Président de la Fédération démocratique des Hongrois d’Ukraine (UMDSZ), l’un des deux partis
politiques représentant la communauté hongroise de Transcarpatie
, le maire de Berehove, M.
István Gajdos, a été élu à la Verkhovna Rada, le Parlement ukrainien, sur la liste du Parti des
régions du président Ianoukovitch. « Le hongrois est désormais la langue officielle du canton et de
la municipalité. Il était essentiel pour nous de pouvoir utiliser notre langue maternelle dans notre
ville. La loi nous autorise à rendre bilingues les panneaux de signalisation et les communiqués
officiels. Je suis conscient que tous les employés de l’administration ne maîtrisent pas le hongrois,
mais la connaissance de la langue va désormais devenir un critère d’embauche. »
Une décision inacceptable pour le parti d’extrême droite ukrainien Svoboda, qui a réalisé un score
historique de 10 % aux législatives du 28 octobre, envoyant pour la première fois trente-huit
députés au Parlement ukrainien. Pour M. Oleh Kutsin, le chef de la section régionale du parti, la
« re-magyarisation » de Berehove illustre les velléités séparatistes des Hongrois de Transcarpatie, et
l’impérialisme de Budapest. « La Hongrie dépense 1 million de dollars par an pour le
développement des Hongrois d’Ukraine, et le consulat distribue des passeports hongrois à tout-va,
quand bien même un citoyen ukrainien ne peut posséder qu’une seule citoyenneté ! Budapest fait
tout pour isoler les districts hongrois du reste de l’Ukraine, afin, à terme, de les rattacher à son
territoire. C’est un problème grave pour la sécurité de notre pays. »
Depuis 2001, une « carte de statut hongrois » permet d’étudier et de travailler plus facilement en
Hongrie, et un accord entre Kiev et Budapest autorise les résidents frontaliers domiciliés à moins de
cinquante kilomètres de la frontière à se rendre en Hongrie sans visa Schengen. Depuis janvier
2011, les deux millions et demi de Magyars qui vivent hors de Hongrie, notamment en Roumanie,
en Slovaquie, en Serbie et en Ukraine, peuvent aussi demander le passeport hongrois, même en
Ukraine, qui interdit théoriquement la double nationalité. « La justice ukrainienne ne sanctionne
pas les citoyens qui possèdent deux passeports, à partir du moment où ce n’est pas rendu public »,
se justifie prudemment M. István Tóth, le consul général à Berehove. Il refuse de donner le nombre
de citoyens ayant demandé la nationalité magyare en Ukraine
, mais reconnaît l’aide financière
massive apportée par Budapest : un argent qui permet de faire vivre l’université, les associations
culturelles et les partis politiques des Hongrois de Transcarpatie.
« Il est tout à fait normal que le gouvernement hongrois se préoccupe des Hongrois de l’étranger,
mais ce n’est pas assez, constate, résigné, M. Miklós Kovács, le président du Parti hongrois en
Ukraine (KMKSZ), affilié au Fidesz du ministre-président Viktor Orbán. Nous sommes chaque
année moins nombreux, et il est de plus en plus difficile de mobiliser les Hongrois pour la défense
de leurs intérêts. Nous sommes en mesure de maintenir une certaine activité culturelle, mais ça
relève plus du folklore. Dans quelques années, nous allons disparaître, pas nécessairement en tant
que communauté, mais en tant qu’objet politique. Et la question hongroise sera définitivement
réglée en Ukraine. »
Viktor Orbán inquiète ses voisins
Pour beaucoup, M. Orbán, faute de pouvoir lutter contre la crise économique dans son pays, attise le
nationalisme hongrois à l’étranger. Revenu au pouvoir à la faveur d’une victoire écrasante sur le
Parti socialiste aux législatives de 2010, il multiplie depuis des années les déclarations fracassantes
à l’intention des nostalgiques de la « Grande Hongrie » : des sorties qui inquiètent les pays riverains
où vivent des communautés magyares. La « loi fondamentale sur la Hongrie », la nouvelle
Constitution votée le 25 avril 2011, rappelle les racines chrétiennes et l’histoire « millénaire » du
pays, tout en affirmant que « la Hongrie porte la responsabilité de la situation des Hongrois vivant
hors des frontières du pays ». Un discours qui mobilise, dans un pays durement frappé par la crise
économique et toujours traumatisé par le traité de Trianon, qui, en 1920, amputa les deux tiers du