débat a porté avant tout sur la prétendue nécessité de conserver une compagnie aérienne na-
tionale. D’un point de vue économique, c’est une fausse prémisse. En l’occurrence, si l’on
veut faire référence à un ou des biens publics, c’est l’aéroport ou les aéroports qui entrent en
ligne de compte, mais non la compagnie nationale. C’est d’ailleurs exactement l’argument
avancé naguère par Swissair pour justifier son renoncement à des liaisons intercontinentales
au départ de Cointrin. Dans le cas de Kloten, il aurait fallu commencer par se demander si une
compagnie nationale active à l’échelle intercontinentale était vraiment nécessaire à l’existence
d’un aéroport international à Zurich, ce qui n’est guère le cas. Des compagnies étrangères
seraient certainement prêtes à assurer des liaisons intra- ou extra-européennes, comme cela
s’est d’ailleurs vérifié à Cointrin après le retrait partiel de Swissair. Un nombre important de
compagnies étrangères desservant librement Kloten lui assureraient un développement solide
et durable. Bref, dans le débat public, on a voulu justifier le sauvetage de Swissair par des
arguments économiques qui n’ont peu ou rien à voir, hélas, avec ceux utilisés par les écono-
mistes.
Un prix élevé pour une protection illusoire des emplois
En deuxième lieu, le plan d’assainissement s’est trop focalisé sur la préservation des emplois
existants chez Swissair et les entreprises qui en dépendent. Il est en revanche crucial d’assurer
à la nouvelle compagnie aérienne les conditions de départ nécessaires à son succès dans le
long terme, ce qui est aussi le meilleur moyen de préserver l’emploi dans ce secteur en géné-
ral. A ce jour, il n’existe aucune justification économique convaincante au transfert à la nou-
velle compagnie de 26 long-courriers et de 26 court- ou moyen-courriers, cette formule étant
largement un a priori politique. Partir d’un nombre fixe d’avions est assurément faire fausse
route, stratégiquement parlant. Il s’ensuit que les emplois liés à cette formule pourraient bien
n’être sauvés que provisoirement – et cela à des coûts extrêmement élevés qui obéreront
l’activité économique en général et donc les emplois dans d’autres branches. L’argent des
contribuables ne tombe pas simplement du ciel, mais il est prélevé sur des entreprises et des
activités qui doivent pouvoir rester économiquement rentables. Il est illusoire de croire que
l’on peut préserver le tissu économique et donc les futures rentrées fiscales au moyen de sub-
ventions financées par les impôts. Vouloir maintenir 26 long-courriers dans les airs pendant
six mois pour un coût total d’un milliard de francs en chiffres ronds sans savoir si les lignes
en question pourront survivre plus longtemps signifie payer un prix aussi élevé
qu’irresponsable pour une option qui ne se réalisera probablement pas. Il faut donc exiger de
Crossair qu’elle se détermine rapidement quant à son réseau à longue distance, de sorte que
son financement transitoire – qui est à la charge des contribuables – puisse être adapté en con-
séquence.
Un plan d’assainissement à redimensionner
Il faut prendre au sérieux les doutes qu’éveille la formule 26/26, même si la direction de Cros-
sair l’a aussi faite sienne. Un assainissements réussi présuppose en général un nouveau busi-
ness plan et des coupures radicales dans les structures existantes. L’annulation des anciennes
dettes, un réseau quelque peu réduit et des salaires plus bas peuvent certes améliorer la capa-
cité concurrentielle, mais tout cela ne constitue pas un nouveau business plan. Le parcours de
l’industrie horlogère suisse peut ici servir d’exemple aussi bien des coûts économiques entraî-
nés par une adaptation trop tardive que du succès d’un plan d’assainissement certes draconien,
mais débouchant sur de nouvelles structures viables.
D’un point de vue économique, il importe dès lors grandement que ce plan d’assainissement à
court terme soit redimensionné à l’occasion de la session spéciale du Parlement. Même ceux
qui sont partisans d’un tel plan trouvent en général que ses coûts sont trop élevés. Les contri-