique dans les parties froides du tube, et de l'oxyde
prismatique dans le voisinage du métal. Si l'on essaye de sublimer
l'oxyde octaédrique, il se transforme totalement en cristaux prismatiques
dans un courant rapide de gaz. Ces deux formes incompatibles de l'acide
antimonieux sont, les mêmes que celles de l'acide arsénieux, seulement,
tandis que, pour l'acide antimonieux, la forme prismatique est la forme
la plus fréquente et la plus stable, pour l'acide arsénieux, c’est la forme
octaédrique. (H. Debray.)
La décomposition par l'eau de l'oxychlorure d'antimoine donne
également les deux formes de l'oxyde d'antimoine. A 150°, en vases clos,
on obtient l'oxyde prismatique, la décomposition lente à la température
ordinaire fournit l'oxyde octaédrique.
L'oxyde d'antimoine existe dans la nature sous ces deux formes, en
Bohème, en Algérie dans la province de Constantine, à Bornéo. La
valentinite (prisme rhomboïdal droit), a pour densité 5,70, la
sénarmonitite (octaèdres réguliers) a pour densité 5,11 ; les produits
artificiels ont la même densité.
L'oxyde d'antimoine chauffé devient jaune, il rond au rouge et se
sublime. Il est insoluble dans l'eau, l'acide azotique, mais il se dissout
dans les acides chlorhydrique et sulfurique concentrés et dans les alcalis.
Son meilleur dissolvant est l'acide tartrique ou le bi-tartrate de potasse
avec lequel il forme l'émétique. Les réducteur (charbon, hydrogène), le
ramènent facilement à l'état métallique. L’oxyde prismatique pur est plus
facilement attaquable par les divers réactifs que l'oxyde octaédrique.
L'oxyde d'antimoine hydraté Sb2O3, H2O s'obtient en versant à froid une
dissolution de protochlorure d'antimoine dans du carbonate de soude. A
chaud, on obtient des cristaux anhydres d'oxyde d'antimoine. C'est une
base faible qui joue aussi le rôle d'acide vis à vis des oxyde basiques.
Acide antimonieux Sb2O4
1332. Il se forme dans l’action de l’acide azotique sur l’antimoine
métallique, lorsqu’on chauffe à l’air de l’oxyde d’antimoine, ou que l’on
décompose par la chaleur l’acide antimonique. Poudre blanc jaunâtre, un
peu soluble dans l’eau, que l’acide chlorhydrique décompose en donnant
du sesqui-chlorure d’antimoine et de l’acide antimonique, le tartrate
acide de potasse le décompose de la même manière. Fondu avec la
potasse, il forme un sel double K2O, Sb2O3 + K2O, Sb2O4, soluble dans
l’eau bouillante et incristallisable. Il existe dans la nature un sel de chaux
correspondant au sel de potasse, la bornine (2CaO, Sb2O3).
Acide antimonique, Sb2O5.
1333. L’acide antimonique s’obtient lorsqu’on décompose par l’eau
bouillante le pentachlorure d’antimoine, ou lorsqu’on traite le métal par
une eau régale contenant un grand excès d’acide azotique. Dans ces
conditions, il retient un équivalent d’eau (Sb2O5, H2O). C’est un poudre
jaunâtre à peu près insoluble dans l’eau à laquelle il communique
cependant une réaction acide, insoluble à froid dans l’ammoniaque,
soluble dans la potasse caustique et dans l’acide chlorhydrique
concentré.
L’acide antimonique donne avec les bases, des antimoniates
monobasiques qui correspondent au méta-phosphate ; il existe toutefois
des antimoniates bibasiques 2RO, Sb2O5 et RO, H2O, Sb2O5 qui
correspondent aux pyrophosphates. M Frémy qui les a découvert les a
désigné à tort sous le nom de méta-antimoniates et de bi-méta-
antimoniates. Mais on ne connaît pas d’antimoniates tribasiques
correspondant aux phosphates et aux arséniates ordinaires.
Antimoniates.
1334. Les antimoniates mono-basiques sont gélatineux et incristallisable,
les antimoniates bi-basiques sont cristallins, le pyro-antimoniate acide de
soude Na2O, H2O, Sb2O5 + 6H2O est insoluble. C’est le seul sel de soude
qui possède ce caractère : aussi peut-on employer le sel correspondant de
potasse K2O, H2O, Sb2O5 + 6H2O, bi-antimoniate de potasse de M. Frémy
comme réactif des sels de soudes.
1335. Antimoniate de potasse K2O, Sb2O5 + 3H2O. On l’obtient en
oxydant l'antimoine par l'azotate de potasse (1 partie d'antimoine pour 4
de nitre). On chauffe le mélange dans un creuset de terre et on reprend
d'abord la masse fondue par l'eau froide pour dissoudre l'azotite de
potasse qui s'est formé dans la réaction en même temps que de
l'antimoniate anhydre insoluble dans l'eau froide ; par une ébullition
prolongée, on transforme cet antimoniate en un sel hydraté soluble dans
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