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scandaleuse. Face à cette situation, les responsables européens se sont lancés dans une austérité qui
approfondit les difficultés et la récession. Le désordre social sans perspective de progrès favorise la montée
des nationalismes et des xénophobies sous la couleur d’une profonde remise en question de la légitimité de
l’UE.
a) L’Europe en état de choc
L’expansion économique s’est arrêtée : la production, en 2012, est encore inférieure à celle de 2008. Les
pays comme la Grèce et le Portugal se trouvent en récessions extrêmement profondes (-6,4% et -3,2% en
2012). La progression dans les pays de l’Est et celle très faible dans le centre de l’Europe n’empêche pas la
zone euro d’être en récession dans son ensemble (-0,6% en 2012). Des prévisions pour 2013-2016 font les
estimations suivantes : -3,5% dans la zone euro, entre -5 et -8% en Italie, au Portugal et en Espagne, et -10% en
Grèce. Ces prévisions, si elles se révélaient justes, plongeraient la zone dans une misère inimaginable et
insupportable avec des conséquences politiques imprévisibles.
Face à l’urgence, l’Union s’est hâtée lentement. La raison se trouve dans les divergences entre les pays qui
s’en sortent le mieux et les autres, entre les pays qui ont une vision solidaire de l’Europe, d’un point de vue
pragmatique, et ceux qui ont une vision rigoureuse de la concurrence comme l’Allemagne, la Finlande et les
Pays-Bas. Les interventions de l’UE pour aider les pays en difficulté, en principe interdites par les traités, ont
été lentes, confuses et sans conception cohérente.
Jacques Delors, dans Le Monde du 7 décembre 2010 déclarait : « Reste que ce n'est pas aux banquiers qui
ont reçu des États, comme prêts ou comme garanties, 4 589 milliards d'euros, de dicter aux gouvernements
leur comportement. Entendre les conseillers des banques nous intimer l'ordre de réduire les déficits publics puis,
lorsque cela est en bonne voie, s'alarmer de la panne de croissance qui pourrait en résulter est une double
peine insupportable ! » Le montant cité par Delors est le seul qui soit globalisant, déjà ancien, que j’aie pu
trouver : ce qui montre bien que si les données sont disponibles, la transparence est plutôt opaque. Le
coup de sang de Delors ne changera rien face aux pressions puissantes des lobbies et aux dirigeants européens
convertis de longue date au néolibéralisme.
Concrètement, la Grèce a reçu 110 Mds au taux de 5,8% en 2010, puis 165 Mds en 2012. Le 27 octobre
2011, les banques privées ont abandonné 50% de la dette qu’elles détenaient sur la Grèce et ont été
recapitalisées à hauteur de 106 Mds. La Grèce a de nouveau obtenu une aide de 130 Mds le 21 février 2012,
dont une partie sera versée en décembre. Enfin, 2,7 Mds d’aide sont en discussion d’ici la fin mars 2013 sous
condition de relèvement de la TVA et de la suppression de 30 000 postes de fonctionnaires (150 000 d’ici
2015 !).
L’Irlande a reçu 85 Mds en 2010 (35 pour ses banques et 50 pour son budget également au taux de
5,8% !), le Portugal 78 Mds en 2011 et l’Espagne 100 Mds pour son système bancaire en juin 2012.
b) Les premières mesures politiques en forme de poupées russes
Le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) a été créé en mai 2010 et doté de 750 Mds. Le 23 mars
2011, le Parlement européen a voté pour la constitution du Mécanisme européen de Stabilité (MES) doté de
700 Mds, dont 80 Mds dès sa création. Le MES a consolidé et remplacé le FESF en juillet 2012. Sa capacité
d’emprunt est limitée à 500 Mds. Le MES peut prêter directement aux États, sous les conditions de la troïka
bien entendu.
En octobre 2011, le Pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui s’applique à l’ensemble de la
Communauté, a défini le « Six Pack » qui encadre les déficits et qui impose de réduire de 1/20 par an les dettes
des États dès qu’elles dépassent 60% de leur PIB et de consolider les équilibres macroéconomiques. Cela se
traduit par une baisse des dépenses publiques, une baisse des normes du travail, le gel des salaires, le recul de
l’âge de la retraite, la baisse des pensions, la mise en œuvre de la flexisécurité et une accélération des
privatisations3*. Toutes ces orientations renforcent le sentiment de rejet vis-à-vis de l’Union et approfondit la
crise de légitimité qu’elle traverse.
Pour que la France, qui n’est pas dans la pire des situations, ramène sa dette à 60% du PIB supposerait
qu’elle ait une croissance de 7% par an pendant 10 ans ! D’où la cocasserie des décisions prises.
Par ailleurs, la BCE, entre décembre 2011 et février 2012, a prêté 1 000 Mds à 800 banques européennes
au taux de 1% (avant 2008, son taux était à 4,5%).