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Exposé d’épistémologie
Benoît Koch/Florence Skalli/ Mathilde Morisset-Fénery 3
La problématique
L’entreprise étant composée d’hommes, comment expliquer les comportements individuels de
ses membres ?
Le contexte organisationnel, la structure va-t-elle prescrire le comportement des individus,
contingent de cette structure (théorie structurale et post-structuraliste, analyse de
Bourdieu…) ? L’homme est alors un être « pensé » par l’organisation. Ces modèles holistes
postulent en effet que « les comportements individuels doivent être fondamentalement pensés
comme la conséquence des structures sociales qui sont ainsi posées comme premières dans
l’ordre d’explication », (Boudon R., Bourricaud F., Dictionnaire critique de la sociologie, PUF, 1982,
p196).
Cf. ci-dessous, article de l’Encyclopédie Universalis « Sociologie, les méthodes : Causalité,
déterminisme et explication ».
SOCIOLOGIE - Les méthodes
Causalité, déterminisme et explication
La technologie de l’enquête a sans doute favorisé le développement d’une sociologie réduite
à la recherche de relations entre variables. Mais elle y a d’autant plus facilement contribué
qu’elle s’accordait parfaitement à un type d’analyse, l’analyse causale, et à une approche des
phénomènes sociaux fondée sur la généralisation du paradigme structurel. Ce qu’observe
l’enquête, c’est en effet un individu abstrait, une unité statistique définie comme une simple
addition de variables. Ce qui fonde l’analyse causale, c’est le postulat selon lequel une
variable dépendante peut être conçue comme une fonction d’un certain nombre d’autres
variables dites indépendantes ou explicatives, que cette fonction peut être statistiquement
mesurée et que les relations mises en évidence traduisent des dépendances structurelles.
Enfin, ce que postule le paradigme structurel, c’est que les phénomènes sociaux sont les
produits de structures et ne sauraient être analysés comme le résultat de l’action des
individus, que seules les structures ont une réalité et que les individus n’en sont que les
simples supports. La multiplication des typologies dans la production sociologique est sans
doute l’expression la plus caractéristique de cette convergence.
Sous l’influence de cette trilogie indissociable – enquête, analyse causale et structure –, la
sociologie s’est trouvée engagée dans une recherche systématique de relations causales,
suffisamment fortes pour que l’on croit pouvoir leur attribuer une valeur d’explication,
suffisamment stables et généralisables pour que l’on s’imagine pouvoir leur conférer le statut
de loi. Et c’est précisément sur ce point que les méthodes qui ont dominé la sociologie
pendant les trois dernières décennies paraissent le plus contestables. Comme l’a montré
Raymond Boudon, l’erreur n’est pas tant d’avoir cherché systématiquement à établir des lois,
même s’il n’est pas une seule loi dans les sciences sociales qui puisse se prévaloir d’une
validité universelle, mais d’avoir suggéré que ces lois pouvaient être considérées comme des
explications. En d’autres termes, on peut admettre que le chercheur s’efforce d’établir dans
quelle mesure par exemple la classe sociale détermine la réussite scolaire. Ce qui n’est pas
acceptable, c’est que, ayant observé entre ces termes une relation forte, il estime avoir donné
une explication suffisante des inégalités devant l’école. En croyant par une simple corrélation
tenir une explication du phénomène qu’il propose d’étudier, le sociologue s’engage dans une
double impasse. Lorsque la relation observée paraît insuffisante, on cherchera à l’améliorer
plutôt qu’à comprendre pourquoi elle est faible. Et, quand on aboutit à une relation de
causalité forte, on a l’impression que la mission est achevée. La sociologie électorale offre un
bon exemple des limites d’une telle démarche. Ainsi l’obsession du sociologue électoral a-t-
elle souvent été d’aboutir à une corrélation multiple parfaite; derrière la démarche de la
plupart des études électorales il y a l’idée, généralement implicite, qu’on doit pouvoir mettre le
vote en équation. Pourtant, avec d’importantes batteries de variables, on est rarement
parvenu à rendre compte de plus du tiers de la variance des phénomènes électoraux. Et les
quelques corrélations observées n’ont de surcroît jamais fourni par elles-mêmes l’explication
de leur existence. Ainsi la corrélation mille fois confirmée entre la pratique religieuse et le vote