LE CHANGEMENT SOCIAL.
(niveau terminale)
Antoine est un personnage récurrent, largement inspiré d’Antoine Doinel, que j’utilise pour les textes
de sensibilisation de façon à partir du « concret » et du discours pour aller vers la théorisation. Les
textes suivants abordent les problèmes de la croissance, du changement social, du chômage et des
grèves.
(déjà publié dans IDEES n°142 – Décembre 2005)
Antoine était d’un caractère nostalgique, aussi pensait il souvent à sa vie passée et il
était à chaque fois étonné de l’importance des changements qu’il avait connus et de la vitesse
à laquelle ces changements avaient eu lieu.
Tout avait semblé basculer quand il avait 17 ou 18 ans, autour de 1965. Bien sûr,
l’adolescence est, pour toutes les générations, un moment crucial (« effet d’âge » diront les
sociologues ; cependant les ethnologues et les historiens diraient que l’adolescence n’a pas
existé partout ni en tout temps) ; cependant, il est manifeste que le milieu des années 60 a
constitué une période historique comme on n’en a peut être jamais connue : les adolescents
commençaient à prendre une certaine autonomie à l’égard de la génération précédente (les
« croulants ») ce qui se traduisait par de longues et virulentes discussions sur la sexualité
avant le mariage, la pilule, le travail et la conception du bonheur,… De manière plus indirecte,
cela passait par les conflits sur la musique écoutée. La musique, c’est ce qui concernait le plus
sa génération : grâce au Teppaz et au poste transistor, elle devenait un objet de consommation
quasi-privé et si les parents acceptaient en général Françoise Hardy et les sages Beatles, ils
comprenaient moins l’attrait des jeunes pour d’autres groupes musicaux.
L’autre trait frappant de la jeunesse de son époque c’est son caractère de masse. Ce
sont d’abord les « classes pleines » du Baby-Boom mais c’est aussi le début des « Grands
rassemblements » : 500 000 jeunes, place de la Nation en 1963, pour écouter, à l’initiative
d’une radio nouvellement créée (Europe 1), les vedettes de la chanson de l’époque. C’est
aussi les scènes d’hystérie sans précédent à chaque concert des Beatles. C’est bien sûr Mai 68,
Woodstock, les hippies et le mythe du « retour à la terre », le conflit du Larzac,…Tout cela lui
revenait en mémoire de manière évidente tellement ces évènements étaient frappants.
L’autre trait essentiel de cette période était le changement, assez brusque finalement,
du statut de la femme. Au début des années 60, les femmes qui travaillaient étaient loin d’être
majoritaires. Puis un mouvement d’émancipation multiforme se développa : les femmes sont
plus nombreuses à travailler, suivent des études plus longues.
Antoine se rappelait également de la mode des minijupes, phénomène faussement
anecdotique car cette mode traduisait à la fois le changement de statut des femmes – surtout
celui des jeunes filles vis-à-vis de leur mère – mais aussi un rapport nouveau au corps et à la
sexualité.
La sexualité fut toujours la grande occupation des adolescents, mais peut être plus
encore pour ceux de cette génération que les précédentes. Les évènements qui parsemèrent les
années 60-70 – autorisation de la pilule contraceptive (1967), dépénalisation de l’IVG (1975),
succès de l’érotisme (et des films pornographiques), tout cela traduisait le développement
d’une autre relation au corps, à la sexualité et à l’idée qu’on se faisait du bonheur ; mais cela
cachait aussi une révolution essentielle qui fut celle de la déconnexion entre la sexualité, la
reproduction et le mariage : alors que pour les générations précédentes il n’y avait
pratiquement qu’un seul cheminement possible « mariage, sexualité puis naissance des
enfants », on va voir se développer d’autres cheminements possibles – sexualité reconnue en
dehors du mariage (cohabitation), naissances hors-mariage, ou à l’inverse, arrivée du premier
enfant des années après le mariage,... Il est vrai qu’aujourd’hui, on semble atteindre une étape