Chimie élémentaire apliquée aux arts
industriels
Girardin
1873
De l'Antimoine
Historique : L'antimoine est l'un des métaux sur lesquels les alchimistes ont le plus exercés
leur patience. Sa couleur blanche, son éclat métallique très prononcé, leur avaient fait penser
que sa transmutation en argent et en or serait facile. S’ils furent trompés dans leur attente,
leurs longs travaux, toutefois, ne furent pas inutiles à la science ; car, en tourmentant ce métal
de toutes les manières, ils découvrirent la plupart de ses composés qui tous ont fourni à la
médecine des remèdes très puissants.
Les préparations antimoniales sont remarquables, en effet, par leurs propriétés émétiques et
purgatives. Il en est deux surtout dont l’usage a survécu aux diverses révolutions médicales :
c’est l'émétique (tartrate de potasse et d’antimoine), dont le, nom est bien vulgaire ; c’est le
kermès, mélange d’oxyde et de sulfure d’antimoine, L’art vétérinaire fait encore aujourd’hui
un assez grand usage des autres composés de ce métal.
Les anciens chimistes nommaient l’antimoine métallique régule d'antimoine (1), et son
sulfure antimoine cru. L’origine du mot antimoine viendrait dit-on, d’une circonstance assez
singulière. Basile Valentin qui, le premier, sut extraire le métal pur de son sulfure et le
proclama, sous le nom de Lion oriental, comme un remède à tous maux, ayant vu des porcs
acquérir un embonpoint extraordinaire pour avoir mangé le résidu d’une de ses opérations sur
l'antimoine, crut que ce métal pourrait rétablir la santé des moines de son monastère, exténués
par les jeûnes et les mortifications. L’administration de ce nouveau remède fut fatale à ces
bons religieux, qui périrent en grand nombre. De là vint le nom d’antimoine (2).
Cela n’empêcha pas, cependant, que plus tard on ne tira parti des vertus remarquables de ce
métal Pendant longtemps on forma avec lui de petites balles que les malades avalaient pour se
purger; et comme ces pilules servaient indéfiniment et se transmettaient, pour ainsi dire, en
héritage, on les avait appelées pilules perpétuelles. On l’alliait aussi à l’étain pour faire des
gobelets dans lesquels on laissait séjourner du vin qui acquérait ainsi une vertu émétique et
purgative. L’usage des préparations antimoniales a donné lieu à de longues et vives
contestations entre les médecins du seizième siècle. La Faculté de Paris s’opposa à leur
emploi, et le Parlement les proscrivit par un arrêt en date de 1566, La prévention contre ces
remèdes fut si forte qu’un habile médecin, Paulmier, fut chassé de la Faculté, en 1609, pour
s’en Etre servi. Après une lutte qui ne dura pas moins d’un siècle, la Faculté permit l’usage du
vin émétique, et le Parlement de Paris autorisa enfin l’emploi de l'antimoine par un arrêt du 10
avril 1666.
Alliages de l’antimoine. - Aujourd'hui, on ne se sert plus guère de l’antimoine métallique que
pour durcir l'étain qu’on doit convertir en couverts, ou le plomb avec lequel on fabrique les
caractères d'imprimerie. Le plomb serait trop mou et ne pourrait supporter l’effort de la
presse, l'antimoine seul serait trop cassant. Leur union fournit un métal parfait pour cette
application. .
Caractères distinctifs. - Oxydes et acide de l’antimoine. - L'antimoine métallique est d’un
blanc argentin avec reflets bleuâtres; il possède un éclat très vif; il est surtout remarquable par
son tissu essentiellement lamelleux et par sa friabilité. Lorsqu’on le chauffe au contact de
l’air, il s’oxyde très facilement et répand des fumées blanches qui se condensent sur les corps
froids en jolis petits cristaux blancs et brillants, qu’on appelait jadis fleurs argentines, fleurs
ou neige d'antimoine ; c’est un sesqui oxyde, Sb2O3. Outre cet oxyde basique, il existe un
acide antimonique, Sb2O5, et un oxyde intermédiaire = Sb2O3 + Sb2O5, qu’on nommait
naguère, fort improprement, acide antimonieux. Dans tous les cas, ces deux derniers
composés oxygénés, qui sont en poudre blanche ou jaunâtre, insolubles dans l’eau, n’offrent
qu’un intérêt scientifique médiocre. Mais un des sels de l’acide antimonique, le biantimoniate
de potasse, qu’on obtient en fondant l’acide avec un excès de potasse, a pris, en 1843, dans les
mains de M Fremy, une haute importance, comme vous allez, Messieurs, en acquérir le
preuve.
Les avantages cuniaires que présenta la substitution des sels de soude eux sels de potasse,
ont fait développer une industrie frauduleuse, qui consiste à vendre, sous le nom de sels de
potasse, des sels qui contiennent des proportions considérables de sels de soude, Celle fraude
peut avoir des conséquences fâcheuses pour la pratique des arts industriels, car dans certaines
fabrications, comme celles du cristal, du chlorate de potasse, du prussiate de potasse, des
savons, la présence des sels de soude dans les sels, de potasse est toujours nuisible. Il était
donc important de trouver un réactif qui eût la propriété de précipiter la soude sans entraîner
la potasse, et qui pût, par conséquent, accuser, dans un sel de potasse, la présence d’un sel de
soude.
C’est ce problème que M. Fremy a résolu en découvrant que la dissolution du biantimoniate
de potasse qui est sans action sur les sels de potasse, forme, dans les sels de soude dissous, un
précipité cristallin, blanc et insoluble d’antimoniate de soude; elle accuse facilement, dans une
liqueur, le présence de 1/350 de sel de soude. Le précipité ne se forme qu’après quelques
secondes d’agitation, et n'entraîne avec lui, aucune trace de sel de potasse. Lors donc qu’une
potasse ou un sel de potasse du commerce, étant dissous dans l’eau et neutralisé exactement
par un acide, fournit avec le biantimoniate de potasse un précipité blanc, on peut être assuré
que la potasse ou son sel a été fraudé avec de la soude ou un sel de soude, et le poids du
précipité peut, après la calcination, permettre de déduire la quantité de soude qui se trouvait
dans le mélange.
Sulfure d'antimoine. - Parmi les composés naturels de l'antimoine, le sulfure Sb2O3, nommé
stibine par les minéralogistes, est le seul qui soif assez abondant pour servir à l’extraction du
métal. II est reconnaissable à sa forme d’aiguilles plus ou moins volumineuses, appliquées
parallèlement les unes contre les autres ; il en résulte des masses très tendres et très fragiles,
d’un gris de plomb et d’un aspect ; métallique assez vif (3). Ces,’ aiguilles très cassantes
fondent à la simple flamme, d’une chandelle, et exhalent une odeur sulfureuse. On rencontre
ce minéral dans les terrains anciens, en Angleterre, en Suède, en Saxe, en Bohème, en
Hongrie, au Harlz, en Prusse, et dans plusieurs départements de la France.
Forme cristalline du sulfure d'antimoine
On le sépare de sa gangue terreuse, en le chauffant dans des pots E, E (figure ci-dessous),
percés de trous à leur fond F, F et placés au-dessus des pots plus petits D, D faisant office de
récipients ; le sulfure fond et coule dans ceux-ci; il y cristallise.
Extraction de l’antimoine. - Ainsi purifié, on le pulvérise, on le grille dans des fours
semblables à ceux qui servent à la conversion du salin en potasse (figure ci-dessous), par
charge de 158 kilogrammes au maximum, en ayant soin de rester au-dessous de la chaleur
rouge afin d’éviter la fusion du sulfure.
Appareil pour la purification du sulfure d'antimoine naturel.
La plus grande partie du soufre se gage à l'état d’acide sulfureux, avec quelques fumées
blanches d’oxyde d’antimoine et d’acide arsénieux, attendu que le minerai, est toujours plus
ou moins arsenifère. On remue fréquemment la matière avec un ringard de fer pour activer
l’oxydation. L’opération dure environ douze heures.
Four à griller le sulfure d'antimoine
La poudre grise ou un peu rougeâtre qu’on retire du four après son refroidissement est, non de
l’oxyde d’antimoine, mais un oxysulfure contenant quelques matières terreuses. On mêle alors
celte poudre avec 15 p. 100 de charbon arrosé d’une solution de carbonate de soude et on
l’introduit dans des creusets qu’on place sur des banquettes construites des deux côtés
intérieurs d’un fourneau de galère. On chauffe Jusqu’au rouge vit. On recouvre les creusets
d’un couvercle pour prévenir l’oxydation. Le charbon réduit l’oxyde d’antimoine, tandis
qu’une partie du sulfure se trouve également réduite par l’action combinée du charbon et du
sel de soude. Il se forme en même temps à la surface du bain métallique une scorie constituée
par un sulfure double de soude et d’antimoine mélangé d’une quantité variable d’oxysulfure
qui a échappé à l’action réductrice et de matières terreuses (4). Quand la réduction est bien
opérée, on coule l’antimoine dans des lingotières en fonte, et on le refond avec un peu de
minerai grillé pour le purifier. On obtient alors le métal en masses hémisphériques du poids de
6 à 8 kilogrammes environ, recouvertes, à leur surface convexe, de belles cristallisations en
étoiles dont les rayons ressemblent à des feuilles de fougère.
II y a en France, quatre usines dans lesquelles on prépare le régule d’antimoine : elles sont
situées dans les départements du Cantal, du Puy-de-Dôme, de la Lozère et de la Haute-Loire
et leurs produits réunis en minerai ne s'élevaient, en 1849, qu’à 1084 quintaux métriques,
représentant une valeur de 18317 Fr. en 1853, la production n’était plus que de 60 quintaux,
soit 3472 Fr.
100 parties de sulfure donnent de 44 à 45 de métal. Celui-ci est rarement pur ; il contient un
peu de soufre, du plomb, du fer, de l’arsenic, etc., matières étrangères qui toutes proviennent
du sulfure d’antimoine qui les contient. On purifie l’antimoine en le fondant à plusieurs
reprises, avec 1/20 de son poids de nitre. Les métaux les plus oxydables sont les premiers
attaqués, ainsi que le soufre et’ l'arsenic, et ils se séparent avec la potasse sous forme de
scories.
Préparation du gaz acide sulfydrique. - On emploie très fréquemment le sulfure
d’antimoine dans les laboratoires pour préparer l’acide sulfhydrique. Pour cela, on le traite par
4 à 5 parties d’acide chlorhydrique dans un appareil convenable (figure ci-après).
La réaction se comprendra aisément par l’examen de la légende suivante :
Sb2S3 + 3HCl ==> Sb2Cl3 + 3 HS.
Le gaz sulfhydrique, entraînant toujours avec lui un peu d’acide chlorhydrique, doit, avant
d'être recueilli sur la cuve à mercure, passer dans un flacon laveur qui retient l'acide étranger.
En place d’eau, on met dans ce flacon une solution concentrée de polysulfure de sodium ou de
potassium.
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