Psychologie de l’éducation / Doc. 3 BEHAVIORISME ET ENSEIGNEMENT: ▪ De l'américain behavior (comportement), théorie psychologique qui fait du comportement observable l'objet même de la psychologie et de l'environnement l'élément clé de la détermination et de l'explication des conduites humaines. À partir des années 50-60, le mouvement béhavioriste qui dominait la psychologie aux États-Unis depuis le début du siècle, s'essouffle, et on assiste à un « changement de paradigme » : c'est la naissance du mouvement cognitiviste. Ce renouveau de la psychologie est dû à l'apparition des ordinateurs, aux travaux relatifs à l'intelligence artificielle, et à la formalisation des théories du traitement de l'information chez l'homme, qui prennent en compte ce que le schéma S/R n'a jamais pu (vraiment) intégrer : le caractère intentionnel et finalisé des conduites humaines. ▪ Les résultats les plus connus et les plus spectaculaires sont à rechercher du côté de l'enseignement programmé et des machines à enseigner, mais le béhaviorisme et ses concepts clés ont également été utilisés pour construire des modèles d'enseignement. Les apports du béhaviorisme : exemples (voir aussi enseignement programmé et pédagogie de la maîtrise) 1. Problèmes posés par la participation verbale des élèves en classes maternelles 1 Le problème. En Belgique, afin de favoriser l'expression spontanée des enfants, il est conseillé d'organiser, chaque matin, des entretiens familiers. L'institutrice invite les enfants à parler de ce qui leur est arrivé la veille, à décrire leur jouet préféré, à raconter une histoire, etc. Peu importe le sujet de la conversation, l'objectif est de faire parler les enfants et d'améliorer leur langage. Traditionnellement, on observe que certains enfants prennent la parole sans arrêt, tandis que d'autres ne se font jamais entendre. Situation observée. C'est le cas dans la classe de Mme A. qui s'en désole. Elle signale plus particulièrement la passivité de quatre enfants, qu'elle qualifie de timides. Elle envisage pour eux l'intervention du psychologue, car elle soupçonne une cause affective dont elle n'a pas connaissance. Le déroulement de sept entretiens familiers est alors observé. Le chercheur note quel enfant prend la parole et dans quelles conditions. A cet égard, trois cas sont identifiés : 1 / prise de parole spontanée ; 2 / en réponse à une sollicitation impersonnelle, c'est-à-dire adressée à l'ensemble de la classe ; 3 / en réponse à une sollicitation personnalisée. Parallèlement, on observe comment l'institutrice distribue ses sollicitations et comment elle réagit aux prises de paroles de tous les élèves. Les données recueillies au cours de cette phase pré-expérimentale sont éloquentes. Deux enfants se partagent 50 % des prises de parole ; les 21 autres se disputent la moitié restante. Bref, alors que l'institutrice avait repéré quatre enfants taiseux, il faut plutôt souligner le caractère excessivement dominant de deux enfants et l'attitude passive du reste de la classe, au sein de laquelle certains, en effet, ne prennent jamais la parole. Par ailleurs, il apparaît que l'institutrice adresse rarement des sollicitations personnalisées. Afin d'échapper au reproche de directivité, elle préfère formuler des questions impersonnelles. L'observation montre que ce sont toujours les deux mêmes élèves qui y répondent. Quant aux réactions positives de l'institutrice, elles sont massivement ciblées sur les deux mêmes enfants. L'explication des faits observés paraît assez évidente : les deux enfants les plus loquaces sont perpétuellement renforcés pour leur participation verbale alors que les autres ne sont pas incités à prendre la parole et que leurs conduites verbales sont rarement renforcées. Pour tous les enfants, la situation peut s'expliquer en termes de causalité réciproque : il faut prendre la parole pour susciter une réaction positive de l'institutrice, laquelle exerce un effet renforçant sur l'expression verbale de l'enfant. 1 (Crahay, Contrôler et réguler une approche interactive, Éducation et Recherche, 1981, 3, (2), 151-183). Psychologie de l’éducation / Doc. 3 Si la boucle fonctionne de façon satisfaisante pour deux enfants, elle est au point mort pour les quatre autres. Remédiation. Comment amorcer le système de stimulation réciproque entre le comportement de l'enfant et celui de l'institutrice ? Pour chacun des quatre enfants-cibles, l'intervention a été décomposée en deux phases. * Au cours de la première, l'institutrice a eu pour mission de solliciter régulièrement de façon personnalisée la participation verbale de ces enfants et de réagir positivement chaque fois que c'est possible. On suppose que les enfants, amenés à s'exprimer et à goûter aux encouragements de l'institutrice, ne se contenteront pas de répondre aux questions qui leur sont posées, mais s'empresseront de prendre la parole de façon spontanée. C'est ce qui se passe. * Au cours de la seconde phase, l'institutrice cesse de multiplier les sollicitations personnalisées à l'égard des enfants-cibles, mais continue à réagir de façon favorable à leurs prises de parole spontanées, aussi souvent que possible. Le succès de l'intervention est manifeste : tout au long de cette seconde phase, les quatre enfants participent régulièrement à des échanges verbaux avec l'institutrice. 2. Comment promouvoir la coopération entre les élèves ? Assurément, il ne suffit pas de composer de petits groupes d'élèves pour susciter leurs interactions. C'est le constat qu'a fait une institutrice maternelle qui, inspirée par les idées de Freinet, organise dans sa classe des ateliers. A sa demande, une recherche-action est lancée. En un premier temps, une grande série d'activités en petits groupes est observée. Le chercheur note chaque fois que les enfants entrent en interaction à propos des tâches scolaires. Parallèlement, il relève les modalités d'organisation du travail en groupe : type de tâche, nombre d'enfants impliqués (entre 2 et 5), ainsi que toutes les conduites interactives de l'institutrice. L'analyse des données recueillies révèle que la nature de la tâche (lecture, mathématiques, bricolage, etc.) importe peu. Il en va de même du nombre d'enfants concernés par l'activité. En revanche, deux paramètres semblent avoir un effet déterminant: 1 / les enfants sont impliqués dans une tâche commune (un produit collectif est attendu de leur part) ; 2 / l'institutrice est intervenue en s'adressant aux groupes plutôt qu'aux individus en particulier. Informée des conclusions de cette analyse, l'institutrice décide de passer à l'action. Autant que faire se peut, elle assigne une tâche commune à chaque groupe. En outre, elle s'applique à solliciter l'ensemble du groupe chaque fois qu'elle intervient dans l'activité et donc à éviter les apartés avec certains individus. L'effet est net : la coopération s'installe. 3. Les apports du béhaviorisme : bilan S'il semble légitime de reprocher au béhaviorisme d'avoir sous-estimé la puissance des capacités sémiotiques de l'être humain, cela ne justifie pas un rejet intégral de ses apports. Il permet de poser un certain nombre de questions essentielles : - Comment réagir efficacement aux problèmes de discipline que posent certains élèves. - N'est-il pas souhaitable que l'élève et l'étudiant puissent prendre connaissance des objectifs qui sont assignés au cycle d'enseignement dans lequel ils sont insérés ? - Ne faudrait-il pas exiger qu'à tous les niveaux scolaires l'évaluation terminale soit strictement ciblée sur les objectifs poursuivis ? - N'est-il pas bon d'offrir régulièrement aux élèves la possibilité de mesurer l'état de leurs connaissances et de se situer dans la progression des apprentissages à accomplir - N'est-il pas opportun de s'attacher à ce que, à chaque échelon de progression, chacun maîtrise les connaissances prérequises à la construction des connaissances de l'échelon suivant ? - N'est-il pas essentiel d'étudier la liste des apprentissages à réaliser et la façon de structurer leur succession et leurs interrelations avant d'aborder un nouvel enseignement ? - N'est-il pas utile de s'interroger sur le rôle des erreurs dans la construction des savoirs et sur la meilleure façon de les traiter ?... Psychologie de l’éducation / Doc. 3 Principes de base du béhaviorisme et leurs conséquences pour l'enseignant : * Principe n°1 : Il n'y a apprentissage que si la réponse associée au stimulus pertinent est effectivement produite. En conséquence, les concepts d'activité de l'apprenant, de stimulus critère, et de comportement observable, deviennent les concepts fondamentaux d'une théorie explicative de l'enseignement. L’enseignant devra donc faire produire la réponse au stimulus critère, et cette réponse sera observable. Exemples: - le mot « voiture », - le signal « STOP » à un croisement, - l’opération : 2+2= ? provoquent chez vous: - la lecture du mot voiture, - l'arrêt du véhicule si vous êtes sur une route, - la réponse 4. Avant votre apprentissage, ces stimuli ne provoquaient pas ces réponses ; après apprentissage ces stimuli les provoquent. * Principe n° 2 : Pour apprendre, il faut être en mesure de discriminer le stimulus pertinent afin de lui donner la réponse adéquate. Pour enseigner, il est donc nécessaire de faire discriminer le stimulus pertinent parmi les stimuli non pertinents. Le stimulus pertinent pour l'addition est le signe (+) qu'il faut apprendre à discriminer des autres stimuli que sont les signes: (-) moins, (x) multiplié, (:) divisé, (=) égal. * Principe n° 3: « Tout comportement renforcé positivement a tendance à se reproduire », affirme la loi de l'effet. C'est donc en utilisant le renforcement positif que l'on pourra installer le comportement attendu, puisque le renforcement positif est la technique qui présente le moins de danger potentiel pour l'apprenant. L'enseignant devra donc proposer des exercices de difficulté graduée en fonction des capacités de l'apprenant, afin que celui-ci puisse être régulièrement encouragé dans ses efforts par le fait qu'il réussit. * Principe n° 4 : Une réponse intellectuelle ou motrice complexe (conduire un véhicule automobile) ne s'acquiert pas d'emblée, dès la première production; il faut donc la façonner, la modeler (shaping), par approximations successives et entraînement. L'enseignant proposera donc des exercices de difficulté graduée et renforcera positivement toutes les réponses qui s'approcheront de la réponse idéale. * Principe n° 5: Une réponse déjà associée à un stimulus peut se transférer à un autre stimulus par le principe du conditionnement opérant. L'enseignant utilisera donc des stimuli déjà conditionnés pour provoquer un nouveau conditionnement. Supposons que l’enseignant se propose d’enseigner à ses élèves la signification du terme « sit down ». Il fera le signe qu’il utilise d'ordinaire lorsqu'il leur demande de s’asseoir et prononcera le mot anglais, il associera ainsi fréquemment le signe et le mot puis fera disparaître progressivement le signe et le mot seul provoquera ultérieurement la réponse. * Principe n° 6: Un apprentissage trop fermé, sans généralisation, manque d'intérêt. Il faut donc promouvoir le transfert. * Principe n°7: Nombre d'apprentissages sont des apprentissages de chaînes de réponses. Il faut donc pratiquer le chaînage des réponses, c'est-à-dire associer les réponses les unes aux autres si l'on souhaite obtenir des apprentissages complexes.