RECOURS INDEMNISATION

publicité
1
ELEMENTS DU RECOURS EN INCONSTITUTIONNALITE ET EXCES DE
POUVOIR ACTUELLEMENT PENDANT DEVANT LE CONSEIL D’ETAT
Déposé en mai 2011
PREMIERE OBSERVATION. LA DECISION ATTAQUEE.
Le présent recours attaque en inconstitutionnalité et pour excès de
pouvoir le décret n° 2011- 361 du 1er avril 2011qui donne à son article 6
les éléments du calcul de l’offre d’indemnisation prévue au profit des
avoués, dont la profession est supprimée par la loi n° 2011-94 du 25
janvier 2011.
On dit bien, la profession, pas l’activité.
Sagement, l’article 6 précise bien qu’il traite de l’indemnisation de la
perte du droit de présentation.
Et, c’est le requérant qui ajoute, de rien d’autre.
Du moins s’il s’agit de respecter la décision n° 2010-624 DC du 20
janvier 2011 du Conseil constitutionnel, laquelle a supprimé du
périmètre des conséquences indemnisables aux avoués : « le préjudice
de carrière, le préjudice économique, et les préjudices accessoires toutes
causes confondues », ne laissant subsister à l’art. 13 de la loi que le seul
droit de présentation.
DEUXIEME OBSERVATION. LE DROIT D’ACTION.
1. LA QUALITE A AGIR.
Le requérant est avocat au barreau de (..) depuis le (…). Il
attaquer le décret du 22 avril 2011.
a qualité à
2. L’ INTERET A AGIR.
Le requérant est actuellement en activité professionnelle d’avocat, (…)
et sera ainsi en concurrence qu’il espère non équitable à leur profit avec
d’anciens avoués devenus avocats au 1er janvier 2012, lorsque la loi du
25 janvier 2011 sera totalement entrée en application, alors que dans le
même temps, comme citoyen payant l’impôt, ce dernier indemnisera les
avoués.
2
Et que comme avocat, par exemple, il devra faire subir, à compter du
1er janvier 2012, à ses clients appelants de décisions de justice, la taxe
parafiscale prévue pour indemniser les avoués sortants, soit 150 € par
client appelant, le tout en application de l’article 1635 bis-P du Code
général des impôts.
La décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 2011, dont il sera
fait état ci-après à propos de la loi du 25 janvier 2011 mentionne
clairement en point 24 le souci que n’avait pas cette loi avant sa censure
de l’exigence du bon emploi des finances publiques par la création
d’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.
Vu l’article 26 de cette loi,
le requérant pourra être placé en
concurrence avec d’anciens avoués d’appel, devenus avocats comme lui,
postulant devant le Tribunal de grande instance de MARSEILLE, eux
indemnisés parce qu’ils auront dû changer d’exercice professionnel, lui
non, parce qu’à la différence de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971
qui avait supprimé les avoués de première instance, pouvant être
devenus avocats au barreau, il n’a pas le droit à un mécanisme
d’indemnisation de ce changement de situation.
En effet, en supprimant les avoués de première instance à l’époque, on
avait prévu aux articles 38 et 39 de ce texte, un mécanisme
d’indemnisation au profit des avocats âgés de plus de quarante ans et
justifiant d’au moins dix ans d’exercice professionnel effectif, qui
auraient été contraint à mettre fin à leur activité du fait de la
modification légale de leur exercice professionnel.
Bref, le requérant a intérêt à agir.
TROISIEME OBSERVATION. LES BENEFICIAIRES DE L’INDEMNISATION
EN CAUSE.
Il est sans doute malheureusement regrettable de ne pouvoir retenir la
pertinente définition d’un avoué d’appel, telle qu’elle était donnée
voici plusieurs décades par l’avocat Paul LOMBARD, dans un de ses
livres, savoir simplement : « un monsieur qui photocopie les conclusions
rédigées par l’avocat, les signe et les tamponne ».
Les travaux préparatoires de la loi de fusion du 25 janvier 2011 ont
confirmé, ce que chacun savait déjà, et que rappelait sobrement, mais
parfaitement la décision 213 du rapport de la Commission pour la
libération de la croissance française, présidée par Monsieur Jacques
ATTALI (300 décisions pour changer la France).
On cite : « Dans l’immense majorité des cas, les avoués ne rédigent plus
les conclusions devant les cours d’appel ».
La Commission ATTALI de dire aussi et auparavant : « Le monopole des
avoués avait été supprimé en 1971
pour
les
actes
de
leur
représentation devant les tribunaux de grande instance. Les avoués
avaient été alors indemnisés de la perte de leur monopole, au terme
3
d’un débat législatif qui avait remis en question l’existence d’un droit
de propriété, dans la mesure où la réforme ne s’accompagnait pas de la
perte d’un bien. »
Aujourd’hui, c’est seulement la profession d’avoué d’appel qui disparait,
pas la fonction de l’avoué en cause d’appel, qui sera désormais assurée
par les avocats, comme le rappelle le Conseil constitutionnel dans son
arrêt précité du 20 janvier 2011, rendu à propos du périmètre de
l’indemnisation des avoués, quant à leur activité, comme suit.
Point n° 22 : « sauf renonciation, les anciens avoués sont inscrits à
compter du 1er janvier 2012 au barreau établi près le tribunal de
grande instance dans le ressort duquel est établi leur office. Ils peuvent
continuer à exercer des missions de représentation devant la cour
d’appel. Il leur est d’ailleurs reconnu une spécialisation en procédure
d’appel. Dès lors, la loi ne supprime pas l’activité correspond à la
profession d’avoué. » Et point 23 : « en outre, les anciens avoués
peuvent d’exercer l’ensemble des attributions réservées aux avocats et
bénéficier à ce titre du monopole de la représentation devant le
tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils ont établi leur
résidence professionnelle ».
QUATRIEME OBSERVATION. L’OBJET DE L’INDEMNISATION.
Dans sa décision précitée (point 18), le Conseil constitutionnel dit que la
loi nouvelle supprime le monopole de présentation des avoués devant
les cours d'appel.
§ 1ERE. CE QUE N’EST PAS LE DROIT DE PRESENTATION.
Contrairement à ce que certains pourraient penser sommairement, le
droit de présentation des avoués n’est pas celui des dossiers ou des
clients devant la Cour d’appel.
Autrement dit, un monopole de
représentation des parties.
On doit sans doute parler là de monopole de fait. Si c’est lui, ce
monopole n'était pas absolu, puisqu'en droit, il y avait l'article 94 de la
loi du 22 ventôse an VIII. Celui-ci ne sera abrogé par l’article 33 de la loi
du 25 janvier 2011 qu’à compter du 1 er janvier 2012. Ce texte dit en fin
de phrase, après avoir donné aux avoués le droit exclusif de prendre des
conclusions par écrit : Néanmoins, les parties pourront toujours se
défendre elles-mêmes, verbalement et par écrit, ou faire proposer leur
défense par qui elles jugeront à propos.
On rapporte que cette disposition révolutionnaire était la conséquence
du procès de 1782 en séparation de corps de MIRABEAU avec son
épouse, fille du marquis de MARIGNANE. Celle-ci avait eu l’astuce de
consulter tous les avocats devant le Parlement de Provence, et compte
tenu des usages professionnels, ayant connu de l’affaire, aucun n’avait
ensuite accepté de plaider pour lui. Il avait donc bien fallu accepter
qu’il plaidât lui-même sa cause, à AIX-en-PROVENCE, ce qu’il fit, sans
succès, contre PORTALIS, avocat de l’épouse, et futur rédacteur du
Code civil.
4
§ 2. CE QU’EST LE DROIT DE PRESENTATION.
Le Conseil constitutionnel dit aussi (point 22) qu'on ne supprime pas
l'activité correspondant à la profession des avoués et que ceux-ci
pourront continuer à exercer des missions de représentation devant la
cour d'appel.
Et encore (point 23) que les anciens avoués devenus avocats auront
comme ceux-ci le monopole de la représentation devant les tribunaux de
grande instance qu'ils n'avaient pas jusqu'ici. Il pourrait ajouter que la
petite fenêtre de liberté d'accès à la justice par postulation prévue à la
loi de l'an VIII disparu avec l'article 33 de la loi du 25 janvier 2011 (voir
ci-dessus).
Par cette loi, parce qu'ils deviennent avocats, les avoués d'appel
obtiennent la fonction qu'ils n'avaient pas jusqu'alors, de postulation des
avoués de première instance supprimés en 1972. Ce qui se fait en
échange de celle qu'ils avaient en appel jusque-là, laquelle est désormais
remise aux avocats de première instance. Les avoués d'appel prennent
ainsi la fonction anciennement dévolue aux avoués de première
instance. Alors que celle-ci a été remise en 1972 aux avocats.
On comprend parfaitement alors le raisonnement du Conseil
constitutionnel,
lorsqu'il refuse d'indemniser le moindre préjudice
économique, qui n'est qu'éventuel (point 24). La loi ne supprime rien. Et
si on veut qu’elle supprime quelque chose, on peut dire pour en
supprimer l'effet, elle croise les monopoles.
A. ESSAI D’ANALYSE HISTORIQUE OU TEXTUELLE.
On a beau chercher, il
droit de présentation.
n’existe nulle part aucune définition légale du
On le sait créé, mais sans définition, dans la loi de finances pour 1816,
du 28 avril 1816.
LOUIS XVIII, qui vient alors, péniblement, de retrouver le trône des
Bourbons, fait voter cette loi, qui crée à son titre X la CAISSE DES
DEPOTS ET CONSIGNATIONS.
Du coup, l’histoire dit pour redresser ses finances, il a l’idée de se
constituer de la trésorerie, dont la France de NAPOLEON 1 er vaincue a
besoin. Comme la loi ne peut recréer la vénalité des offices, on y prévoit
un titre IX appelée (c’est très révélateur) « des cautionnements », soient
les articles 80 à 97.
Et à son article 91.
« Les avocats à la Cour de cassation, les notaires, avoués, greffiers,
huissiers, agents de change, courtiers, commissaires-priseurs pourront
présenter à l’agrément de sa Majesté des successeurs, pourvu qu’ils
réunissent les qualités prévues par la loi ».
Le texte ne dit presque rien de plus, sauf, justement, art. 92, que pour
avoir le droit de présentation, il faut verser un cautionnement au
monarque (lire à la CAISSE).
5
Sur la question du cautionnement comme seule raison du droit de
présentation, on lira ce que rapporte le conseiller LABORIE dans un arrêt
de la Cour de cassation du 23 mai 1854 p. 172 du Dalloz 1854 1ère
partie.
On y cite l’adresse que faisait à l’époque Monsieur PASQUIER, le 11
février 1817, le garde des sceaux de Louis XVIII, aux procureurs du roi :
« Il vous appartient de prévenir les abus qui pourraient résulter d’une
fausse interprétation de la loi du 28 avril 1816. Vous êtes sans doute
convaincu qu’elle n’a pas fait revivre la vénalité des offices, qui n’est
pas en harmonie avec nos institutions ; vous ne devez donc voir dans
les dispositions de l’art. 91 qu’une condescendance, qu’une probabilité
de préférence accordée aux officiers ministériels, comme un
dédommagement pour les suppléments de cautionnement exigés d’eux,
dédommagement qui, étant susceptible d’une évaluation, doit être
circonscrit, pour l’avantage qu’ils peuvent en tirer, dans des limites
qu’il ne leur est pas permis de dépasser ».
Pourquoi cette obligation a-t-elle été limitée à l’époque à ces gens de
robe-là, et pas aux avocats. La réponse est toute simple. Seuls les
avoués, commisseurs-priseurs, huissiers de justice et
notaires
maniaient de l’argent pour leurs clients. Pas les avocats, sans doute
parce que le maniement de fonds n’était pas leur tradition, et à qui la
chose est d’ailleurs restée officielle interdite jusqu’à la loi n° 71-1130 du
31 décembre 1971, qui a reconnu leurs caisses professionnelles,
appelées CARPA.
Plus rien ensuite jusqu’à une loi n°66-879 du 29 novembre 1966, a
actualisé la question du droit de présentation, mais simplement en
indiquant que les avoués peuvent être des personnes physiques ou des
sociétés civiles. Au passage, on parait avoir toiletté le texte, en
remplaçant le monarque par le président de la République. Et l’article 92
sur le cautionnement a disparu.
Les juristes français sont très astucieux. Certains d’entre eux ont réussi
en effet à monter l’échafaudage de la valeur des offices à monopole, tels
que notaires, huissiers, avoués, sur trois seuls mots d’une loi de finances
pour 1816. Il est bien écrit ici « valeur des offices », pas « vénalité des
charges ».
Car la vénalité des charges n’existe plus depuis la nuit du 4 aout 1789,
et la suppression des privilèges, plus encore le décret du 11 aout 1789
de l’Assemblée nationale. En ce temps-là, le pouvoir législatif procédait
par décrets. A côté de la destruction à l’article 1er du régime féodal, de
l’enfermement des pigeons voyageurs, la vénalité des charges est
supprimée à l’article 7.
On sait, par l’art. 1840 B du code général des impôts, qu’en cas de
cession entre officiers ministériels, il faut sanctionner le prix supérieur
à celui exprimé dans l’acte de cession, avec destitution à la clé. On n’est
guère plus avancés par la réponse écrit du garde des sceaux le 16 janvier
1989 –document introuvable- (Journal officiel, Assemblée nationale, p.
6
1949) : « Si traditionnellement, le gouvernement entendait contrôler le
prix de cession d’un office afin qu’il soit en rapport avec les produits
de celui-ci, une circulaire du 21 mai 1976
a rappelé qu’il n’existe
aucune règle précise permettant d’en calculer de façon scientifique la
valeur et que les parties peuvent déterminer librement le montant de la
finance de l’office, en se référant uniquement aux conditions
économiques ».
La dualité est en tout cas trouvée historiquement on ne sait où, entre la
charge, qu’on appelle quelquefois aussi le titre et la finance. La charge
est ainsi personnelle, c’est le droit de présenter le successeur de son
choix. Si on est marié sous un régime de communauté, cette charge est
un propre et ne tombe donc pas en communauté. La finance, par contre,
c’est la valeur (économique) des clients de l’étude, l’achalandage, si on
peut employer le terme, les installations, bref
tout ce qui est
immobilisable au bilan. On rappelle au passage que la clientèle civile est
désormais reconnue par la Cour de cassation. Et dans la référence
précitée, elle est en communauté.
Il parait incroyable qu’à l’exception de l’article 91 de la loi de 1816,
toute la matière soit traitée par circulaires. Et encore par circulaires
dont aucune n’a jamais été publiée au Journal officiel.
Il faut aller chercher dans ce qu’on appelle le « Code notarial », qui n’a
rien d’un code officiel, publié pour la toute première fois à la fin de
l’année 2010, par les Editions techniques, sous l’égide du Conseil
national du notariat (version 2011) pour y découvrir à la fois la circulaire
précitée du 21 mai 1976 et une circulaire n° 1903 du 26 juin 2006 du
garde des sceaux pour la constitution des dossiers des cessions d’offices
publics et/ ou ministériels, donc applicables aussi aux avoués d’appel,
qui explique surtout comment vérifier le calcul de la valeur économique
de la profession allant avec le droit de présentation. Le Code notarial
ainsi inventé donne également le texte d’autres circulaires toutes aussi
confidentielles, voire de lettres diverses et variées, le tout n’ayant
aucune valeur légale.
Et encore : le Code notarial reproduit une partie seulement de la
circulaire du 21 mai 1976, son titre II. Le titre I reste inconnu.
La circulaire du 26 juin 2006 a au moins le mérite de mentionner tous
les textes de référence. Pour les avoués ce sont seulement l’ordonnance
n°45-2591 du 2 novembre 1945, et le décret n° 45-0118 du 19 décembre
1945. Il n’y a rien là-dedans pour traiter du droit de présentation.
B. ESSAI D’ANALYSE A L’AIDE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL.
Avant de revenir à la circulaire précitée à contempler sous le regard du
Conseil constitutionnel, on doit rappeler le préambule de la constitution
de 1946, 9ème point : « Tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a
ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un
monopole de fait doit revenir la propriété de la collectivité. » Le droit de
présentation des affaires en appels civils et commerciaux en matière
judiciaire est bien celui-ci
7
Dans la circulaire précitée de 2006,
à la valeur légale créatrice
discutable de droits, on considère que le droit de présentation comporte
au profit du cédant une contrepartie financière ou économique. Le texte
emploie les deux termes à l’identique (p. 366 du Code notarial, version
2011). Il ajoute que cette contrepartie est chez les notaires ce qu’on a
coutume d’appeler la finance de l’office. Mais que cette finance ne
représente pas la valeur du droit de présentation, qui est incessible par
définition, puisqu’il est un des attributs de la fonction d’officier public
et/ou ministériel, mais celle de l’engagement pris par le cédant d’user de
son droit de présentation en faveur du cessionnaire.
Pour comprendre finalement, il faut donc sans doute essayer de
raisonner « à l’envers ».
Dans sa décision précitée, si le Conseil constitutionnel ne dit pas ce
qu’est le droit de présentation, il dit par contre ce qu’il n’est pas, en
rejetant clairement trois éléments d’appréciation qui sont le préjudice
économique, le préjudice de carrière, les préjudices accessoires, pour
écrire comme on le fait dans les décisions de justice à caractère
indemnitaire « toutes causes confondues » (sic).
Le droit de présentation perdu ne peut donc être la perte de la clientèle
et de sa valeur, qui ont un caractère économique évident.
Alors on pourrait considérer que la valeur du droit de présentation, c’est
tout au plus celle du cautionnement versé au roi en vertu de l’article 92
de la loi du 28 avril 1816, du moins pour les successeurs des offices
existant à l’époque et les successeurs. Pas pour ceux qui ont été créés
par la suite (avoués rapatriés d’Algérie, départements français où la
vénalité des études d’avoués n’existait pas, on devenait avoué ensuite
d’un concours ; création ultérieure de la cour d’appel de Versailles entre
autres choses).
Pour les créations d’études d’avoués au bénéfice des rapatriés d’Algérie,
voir les décrets n° 62-1227 du 19 octobre 1962, 63-370 du 10 avril
1963, et l’arrêté du 4 juillet 1963. Pour celles de la Cour d’appel de
Versailles, décret n° 77-139 du 11 février 1977. Le point commun est
que la loi du 28 avril 1816 n’y est jamais citée dans les visas préalables
de ces textes.
Toutefois, apparemment et pour tous, le cautionnement de 1816 a
aujourd’hui disparu.
Bref, le critère économique, c’est-à-dire le montant des chiffres d’affaires
et celui des bénéfices doivent rester hors sujet.
Ce sont bien là les éléments dits de la finance, autrement dit de la valeur
patrimoniale de l’activité de l’avoué sortant suivant les éléments cités
par la réponse ministérielle.
Dans une vieille étude au Formulaire analytique de procédure du
Jurisclasseur des Editions techniques, « Offices, 9,1982, (productions n°
19 et 20), Monsieur Michel BUCH, docteur en droit, disait ceci :
8
N° 110. Le droit de présentation, droit moral et personnel, ne peut être
exercé au profit de personnes physiques ou sociétés civiles
professionnels que par l’officier public ou ministériel lui-même ou ses
héritiers. Il est refusé à ses créanciers (Cass.civ. 23 mai 1854, D.P.
1854, I, TG.I. Lyon, 17.5.1972, Rev. Huissiers, 1972, n° 1 et 1973 n°13
–décisions introuvable par le requérant -) ainsi qu’aux tiers qui l’auraient
acquis du titulaire (Riom, 10.2.1945, D.P. 1945,2, 190 –décision
introuvable par le requérant –erreur de référence ?-). L’auteur précité
disait que la circulaire de 1976 précitée prévoit que l’administration des
domaines agissant comme curateur d’une succession vacante n’a pas ce
droit de présentation. Impossible de vérifier l’information : le texte
complet de la circulaire de 1976 est introuvable.
L’arrêt de cassation de 1854
est parfaitement remarquable, car il
comporte une étude détaillée,
sur plusieurs pages,
du droit de
présentation. La Cour de cassation écrit que l’art. 91 de
la loi du 28
avril 1816 modifie, mais sans l’abroger, le principe constitutionnel de la
loi abolitive de la vénalité des charges. Qu’elle doit, par conséquent, se
restreindre dans ses termes rigoureux, et ne saurait s’étendre dans un
esprit de retour à un ordre de choses incompatible avec le nouveau droit
public. Qu’elle implique sans doute une idée de propriété, mais de
propriété d’une nature exceptionnelle, soumise à des règles qui en
circonscrivent et limitent l’exercice.
On a demandé plus tard que la chancellerie suggère que les parties
déterminent librement le montant de la finance (pas la charge ou le
titre) avec pour seule référence les usages de la profession et les
considérations économiques. On y cite la circulaire du 21 mai 1976
imprimée seulement dans le Code notarial précité (p. 397) qui proposait
parait-il toujours pour la finance, plusieurs systèmes permettant le
calcul sur le fondement du nombre des actes effectués par l’ancien
titulaire de l’office, soit en affectant les produits nets de l’office
coefficient multiplicateur.
Bref, lorsqu’on compare les éléments de raisonnement, on en revient à la
synthèse du Conseil constitutionnel d’exclusion du préjudice
économique et financier. Et si ce préjudice n’existe pas, c’est que le
droit de présentation n’est qu’un droit moral et personnel.
CINQUIEME
ATTAQUE.
OBSERVATION. L’INCONSTITUTIONNALITE DU DECRET
Suivant ce qui a été décidé par le Conseil constitutionnel, on ne
s’intéresse ici qu’aux modalités pratiques de l’indemnisation du droit de
présentation.
L’article 13 de la loi du 25 janvier 2011 est rédigé en termes larges. Il
dit que les avoués auront droit à une indemnité au titre du préjudice
correspondant à la perte du droit de présentation. Aucun mécanisme
pratique ne suit.
9
Par ailleurs, le texte ne renvoie pas la matière à la compétence
réglementaire de l’article 37 de la constitution de 1958. Il ne le pourrait
d’ailleurs pas. On dit simplement que c’est le juge de l’expropriation de
PARIS qui tranchera, suivant les articles L.13-1 à L.13-25 du Code de
l’expropriation. Aucun de ces textes du Code de l’expropriation ne
définit le droit de présentation, ni le mécanisme financier éventuel de
son indemnisation. Il ne s’agit que d’édicter des règles de pure
procédure formelle.
§ 1ER. LA COMPETENCE LEGALE EXCLUSIVE SUIVANT L’ART. 34 DE LA
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958.
L’article 34 de la constitution est on ne peut plus clair. La loi détermine
les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et
des obligations civiles et commerciales. Le droit de présentation est un
de ces biens dont la propriété est possible, suivant l’article 544 du Code
civil
L’article 34 traite aussi les lois de finances, pour fixer ressources et
charges de l’Etat. On sait ici que c’est l’Etat qui financera
l’indemnisation de la perte du droit de présentation.
Toutes les autres matières sont du domaine réglementaire de l’article 37
lequel s’exprime par les décrets et non par la loi.
§ 2. LES PRECEDENTS HISTORIQUES DE L’INDEMNISATION DU DROIT
DE PRESENTATION D’AUTRES PROFESSIONS.
Sous la Cinquième République, la loi précitée relative au sort des avoués
d’appel n’est pas la première à avoir traité de la suppression d’autres
professions qui relevaient, elles aussi, du droit de présentation de
l’article 91 de la loi du 28 avril 1816. Il existe en effet trois autres textes
de droit positif qui ont traité la même matière.
Le premier de ces trois textes est la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971
portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Cette
loi supprime à l’époque les avoués de première instance, fondus dans
une nouvelle profession d’avocat. Elle prévoit à son article 2 alinéa 2,
l’indemnisation des avoués de première instance au titre de la perte du
droit qui leur est reconnu par l’article 91
de la loi du 2 avril 1816
(le législateur s’est alors trompé, la loi est du 28 avril et pas du 2 avril).
A son article 29, on explique que l’indemnité est égale à la moyenne des
produits demi-nets de l’office des cinq dernières années précédant le 1er
janvier 1972, (…) multipliée par un coefficient compris entre 4 et 5,5.
Le produit demi-net est obtenu en déduisant des produits bruts de
l’office, diverses charges, inutiles à détailler ici, mais qui sont listées
très soigneusement.
Le deuxième texte d’abrogation est la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000
portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques. On y supprime une grande partie des commissaires-priseurs,
et on prévoit,
comme ci-dessus,
un mécanisme d’indemnisation
soigneusement expliqué aux article 38 à 40 : calcul en prenant pour base
la somme de la recette moyenne au cours des cinq dernières années,
10
application d’un coefficient de 0,5, ajout de la valeur nette des
immobilisations corporelles, multiplication du chiffre d’affaires moyens,
etc. . Plus et moins complémentaires, inutiles à détailler ici, mais qui
sont listés très soigneusement.
Cette loi parait avoir confondu l’indemnisation de la dépréciation de la
valeur pécuniaire du droit de présentation, et le préjudice économique.
Elle ne parait pas avoir été soumise à la censure du Conseil
constitutionnel.
Du coup, en raison de cette confusion qu’on ne trouve pas dans la
décision de 2011 du Conseil constitutionnel, l’arrêt du Conseil d’Etat
du 23 mars 2005 MACHOIR et BAILLY n° 263.944 qui évoque la notion
de droit de présentation n’est pas d’une grande utilité ici.
Le troisième et dernier texte d’abrogation, antérieur à la loi du 25
janvier 2011, est celle n° 2001-43 du 16 janvier 2001, portant diverses
dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le domaine des
transports, dont le titre 1er traite des courtiers interprètes et
conducteurs de navires. La chose est moins connue, mais eux aussi
bénéficiaient du droit de présentation de la loi du 28 avril 1816. On les
supprime par cette loi et on les indemnise suivant son article 4, qui fixe
les modalités pratiques. On doit prendre pour base la somme de la
recette moyenne au cours des exercices 1992 à 1996 et de trois fois le
solde moyen d’exploitation de l’office au cours des mêmes exercices, on
affecte un coefficient. Plus et moins complémentaires inutiles à détailler
ici, mais qui sont listés très soigneusement.
On vient de voir le souci extrême du législateur de respecter l’article 34
de la constitution et l’indiquer dans la loi et exclusivement dans la loi
comment calculer l’indemnisation d’un droit de propriété.
§ 3. LE CONTENU DE L’ARTICLE 6 DU DECRET.
Or, l’article 6 du décret, qui n’est donc pas la loi, est rédigé en termes de
même nature que les dispositions légales précitées. On explique que
l’offre correspondant à l’indemnisation de la perte du droit de
présentation est calculée en prenant pour base moyenne entre, d’une
part, la recette nette moyenne des cinq derniers exercices comptables
dont les résultats sont connus de l’administration fiscale, et d’autre
part, trois fois le solde moyen d’exploitation des mêmes exercices. On
ajoute
comment calculer la recette nette, déterminer le solde
d’exploitation, etc.
Toutes choses du domaine de la loi. Et du droit de propriété.
Le décret précité est donc contraire à la constitution en ce qu’il a traité
d’une matière qui n’est pas de sa compétence.
11
SIXIEME
ET DERNIERE
D’INDEMNISATION.
OBSERVATION.
L’ABUS
MANIFESTE
Il s’est déjà posé des questions d’indemnisation de disparition de
professions de même nature que les avoués.
Mais ceci n'a plus rien à voir dès lors avec des situations éventuellement
comparables en matière de professions également soumises au droit de
présentation de l'article 91 de la loi du 28 avril 1816.
Ainsi, lorsqu'ont disparu les courtiers interprètes et conducteurs de
navires, le Conseil constitutionnel a bien noté, dans sa décision n°
2000-440 DC du 10 janvier 2001 (points 1 et 7) que la suppression de
leur monopole était irréversible, et qu'ils n'avaient pas d'autre
remplacement (économique) dans le même secteur d'activité, puisque
celle-ci passait à d'autres qu'eux-mêmes désignés par les armateurs.
Auparavant, pour le statut des commissaires-priseurs, la loi du 10 juillet
2000 n’évoquait à son article 38 que « l'indemnisation du préjudice subi
du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de
présentation résultant de la suppression du monopole dans le domaine
des ventes volontaires ».
En synthèse, lorsqu'on les supprime, les courtiers perdent tout.
Lorsqu'on les oblige à choisir, les commissaires-priseurs des ventes
volontaires perdent la matière des ventes judiciaires.
Mais lorsque, sous réserve de la fin de l'article 94 de la loi de ventôse an
VIII les avoués n'ont plus seuls le monopole de la postulation en cause
d'appel en échange de celle nouvelle qu'on leur accorde devant les
tribunaux de première instance, ils ne perdent rien en terme
économique.
Le Conseil constitutionnel n’a laissé subsister qu’un seul préjudice, la
perte du droit de présentation.
L’excès de pouvoir dans la décision attaquée est aussi l’objet du présent
recours, les seuls critères que fixe l’article 6 du décret attaqué, sont
purement financiers, donc économiques. Ainsi :
« Le montant de l’offre (à faire par l’Etat) à l’avoué, qui sera ensuite
arrêté sous le contrôle de la juridiction de l’expropriation, est calculé
en prenant pour base la moyenne entre la recette moyenne des cinq
derniers exercices et trois fois le solde moyen d’exploitation ». Et on
explique aussi comment calculer la recette moyenne en en déduisant les
rétrocessions, et les débours payés pour les clients, tandis que pour le
solde d’exploitation, on tient compte des … frais généraux.
Ce sont bien là les éléments dits de la finance, autrement dit de la valeur
patrimoniale de l’activité de l’avoué sortant suivant les éléments cités.
Quoi qu’il en soit, le décret ici attaqué qui ne retient comme critère de
référence que des considérations financières donc économiques, les
termes recouvrant la même notion au
sens de la définition de la
12
chambre correspondante de la Cour de cassation, est en contradiction
avec la loi.
Il n’appartient pas au requérant, qui critique ce décret,
de dire ce
qu’on doit indemniser au titre du droit de présentation, mais de rappeler
ce qu’il ne peut indemniser. On a vu qu’on pouvait imaginer le
cautionnement, mais il parait avoir disparu.
On a l’impression que d’une part,
on a omis de demander à la
représentation nationale de voter dans la loi la définition du droit de
présentation et le mécanisme de son indemnisation éventuelle, et que
d’autre part, méconnaissant la décision précitée du Conseil
constitutionnel, les auteurs du décret attaqué se sont largement inspirés
de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines
professions judiciaires et juridiques.
On a vu qu’on y supprimait les offices d’avoué près les tribunaux
grande instance et on les indemnisait de la perte du droit
présentation avec visa de l’article 91 de la loi du 28 avril 1816.
chapitre V a été abrogé de cette loi par une autre n° 2004-130 du
février 2004.
de
de
Le
11
Ainsi donc, le décret attaqué retient
comme seuls
critères
d’indemnisation
seulement ceux qui ont
pourtant été jugés
inconstitutionnels, et ainsi retirés de la loi du 25 janvier 2011. Et il dit
que c’est sur cette étonnante base que s’exercera le contrôle de la
juridiction d’expropriation.
A ce propos, le Conseil constitutionnel (point 19), dans sa décision du 20
janvier 2011
après avoir rappelé la mission donnée au juge de
l’expropriation, dit bien que « la fixation de l’indemnisation ne saurait,
sans méconnaitre les exigences constitutionnelles (…),
permettre
l’allocation d’indemnités ne correspondant pas au préjudice subi du
fait de la loi ou excédant la réparation de celui-ci ».
Il est là en opposition absolue avec le flou artistique relayé par le décret
ici attaqué, des réponses ministérielles sur le thème, le plus souvent à
l’Assemblée nationale, dont l’intérêt est très relatif compte tenu de la
technicité de la matière. Le pire étant une peut être que disait le garde
des sceaux de l’époque à tel député (réponse 43305, J.O. A.N. réponses
1984, p.1694), à savoir que la première orientation serait d’abandonner
la notion de vénalité des charges de la loi de 1816 (parce que, grave
erreur du ministre, il n’y a pas de vénalité des charges dans la loi de
1816), et de la remplacer par une notion incluant l’ensemble des droits
patrimoniaux (parce que deuxième grave erreur, suivant la décision du
qui suit).
L’une et l’autre de ces deux erreurs balayées par la décision du Conseil
constitutionnel du 20 janvier 2011.
Dans ces conditions,
13
L’art. 6 du décret est à annuler pour inconstitutionnalité et excès de
pouvoir.
C’est pourquoi,
Le requérant vous demande d’annuler, pour inconstitutionnalité et
excès de pouvoir, le décret n°2011-361 du 1er avril 2011 en son article
6.
Et vous ferez justice.
Téléchargement