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C 2 la culture et l’homme
Première lecture suivie Le mythe dans le Protagoras de Platon, Travail à faire sur le
temps de module pour les TSMS et sur le temps de cours pour les autres.
Page 34 et 35 dans leur manuel Magnard
Généralités pour réfléchir au sens du mythe
Nous le disons souvent, l’homme apparaît comme un vivant bien évidemment issu du
milieu naturel, mais avec des particularités :
D’une part il ne peut pas survivre sans adapter le milieu naturel dans lequel il se trouve,
en conséquence il transforme ce milieu et l’améliore.
D’autre part pour l’homme toute transformation suppose une organisation avec les
autres hommes, une organisation sociale. C’est de cela dont nous parle les mythes et
particulièrement le mythe de Prométhée, raconté par Protagoras dans le dialogue de
Platon.
Protagoras est l’un des personnages du dialogue de Platon, l’autre interlocuteur est
pratiquement toujours Socrate, le maître de Platon.
I Le mythe de Prométhée Platon Protagoras
A Qu’est-ce qu’un mythe ?
Un mythe est un récit qui se transmet de génération en génération, de façon orale à
l’origine (muthos en grec signifie parole). C’est un récit dont on ne connaît pas l’origine
précisément, il se raconte depuis toujours, et c’est la raison pour laquelle les versions
du mythe peuvent varier.
C’est un discours symbolique, souvent métaphorique, qui demande donc à être
déchiffré, interprété, et qui nous indique ce qu’il en est du sens de l’existence humaine :
d’où venons-nous ? Quelle est notre nature ? Quelle est notre destination ? Notre destin
dépend-il de nous ?
Par exemple, l’espèce humaine se demande, pourquoi est-elle si mal adaptée à la
nature, pourquoi est-ce si difficile de survivre alors que les espèces animales
apparemment sont elles, si bien adaptées à leur milieu. Selon les mythes la réponse va
se trouver du côté d’un châtiment divin, Adam et Eve ont désobéi et sont chassés du
Paradis, ils doivent donc subvenir seuls à leurs besoins. Dans le mythe que nous
allons, l’imparfaite adaptation des hommes est dûe à une erreur des dieux qui n’ont pas
donné aux hommes tout ce qu’il faut pour survivre.
Le mythe essaie donc de pondre à des questions devant lesquelles nous sommes
très démunis, que ni l’expérience ni la raison ne peuvent régler, mais que néanmoins se
posent. La parole mystérieuse et parfois obscure du mythe suscite l’imagination et le
rêve. Elle touche notre sensibilité en traitant de manière concrète et figurée ce qui nous
tient au plus profond : le sens de notre vie.
Le mythe peut avoir une dimension morale et religieuse et joue un rôle décisif dans
l’éducation. Non seulement il donne des repères à l’enfant qui n’a pas encore la
capacité de se servir de sa raison, mais il donne sens, pour l’homme raisonnable, aux
questions qui dépassent le pouvoir de la raison.
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B La version de Protagoras : démonstration ou mythe ?
Pour répondre à la question que lui pose Socrate « est-ce que la vertu peut
s’enseigner ? », Protagoras reprend un récit du vieux fond mythique grec et
l’accommode ici pour le faire servir à ses desseins. Protagoras est un sophiste (du grec
sophos savant). Les sophistes sont des professeurs itinérants qui, à partir du Vème
siècle avant notre ère, vont de cité en cité enseigner l’art oratoire (les techniques de la
rhétorique) et se font payer leurs leçons. Ils triomphent à Athènes où le régime politique
est la démocratie et où, en conséquence, la parole est puissante. Se montrer éloquent
et persuasif lors des débats démocratiques est la condition du pouvoir. Les jeunes
gens, désireux de pouvoir participer à l’administration des affaires publiques,
comprennent que pour l’emporter devant l’assemblée, il leur faut apprendre à bien
parler. Socrate et Platon dénoncent fortement ce goût pour la domination qui, au mépris
de toute justice, ne peut que conduire à la tyrannie.
Dans le dialogue qui suit, Socrate et Protagoras discutent de la question de savoir si la
vertu s’enseigne. La vertu c’est ici l’arêté : c’est-à-dire l’excellence d’un homme , les
qualités poussées à leur niveau d’excellence. Protagoras qui doit répondre, commence
par proposer le choix entre un discours démonstratif, donc rationnel, et un conte ou une
fable qui relèvent de l’imagination et sont donc plus plaisants. On voit tout de suite que,
si le mythe est distingué de la raison, il peut être utile à la raison, étant plus agréable à
écouter.
Socrate : Si donc tu peux nous démontrer clairement qu’on peut enseigner la vertu, ne
nous refuse pas cette faveur, démontre-le.
- J’y consens, Socrate, dit-il, mais dois-je faire ma démonstration en vous disant une
fable, comme un vieillard fait un conte à des jeunes gens, ou en discutant pied à pied la
question ?
Beaucoup d’assistants lui répondirent qu’il traitât le sujet comme il l’entendait.
- M’est avis, dit-il, que vous aurez plus de plaisir à entendre une fable.
C Le partage d’Épiméthée
La distribution des dons naturels.
Il s’agit de raconter maintenant le début des vivants sur terre. Les dieux commencent
par les espèces animales, les hommes arriveront après.
Le mythe commence par le récit de la naissance de l’homme. Epiméthée, dont le nom
signifie qu’il est capable de juger après coup, se charge de répartir les dons des dieux.
Et Prométhée, donc le nom indique la capacité de prévoir et d’anticiper ne viendra qu’en
second lieu, pour contrôler le partage opéré par Epiméthée. On peut déjà pressentir le
pire dans cette interversion des rôles.
§1 Il fut jadis un temps les dieux existaient, mais non les espèces
mortelles……….
pour assurer le salut de la race.
Le destin : dans l’Antiquité, le mot destin désigne une puissance surnaturelle, qui est
capable de décider de l’avenir de tout ce qui existe. Il demeure encore aujourd’hui un
sens semblable, pour celui qui croit que son avenir est décidé à l’avance et que l’on ne
peut rien contre le destion. Le fatalisme est un dérivé de la croyance dans le destin.
Nous gardons aujourd’hui comme sens du mot destin, ce que l’on peut dire d’un
homme quand sa vie est accomplie. Puisqu’il lui est arrivé ceci ou cela, on peut dire,
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bien sûr, après que c’était son destin, mais cela ne veut pas dire qu’il était écrit à
l’avance.
Épiméthée fait une bonne distribution des dons pour les espèces mortelles, on peut dire
que son nom l’imprévoyant n’est pas encore justifié. On peut voir dans cette diversité
des dons pour chaque espèce, une « explication » mythologique de la biodiversité.
Les dieux : nous sommes à l’époque du polythéisme, plusieurs dieux règnent dans
l’Olympe, avec pour maître Zeus, ces dieux ont différents attributs et plus ou moins
d’importance selon une hiérarchie assez fantaisiste.
Rappel de la chronologie des religions monothéistes
(Judaïsme, Chrétienté, Islam)
Petit schéma pour distinguer la question d’être (ce que c’est ou l’essence), de la
question d’exister (cela est ou non). Exemple : le centaure c’est (son essence, sa
nature) un personnage mythologique fait d’un corps d’homme et d’un corps de cheval.
Le centaure n’existe pas, bien que l’on sache ce que c’est.
Dieu est l’être parfait, absolu, tout puissant, infini etc. Lexistence de Dieu est un objet
de foi qui n’a pas besoin d’apporter de preuves.
D Le vol du feu, condition de la naissance des arts et de la
société.
On voit à quel point Epiméthée fait preuve d’astuce pour produire un équilibre naturel
propre à assurer la survie des diverses espèces. Mais, dans son zèle généreux, il a
oublié l’home. Prométhée constate le désastre et doit intervenir pour sauver l’espèce
humaine d’une mort certaine.
§2 Cependant Épiméthée, qui n’était pas très réfléchi…….
Dans la suite, Prométhée fut, dit-on, puni du larcin qu’il avait commis par la faute
d’Epiméthée.
Puisque les hommes sont démunis et dépourvus de tout, par l’étourderie d’Épiméthée,
son frère Prométhée doit réparer l’erreur. Un peu comme à l’enfant qui vient de naître et
à qui tout manque, Prométhée va donner l’essentiel, au moins pour qu’il se débrouille.
Il leur donne un moyen extérieur à eux : le feu, et on doit comprendre qu’il leur donne
aussi le moyen de le conserver, et il leur donne des moyens intérieurs à leur être, les
savoirs, les techniques qu’ils se transmettront ensuite.
Ce sont les premiers artifices (artifice // nature).
E Mais les techniques ne suffisent pas à préserver la vie des
hommes.
Remarquons aussi que le vol est une condition nécessaire mais non suffisante, il ne
suffit pas d’avoir le feu, il faut apprendre à s’en servir.
Grâce au don du feu, les hommes vont pouvoir faire société. Le feu est un artifice au
double sens du mot :il est artificiel, non naturel, et il est artificieux, obtenu par ruse. Il
rend possible la métallurgie qui donne armes et outils, il protège et réconforte grâce à la
chaleur du foyer. Il est symbole d’affection et favorise la vie communautaire.
Si les hommes vivaient sans doute isolés les uns des autres, cela ne veut pas dire
solitaires. Les membres de l’espèce humaine, sont par nécessités au moins quelques
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uns à vivre ensemble (père, mère, enfants). Ce qui leur manque (la science politique),
c’est le savoir faire pour se défendre (la guerre), pour ruser contre l’ennemi plus fort
qu’eux. En effet, il ne suffit pas d’être nombreux quand tous ces petits groupes se
réunissent, l’union ne fait la force que si cette union fait une communauté, (s’ils font tous
comme un) sinon c’est la dispersion sans ordre.
§3 Quand l’homme fut en possession de son lot divin,……..
la science politique leur manquait, en sorte qu’ils se séparaient de nouveau et
périssaient.
F La science politique est nécessaire pour assurer la vie
bonne.
Les hommes ont donc fait société par intérêt, pour échapper au péril. Ils partagent des
croyances religieuses, ils communiquent par le langage, ils inventent des techniques et
nouent entre eux des relations économiques. Mais une telle société n’est fondée que
sur la convergence des intérêts et ceux-ci peuvent ensuite diverger : ils ne constituent
pas un fondement stable. Pour devenir une véritable communauté, la société doit se
stabiliser et seules des institutions politiques peuvent remplir ce rôle et permettre que
naissent et se tissent entre les hommes les liens de l’amitié.
§4 Alors Zeus, craignant que notre race ne fût anéantie…. tout le monde ait part à
la vertu civile ; autrement il n’y a pas de cité.
Platon -428 - 348 Protagoras 320 d 323 a
On voit donc très clairement ici comment sont pensés les métiers et les techniques,
c’est-à-dire l’économique par rapport au politique. Par leurs métiers, les hommes se
différencient et se distinguent les uns des autres. Ils peuvent coopérer par intérêt, mais
peuvent aussi s’opposer et s’affronter par intérêt également. Le domaine des
techniques et de l’économie est nécessaire, mais ne suffit pas à fonder une
communauté humaine. C’est la politique qui fournit le fondement et qui constitue le lien
de la communauté des citoyens. La vertu civile, sous les aspects de la pudeur (respect
des autres et de soi-même) et la justice (qui règle les lois de la cité) est selon
Protagoras, partagée entre tous.
Dans ce texte on entend par science politique la connaissance des règles et des devoirs
de chacun dans la communauté. Mais c’est aussi l’art de se défendre que ce soit contre
les bêtes roces ou des envahisseurs humains. Tant que les hommes n’ont pas établi
de règles de vie commune, tant qu’ils n’ont pas un chef respecté de tous, c’est la loi du
plus fort qui l’emporte, loi injuste puisque ce n’est pas par respect que l’on obéit au plus
fort mais par crainte.
Pour terminer sur le sens de ce mythe, il faut bien voir que les hommes sont par nature
sociables, cela leur a été donné par le sens de la justice pour tous, cela veut dire qu’ils
sont capables de mettre en place et d’accepter des règles collectives pour le bien de
tous, qu’ils sont aussi capables d’éprouver pour autrui des sentiments qui les unissent
les uns aux autres (amitié).
Dernier point : c’est un dieu (Zeus) qui leur donne toutes ces qualités, entendez par
qu’ils ont eu besoin d’une puissance supérieure à eux, surnaturelle pour bénéficier de
qualités supérieures.
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Ce qui nous fait réfléchir dans ce mythe c’est son caractère universel.
De fait, nous avons besoin les uns des autres pour développer nos capacités et les
mettre en œuvre. Or ce besoin ne peut pas trouver son application naturellement. Il faut
construire cette société, élaborer des règles et les suivre.
Distinctions conceptuelles utiles à l’issue de ce cours.
La nature, c’est à la fois le milieu naturel dans lequel les hommes évoluent, milieu qui
n’a pas pu rester tel qu’il était à l’origine mais qu’on appelle naturel dans la mesure où il
n’est pas essentiellement transformé par l’homme.
Un milieu totalement transformé par l’homme sera dit artificiel ;
Nature se dit aussi pour désigner ce qu’est une chose, essentiellement, c’est son
essence, ce qu’elle est si on ne la transforme pas en autre chose.
La nature humaine c’est dans ce sens l’ensemble des caractéristiques propres à
l’homme (vivant doué de raison, être sociable et perfectible).
À partir de ces définitions il faut en tirer des conséquences utiles.
La pudeur, appelée aussi vergogne dans d’autres traductions du mythe.
La pudeur c’est le respect de soi et des autres, cela va de la retenue dans les attitudes
vis à vis du corps (il y a des choses que l’on ne fait pas en public), jusqu’au respect des
autres dans les relations (il y a des personnes qui n’entrent pas dans notre sphère
d’intimité).
La justice ici c’est un sentiment que les hommes doivent tous éprouver dit le mythe,
puisqu’à partir de là ils sauront juger du bien et du mal.
Le profane, c’est celui qui est ignorant d’un art. En matière de médecine nous sommes
profanes, le médecin lui est expert ou connaisseur. Le mot profane distingue aussi ce
qui n’est pas du domaine sacré. C’est ainsi que la profanation d’une tombe ou d’un lieu
de culte indique que son caractère sacré n’a pas été respecté.
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