LES LOGIQUES D`ACTIONS INDIVIDUELLES

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Exposé d’épistémologie
LES LOGIQUES D’ACTIONS INDIVIDUELLES
Benoît Koch/Florence Skalli/ Mathilde Morisset-Fénery
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Exposé d’épistémologie
LA PROBLEMATIQUE
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ELEMENTS DE COMPREHENSION A PARTIR DE LA PRESENTATION DES
PRINCIPALES THEORIES
8
PIERRE BOURDIEU
L’HABITUS
LA NOTION DE CHAMP
LA VIOLENCE SYMBOLIQUE
RAYMOND BOUDON
ANTHONY GIDDENS
L’ACTION
L’AGENT COMPETENT
LE POUVOIR
LE STRUCTUREL
LE SYSTEME SOCIAL
LA DUALITE DU STRUCTUREL
COMMENT ANALYSER UNE ORGANISATION DANS LA PERSPECTIVE
STRUCTURATIONNISTE
CROZIER
AUTRE THEORIE COMPLEMENTAIRE
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LES PROBLEMATIQUES PRATIQUES QUI SE POSENT A PARTIR DE CES THEORIES 25
QUELQUES QUESTIONS COMPLEMENTAIRES POUR LA DISCUSSION
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A PROPOS DE L’ACTION INDIVIDUELLE ELLE-MEME
30
COMMENT S'ARTICULE LA DEMARCHE DU CHERCHEUR ET SON OBSERVATION FACE AUX ACTIONS
INDIVIDUELLES ?
30
TEXTES COMPLEMENTAIRES
31
L’ HOMME PLURIEL - BERNARD LAHIRE
« LE RETOUR DE L'ACTEUR » (EXTRAITS) PAR THOMAS FERENCZI
ARTICLE PARU DANS LE MONDE DU 15.04.88
EXTRAITS DE TEXTES PHILOSOPHIQUES
31
32
32
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ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
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Benoît Koch/Florence Skalli/ Mathilde Morisset-Fénery
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Exposé d’épistémologie
La problématique
L’entreprise étant composée d’hommes, comment expliquer les comportements individuels de
ses membres ?
Le contexte organisationnel, la structure va-t-elle prescrire le comportement des individus,
contingent de cette structure (théorie structurale et post-structuraliste, analyse de
Bourdieu…) ? L’homme est alors un être « pensé » par l’organisation. Ces modèles holistes
postulent en effet que « les comportements individuels doivent être fondamentalement pensés
comme la conséquence des structures sociales qui sont ainsi posées comme premières dans
l’ordre d’explication », (Boudon R., Bourricaud F., Dictionnaire critique de la sociologie, PUF, 1982,
p196).
Cf. ci-dessous, article de l’Encyclopédie Universalis « Sociologie, les méthodes : Causalité,
déterminisme et explication ».
SOCIOLOGIE - Les méthodes
Causalité, déterminisme et explication
La technologie de l’enquête a sans doute favorisé le développement d’une sociologie réduite
à la recherche de relations entre variables. Mais elle y a d’autant plus facilement contribué
qu’elle s’accordait parfaitement à un type d’analyse, l’analyse causale, et à une approche des
phénomènes sociaux fondée sur la généralisation du paradigme structurel. Ce qu’observe
l’enquête, c’est en effet un individu abstrait, une unité statistique définie comme une simple
addition de variables. Ce qui fonde l’analyse causale, c’est le postulat selon lequel une
variable dépendante peut être conçue comme une fonction d’un certain nombre d’autres
variables dites indépendantes ou explicatives, que cette fonction peut être statistiquement
mesurée et que les relations mises en évidence traduisent des dépendances structurelles.
Enfin, ce que postule le paradigme structurel, c’est que les phénomènes sociaux sont les
produits de structures et ne sauraient être analysés comme le résultat de l’action des
individus, que seules les structures ont une réalité et que les individus n’en sont que les
simples supports. La multiplication des typologies dans la production sociologique est sans
doute l’expression la plus caractéristique de cette convergence.
Sous l’influence de cette trilogie indissociable – enquête, analyse causale et structure –, la
sociologie s’est trouvée engagée dans une recherche systématique de relations causales,
suffisamment fortes pour que l’on croit pouvoir leur attribuer une valeur d’explication,
suffisamment stables et généralisables pour que l’on s’imagine pouvoir leur conférer le statut
de loi. Et c’est précisément sur ce point que les méthodes qui ont dominé la sociologie
pendant les trois dernières décennies paraissent le plus contestables. Comme l’a montré
Raymond Boudon, l’erreur n’est pas tant d’avoir cherché systématiquement à établir des lois,
même s’il n’est pas une seule loi dans les sciences sociales qui puisse se prévaloir d’une
validité universelle, mais d’avoir suggéré que ces lois pouvaient être considérées comme des
explications. En d’autres termes, on peut admettre que le chercheur s’efforce d’établir dans
quelle mesure par exemple la classe sociale détermine la réussite scolaire. Ce qui n’est pas
acceptable, c’est que, ayant observé entre ces termes une relation forte, il estime avoir donné
une explication suffisante des inégalités devant l’école. En croyant par une simple corrélation
tenir une explication du phénomène qu’il propose d’étudier, le sociologue s’engage dans une
double impasse. Lorsque la relation observée paraît insuffisante, on cherchera à l’améliorer
plutôt qu’à comprendre pourquoi elle est faible. Et, quand on aboutit à une relation de
causalité forte, on a l’impression que la mission est achevée. La sociologie électorale offre un
bon exemple des limites d’une telle démarche. Ainsi l’obsession du sociologue électoral a-telle souvent été d’aboutir à une corrélation multiple parfaite; derrière la démarche de la
plupart des études électorales il y a l’idée, généralement implicite, qu’on doit pouvoir mettre le
vote en équation. Pourtant, avec d’importantes batteries de variables, on est rarement
parvenu à rendre compte de plus du tiers de la variance des phénomènes électoraux. Et les
quelques corrélations observées n’ont de surcroît jamais fourni par elles-mêmes l’explication
de leur existence. Ainsi la corrélation mille fois confirmée entre la pratique religieuse et le vote
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3
Exposé d’épistémologie
de droite apparaît comme l’une des relations les mieux assurées de la sociologie électorale
française: mais on attend encore une explication permettant d’en comprendre la signification.
Le plus étonnant, peut-être, c’est que, malgré la relative faiblesse des relations observées, on
semble admettre difficilement qu’il puisse y avoir d’autres types d’explication et qu’une
corrélation faible (par exemple entre la classe sociale et le vote) puisse être le signe de
structures donnant aux électeurs des possibilités de choix stratégiques indifférents.
La volonté d’établir des relations causales tenues pour explicatives et généralisables va
également écarter du champ de la recherche tout ce qui ne paraît pas s’accorder avec cette
démarche.
Ainsi la supériorité prêtée à la généralisation va-t-elle entraîner la mise au second plan des
recherches qualitatives. Celles-ci avaient pourtant connu leur heure de gloire dans les années
1920 à 1932 sous l’impulsion de l’école de Chicago, mais elles furent vite délaissées au profit
du quantitatif.
Dès 1930, Stouffer estimait que, si les deux approches pouvaient conduire à des conclusions
semblables, la méthode statistique était à la fois plus rapide et plus facile à mettre en œuvre.
Puis le qualitatif s’est vu confiné soit à des fonctions préstatistiques (par exemple la
réalisation d’entretiens non directifs devant servir à l’élaboration d’un questionnaire
d’enquête), soit à un rôle secondaire post-statistique (comme l’étude en profondeur de cas
déviants).
En tout état de cause, parce qu’elle ne permettait pas de généraliser, l’analyse qualitative ne
pouvait apparaître comme une forme de connaissance ayant sa propre validité. Aujourd’hui,
sans doute la généralisation n’apparaît-elle plus comme un objectif prioritaire ou même
simplement accessible, mais aussi, par réaction contre des données quantifiées jugées
insuffisantes, voire trompeuses, l’analyse qualitative paraît retrouver une certaine faveur,
notamment par l’analyse des histoires de vie.
Dans une sociologie qui s’est essentiellement développée autour de la notion de structure et
de la recherche de lois, l’événement ne pouvait lui non plus avoir droit de cité. Alors que la
physique des quanta et la biologie moderne intègrent la notion de système aléatoire où
l’événementiel devient fondamental, la sociologie, dominée par l’idée que les structures sont
productrices d’invariance, de reproduction, que l’improbable ne peut être qu’antiscientifique et
aberrant, continue à chasser l’événement de son champ d’analyse, croyant ainsi gagner en
scientificité.
Mais, là encore, les tendances paraissent évoluer comme le montre par exemple la prise en
compte des données de conjoncture dans l’analyse des phénomènes électoraux.
Ces remarques ne doivent cependant pas conduire au rejet pur et simple de la notion de
cause dans les sciences sociales. La mise en évidence de relations bien établies n’est pas
dépourvue d’intérêt heuristique et fournit au chercheur d’utiles points de repère. Il faut
cependant se souvenir que le postulat qui fonde l’analyse causale et selon lequel le
phénomène à expliquer est la résultante directe de causes bien définies peut ne pas être
approprié au problème étudié. Et il convient surtout de se rappeler que ce type d’analyse ne
peut être qu’une étape de la recherche et qu’une relation n’est pertinente que si on peut la
comprendre.
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Les comportements individuels vont-ils au contraire construire les situations et le système
organisationnel (théories de l’acteur, analyse de Boudon, analyse stratégique de Crozier,
théorie comportementale de Cyert et March…) ? L’homme est alors un être « pensant » le
système organisationnel. Si les actions individuelles ne sont plus dans cette perspective de
simples variables dépendantes, sans finalités spécifiques propres, deux orientations sont
envisageables :
 celle de l’économie néoclassique où il y a universalité des mobiles d’action,
(maximisation rationnelle de l’utilité en contexte d’information parfaite ou modèle
« assoupli » de H. Simon ne reconnaissant à l’individu qu’une rationalité limitée)
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Exposé d’épistémologie

celle qui va intégrer le mobile de l’action individuelle dans la situation dans laquelle
cette action se forme, (sociologie de l’acteur : individualisme méthodologique
contextualisé).
Cf. ci-dessous, article de l’Encyclopédie
L’individualisme méthodologique ».
Universalis
« Sociologie,
les
méthodes :
SOCIOLOGIE - Les méthodes
L’individualisme méthodologique
Renouant avec une tradition sociologique ancienne, et notamment avec la sociologie
allemande classique (Weber, Simmel, Sombart...), l’individualisme méthodologique propose
une autre stratégie pour l’analyse des phénomènes sociaux. Pour ce courant de pensée, qui
se développe en France à travers les recherches de sociologues comme Raymond Boudon,
François Bourricaud ou Michel Crozier, les structures sociales ne définissent que le champ du
possible. Les relations entre variables, reflétant les régularités structurelles, ne peuvent donc
être qu’une étape de la recherche: il reste alors à décrire les comportements élémentaires qui
permettent de rendre compte de la relation observée. Expliquer un phénomène social, c’est,
dans cette perspective méthodologique, reconstruire sous la forme d’un modèle abstrait la
motivation des individus concernés par le phénomène et analyser celui-ci comme le produit
agrégé de ces microcomportements. L’individualisme méthodologique implique trois notions
fondamentales: la notion d’émergence, corollaire de la notion d’agrégation; la notion de
modèle, procédure indispensable de simplification face à la multitude des cas de figure
singuliers; la notion de rationalité, liée au postulat de motivation compréhensible.
Concevoir les phénomènes sociaux comme l’agrégation d’actions individuelles ne
présenterait sans doute qu’un intérêt limité si le résultat de cette agrégation ne produisait que
la somme des actions concernées. L’importance des effets d’agrégation tient au fait que ceuxci présentent souvent un caractère émergent. La notion d’émergence (ou effet de
composition) signifie que l’agrégation de comportements individuels peut se traduire au
niveau collectif par l’apparition de phénomènes non désirés par les individus. Le produit de
cette agrégation pourra même être diamétralement opposé aux préférences et aux objectifs
visés: on parlera alors d’effets pervers. Ainsi le fait que dans un incendie chaque individu
souhaite logiquement s’échapper au plus vite peut aboutir à ce que tout le monde périsse
dans les flammes. Bien des phénomènes sociaux sont le produit de mécanismes
comparables. En face de situations qui paraissent d’autant plus incompréhensibles qu’on
imagine difficilement que des individus puissent agir d’une manière qui leur soit défavorable,
on peut être tenté de conclure à l’irrationalité et d’invoquer l’effet, évidemment invérifiable, de
structures perverses manipulant les individus de manière inconsciente. En recherchant
comment des actions individuelles logiques ont pu introduire des effets non voulus, on peut
en revanche proposer des explications parfaitement rationnelles à ce qui paraissait
énigmatique.
L’individualisme méthodologique implique également la notion de modèle. Chercher à
comprendre un phénomène social, c’est d’abord en construire une représentation simplifiée et
abstraite; on appellera modèle le produit de cette élaboration. Parce qu’il n’est pas possible
de prendre en compte toutes les actions et toutes les motivations qui contribuent à
l’émergence d’un phénomène social, on ne retiendra que quelques catégories d’acteurs
auxquels on attribuera des logiques de comportement simplifiées, et on ne prendra en compte
parmi l’ensemble des caractéristiques du système social que celles qui paraissent suffire à
l’explication. Qu’il se présente sous une forme mathématique, statistique ou verbale (l’idéal
type wébérien est un modèle), un modèle est une simplification formelle et une abstraction; il
pourra se révéler plus ou moins utile à la démonstration, mais il ne pourra être tenu pour vrai
ou pour faux.
Enfin, l’individualisme méthodologique postule que les actions individuelles obéissent au
principe de rationalité. Cela ne veut pas dire que l’acteur procède, avant toute décision, à un
ajustement optimal des moyens aux fins, mais simplement qu’il a de bonnes raisons d’agir
comme il le fait. La notion de rationalité est la contrepartie nécessaire à la capacité prêtée au
chercheur de comprendre et de reconstruire les motivations de ceux qui ont produit le
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5
Exposé d’épistémologie
phénomène étudié. L’observateur ne peut en effet se mettre «à la place» de l’acteur que si
l’on admet que l’un et l’autre «raisonnent» de la même façon. Du point de vue de la méthode
sociologique, ce principe paraît essentiel. Normalement enclin, quel que soit son souci
d’objectivité, à projeter ses propres valeurs et dispositions sur les phénomènes qu’il étudie, le
sociologue qui ne pose pas comme préalable que le comportement de ceux qu’il observe est
logique, compte tenu de leur situation, s’expose au risque d’interpréter tout phénomène un
peu inhabituel comme irrationnel ou produit par quelque force mystérieuse, s’interdisant, du
même coup, de donner une explication véritable. En imposant au chercheur de comprendre
pourquoi il aurait lui-même agi comme celui qu’il observe s’il avait été à sa place, le principe
de rationalité apparaît sinon comme une garantie totale d’objectivité, du moins comme une
protection efficace contre le risque naturel de sociocentrisme.
Si les perspectives ouvertes par une méthodologie de type individualiste ne paraissent pas
encore avoir suscité un grand nombre d’applications, cela est sans doute dû en partie à la
prégnance des schémas déterministes et à la persistance d’une vision du social qui attribue à
la structure globale de la société un pouvoir d’explication absolu dans l’analyse des conduites
humaines. Mais cela tient aussi à ce que les principes de cette méthodologie ne sont pas
toujours faciles à mettre en œuvre. S’il y a peu de modèles formels en sociologie, c’est que
les procédures de simplification qu’ils supposent ne sont pas évidentes et requièrent une
élaboration théorique approfondie: il est bien plus simple de faire une analyse factorielle
compliquée. De surcroît, si le postulat de «motivation compréhensible» paraît s’appliquer
sans trop de difficulté à de nombreux domaines, et notamment à ceux où les choix individuels
relèvent d’une démarche fondée sur une évaluation coût/bénéfice, il est des problèmes pour
lesquels cette démarche ne paraît pas appropriée, comme l’analyse des opinions politiques.
Dans ce domaine, ce sont généralement les conduites individuelles qui sont énigmatiques et
non leur produit agrégé.
En tout état de cause, l’individualisme méthodologique aura ouvert dans la discipline un large
débat méthodologique opposant l’approche holiste des phénomènes sociaux, fondée sur une
conception hypersocialisée de l’homme, et une approche en termes d’acteur et de libre
arbitre.
Ce débat méthodologique fondamental permet de souligner la pluralité des traditions
sociologiques et la pluralité des méthodologies qui leur sont attachées. Mais il suggère aussi
combien les frontières établies entre les différentes disciplines des sciences sociales et
humaines sont artificielles. Le choix méthodologique paraît plus fondamental: il y a plus de
distance entre un sociologue «holiste» et un sociologue «individualiste» qu’entre ce dernier et
un économiste ou un historien partageant la même méthode que lui pour appréhender le fait
social.
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Au delà du contexte managérial, il s’agit d’une interrogation philosophique sur la liberté de
l’action individuelle. (cf. à la fin du dossier, extraits de textes de Kant, Nietzsche, Marx, Sartre)
Notons notamment les analyses suivantes :
SARTRE : conception existentialiste (à la suite de Kierkegaard) qui peut se résumer par la
célèbre formule « l’existence précède l’essence ». L’existence se réfère à la décision, au
choix, à l’engagement individuel, ce que Sartre nomme « le pour soi ». L’essence se réfère à
la situation, au contexte dans lequel l’individu se trouve, ce que Sartre nomme « l’en soi ».
Chacun voudrait que ses choix dépendent directement de la situation dans laquelle il se
trouve (car c’est plus rassurant). Mais la liberté individuelle a un caractère ontologique, elle
est totale, c’est « un gouffre ouvert entre l’en soi et le pour soi ». L’individu se trouve alors
face à 3 alternatives :
 Accepter la liberté ontologique et assumer « l’angoisse du choix »
 Adopter des conduites de mauvaise foi qui consistent :
o A nier la liberté en soi-même (comportement du « con »)
o A nier la liberté en autrui (comportement du « salaud »)
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Exposé d’épistémologie
L’individu est entièrement défini par ses actes.
BERGSON : Pour l’homme il n’y a pas de choix entre des possibilités fixées par avance mais
un « moi » qui vit et se développe par l’effet de ses hésitations « jusqu’à ce que l’action libre
s’en détache à la manière d’un fruit trop mûr ». Tout acte volontaire est un « acte qui exprime
ma personnalité totale ». Néanmoins il existe une morale commune et quotidienne que
Bergson nomme la « morale close » qui correspond à un ensemble d’habitudes collectives.
Mais la morale la plus haute a pour source le sentiment :
 L’émotion peut être créatrice de valeurs nouvelles
 L’enthousiasme sera contagieux et permettra la diffusion de ces valeurs nouvelle.C’est
ce que Bergson appelle la « morale ouverte ».
Conception anarchiste libertaire (Lafargue, Marcuse, Nietzche…) l’homme travaille et
accomplit des actions individuelles en entreprise uniquement en raison d’un conditionnement
opéré par la minorité au pouvoir. C’est une perversion de l’activité humaine. Cf. Nietzche « le
travail constitue la meilleure des polices »
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7
Exposé d’épistémologie
Eléments de compréhension à partir de la
présentation des principales théories
Cf. schéma ci-après (source : CNAM, DEA 124, Paul Prigent), sur les auteurs et courants de
pensée.
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8
Exposé d’épistémologie
Pierre Bourdieu
Héritier de Levi-Strauss dans son inspiration structuraliste, Bourdieu a su amalgamer de
multiples influences pour élaborer un système cohérent en croisant des influences multiples
telles que Max Weber (légitimité des actions des acteurs ) , Karl Marx ( rapports de
domination ) , Durkheim…sous ce qu’il a appelé le « constructivisme structuraliste ».
Il définit ce dernier entre l’objectif et le subjectif :
«Par structuralisme ou structuraliste, je veux dire qu'il existe, dans le monde social lui-même,
[...] des structures objectifs indépendantes de la conscience et de la volonté des agents, qui
sont capables d'orienter ou de contraindre leurs pratiques ou leurs représentations. Par
constructivisme, je veux dire qu'il y a une genèse sociale d'une part des schèmes de
perception, de pensée et d'action qui sont constitutifs de ce que j'appelle habitus, et d'autre
part des structures sociales, et en particulier de ce que j'appelle des champs 1 » ( Choses
dites , Paris, 1987 )
Il va cependant donner une priorité chronologique et théorique à la structure objective du
système social : les logiques et les différences de l’espace social prédéterminent les
pratiques, les comportements et les goûts des individus.
« Les agents ont une appréhension active du monde, ils construisent leur vision du monde ;
mais cette construction est opérée sous contraintes structurelles ». (La Distinction, Critique
sociale du jugement, Minuit, 1979)
Sa théorie s’appuie sur 2 concepts clés :
L’HABITUS
Il le définit ainsi :
« Les conditionnements associés à une classe particulière de conditions d'existence
produisent des habitus, systèmes de dispositions durables et transposables, structures
structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c'est-à-dire en tant
que principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent
être objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente de fins et la
maîtrise expresse des opérations nécessaires pour les atteindre, objectivement « réglées » et
« régulières » sans être en rien le produit de l'obéissance à des règles, et, étant tout cela,
collectivement orchestrées sans être le produit de l'action organisatrice d'un chef
d'orchestre ». (Le sens pratique, Minuit ,1980, p.88)
L’habitus explique comment fonctionne la reproduction sociale : les apprentissages sociaux
vont générer chez les acteurs des modes de perception, de comportement humain et « un
ensemble de capacités, d’habitudes et de marqueurs corporels par inculcation non consciente
de façons d’être propres à un milieu. » (Sciences Humaines –numéro spécial – l’œuvre de P.
Bourdieu) …
« L’habitus est […] à la fois principe générateur de pratiques objectivement classables et
système de classement (principium divisionis) de ces pratiques. C’est dans la relation entre
les deux capacités qui définissent l’habitus, capacité de produire des pratiques et des œuvres
classables, capacité de différencier et d’apprécier ces pratiques et ces produits (goût), que se
constitue le monde social représenté, c’est-à-dire l’espace des styles de vie. » (La Distinction,
Minuit, 1979, p.190)
Les structures sociales vont s’imprégner en nous par « intériorisation de l’extériorité » .
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9
Exposé d’épistémologie
L’individu s’approprie inconsciemment la culture qu’il reçoit et la perpétue ; il aura donc des
dispositions acquises mais aussi, de part l’élément de son histoire et sa place dans l’espace
social qui lui correspond, pourra avoir une capacité à générer de nouvelles pratiques.
« L'habitus, comme le mot le dit, c'est ce que l'on a acquis […]. Mais pourquoi ne pas avoir dit
habitude ? L'habitude est considérée spontanément comme répétitive, mécanique,
automatique, plutôt reproductive que productrice. Or, je voulais insister sur l'idée que l'habitus
est quelque chose de puissamment générateur. » (Questions de sociologie, Minuit, 1981,
p.134)
L’habitus a donc cette particularité : il désigne des manières d’être , penser et agir communes
à plusieurs personnes de même origine sociale ( dans des situations habituelles) mais peut
déclencher dans des situations inhabituelles des positions innovantes ( mais qui sont tout de
même le produit de contraintes profondément ancrées en lui ) . Il y a des habitus de classe
sociale mais chaque habitus individuel combine une variété d’expériences sociales.
LA NOTION DE CHAMP
« La notion de champ, c'est la mise en œuvre du principe fondamental qui pose que le réel
social est relationnel, que ce qui existe ce sont les relations non pas au sens de relations
sociales comme interactions, mais au sens de structures invisibles, [...] mais en même temps
la mise en œuvre de ce principe conduit à construire des objets comme l'espace des grandes
écoles, comme le champ intellectuel et le champ artistique au temps de Flaubert, comme le
champ religieux, et à partir de la mise en œuvre de ce principe, on produit des connaissances
sur lesquelles il y a matière à discussion, à confrontation, à critique. Il est vrai que la plupart
des objections qui me sont adressées, surtout par les plus « éminents des sociologues
français » entre guillemets, ont, selon moi, valeur d'auto-exclusion. »
(in Lire les sciences sociales 1989-1992, volume 1, pp.326-329, Éditions Belin, 1994)
Il entend le mot champs comme un ensemble de différentes sphères sociales où se crée les
relation entre agents individus et agents collectifs : par exemple, le champs économique,
artistique, journalistique, religieux …
L’individu dans cet espace détient une pluralité de capitaux tels que :
 le capital économique (biens financiers, patrimoine)
 le capital culturel (diplômes, connaissances…)
 le capital social (ensemble de ses relations sociales)
 le capital symbolique (ensemble des signes et codes liés à son espace social)
Ainsi, les enseignants, qui possèdent peu de capital économique et davantage de capital
culturel, ont un habitus radicalement différent de celui des commerçants ou petits patrons.
Dans chacun de ces champs se retrouvent deux catégories d’individus : les dominants et les
dominés , caractérisés dans leur différence par une répartition différente de leurs capitaux
respectifs. Pour illustrer ce point, P. Bourdieu utilise la comparaison avec le jeu:
« Chaque joueur a devant lui des jetons de différentes couleurs, correspondant aux
différentes espèces de capital qu'il possède, il joue en fonction de sa position dans le jeu, de
sa force relative, il développe des stratégies. » (Sciences Humaines –numéro spécial –
l’œuvre de P. Bourdieu ) …
« L'habitus n'est pas le destin que l'on y a vu parfois. Étant le produit de l'histoire, c'est un
système de dispositions ouvert, qui est sans cesse affronté à des expériences nouvelles et
donc sans cesse affecté par elles. Il est durable mais non immuable. Cela dit, je dois
immédiatement ajouter que la plupart des gens sont statistiquement voués à rencontrer des
circonstances accordées avec celles qui ont originellement façonné leur habitus, donc à voir
des expériences qui viendront renforcer leurs dispositions ». (Réponses, Seuil, 1992, p.108—
109)
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Exposé d’épistémologie
LA VIOLENCE SYMBOLIQUE
Les dominés adhèrent inconsciemment à l’ordre dominant (en légitimant le style de vie des
dominants et en les imitant). Ils ont renoncé à leur pouvoir de discernement et de décision en
le déléguant aux dominants et cette adhésion à l’ordre dominant s’effectue selon un double
processus de reconnaissance et de méconnaissance.
Ex : le fonctionnement de l’école est tel que la réussite scolaire est souvent influencée par
l’origine sociale.
"La violence symbolique, c'est cette violence qui extorque des soumissions qui ne sont même
pas perçues comme telles en s'appuyant sur des "attentes collectives", des croyances
socialement inculquées. Comme la théorie de la magie, la théorie de la violence symbolique
repose sur une théorie de la croyance ou, mieux, sur une théorie de la production de la
croyance, du travail de socialisation nécessaire pour produire des agents dotés des schèmes
de perception et d'appréciation qui leur permettront de percevoir les injonctions inscrites dans
une situation ou dans un discours et de leur obéir" (Raisons pratiques,Sur la théorie de
l’action, Seuil, p.190).
Le modèle de Bourdieu est donc pour l’acteur une interaction entre sa position dans la
structure objective (émanant des champs sociaux) et ses structures incorporées
(l’habitus) qui conforte sa position dans la structure objective.
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Exposé d’épistémologie
Raymond Boudon
Le niveau d’analyse à adopter pour expliquer le fonctionnement de groupes sociaux est
l’individu et non le groupe. L’individu agit rationnellement (c'est-à-dire a des raisons pour agir
comme il le fait) mais sa rationalité est de type complexe. Toutefois le champ du possible de
ses actions est restreint par le contexte dans lequel il évolue (la structure sociale qui lui fixe
des contraintes et lui assigne des rôles) : individualisme méthodologique contextualisé. Le
résultat agrégé de toute les actions individuelles n’est pas la simple somme de ces actions : il
existe des effets émergents, c'est-à-dire des effets non recherchés par les individus mais qui
résultent de leur interdépendance, de leurs interrelations.
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Exposé d’épistémologie
Ci-après, extraits de « Y-a-t-il encore une sociologie ? » Raymond Boudon interviewé par
Robert Leroux, éditions Odile Jacob, 2003. (pages 66 à 69, 78-79, 80-81, 145).
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Exposé d’épistémologie
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Exposé d’épistémologie
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Exposé d’épistémologie
Anthony Giddens
Giddens veut élaborer et appliquer une théorie du social qui ne soit pas enferrée dans le
positivisme et qui puisse rendre compte du procès de la vie sociale contemporaine, quelle que
soit l’échelle des phénomènes sociaux étudiés.
Cette théorie du social doit introduire les intentions, raisons et significations des acteurs. Il
veut dépasser le découpage disciplinaire de la science moderne, une idée proche de celle de
Wallerstein (1995). Dans la théorie de la structuration, l’objet d’étude par excellence des
sciences sociales est l’ensemble des pratiques sociales accomplies et ordonnées dans
l’espace et le temps, et non l’expérience de l’acteur individuel ou l’existence de totalités
sociétales.
« Les sociologies interprétatives reposent sur un impérialisme du sujet individuel alors que le
fonctionnalisme et le structuralisme affichent un impérialisme de l’objet sociétal. La
destruction de ces deux empires est un de mes principaux objectifs dans cet effort
d’élaboration de la théorie de la structuration (Giddens, 1987, p. 50). »
QUELQUES TRAITS DE LA THÉORIE DE LA STRUCTURATION1
Statut épistémologique : La théorie porte sur les possibilités constitutives de la vie sociale,
sur les capacités génériques de l’humain et sur les conditions fondamentales de la réalisation
des procès sociaux, de leur régularisation, de leur transformation et de leurs conséquences.
Les sciences sociales doivent aspirer à une quête d’intelligibilité plutôt qu’à la recherche
d’invariants ou la détermination de lois et de généralisations empiriques. De même, la théorie
de la structuration, comme toute théorie du social, participe de cette autorégulation réflexive
qui caractérise la modernité.
Concepts clés
La théorie de la structuration est une théorie qui explique la constitution des systèmes
sociaux, leurs conditions et critères de continuité ou de changement. Elle est une théorie
fondée sur les acteurs et sur leurs pratiques sociales dans des structures situées dans le
temps et dans l’espace.
Dans la théorie de la structuration, le dualisme classique structure-action est remplacé par le
concept de “dualité du structurel”.
C’est-à-dire “l’idée que les propriétés structurelles des systèmes sociaux sont à la fois des
conditions et des résultats des activités accomplies par des agents qui font partie de ces
systèmes” (Giddens, 1987, p. 15).
Giddens parvient à définir la dualité du structurel en établissant un certain nombre de
concepts clés.
Nb la partie sur la théorie de la structuration est inspirée de l’article « Théorie de la structuration et applications à l’étude des
organisations » par Guy Bellmare et Louise Briand – Cahier du Crises
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Exposé d’épistémologie
L’action
L’action s’accomplit en tant que durée, comme un flot continu de conduites dans l’espacetemps. L’action orientée n’est pas un composé d’intentions, de raisons et de motifs séparés
les uns des autres. C’est l’incessante liaison du temps, de l’espace et du structurel par un
agent compétent.
L’agent compétent
Doté d’une capacité transformatrice, l’être humain peut intervenir dans l’univers et créer une
différence. La compétence des acteurs réfère à leur capacité à produire et à reproduire
l’action dans un contexte quelconque.
Pour Giddens la compétence ne repose pas sur les expertises ou les rôles, mais sur la
possibilité pour un acteur de contrôler les éléments matériels et sociaux dans lesquels il agit
et d’influencer les conditions de l’action de “l’autre” en raison de la réciprocité qu’implique le
pouvoir. Giddens (1987) propose le concept d’acteur compétent : l’individu n’est pas
entièrement contraint par les structures, ni complètement libre de ses actes ; il produit et
reproduit la vie en groupe à partir des connaissances qu’il a des conventions, des contraintes
et des règles sociales. Beaucoup ont présumé que l’action humaine peut se définir
uniquement en termes d’intention. Pour Giddens l’action ne renvoie pas aux intentions de
ceux qui font des choses, mais à leur capacité de les faire. Les conséquences de ce que fait
un acteur, de façon intentionnelle ou non, sont des événements qui ne seraient pas survenus
si ce dernier avait agi autrement. Pourtant, sans tenir compte de ses intentions, la survenance
de ces conséquences échappe à son pouvoir.
La difficulté avec l’intentionnalité de l’action, n’est pas de savoir si l’acteur qui a fait un geste
initial voulait engendrer ces conséquences, mais plutôt de savoir comment un geste initial
(banal) peut engendrer des événements dont certains sont spatio-temporellement fort
éloignés de l’acte déclencheur.
Il s’agit ici de reconnaître deux limites essentielles de l’action : les conditions initiales nonreconnues de l’action et les conséquences non-intentionnelles. De façon générale, nous
admettons que plus les conséquences d’un acte sont éloignées du contexte immédiat de cet
acte, moins nous considérons ces conséquences comme intentionnelles. Être un acteur, c’est
pouvoir déployer continuellement dans la vie quotidienne une batterie de capacités causales,
y compris celles d’influencer les capacités causales déployées par d’autres acteurs. Le
pouvoir est alors défini en termes d’intention et de volition, comme la capacité d’atteindre des
résultats désirés. Un acteur est un individu, une institution ou un groupe qui, par le fait de son
action, a la capacité de créer une différence dans un procès concret sur le cours des
événements. Pour ce faire, l’acteur utilise tant ses ressources et contraintes personnelles,
qu’organisationnelles et sociales. La théorie de la structuration transcende ainsi la vision des
“lois qui régissent l’activité humaine” pour se rapprocher des agents humains et de leurs
actions dans des contextes eux-mêmes définis par l’activité humaine dans le temps et dans
l’espace. Elle permet le “retour du sujet” dans l’étude du social : elle permet de considérer les
rapports sociaux comme des éléments constitutifs des principes d’organisation, tout en
reconnaissant que l’action et l’interaction s’inscrivent dans des institutions qui sont antérieures
(mais non indépendantes) de l’action et d’autres procès sociaux.
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Exposé d’épistémologie
Le contrôle réflexif de l’action renvoie à la capacité qu’a l’agent de voir à ce qu’il fait, d’en
faire un suivi instantané.
“ Le contrôle réflexif porte à la fois sur la conduite de celui ou celle qui exerce ce contrôle et
sur celle d’autres acteurs. En effet, les agents ne se contentent pas de suivre de près le flot
de leurs activités et d’attendre des autres qu’ils fassent de même, ils contrôlent aussi, de
façon routinière, les dimensions sociales et physiques dans lesquelles ils agissent ” (Giddens,
1987, p. 54).
La forme réflexive de la compétence propre aux agents humains constitue l’élément le plus
profondément engagé dans l’organisation récursive des pratiques sociales (Giddens, 1987, p.
51).
La réflexivité n’opère qu’en partie au niveau discursif. La compétence des agents relève
davantage de la conscience pratique, laquelle est tout ce que les acteurs connaissent de
façon tacite. La rationalisation de l’action renvoie à la capacité qu’a l’agent de se donner une
compréhension tacite de ce qu’il fait et de ce que fait son action dans le procès de la vie
sociale.
La rationalisation de l’action permet à l’agent d’ancrer le contrôle réflexif de son action dans
ses intentions, dans ses raisons d’agir.
La motivation de l’action renvoie, pour sa part, aux désirs et aux impulsions qui le conduisent
à agir. La motivation renvoie à un potentiel d’action plutôt qu’à son mode d’accomplissement.
L’être humain agit dans des conditions en partie non-reconnues de l’action et son action
engendre des conséquences non intentionnelles, dont il peut avoir, ou non, connaissance. Le
contrôle réflexif propre à l’agent et à la modernité, de même que les conditions non reconnues
et les conséquences non intentionnelles de l’action détruisent toute possibilité d’une
épistémologie positiviste et d’une gestion scientifique du social.
Le pouvoir
Le pouvoir est la capacité transformatrice dont dispose chaque être humain. Les relations
entre humains produisent des relations d’autonomie et, en même temps, de dépendance. Ces
relations engendrent une dialectique du contrôle qui caractérise toute interaction sociale, quel
que soit le nombre d’acteurs mis en jeu. Le pouvoir opère à travers l’utilisation des capacités
de transformation telles que générées par les structures de domination.
“ La dualité du structurel dans les relations de pouvoir peut s’exprimer de la façon suivante :
des ressources (focalisées via la signification et la légitimation) sont des propriétés
structurées des systèmes sociaux, que des agents compétents utilisent et reproduisent en
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Exposé d’épistémologie
cours d’interaction… le pouvoir n’est pas lui-même une ressource; celles-ci sont un médium
qui rend l’exercice du pouvoir possible en tant qu’élément routinier de l’actualisation des
conduites dans la reproduction sociale ” ( Giddens, 1987, p. 64 ).
Le structurel
Le structurel, les structures
Règles
et
ressources
ou
ensemble de
relations de transformation
organisées
en
tant
que
propriétés de
systèmes sociaux
Les systèmes sociaux
Relations entre acteurs ou
collectivités
reproduites
et
organisées
en tant que pratiques sociales
régulières
La structuration
Conditions qui régissent la
continuité ou la transmutation
des structures et par conséquent
la reproduction des systèmes
sociaux
Absence du sujet
Activités des agents
dans le
temps et dans l’espace
Étude des modalités de
l’ancrage du structurel et des
systèmes sociaux
situées
Le structurel fait référence aux propriétés structurantes qui favorisent la liaison de l’espacetemps dans des systèmes sociaux. Ces propriétés permettent que des pratiques sociales
similaires persistent dans des étendues variables de temps et d’espace, et donnent à ces
pratiques un caractère systémique.
Le structurel est un ensemble de règles et de ressources constituant un ordre virtuel de
modes de structuration engagés de façon récursive dans la reproduction des pratiques
sociales.
« Les règles et les ressources utilisées par les acteurs dans la production et la reproduction
de leurs actions sont en même temps les moyens de la reproduction du système social
concerné » (Giddens 1987, p.68).
Une règle suppose des procédures d’action généralisables et connues de l’agent qui, dès
lors, “sait comment faire”. Les règles ont deux dimensions : elles sont liées à la constitution du
sens en tant que codes de signification et elles renvoient à la sanction des conduites sociales
en tant qu’éléments normatifs.
Les règles de la vie sociale peuvent alors être conçues comme des techniques ou des
procédures généralisables employées dans l’actualisation et la reproduction des pratiques
sociales. Par exemple, lorsque j’utilise le français et ses règles pour m’exprimer, mon but est
d’exprimer une idée quelconque et non pas, généralement, de reproduire l’usage du français
même si, par le fait même, je contribue à cette reproduction du français en Amérique du Nord.
Giddens différencie les règles profondes des règles superficielles pour ensuite spécifier que
les règles les plus importantes pour la théorie sociale sont incrustées dans la reproduction des
pratiques institutionnalisées, c’est-à-dire dans les pratiques les plus profondément ancrées
dans le temps et dans l’espace.
Cette distinction démarque Giddens de plusieurs sociologues pour qui les règles codifiées,
par exemple la loi et la convention collective, qui, bien que pouvant avoir une plus grande
portée, n’ont qu’un impact superficiel sur les éléments les plus fondamentaux du tissu de la
vie sociale. Pour lui, de nombreuses procédures, en apparence sans importance et
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Exposé d’épistémologie
employées quotidiennement ont une influence plus profonde sur les conduites sociales dans
leur ensemble.
Cette distinction majeure n’a pas encore, à notre connaissance, fait l’objet d’un
développement autonome dans les recherches empiriques, mais ouvre des pistes
intéressantes à une explication des blocages aux innovations et est en mesure de conduire à
une critique et un dépassement des théories habituelles du changement 4. Les règles ne
peuvent se conceptualiser indépendamment des ressources qui sont engagées dans les
relations d’autonomie et de dépendance. Il y a deux types de ressources : les ressources
matérielles ou ressources d’allocation et les ressources non matérielles, ou ressources
d’autorité.
En tant qu’ordre virtuel, le structurel est hors du temps et de l’espace, il n’existe que sous la
forme de traces mnésiques et en tant qu’actualisé dans l’action humaine.
Le système social
Le système social renvoie à l’ensemble des relations entre acteurs, individuels ou collectifs,
reproduites et organisées en tant que pratiques sociales régulières. Il s’agit du développement
dans l’espace-temps de modèles régularisés de relations sociales qui engagent la
reproduction de pratiques spatio-temporellement situées. Le système est concret, situé dans
un espace-temps particulier, et suppose une présence du sujet. Les systèmes sociaux varient
en fonction de l’intensité du caractère systémique qu’ils présentent et ils affichent rarement la
sorte d’unité interne qui caractérise nombre de systèmes physiques ou biologiques. Cet
élément est particulièrement pertinent au moment où de nombreux chercheurs appellent à
une sortie des modèles d’analyse de la sociologie des cadres stricts de l’État-Nation
(Wallerstein 1995) et de ses sous-systèmes (pour les relations industrielles, voir Piore 1995,
Touraine 1990 et Hyman 1989) et conduisent au développement de notions telles que le
pluralisme juridique (Robé 1997, Griffiths 1986). La reproduction du système passe par des
boucles de rétroaction ou par autorégulation réflexive.
Giddens conçoit les boucles de rétroaction comme le fait de l’interdépendance entre les
acteurs sociaux, effet qui doit être complété par celui de la réflexivité, soit le fait d’acteurs
situés stratégiquement et qui tentent d’agir de façon réflexive, “ par des procédures sélectives
de filtrage d’information, de régir les conditions générales de la reproduction d’un système,
pour le conserver tel qu’il est ou, au contraire, pour le transformer ” (Giddens 1987, p. 77).
“ La dualité du structurel est toujours le principal fondement de la continuité dans la
reproduction sociale à travers l’espace-temps. Elle présuppose le contrôle réflexif des agents
dans la durée de l’activité sociale quotidienne… Les tentatives de suivi, puis de contrôle des
conditions générales de la reproduction des systèmes sociaux, constituent un phénomène
contemporain d’une extrême importance ” (Giddens 1987, p. 76).
L’étude de la reproduction sociale doit aussi tenir compte de l’intégration sociale et de
l’intégration systémique. L’intégration sociale réfère à la réciprocité de pratiques entre acteurs
dans des circonstances de co-présence conçues comme des rencontres qui se font et se
défont. L’intégration systémique pour sa part renvoie à la réciprocité de pratiques entre
acteurs ou collectivités dans un espace-temps étendu, hors des conditions de co-présence
générées et générant le développement de systèmes abstraits. Les institutions se définissent
comme les ensembles de pratiques régularisées qui ont la plus grande extension spatiotemporelle dans les totalités sociétales. Pour sa part, la routinisation renvoie au caractère
habituel, tenu pour acquis, de la vaste majorité des activités qu’accomplissent les agents dans
la vie sociale de tous les jours. Les routines servent d’appui à la sécurité ontologique qui, en
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Exposé d’épistémologie
retour, renforce ces conduites routinières. Les routines sont aussi indispensables aux
institutions sociales, dont le caractère institutionnel dépend entièrement de leur reproduction
continue (Giddens 1987, p. 109).
La dualité du structurel
Dans la reproduction des systèmes d’interaction, les acteurs utilisent les modalités de
structuration et, du même coup, reconstituent les propriétés structurelles de ces systèmes
(Giddens 1987, p. 78). Le structurel est le médium et le résultat des conduites qu’il
organise de façon récursive. Pour agir, l’acteur doit faire appel à des éléments structurels, à
des règles et à des ressources particulières. Celles-ci sont le médium de son action. Par son
action, l’agent reproduit les éléments du structurel auxquels il a fait appel. Il s’agit là, le plus
souvent, d’une conséquence non-intentionnelle de son action. L’engagement du structurel,
dans un ensemble de pratiques régularisées dans un système social, se traduit, dans le
système, par un ensemble de propriétés structurelles qui, à leur tour, donnent lieu à des
ensembles structurels propres au système.
Si le structurel est hors du temps et de l’espace, les propriétés structurelles et les ensembles
structurels sont spatio-temporellement situés et font partie du système social dont ils sont au
principe de la reproduction. Les éléments structurels ne sont pas que médium et résultat de
l’action. Ils contraignent et en même temps habilitent les acteurs dans l’accomplissement de
leurs activités.
Ils rendent l’action possible, mais pas n’importe comment. Pour paraphraser une phrase
célèbre, en la modifiant ‘les êtres humains font leur propre histoire’ mais dans des conditions
qu’ils ne choisissent pas totalement et avec des conséquences qu’ils ne contrôlent pas
totalement.
Le concept central de la théorie - la dualité du structurel - renvoie à l’idée qu’il
existe,d’une part, des structures, c’est-à-dire un ensemble de règles et de ressources,
et, d’autre part, des relations d’acteurs mais que ni l’un ni l’autre ne permet d’expliquer
les procès sociaux.
Pour Giddens, les procès sociaux s’expliquent par la dualité du structurel, c’est-à-dire par les
conditions, les modalités d’ancrage de la structure et des relations d’acteurs. Dans
l’ensemble, les dimensions renvoient à la sémantique, au caractère politique et au caractère
normatif de l’activité humaine.
Notons que ces dimensions sont isolables sur le plan analytique seulement. Ainsi, cela
renvoie à l’idée qu’une relation entre deux acteurs ne saurait être examinée en dehors de la
relation de domination, de signification et de légitimation qui unit ces acteurs. Ces relations
étant inscrites dans des propriétés structurelles antérieures à l’interaction, que l’interaction
contribue à reproduire ou à transformer.
Les dimensions de la dualité du structurel jettent donc l’éclairage sur la structuration des
rapports sociaux et révèlent le besoin d’étudier ces dualités : par l’examen des dimensions qui
composent les principes d’organisation et par l’examen des règles et pratiques d’intégration
qui fondent l’articulation des rapports sociaux et des principes d’organisation.
La théorie s’oppose ainsi à l’idée que certaines formes de conduite sociale se reproduisent de
façon chronique en raison de la structure. Pour Giddens, la structure ne peut offrir toutes les
conditions de l’action : toute situation offre à la fois des contraintes et des opportunités.
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Exposé d’épistémologie
C’est, par ailleurs, une théorie qui s’oppose à l’idée qu’un système social est une “création
plastique d’agents” c’est-à-dire un système sans structure qui évolue au seul gré de relations
discrètes. Pour Giddens, ni les structures, ni les acteurs sont des phénomènes indépendants
et toutes les conditions sont nécessairement instables par définition, parce qu’elles varient en
fonction de la connaissance (réflexivité) qu’ont les acteurs de leurs actions. Enfin, parce que
les acteurs ne peuvent jamais connaître ou reconnaître toutes les conditions dans lesquelles
s’inscrivent leurs actions, celles-ci génèrent des conséquences intentionnelles et non
intentionnelles.
COMMENT
ANALYSER
STRUCTURATIONNISTE
UNE
ORGANISATION
DANS
LA
PERSPECTIVE
La théorie repose sur la prémisse que pour comprendre un système social donné, il faut situer
l’ancrage de la structure et des rapports sociaux. Concrètement, cela signifie qu’il faut étudier
les pratiques d’intégration sociale et systémique.
Pour étudier les pratiques d’intégration, il faut d’abord explorer, c’est-à-dire décrire et
interpréter des matériaux empiriques sur le «savoir commun» (mutual knowledge) d’un
système social. Le savoir commun étant ce que possèdent en commun les acteurs pour
interagir; il est un amalgame de conventions dérivées du sens commun et de connaissances
spécialisées introduites par l’activité d’experts (Giddens, 1976).
Mais, pour Giddens (1976 et 1987), l’analyse sociologique ne saurait se limiter à la description
et à l’interprétation des pratiques d’intégration. L’analyse sociologique doit, de plus, comporter
un volet critique permettant de comprendre la constitution des systèmes sociaux. A la
première analyse doit donc s’ajouter un deuxième volet, explicatif cette fois, afin d’enrichir
l’étude des pratiques d’intégration. Ainsi, puisque les pratiques d’intégration s’alimentent et
soutiennent les structures et les rapports sociaux, le deuxième volet de l’étude comporte
l’étude de leur structuration.
En résumé, Giddens propose :
- que l’étude des pratiques d’intégration est réalisée par la description de «l’activité
sociale de tous les jours»;
- que l’interprétation des pratiques passe par la traduction du «savoir commun»; et,
- que l’explication des pratiques repose sur l’explication structurationniste, c’est-à-dire
l’analyse des dimensions de la dualité du structurel.
La perspective structurationniste implique donc l’adoption d’une démarche évolutive de
recherche qui repose sur une double herméneutique. Le chercheur doit décrire et interpréter
le système social, afin de parvenir à connaître ce que les acteurs savent déjà, ou doivent
savoir, pour poursuivre leurs activités quotidiennes (Giddens, 1987). Dans un deuxième effort
d’interprétation, le chercheur doit inscrire les phénomènes dans le cadre de concepts
théoriques : on en vient alors à puiser dans le métalangage, afin de traduire la description et
l’interprétation des matériaux empiriques permettant ainsi de les expliquer.
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Exposé d’épistémologie
Crozier
Source : Encyclopédie
de
la
gestion
(Economica 1989)
« Théorie
des
Organisations »
Auteur :Jacques Rojot
Benoît Koch/Florence Skalli/ Mathilde Morisset-Fénery
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Exposé d’épistémologie
Autre théorie complémentaire
L’interactionisme : « La mise en scène de la vie quotidienne » (E. Goffman [1922-1982]).
Ce sociologue s’attache à la représentation que donnent les acteurs face au public qui les
regarde.
« S’il est vrai que la définition initiale de la situation projetée par un acteur tend à régler le
déroulement de la coopération qui s’ensuit et s’il faut insister par conséquent sur l’aspect
dynamique de l’interaction, il n’en demeure pas moins que toute définition de la situation
présente également un indéniable caractère moral, auquel on s’intéressera tout spécialement
ici. La société est fondée sur le principe selon lequel toute personne possédant certaines
caractéristiques sociales est moralement en droit d’attendre de ses partenaires qu’ils
l’estiment et la traitent de façon correspondante. — A ce principe s’en rattache un second : si
quelqu’un prétend, implicitement ou explicitement, posséder certaines caractéristiques
sociales, on exige de lui qu’il soit réellement ce qu’il prétend être. Il s’ensuit que, lorsqu’un
acteur projette une définition de la situation, en prétendant être une personne d’un type
déterminé, il adresse du même coup aux autres une revendication morale par laquelle il
prétend les obliger à le respecter et à lui accorder le genre de traitement que les personnes
de son espèce sont en droit d’attendre. Il abandonne aussi implicitement, toute prétention à
être ce qu’il n’a pas l’apparence d’être et par suite renonce au traitement réservé aux
personnes qu’il n’est pas. » (Goffman, 1973 : 21)
Benoît Koch/Florence Skalli/ Mathilde Morisset-Fénery
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Exposé d’épistémologie
Les problématiques pratiques qui se posent à
partir de ces théories
Extraits de « Des théories de la firme aux dynamiques de l’action collective : pour une socioéconomie des projets productifs » - Cahier de recherche CRGNA – IAE de Nantes – 1999 –
Jean-Pierre BRECHET et Alain DESREUMAUX
[…]
« Du point de vue organisationnel, souvent développé autour des problématiques du
changement, on trouve le débat théorique action/structure ou plus généralement qui a trait à
la façon dont on saisit les phénomènes organisationnels. L'organisation est tantôt considérée
comme un ensemble de structures qui conditionnent les comportements individuels et
collectifs, tantôt comme un concept commode pour désigner le réseau d'interactions à travers
lequel des acteurs produisent et reproduisent plus ou moins consciemment des structures
d'ordre, temporaires, constamment changeantes. La première conception nourrit une logique
explicative essentiellement déterministe selon laquelle des forces structurelles
(l'environnement, la concurrence) s'imposent aux acteurs et aux organisations (par exemple :
l'environnement sélectionne les formes d'organisation selon une logique universelle
d'efficience) ; la seconde s'expose au danger de détacher les phénomènes organisationnels
de leur contexte technico-économique et socio-politique et de ne pouvoir rendre compte des
transformations majeures des formes institutionnelles. Cette dichotomie peut, bien entendu,
être considérée comme excessive ou simpliste et des propositions de dépassement ont été
élaborées. Et l'on pense à de nombreux travaux forts différents dans le champ de la
sociologie (Crozier et Friedberg, Bourdieu, Giddens…) et, plus près de nous, dans le champ
de la stratégie et de l'organisation, à l'article fondateur de Child (1972) et aux travaux
d'auteurs tels que Astley et Van de Ven (1983), Hrebiniak et Joyce (1985), Van de Ven et
Poole (1988, 1995) par exemple. Le conflit entre ces deux approches reste cependant une
source de tension dans l'analyse organisationnelle.
[…]
Sur ces éléments d'opposition se greffe aussi le débat analytique quant au niveau d'analyse
pertinent pour l'étude des organisations. Il oppose les approches locales ou " micro " mettant
l'accent sur les aspects détaillés et circonstanciés du face à face des acteurs au sein des
organisations, aux approches plus globales ou " macro " s'intéressant à des phénomènes
impersonnels à grande échelle. Si le premier type d'approche s'expose à ne pouvoir se
distancier des pratiques quotidiennes dans lesquelles les acteurs sont engagés et saisir leur
imbrication avec des structures institutionnalisées, le second peut conduire à ignorer la
dialectique qui existe entre structures sociales et pratiques sociales.
[…]
Les théories de la firme nous offrent ainsi une diversité de lectures, diversité porteuse d'une
incommensurabilité problématique (cf. n° spécial de Organization, vol 5 n° 2, 1998), sauf à
admettre que notre discipline puisse s'en affranchir. Nous retenons plutôt que cette
incommensurabilité est au cœur des interrogations sur une théorisation acceptable pour notre
discipline.
Cette
incommensurabilité
se
manifeste
sur
plusieurs
plans.
A un niveau élevé de généralité, on peut distinguer les contributions selon qu'elles reflètent
une préférence pour l'individualisme méthodologique ou le holisme, le réductionnisme ou le
globalisme (cf. figure 2 pour un repérage de synthèse, dont on ne commentera pas plus avant
les quadrants dont la lecture est assez facile, même si certains classements sont délicats,
voire discutables).
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Exposé d’épistémologie
FIGURE 2 : QUELLE POSTURE EPISTEMOLOGIQUE ?
Sur un plan épistémologique, le débat porte sur les modalités de production de connaissance
quant aux phénomènes organisationnels et sur les critères d'évaluation et de légitimation des
discours produits. Ce débat oppose les tenants d'une ontologie réaliste et d'une épistémologie
positiviste, qui considèrent l'organisation comme une réalité objective ouverte à l'explication
en termes de principes généraux ou de lois universelles (à l'instar de phénomènes naturels),
à ceux qui l'appréhendent comme un artefact socialement construit dont la compréhension
ressortit à des conventions méthodologiques hautement locales et spécifiques, toujours
ouvertes à la révision. Cette opposition radicale (positivisme/objectivisme vs
constructivisme/relativisme) a également suscité des propositions de dépassement, mais
reste largement présente dans l'analyse organisationnelle. Elle est aussi à rapprocher des
questionnements sur la rationalité (substantielle vs procédurale, logique de calcul vs logique
de justesse).
Observons aussi que ce débat épistémologique pourrait être abordé en liaison avec le statut
même des sciences de gestion au sein des disciplines scientifiques. En effet, si les sciences
de gestion se définissent plus par leur projet (d'intervention sur le réel, donc d'ingénierie et de
modélisation projective de l'action) que par leur objet (l'entreprise, les pratiques de
management, ou les systèmes de rationalisation), il n'est nullement illégitime de poser qu'il
s'agit plus de s'enrichir d'une pluralité de points de vue et de modélisations afin de développer
ses projets de connaissance et d'action, que de poser le problème de l'étude d'un objet
(l'entreprise et les pratiques de management en l'occurrence).
[…]
L'opposition action/structure est à bien des égards artificielle et de nombreux auteurs en ont
fait le constat. L'holisme associé au structuralisme, même chez Durkheim, n'était pas aussi
pur que cela (Bourdieu, 1997), et l'individualisme méthodologique peut à bien des égards être
qualifié de complexe pour la plupart de ses défenseurs (cf. Dupuy, & Livet, 1997). Si l'on
exclut le structuralisme et l'interactionnisme radicaux (ou bien encore d'un côté la théorie des
normes, de l'autre la théorie du choix rationnel), la posture de dépassement peut être
considérée comme acquise. Les temps semblent révolus où l'économie et la sociologie, pour
ne prendre que ces deux disciplines centrales, étaient radicalement séparées par
l'incompatibilité de leurs modélisations respectives du comportement de l'homme. Depuis le
milieu des années 70 ou le début des années 80, le développement d'une tendance néoinstitutionnelle en économie, exprimant la volonté d'élargir ses fondements comportementaux,
et la place plus large faite en sociologie aux logiques de choix rationnel, ont contribué à un
certain rapprochement des deux disciplines (cf. les débats du Colloque de Cérisy : Dupuy, &
Livet, 1997 ; Reynaud B., 1997). La recherche du dépassement des explications univoques
par les structures ou les acteurs est ainsi présente dans de nombreux travaux, en sciences
sociales en général, maintenant classiques et au demeurant fort différents (cf. par exemple :
Piaget, 1936 ; Crozier, & Friedberg, 1977 ; Friedberg, 1993 ; Morin, 1980 ; Giddens, 1987 ; Le
Moigne, 1990, 1995 ; Bourdieu, 1994, 1997 ; le courant interprétatif (Weick, 1969, 1995 ;
Watzlawick, 1978), plus largement les auteurs dans le champ du constructivisme). Les
comportements en organisation, par extension des organisations, apparaissent ainsi comme
des phénomènes complexes d'interaction entre les acteurs, (leurs perceptions, leurs
actions...) et les contextes dans lesquels ils se trouvent. Que parfois les contraintes perçues
pèsent sur les choix, que les inerties expliquent des rigidités ou que les entrepreneurs
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Exposé d’épistémologie
décident de bifurcations sensibles ne signifie pas explication univoque. L'action est toujours
médiatisée par un acteur singulier en situation d'interaction intellectuelle et matérielle avec les
systèmes d'acteurs et d'actions desquels il participe. Les choix et les comportements des
acteurs sont le fruit des représentations qu'ils se font d'eux-mêmes et de l'univers disputé
dans lequel ils agissent ; ils dépendent aussi de leur position (de leurs capacités d'action,
notamment d'accès aux ressources relationnelles, informationnelles, hiérarchiques,
financières...) dans le contexte des réseaux d'acteurs et des régulations dans ce même
univers, lui-même construit humain contingent et contraignant forgé par les acteurs euxmêmes. Les lectures susceptibles d'apporter des éléments de compréhension des
comportements sont donc extrêmement nombreuses et les travaux qui se nourrissent des
apports de psychologie, de la sociologie, ou plus récemment des sciences cognitives nous en
donnent de multiples exemples.
Sans prétendre conclure, le dépassement évoqué peut être associé à l'individualisme
méthodologique complexe, pour reprendre l'expression proposée par J-P. Dupuy (cf. Dupuy,
1992 ; Dupuy, & Livet 1997). Celui-ci se fonde sur deux propositions apparemment
inconciliables : 1/ Ce sont les acteurs qui font ou " agissent " les phénomènes collectifs
(individualisme) ; 2/ Les phénomènes collectifs sont infiniment plus complexes que les
individus qui les ont engendrés, ils n'obéissent qu'à leurs propres lois (phénomènes d'autoorganisation). L'individualisme complexe n'ignore pas le poids du social et des structures et
considère des acteurs, individus ou quasi-sujets (des sujets collectifs) qui se rencontrent,
s'affrontent, coopèrent ou s'évitent dans des contextes contraignants qu'ils contribuent euxmêmes à construire. Mais, de la même façon, on pourrait renverser les propositions et définir
un holisme méthodologique complexe : 1/ ce sont les phénomènes collectifs qui façonnent les
acteurs 2/ les acteurs sont infiniment plus complexes que les phénomènes collectifs qui les
ont façonnés (Caillé, 1993).
[…]
Toutefois, l'individualisme méthodologique, même complexe, n'exclut pas les interrogations
quant aux démarches de recherche et de production de connaissances, dès lors que sont en
jeu le passage de l'individuel au collectif et la façon dont on articule contraintes et libertés.
Pour ce qui est des démarches de recherche, B. Reynaud (1997) exprime bien le caractère
irréductible de la difficulté si l'on prétend saisir les comportements dans la pluralité de leurs
ressorts : " On dit, en général, qu'il y a deux approches possibles de la notion de collectif : soit
en partant des individus pour tenter de construire le collectif, soit en partant du collectif luimême en le déconstruisant… Mais cette affirmation qui paraît triviale est fausse : dans le
premier cas, la coordination entre les individus suppose de se référer à des collectifs déjà
constitués, comme des règles et des routines… ; dans le second cas, la déconstruction ne
serait possible qu'en disposant déjà d'un plan ou d'une représentation du collectif… ". Ces
réflexions s'appliquant à l'échelle du savoir et à l'échelle de l'action, socialement déterminés
ou socialement construits.
[…]
L'individualisme méthodologique complexe s'accompagne inéluctablement d'un certain
nombre d'hypothèses, voire d'une axiomatique, sur les rationalités et les comportements des
acteurs. Et des acteurs en général, puisqu'il peut s'agir de l'individu, du groupe ou de
l'organisation. C'est donc le statut de l'acteur, l'acception extensive de la notion d'acteur, et de
la rationalité qu'on lui accorde (position normative) ou qu'on lui comprend (position
compréhensive), qui doit être ici abordée, au risque de tenir un propos trop général. Nous
plaiderons ici pour une acception large de la rationalité, d'une acception à même d'être le
réceptacle de modélisations plurielles des comportements. Nous discuterons cette position à
partir
de
l'idée
de
rationalité
stratégique.
· Pour ce qui est de l'acteur, individu principalement, ou du groupe auquel on reconnaît un
comportement de quasi-sujet, on empruntera directement à F. Perroux : " On ne peut plus
traiter des entités, des idéalités, décorées du nom d'agents, comme déterminées par des
marchandises et des prix " . C'est donc l'axiomatisation de l'agent, de l'échange et des
régulations qui doit être repensée. L'agent, individualité en société, forme d'organisation
porteuse d'énergie de changement, stratège et décideur doté de mémoire et de projet (F.
Perroux).
·
Pour ce qui est de l'entreprise considérée comme un acteur, il faut poser que le
développement d'un projet en univers disputé appelle la stratégie, considérée comme mode
d'action recouvrant des phénomène(s) collectif(s) d'auto-éco-organisation en univers disputé
Benoît Koch/Florence Skalli/ Mathilde Morisset-Fénery
27
Exposé d’épistémologie
(cf. les travaux de E. Morin). L'idée d'auto-éco-organisation nous dit que toute lecture
analytique simplifiante ou causale est mutilante. Quand on parle d'acteurs et de projets, à
l'échelle de l'entreprise et, plus encore, du champ concurrentiel, on n'est plus dans le cadre
de comportements rationnels face à la nature, mais confronté à des jeux d'acteurs qui
construisent les jeux et se construisent eux-mêmes. L'acteur entreprise qui se construit est
unité active qui, par son action propre et dans son intérêt propre, est capable de modifier son
environnement, c'est-à-dire le comportement des unités avec lesquelles elle est en relation (F.
Perroux, op. cit., 1973, p. 99).
La littérature, les pratiques, nous donnent à voir et comprendre ce qui, dans le temps, est en
jeu dans le comportement de l'acteur (individu, groupe ou unité active) et dans la constitution
des organisations et des collectifs et plus largement dans les régulations (à l'échelle des
systèmes d'offre ou des champs concurrentiels). Il s'agit des modalités organisationnelles au
sens large du terme, donc des règles formelles et informelles qui mettent en jeu contrat,
autorité et confiance, sans oublier les incitations marchandes d'ailleurs largement
inséparables des aspects organisationnels précédents, mais qui ne seront pas évoquées ici
(Baudry,
1995)
:
· Des choix et des dispositifs qui participent formellement de la répartition des tâches et de la
coordination (cf. les travaux de Mintzberg) ou dit, d'une autre façon, qui participent des
processus de création/distribution de savoir et de définition de modes relationnels .
·
Des règles informelles ou implicites incarnées dans des savoir-faire, des dispositifs
matériels ou objets techniques qui pré-organisent la coopération, des règles coutumières qui
gèrent la communication (cf. B. Reynaud, p. 14 qui définit les règles comme toutes les formes
d'un savoir collectif mobilisable par les agents). Cette rubrique met en jeu des représentations
partagées que l'on aborde cet aspect sous l'angle du cognitif et de l'apprentissage, de la
culture ou des conventions. Pour notre part nous serions tentés de présenter ces
phénomènes sous 2 rubriques au regard de leur degré d'inconscience, rubriques proposées
plus
pour
suggérer
la
critique
que
pour
classer
définitivement
:
1. Des représentations qui correspondent à une inconscience profonde : les représentations
les plus profondément enfouies et que l'on pourrait rattacher à l'imaginaire organisationnel,
aux
phénomènes
identitaires
et
culturels,
voire
aux
affects.
2. Des représentations qui correspondent à une forme d'inconscience assumée. Les acteurs
ne mettent pas en jeu la conscience de l'acte à chaque fois qu'ils agissent, mais on peut
considérer que cette inconscience peut être rapidement levée : l'acteur peut fournir une
explication à ses actes ou aux pratiques sur le mode discursif ou être aisément conscient des
effets de position et de disposition en jeu, ce qui paradoxalement peut fort bien renvoyer aux
lectures politiques et aux jeux d'acteurs (Crozier, & Friedberg 1977 ; Reynaud J.D., 1989) ;
l'acteur est conscient que les pratiques et les actes servent ou desservent certains intérêts.
On aurait pu dire aussi que sont en jeu des institutions (cognitives - des habitudes de penséeet matérielles -des organismes, des dispositifs et des règles-) et donc des processus
d'institutionnalisation. On retrouve ici les apports des courants (néo) institutionnalistes et les
enrichissements qu'ils proposent des lectures économiques (cf. par exemple Powell, & Di
Maggio, 1991, Scott, & Christensen, 1995). Ces enrichissements valent aussi pour les
régulations concurrentielles, pour la dynamique des projets et contre-projets des acteurs.
De façon générale, et notre discipline le sait bien, on aurait pu dire, de façon plus classique,
que, quels que soient les acteurs et les pratiques considérées, les régulations formelles et
informelles de l'action collective recouvrent des jeux de pouvoir, et des phénomènes
d'intégration et de différenciation par le jeu sur les représentations. A partir de là, quelle
rationalité reconnaître à l'acteur (sujet ou quasi-sujet) afin d'être en mesure de saisir la
richesse de ses comportements de connaissance et d'action ? Quelques propositions pour
préciser
la
notion
de
rationalité
stratégique
retenue
:
·
La rationalité stratégique combine stratégie et programme ; les comportements de
connaissance et d'action sont inéluctablement et irréductiblement combinaison de
programmes et de stratégies (de connaissance et d'action) (cf. les travaux de E. Morin). Les
programmes naissant des stratégies (et non l'inverse selon E. Morin), il apparaît convenable
de parler de rationalité stratégique pour désigner la richesse comportementale ainsi évoquée.
· Prendre en compte les jeux d'acteurs pousse à parler de rationalité stratégique si l'on
Benoît Koch/Florence Skalli/ Mathilde Morisset-Fénery
28
Exposé d’épistémologie
entend par là que cette rationalité s'exprime à travers des comportements offensifs, défensifs,
de saisie d'opportunités (cf. le modèle du Centre de Sociologie des Organisations) ; de la part
d'acteurs inéluctablement marqués par leurs trajectoires et les contextes dans lesquels ils
évoluent,
mais
disposant
toujours
de
degrés
de
liberté
dans
l'action.
· Une approche processuelle, qui prend en compte le développement de l'action, conduit à
rejeter la rationalité sélective ou simple épreuve de sélection (cf. Giordano, 1991). Il s'agit
d'une rationalité procédurale, située, interactive, en contexte (Ponssard, 1994 dans Orléan),
qui ne saurait délaisser le poids des phénomènes psycho-sociologiques et psycho-cognitifs,
ni gommer complètement l'idée d'aspects parfois plus systémiques qu'individuels et calculés
(March,
1991).
Il faudrait aussi introduire l'idée d'une distinction entre la rationalité de l'acteur quelconque et
la rationalité requise pour l'acteur porteur du projet. Pour ce dernier, les dimensions
intentionnelles et instrumentales appellent sans doute des réflexions spécifiques.
[…]
Le risque est grand si les disciplines de gestion ne disposent pas d'une théorie propre de la
firme et plus justement sans doute d'une socio-économie des projets productifs, de perdre de
vue certaines dimensions des phénomènes étudiées ou des actions envisagées. Les
sciences de gestion ont besoin d'une lecture réceptacle de l'action collective à des fins
productives. D'une lecture réceptacle plus que de la juxtaposition de lectures aux
axiomatiques incompatibles ou relevant de postures de production de connaissance sans "
passage
"
entre
elles.
Mais les disciplines de gestion ne peuvent se contenter de la richesse de leur compréhension
du réel, même si les progrès dans la compréhension contribuent à mieux penser l'action. Elles
se donnent pour finalité de mieux construire l'action, d'agir en plus grande pertinence ou
sûreté intellectuelle. La connaissance produite doit donc contribuer à cette finalité
ingénierique. Mais cette dernière, qui appelle parfois la simplification du propos, ne signifie
pas qu'il faille se satisfaire de lectures appauvrissantes et réductionnistes. C'est parce que
l'on dispose d'une lecture riche de l'action collective et des régulations que l'on est à même de
modéliser intelligemment les projets d'action nourris. Le souci pratique, qui appelle parfois,
voire souvent, l'instrumental et le prescriptif, n'exclut pas la richesse des représentations
mais, bien au contraire, l'appelle. La modélisation consciente appelle la richesse de la
connaissance des phénomènes. Ce n'est pas parce qu'il faut parfois faire simple pour agir,
qu'il s'agit de récuser l'intérêt des connaissances " complexes ". C'est la reconnaissance de la
complexité qui permet de faire simple, lucidement. Les disciplines de gestion ont besoin de
disposer d'une lecture riche du développement de l'action collective (des pourquoi, des quoi,
des comment) afin d'avoir une bonne compréhension des diverses dimensions en cause dans
le développement de toute action organisationnelle à des fins de création de valeur.
La théorie de la firme, avions-nous constaté, a un statut incertain, ni au cœur des sciences
économiques ni au cœur des sciences de gestion. A nouveau, réaffirmons que notre
sentiment est que ce statut incertain pourrait être le signe d'une place certaine à l'interface du
macro et du micro et, plus précisément, à l'interface des théories de l'action individuelle et des
théories saisissant les régulations à un niveau plus global. A cette interface se jouent la
compréhension de la constitution des collectifs à des fins de production de biens ou de
services et la cohérence des théorisations de l'action individuelle, de l'action collective et
partant des régulations concurrentielles. La place incertaine parce qu'intermédiaire devient
alors une place essentielle parce que centrale. »
Benoît Koch/Florence Skalli/ Mathilde Morisset-Fénery
29
Exposé d’épistémologie
Quelques questions complémentaires pour la
discussion
À propos de l’action individuelle elle-même.
 Comme, d’après l’analyse de « L’homme pluriel » de Bernard Lahire, les acteurs
sont porteurs de dispositions fonction de leur histoire et de leur parcours social,
dispositions utilisables selon les contextes, comment s’articulent les mises en
œuvre ou au contraire les mises en veille de ces dispositions ?
Comment s'articule la démarche du chercheur et son
observation face aux actions individuelles ?
 L’individualisme méthodologique contextualisé n’est-il pas lui aussi déterministe
(cf. citation ci-dessous) ?
« L’acteur rationnel de R. Boudon n’est pas libre puisque son comportement est conditionné
par la logique de la situation… Quoique par des voies différentes, la sociologie de Boudon ne
le cède donc en rien à celle de Bourdieu quant au déterminisme. Toutes les deux sont
également holistes, puisqu’elles tiennent pour assuré que la structure de l’ensemble qu’elles
considèrent a des propriétés qui ne résident pas dans les éléments de l’ensemble pris un à
un. En ce sens Bourdieu et Boudon pourraient être dits structuralistes : tous deux pensent
que l’agencement des éléments d’un système a des effets déterminants et que si un seul
élément du système est modifié, l’ensemble du système l’est de ce seul fait. Enfin les deux
sociologies sont constructivistes. Dans la mesure où elles s’imposent de construire des
systèmes de relations qui éclairent le fonctionnement du réel social sans avoir la prétention
d’en fournir une description exhaustive. » Fabre P., Revue Française des Sciences Politiques,
déc.1980, pp1253-1254.
Le chercheur donne-t-il des injonctions à l'action par les résultats de sa recherche
?

Quel niveau d’analyse privilégier pour expliquer/comprendre le fonctionnement
des organisations en sciences de gestion : individu, groupe, ou organisation ?

La sociologie de l’action de P. BOURDIEU : comment s’articule « la logique de la
pratique » ?
Si la sociologie de l’action est prise en compte par celui qui observe au détriment de celui qui
agit, le risque est que l'observateur attribue faussement à l’acteur un rapport intellectuel à
l’action ( et donc aboutirait à une forme d’universalité homogène de l’action observée ) alors
que l’acteur pris dans ses « urgences » obéit à une logique pratique (« une logique qui n’est
pas celle de la logique ») que Bourdieu appelle « le sens pratique » .
Cette approche est-elle réaliste ? L'autre thèse ne serait-elle pas de pencher vers la capacité
réflexive de l 'individu (qui réfléchit à ce qu’il est en train de faire ) même dans les situations
courantes ( cf la notion d « Homme pluriel » de B. Lahire – texte joint en fin de dossier )
Benoît Koch/Florence Skalli/ Mathilde Morisset-Fénery
30
Exposé d’épistémologie
Comment se fait la prise en compte par le chercheur du discours de l'individu par
rapport à son action ?
Textes complémentaires
L’ Homme pluriel - BERNARD LAHIRE
Interview sur le site Nathan Université à propos de L'Homme pluriel : Les ressorts de l'action,
Nathan, coll. "Essais & Recherches", 1998.
En quoi vos travaux sur l'illettrisme, les pratiques de lecture et d'écriture en milieu populaire
vous ont-ils amené à la définition de l'homme pluriel ?
Sans doute que le constat d'une difficile transférabilité des compétences lectorales ou
scripturales d'un genre d'écrit à l'autre, d'une situation d'écriture ou de lecture à l'autre a
commencé à faire cheminer en moi l'idée d'une pluralité de compétences ou de dispositions
constituées au sein de chaque acteur et qui se déploient ou non selon le contexte d'action.
Mais c'est surtout l'étude d'univers familiaux populaires qui m'a fait prendre conscience de
l'hétérogénéité et parfois même de l'aspect contradictoire des principes de socialisation
auxquels sont soumis les enfants au cœur même de la famille. Si on ajoute à cela les
principes de socialisation scolaires auxquels le même enfant est très rapidement exposé, on
est sur la voie d'une réflexion sur l'acteur pluriel.
Qu'est-ce qu'un homme pluriel ? En quoi l'homme est-il pluriel ?
Un homme pluriel, c'est un homme qui n'a pas toujours vécu à l'intérieur d'un seul et unique
univers socialisateur, qui a donc traversé et fréquenté plus ou moins durablement des
espaces (des matrices) de socialisation différents (et même parfois socialement vécus
comme hautement contradictoires). L'homme pluriel est donc porteur de dispositions,
d'abrégés d'expériences multiples et pas forcément toujours compatibles... Il doit pourtant
"faire avec". Cette situation peut lui poser un grave problème si des dispositions viennent se
contredire dans l'action. Elle peut aussi être inaperçue par l'acteur lui-même si, comme c'est
très fréquemment le cas, les dispositions ne s'activent que dans des contextes ou des
domaines de pratiques limités et séparés les uns des autres. L'homme pluriel, c'est l'homme
dont l'ensemble des pratiques est irréductible à "une formule génératrice" ou à "un principe
générateur".
Qu'est-ce qu'un transfuge ? Pensez-vous que l'on puisse totalement échapper à son milieu
d'origine, à sa classe sociale ?
On appelle parfois en sociologie "transfuge de classe" celui qui est né dans un milieu social
et qui vit adulte dans un tout autre milieu social. Les cas les plus fréquemment étudiés (ou du
moins mentionnés) sont les cas de mobilité sociale ascendante par la voie scolaire. Le
"transfuge" est un cas particulier de l'acteur pluriel, mais pas le modèle par excellence de la
pluralité
de
l'acteur.
Pour ce qui est de la seconde interrogation, pour des raisons d'incorporation d'expériences
socialisatrices familiales, on peut dire qu'on n'échappe jamais vraiment, totalement à son
milieu d'origine. Mieux, on ne "sort de son milieu" qu'avec la complicité partielle de ce "milieu".
Vous comparez l'homme à une "feuille pliée", êtes-vous déterministe ?
Je suis déterministe autant qu'on puisse l'être en sciences sociales... Je pense bien sûr que
les comportements, perceptions et pensées des êtres sociaux s'expliquent de part en part par
les liens sociaux passés et présents qui les ont constitués. Mais j'explique dans L'Homme
pluriel que l'on ne peut prédire aussi facilement un comportement humain qu'un événement
physique ou chimique. Je compare en effet chaque être social singulier à une feuille de papier
pliée ou froissée. Nous sommes tous relativement singuliers même si nous sommes
constitués socialement : si la feuille de papier symbolise le monde social, ses structures, ses
différents domaines, etc., la feuille de papier froissée ou plusieurs fois pliée peut donner une
image intéressante de ce que représente chaque cas singulier.
Selon vous, le soi est-il une illusion ?
Le "soi" cohérent, unique, cette identité personnelle identique à elle-même en tout lieu, en
toute circonstance, est en effet une illusion, mais une illusion socialement bien fondée, c'està-dire une illusion qui trouve de nombreux supports linguistiques, symboliques, sociaux (le
nom et le prénom, les différents codes et numéros personnels, les diverses occasions
Benoît Koch/Florence Skalli/ Mathilde Morisset-Fénery
31
Exposé d’épistémologie
verbales de reconstruction a posteriori de la cohérence d'un parcours, d'une identité, d'un
"caractère"...). Le chercheur en sciences sociales ne peut a priori donner raison à cette
conception ordinaire de l'acteur toujours identique à lui-même, même si une partie de son
travail consiste à comprendre les raisons de la prédominance de ce modèle d'identité dans le
monde social.
Vous dites que vous êtes plus bourdieusien que les bourdieusiens. Pouvez-vous expliquer
votre position ?
Ce que je veux dire, tout à fait sérieusement et sans provocation aucune, c'est que par mes
travaux je pense être, en définitive, bien plus fidèle au travail de Pierre Bourdieu que ses plus
"fidèles" épigones. En effet, pour réaliser ce que Bourdieu a fait dans le champ des sciences
sociales, il faut absolument éviter le rapport maître/disciple et la répétition sans fin de sa
"pensée" sur des terrains particuliers. Il faut en revanche faire ce que lui-même a su faire
lorsqu'il avait l'âge de ses plus jeunes disciples actuels : rompre en partie avec le
structuralisme (alors que certains restaient coincés dans les impasses de ce modèle de
pensée), se moquer de certaines frontières disciplinaires, ne pas craindre d'être antiacadémique, garder un esprit critique toujours en éveil et développer son imagination
sociologique, défendre l'autonomie scientifique des sciences sociales... Mais l'"académique"
aujourd'hui en sciences sociales (un de ses pôles en tout cas), c'est Pierre Bourdieu et Actes
de la recherche en sciences sociales. C'est avec cette tradition sociologique là que j'ai appris
à être critique, mais cette tradition doit être critiquée à son tour, surtout au moment où elle se
gèle, en grande partie sous l'effet de la consécration scientifique et sociale. Être fidèle au
mode de pensée de Pierre Bourdieu, à ce qu'il y a de plus précieux dans ce qu'il nous a
appris, c'est refuser la "mallette conceptuelle" estampillée Pierre Bourdieu, qu'avec parfois la
complicité de certains jeunes épigones en désir de fast success, le maître nous "vend"
aujourd'hui.
Vous n'aimez pas deux mots : "théorie" et "interdisciplinarité", pourquoi ?
Je n'aime pas le mot "théorie" tel qu'il est manié en France notamment pour désigner ces
petits modèles un peu mystérieux, qui prétendent à l'universalité de leur pertinence et dont on
ne saisit pas bien les fondements historiques (ou empiriques). Cela dit, l'activité théorique est
bien évidemment indispensable en sciences sociales, mais on pourrait souhaiter qu'elle soit
plus lucide, plus pragmatique, moins fumeuse... C'est là que l'enseignement philosophique de
Wittgenstein me paraît central pour l'hygiène mentale (linguistique et théorique) de tout
chercheur en sciences sociales. Quant au mot "interdisciplinarité", il peut paraître étrange de
le voir stigmatisé par un chercheur qui en appelle par ailleurs à une "sociologie
psychologique" et à des collaborations scientifiques entre chercheurs issus de traditions
disciplinaires différentes. Mais bien souvent le mot "interdisciplinarité" renvoie à des collages
hétéroclites de "points de vue" disciplinaires dont chaque chercheur sort inchangé. Je pense
qu'il faut savoir aller vers les autres disciplines de l'intérieur de sa discipline, en en sentant la
nécessité interne, en en saisissant l'indispensabilité du point de vue de la logique même de
son travail scientifique. Si on ne sent pas cette ouverture à d'autres disciplines comme une
nécessité interne, alors ce n'est pas la peine de se forcer à ces dites "collaborations
interdisciplinaires". […]
« Le retour de l'acteur » (extraits) par Thomas FERENCZI
ARTICLE PARU DANS LE MONDE du 15.04.88
Après le règne du structuralisme et le triomphe du " système ", l'individu prend sa revanche : il
retrouve sa place dans les études des sociologues.
DÉLIMITER le domaine de la sociologie est une tâche difficile, pour deux raisons au moins.
La première est qu'il existe, aux frontières de la discipline, toute une série de travaux qui
s'apparentent tantôt à des enquêtes proches du journalisme, tantôt à des textes de réflexion
proches de l'essai. […]
L'autre raison qui rend indécis les contours de la sociologie proprement dite est que les
sociologues eux-mêmes s'inspirent largement des investigations conduites dans des
disciplines voisines ; la philosophie, l'histoire, la linguistique, l'économie... Dans les années
70, en particulier, les oeuvres de philosophes comme Michel Foucault ou Jurgen Habermas,
d'historiens comme Philippe Ariès ou Norbert Elias (enfin traduit avec plus de trente ans de
Benoît Koch/Florence Skalli/ Mathilde Morisset-Fénery
32
Exposé d’épistémologie
retard), de linguistes comme Noam Chomsky ou William Labov, d'économistes comme
Herbert Simon ont contribué à renouveler la problématique de la sociologie.
est une attention nouvelle portée à la place de l'individu dans la société, ou plutôt, pour le dire
plus savamment, à l'interaction entre les " agents " et les " structures ". D'inspiration marxiste
ou d'obédience structuraliste, la sociologie des années 60 mettait plus volontiers l'accent sur
le poids des mécanismes sociaux que sur la liberté du sujet. Les chercheurs des années 70
tentent au contraire de penser ensemble, selon le titre d'un livre important de Michel Crozier
et Erhard Friedberg, " l'Acteur et le Système ". " L'acteur n'existe pas en dehors du système,
qui définit la liberté qui est la sienne et la rationalité qu'il peut utiliser dans son action. Mais le
système n'existe que par l'acteur qui seul peut le porter et lui donner vie, et qui seul peut le
changer ", écrivent les deux auteurs dans leur avant-propos.
C'est en des termes presque identiques qu'Alain Touraine, dans la Voix et le Regard (Le
Seuil, 1978), souligne la nécessité de tenir les deux bouts de la chaine, en montrant ce qu'il
advient si l'on se borne à l'un ou l'autre des deux termes : " D'un côté le système se dissout
dans les relations entre les acteurs ; de l'autre, l'acteur disparait, écrasé par les lois du
système et de sa structure. D'un côté tout est changement, de l'autre tout est ordre. Positions
également inacceptables. "
La liberté du joueur
On peut, sans beaucoup de difficultés, classer les sociologues contemporains selon la
manière dont ils décrivent l'articulation entre ces deux aspects de la réalité. Pour Alain
Touraine, dont l'un des derniers livres s'intitule significativement le Retour de l'acteur (Le
Seuil, 1983), la notion-clé est celle de " mouvement social ", défini comme " l'action collective
organisée " des acteurs de classes en lutte pour la direction des " grandes orientations
culturelles " de la société. Un des objectifs de la recherche, précise-t-il, est de découvrir le
mouvement social qui occupera dans la société post-industrielle " la place centrale qui fut
celle du mouvement ouvrier dans la société industrielle et du mouvement pour les libertés
civiques dans la société marchande qui la précéda ".
Les travaux de Pierre Bourdieu sont souvent cités comme l'exemple même d'une vision
déterministe de la société. L'auteur, entre autres, de la Reproduction (avec Jean-Claude
Passeron, Minuit, 1970), de la Distinction (Minuit, 1979) et du Sens pratique (Minuit, 1980)
serait, à en croire ses adversaires, le dernier représentant d'un structuralisme, qui ferait des
individus, comme l'écrit Pierre Bourdieu lui-même dans Choses dites (Minuit, 1987), " des
automates réglés comme des horloges, selon des lois mécaniques qui leur échappent". C'est
méconnaitre profondément une entreprise qui, dès ses débuts, s'est employée à dépasser "
l'objectivisme " propre à la démarche structuraliste et à " réintroduire la pratique de l'agent, sa
capacité d'invention, d'improvisation " (op. cit.). Le concept fondamental par lequel
PierreBourdieu se propose d'échapper à " l'alternative du structuralisme sans sujet et de la
philosophie du sujet " est celui d'" habitus ". " Système de dispositions acquises " par chaque
individu ou, si l'on préfère, " histoire incorporée ", l'" habitus " est présenté comme le principe
générateur d'" improvisations réglées ". Il rend possible des stratégies, ni conscientes ni
inconscientes, qui sont comparables à celles du joueur, lequel est à la fois contraint de
respecter des règles et capable de " s'adapter à des situations indéfiniment variées, jamais
parfaitement identiques ". " L'habitus comme sens du jeu est le jeu social incorporé, devenu
nature ", conclut Pierre Bourdieu, qui ajoute : " Rien n'est plus libre ni plus contraint à la fois
que l'action du bon joueur. "
Les stratégies et les conduites
Il est difficile de résumer en quelques lignes une telle théorie, mais il est incontestable que le
paradigme de l'" habitus " est un de ceux qui rendent compte, de la façon la plus satisfaisante,
de la vieille dialectique de la liberté et de la nécessité, de l'individuel et du social.
Il est un autre paradigme que l'on a vu se développer dans les années 70, sous des formes et
des dénominations variables, en France chez Michel Crozier ou chez Raymond Boudon, aux
Etats-Unis chez Erving Goffman ou chez les ethnométhodologues : on pourrait l'appeler le
paradigme de l'action rationnelle, même si cette rationalité est plus ou moins limitée selon les
auteurs.
Michel Crozier, qui a montré dans son Phénomène bureaucratique (Le Seuil, 1964), comment
se comportent les individus face aux organisations, peut ainsi affirmer dans l'Acteur et le
Système que la conduite humaine " traduit un choix à travers lequel l'acteur se saisit des
opportunités qui s'offrent à lui dans le cadre des contraintes qui sont les siennes ". La
réflexion des auteurs, qui se proposent d'étendre à l'ensemble des systèmes d'action la
démarche appliquée précédemment aux seules organisations, se construit " autour du
Benoît Koch/Florence Skalli/ Mathilde Morisset-Fénery
33
Exposé d’épistémologie
concept central de stratégie ", qui suggère notamment que l'acteur " n'a que rarement des
objectifs clairs et encore moins des projets cohérents ", mais que son comportement n'en est
pas moins rationnel, " d'une part par rapport à des opportunités [...], d'autre part par rapport
au comportement des autres acteurs ". " L'individualisme méthodologique ", que défend
Raymond Boudon, part de l'idée que " ce sont les actions individuelles qui, par agrégation,
constituent les phénomènes collectifs ". Cependant, précise l'auteur, " les individus ne sont
pas suspendus dans une sorte de vide social ; ce sont des individus situés socialement, ayant
un passé, des ressources, des croyances [...], et c'est dans ce cadre social qu'ils agissent "
(entretien dans la revue Esprit, novembre 1985). L'application de ces principes, développés,
entre autres, dans Effets pervers et Ordre social (PUF, 1975), la Logique du social (Hachette,
1979) et la Place du désordre (PUF, 1984), permet à Raymond Boudon d'esquisser, dans son
dernier livre, une théorie originale de la notion d'idéologie (l'Idéologie, Fayard, 1986).
Le renouvellement le plus fécond des études sociologiques est venu de " l'interactionnisme
symbolique " dont témoigne l'oeuvre d'Erving Goffman, traduite aux Editions de Minuit. Avec
Asiles (1968), la Mise en scène de la vie quotidienne (1973), les Rites d'interaction (1974), le
sociologue américain, en décrivant avec minutie la représentation que donnent d'eux-mêmes
les acteurs sociaux face au " public " qui les juge, assigne aux conduites humaines un autre
modèle de rationalité. […]
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Exposé d’épistémologie
Extraits de textes philosophiques.
Marx (Le capital – 1894)
Sartre (Matérialisme et révolution in Situations III – 1949)
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Exposé d’épistémologie
Kant (Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolite - 1784)
Nietzsche (Par-delà le bien et le mal – 1885)
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Exposé d’épistémologie
Eléments bibliographiques
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