TRAITE DE CHIMIE TECHNIQUE APPLIQUEE AUX ARTS ET A
L’INDUSTRIE A LA PHARMACIE ET A L’AGRICULTURE.
PAR M. G. BARRUEL.
TOME III.
1857
ANTIMOINE
L’antimoine a été isolé pour la première fois de ces combinaisons par
Basile Valentin : les anciens connaissaient quelques-unes de ses
combinaisons ; Pline le désigne sous le non de stibium, d'où l'on e tiré
son symbole : dans le commerce, on le désigne par le nom de régule
d'antimoine, ou seulement de régule.
On le trouve quelquefois natif, à Huelgoët, à Allemont ; il est d'un blanc
d'argent, éclatant; sa texture est très lamelleuse; il se clive facilement
d'après la face d'un octaèdre régulier ; il est fragile, friable ; il est rare
qu'il ne contienne pas des traces notables d'arsenic ; ce qui se reconnaît
facilement au chalumeau. C'est principalement à l'état de sulfure simple
qu'on le rencontre, et c'est ce minéral qui sert exclusivement pour
l'extraction da métal : les autres combinaisons que nous aurons à citer
n'ont d'importance qu'en minéralogie.
Klaproth a trouvé la composition suivante à l'antimoine natif
d'Andreasberg : Antimoine 98,00, Argent 4,80, Fer 0,25, perte 0,75 Total
100,00
L'antimoine tel qu'on l'obtient dans les arts n'est jamais pur dans les
laboratoires on le purifie en le mettant en poudre et le mélangeant avec
le dixième de son poids de nitrate de potasse ; on projette le mélange par
petites partions dans un creuset de terre chauffé au rouge ; lorsque toute
la matière est dans le creuset, on le maintient en fusion ; une scorie se
montre à la surface de l'antimoine qui forme un culot. Après le
refroidissement, la scorie se sépare facilement ; elle contient le fer, le
plomb, l'arsenic, le soufre qui ont été oxydés ou acidifiés par la
décomposition du nitre. Lorsqu'il est très pur, la cassure présente de
petites lames ; il est alors d'un blanc bleuâtre ; la surface du culot montre
des signes de cristallisation très visibles par l'apparence de feuilles de
fougère : on le fait cristalliser par fusion ; les cristaux sont cubiques, mais
ordinairement de petite dimension, et se recouvrent de petites aiguilles
d'oxyde d'antimoine groupées en houpes.
Ce métal est très friable : on le réduit très facilement en poudre ; sa
densité est 6,8 ; il fond à environ + 450°, il se volatilise un peu an rouge
blanc, et l'on peut même le distiller à cette température au moyen d'un
courant de gaz hydrogène qui favorise l'opération. L'air est sans action
sensible à froid sur ce métal, qui se ternit cependant à la surface ; mais,
lorsqu'on le chauffe au rouge au contact de l'air, il brûle facilement en
produisant des vapeurs d'oxyde d'antimoine qui cristallisent en se
condensant. Pendant cette combustion, il produit une flamme blanche. Si
l'on projette de l'antimoine fondu au rouge, d'une certaine hauteur, sur
une plaque, il se divise en petits grains qui se dispersent en rayonnant et
produisent le phénomène de la combustion avec éclat en répandant
d'épaisses fumées blanches. L'antimoine en poudre, projeté dans un
flacon rempli de gaz chlore sec, se combine avec lui en produisant un
phénomène d'incandescence brillante, produit par chaque poussière du
métal qui se trouve en contact avec le gaz. Ce métal ne décompose pas
l'eau à froid sous l'influence des acides ; il ne décompose l'eau seule
qu'au rouge blanc ; l'acide nitrique, même étendu d'eau, le transforme en
acide antimonique qui se dépose : cette propriété peut être utilisée pour
purifier l'antimoine du commerce, qui ne contient pas d'étain
ordinairement. L'acide nitrique qui est mis en excès retient tous les
autres corps en dissolution, excepté une partie du soufre, que l'on peut
éliminer à l'aide d'un simple lavage par décantation, an moins en grande
partie, puis en faisant chauffer avec un peu de carbonate alcalin.
L'acide chlorhydrique concentré bouillant le dissout en se décomposant ;
l'hydrogène se dégage, il reste du chlorure d'antimoine ; l'acide
sulfurique concentré le dissout en se décomposant en partie ; de l'acide
sulfureux se dégage ; l'eau régale le transforme en chlorure : il ne
décompose pas l'eau contenant un alcali en dissolution. L'antimoine est
employé dans les arts pour préparer quelques médicaments importants,
et fabriquer les caractères d'imprimerie.
COMBINAISONS DE L'ANTIMOINE AVEC L'OXYGÈNE.
L'antimoine forme deux combinaisons simples, bien caractérisées avec
l'oxygène : l'une, qui est l'oxyde d'antimoine, est un sesquioxyde Sb2O3 ;
l'autre, l'acide antimonique, Sb2O5. Ces deux oxydes se combinent et
donnent un produit qui peut être représenté par la formule SbO2 ou
Sb2O4 ou Sb4O3 résultant de Sb2O3 + Sb2O5 : ce composé est quelquefois
nommé acide antimonieux. Enfin quelques chimistes admettent un sous-
oxyde, dont la composition n'a pas été déterminée : ce serait la matière
grisâtre qui se forme à la surface de l'antimoine par son exposition à l'air
humide, et que l'on peut obtenir quand on emploie comme pôle positif
un fil d'antimoine pour décharger une pile électrique dans une
dissolution de sulfate de zinc ou de soude. Cet oxyde forme des flocons
d'un gris foncé.
OXYDE D’ANTIMOINE.
L'oxyde d'antimoine se trouve dans la nature à la surface du sulfure
naturel ou de l'antimoine natif, à Allemont, à Przibram, à Braunsdorf,
souvent en enduits terreux ; il est alors hydraté, blanc jaunâtre, ou
cristallisé sous forme de houppes composés d'aiguilles blanches d'un
éclat nacré : il est anhydre dans ce cas : une variété d'Allemont a donné la
composition suivante : Oxyde d'antimoine 86, Oxyde de fer 3, Acide
silicique 8, perte 3, Total 100,00.
L'oxyde d'antimoine pur est sous forme de petits prismes aciculaires
blancs, qui ont un vif éclat presque métallique, quand il est préparé par
voie sèche : on lui donne alors le nom de fleurs argentines d'antimoine ;
obtenu par voie humide, il est blanc, pulvérulent, volumineux et non
hydraté, on hydraté selon le mode de préparation; on l'obtient cependant
cristallisé par voie humide, ainsi que l'a observé M. Mitscherlich en
versant goutte à goutte une dissolution bouillante de carbonate de soude
dans une dissolution de sesquichlorure d'antimoine dans l'eau acidulée
par L'acide chlorhydrique, pourvu qu'on ne sature pas complément
l'acide. Ces cristaux sont prismatiques. Si l'on opère à froid, le précipité
que l'on obtient est hydraté, et sa formule est Sb2O3, H2O : dans les deux
cas, l'acide carbonique se dégage. On l'obtient en petits octaèdres
réguliers d'une dissolution bouillante de cet oxyde dans la potasse
caustique. Lorsqu'on chauffe cet oxyde à l'abri du contact de l'air, il fond
en un liquide jaune qui se solidifie en se* refroidissant, et redevient blanc
quand il est arrivé à la température ordinaire, et prend une texture
cristalline. Si l'on porte la température au rouge, il se volatilise ; et les
vapeurs cristallisent en se condensant ; il est indécomposable par la
chaleur seule. Chauffé légèrement au contact de l'air, il s'enflamme avant
la température de sa fusion, en produisant l'oxyde intermédiaire que l'on
nomme quelquefois, en raison de sa composition, antimoniate d'oxyde
d'antimoine, qui n'est ni fusible ni volatil.
L'oxyde d'antimoine est un peu soluble dans l'eau bouillante ; le
refroidissement n'en fait pas déposer : on reconnaît facilement qu'il y en
a une petite quantité en dissolution, car l'acide sulfhydrique colore la
liqueur en rouge. Cet oxyde se combine avec les acides et avec les bases
énergiques : ces deux sortes de combinaisons sont peu stables, car elles
sont décomposées par l'eau, surtout quand elle est bouillante ; il ne se
dissout que dans les acides concentrés. La présence d'un acide
organique, l'acide tartrique, empêche la décomposition par l'eau. On voit
ainsi que cet oxyde agit tantôt comme base, tantôt comme acide ; mais
c'est un acide très faible, car il ne peut décomposer les carbonates alcalins
par voie humide : cependant il en chasse l'acide carbonique par voix
sèche ; on obtient de cette manière des antimonites neutres.
On peut préparer cet oxyde par plusieurs procédés que nous avons déjà
cités en partie. Lorsqu'on le prépare au moyen des dissolutions de
chlorure d'antimoine et de carbonate de soude, le précipidoit être lavé
à l'eau bouillante, parce que, sans cette précaution, ce serait un
oxychlorure ; c'est ce procédé qui donne l’oxyde le plus pur. On peut
aussi l'obtenir en traitant l'antimoine par l'acide nitrique pur marquant
35 à 40 degrés au pèse-acide ou une densité de 1,2 à 1,3, et chauffant
pour favoriser la réaction ; le résidu doit être lavé à l'eau chaude jusqu'à
ce qu'elles ne rougisse plus le papier bleu de tournesol. On le prépare
aussi facilement en chauffant le sulfure en poudre avec de l'acide
sulfurique concentré ; cet acide décompose le sulfure en se décomposant
lui-même en acide sulfureux et oxygène qui se porte sur l'antimoine et
sur le soufre du sulfure, Sb2S3 + 9SO3 = Sb2O3 + 12SO2, ou plus
simplement en grillant le sulfure an contact de l'air, Sb2S3 + 9/2 O2 =
Sb2O3 + 3SO2. Pour cette dernière opération, le sulfure doit être en
poudre fine et la chaleur très-modérée, ce sulfure étant facilement fusible
lorsque le grillage est en grande partie opéré, on peut sans crainte
augmenter un peu la température. Il est composé de : Antimoine 84,31,
Oxygène 15,89.
ACIDE ANTINOMIQUE. 203
L'acide antimonique anhydre est pulvérulent, d'un blanc jaunâtre; on
l'obtient à l'état d'hydrate . il est alors blanc, et contient 4 équivalent' ou
5,1 pour 100 d'eau. Dans ces deux cas, il est sous deux états isomériques :
dans l'un, il est saturé par 1 équivalent de base ; dans l'autre, il n'est
saturé que par 2 équivalents : on distingue l'acide qui est dans ce dernier
cas par le nom d'acide méta-antimonique. Les sels formés par cet acide
sous les deux modifications ont des propriétés différentes : le biméta-
antimoniate de potasse a la propriété de décomposer les sels de soude en
produisant un précipité de méta-antimoniate acide de soude, qui est
presque insoluble dans l'eau ; c'est le seul réactif connu qui puisse
précipiter cet alcali. M. Frémy l'a proposé pour doser la soude.
On prépare l'acide antimonique en traitant l'antimoine par l'acide
nitrique concentré ou par de l'eau régale contenant un excès d'acide
nitrique ; l'acide antimonique qui se produit est en poudre blanche et
hydraté ; en chauffant ce produit à une température de 300 à 400°, l'excès
d'acide se volatilise en même temps que l'eau, et l'acide resté anhydre
sous forme d'une poudre jaune pâle. Ce procédé donne l'acide
antimonique ; quand on décompose le perchlorure Sb2Cl5 par l'eau
bouillante, la poudre blanche que l'on obtient est l'hydrate d'acide méta-
antimonique ; chauffé vers 200°, il perd son eau, jaunit et devient acide
méta-antimonique anhydre.
Les antimoniates ont peu d'importance en général ; mais, comme le
méta-antimoniate acide de potasse est employé comme réactif de la
soude, il est nécessaire de connaître ces deux sels. On obtient
l'antimoniate neutre de potasse en chauffant un mélange de 1 partie
d'antimoine en poudre et 4 de nitrate de potasse, dans un creuset de terre
: la réaction s'opère avec déflagration ; puis on chauffe assez pour
achever la réaction. La masse qui reste est pulvérisée ; on la traite par
une petite quantité d'eau froide, laquelle dissout la potasse libre et le
nitrate de potasse qui s'est produit en petite quantité. Le résidu est de
l'antimoniate de potasse anhydre, qui est insoluble ; on le fait bouillir
pendant plusieurs heures avec de l'eau qui le transforme en antimoniate
neutre hydraté, qui est soluble, et en bi-antimoniate insoluble que l'on
sépare par filtration : la dissolution évaporée même en consistance
sirupeuse ne cristallise pas ; en évaporant davantage, le sel se prend en
masse gommeuse en séchant seulement à l'air. il a pour, formule KO,
Sb2O5, 5H2O ; lorsqu'il est en dissolution, il absorbe l'acide carbonique de
l'air, et se change progressivement en bi-antimoniate cristallin.
Le méta-antimoniate de potasse s'obtient en chauffant l'antimoniate
neutre avec un grand excès de potasse dans un creuset d'argent : la
masse fond ; traitée par l'eau froide, elle se dissout complètement. La
dissolution cristallise par l'évaporation ; les cristaux sont anhydres et
leur formule est (KO) 2, Sb2O5. Ces cristaux se décomposent, lorsqu'on les
dissout dans l'eau pure, en potasse et bi-méta-antimoniate de potasse,
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