B La version de Protagoras : démonstration ou mythe ?
Pour répondre à la question que lui pose Socrate « est-ce que la vertu peut
s’enseigner ? », Protagoras reprend un récit du vieux fond mythique grec et
l’accommode ici pour le faire servir à ses desseins. Protagoras est un sophiste (du grec
sophos savant). Les sophistes sont des professeurs itinérants qui, à partir du Vème
siècle avant notre ère, vont de cité en cité enseigner l’art oratoire (les techniques de la
rhétorique) et se font payer leurs leçons. Ils triomphent à Athènes où le régime politique
est la démocratie et où, en conséquence, la parole est puissante. Se montrer éloquent
et persuasif lors des débats démocratiques est la condition du pouvoir. Les jeunes
gens, désireux de pouvoir participer à l’administration des affaires publiques,
comprennent que pour l’emporter devant l’assemblée, il leur faut apprendre à bien
parler. Socrate et Platon dénoncent fortement ce goût pour la domination qui, au mépris
de toute justice, ne peut que conduire à la tyrannie.
Dans le dialogue qui suit, Socrate et Protagoras discutent de la question de savoir si la
vertu s’enseigne. La vertu c’est ici l’arêté : c’est-à-dire l’excellence d’un homme , les
qualités poussées à leur niveau d’excellence. Protagoras qui doit répondre, commence
par proposer le choix entre un discours démonstratif, donc rationnel, et un conte ou une
fable qui relèvent de l’imagination et sont donc plus plaisants. On voit tout de suite que,
si le mythe est distingué de la raison, il peut être utile à la raison, étant plus agréable à
écouter.
Socrate : Si donc tu peux nous démontrer clairement qu’on peut enseigner la vertu, ne
nous refuse pas cette faveur, démontre-le.
- J’y consens, Socrate, dit-il, mais dois-je faire ma démonstration en vous disant une
fable, comme un vieillard fait un conte à des jeunes gens, ou en discutant pied à pied la
question ?
Beaucoup d’assistants lui répondirent qu’il traitât le sujet comme il l’entendait.
- M’est avis, dit-il, que vous aurez plus de plaisir à entendre une fable.
C Le partage d’Épiméthée
La distribution des dons naturels.
Il s’agit de raconter maintenant le début des vivants sur terre. Les dieux commencent
par les espèces animales, les hommes arriveront après.
Le mythe commence par le récit de la naissance de l’homme. Epiméthée, dont le nom
signifie qu’il est capable de juger après coup, se charge de répartir les dons des dieux.
Et Prométhée, donc le nom indique la capacité de prévoir et d’anticiper ne viendra qu’en
second lieu, pour contrôler le partage opéré par Epiméthée. On peut déjà pressentir le
pire dans cette interversion des rôles.
§1 Il fut jadis un temps où les dieux existaient, mais non les espèces
mortelles……….
pour assurer le salut de la race.
Le destin : dans l’Antiquité, le mot destin désigne une puissance surnaturelle, qui est
capable de décider de l’avenir de tout ce qui existe. Il demeure encore aujourd’hui un
sens semblable, pour celui qui croit que son avenir est décidé à l’avance et que l’on ne
peut rien contre le destion. Le fatalisme est un dérivé de la croyance dans le destin.
Nous gardons aujourd’hui comme sens du mot destin, ce que l’on peut dire d’un
homme quand sa vie est accomplie. Puisqu’il lui est arrivé ceci ou cela, on peut dire,