Avec la victoire du non, la Grèce entre dans une
zone grise
La Grèce va-t-elle sortir de l'euro? Va-t-elle être emportée dans une tempête
économique? Avec la victoire du non dimanche au référendum, Athènes fait un saut dans
l'inconnu, dont les répercussions dépendront en grande partie des dirigeants européens
et de la BCE.
Les Grecs ont massivement rejeté les propositions formulées fin juin par les créanciers
du pays (BCE, UE, FMI). Un plébiscite pour le gouvernement emmené par la gauche
radicale Syriza, qui avait appelé les électeurs à voter "non".
"Sur le court terme, ça clarifie les choses, car une victoire du oui aurait entraîné une
période de flottement politique, en déstabilisant le gouvernement. Mais le non,
clairement, va compliquer l'obtention d'un accord", estime Charles-Henri Colombier,
économiste à COE Rexecode.
Les partenaires d'Athènes vont-ils accepter de se rassoir à la table des négociations?
Vont-ils lâcher du lest? Le gouvernement d'Alexis Tsipras s'est dit confiant dimanche soir,
assurant que "les initiatives pour arriver à un accord allaient s'intensifier".
"Je vois mal les créanciers céder du terrain", nuance Xavier Timbeau, de l'Observatoire
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français des conjonctures économiques (OFCE). "Il y a une partie des opinions publiques
européennes, notamment en Allemagne et dans les Pays baltes, qui sont hostiles au
compromis."
Ponts coupés avec l'Europe
Dimanche soir, le gouvernement allemand a douché les espoirs de reprise des
pourparlers. Alexis Tsipras a "coupé les derniers ponts" entre son pays et l'Europe, a
estimé le ministre allemand de l'Economie Sigmar Gabriel, jugeant "difficilement
imaginables" de nouvelles négociations.
Du coup, va-t-on vers une sortie de la Grèce de l'euro? Le ministre des Finances
slovaque Peter Kazimir est le premier membre d'un gouvernement de la monnaie unique
à lâcher la bombe: le Grexit devient un "scénario réaliste".
Athènes, pour renouer les fils, pourrait-il renâcler aux avantages qu'il espérait obtenir?
Le scrutin rend ce scénario peu probable. "Mais il n'est pas impossible malgré tout que
Tsipras cherche un terrain d'entente. Le pays se trouve dans une situation d'urgence",
estime M. Colombier.
La Grèce, depuis mardi, se trouve en effet en défaut de paiement vis-à-vis du FMI. Elle
doit encore honoré plusieurs échéances ce mois-ci, dont 3,5 milliards d'euros à la
Banque centrale européenne (BCE) le 20 juillet.
"Athènes est dans une situation très compliquée. Elle a besoin de financements
extérieurs pour rembourser ses dettes mais aussi pour compléter ses ressources fiscales
afin de payer les fonctionnaires", rappelle Agnès Bénassy-Quéré, de l'École d'économie
de Paris.
L'économie grecque, soumise depuis une semaine à un contrôle des capitaux, est en
léthargie. Seule la BCE assure la survie financière du pays, en maintenant à flot les
banques grecques, via des prêts d'urgence (ELA) dont le montant se trouve gelé.
Les banques grecques fermées depuis lundi, pourront-elles rouvrir mardi comme
initialement prévu?
L'institution de Francfort, au centre de l'attention, doit se réunir lundi. Quelle sera sa
position? Pour Agnès Bénassy-Quéré, le gel des ELA pourrait être maintenu quelques
jours. Mais difficilement au-delà du 20 juillet, date à laquelle les 3,5 milliards d'euros lui
sont dus.
Si les prêts d'urgence étaient suspendus, les réserves d'argent liquide dans les
distributeurs seraient rapidement "épuisées" et le pays serait "dans l'incapacité de
financer des biens d'importation via des décaissements", relève dans une note George
Saravelos, de la Deutsche Bank.
Sortie de l'euro de facto
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Pour faire face aux manque de liquidités et payer ses fonctionnaires, le gouvernement
pourrait introduire une monnaie "parallèle", les "IOU" (I Owe You). Des reconnaissances
de dettes qui, une fois mises en circulation, s'étendraient au secteur privé.
Mais ces titres provisoires risqueraient de vite perdre de leur valeur. Dans ce cas, le
pays connaîtrait alors une inflation galopante. Et la Grèce sortirait de facto de la zone
euro.
L'hypothèse d'un Grexit agité est-elle la plus probable? Pour les analystes de Barclays
et JP Morgan, c'est l'un des scénarios privilégiés. "Ca ne ferait les affaires de personne,
mais cela fait longtemps que les acteurs de ce dossier ont perdu tout rationalité", estime
Xavier Timbeau.
Une sortie de l'euro, toutefois, ne se ferait pas sans difficulté. "Comme il n'y a pas de
mécanisme légal pour la sortie de la monnaie unique, il y a un risque d'énorme
incertitude partout en Europe pour ce qui se passera après", souligne Henrik Enderlein,
de l'Institut Jacques Delors.
La Grèce, dans ce cas, pourrait entrer dans une zone grise, en continuant à utiliser des
euros comme monnaie courante, sans faire formellement partie de la zone euro.
A quel point ce Grexit serait-il "douloureux"? "Tout dépendra de l'aide que l'Europe
apportera pour amortir le choc", notamment pour "soutenir des retraites de base et un
flux d'aide médicale", souligne Henrik Enderlein. Pour qui l'Europe continuera, même
dans ce cas, à soutenir la Grèce.
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