Que Vlo-Ve ? Série 4 No 4 octobre-décembre 1998 pages 105-116
Les Mamelles de Tirésias – Documents – Dossier de presse (compléments)
© DRESAT
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Feuille de laurier tricolore mais verte en 1915, puis de La Feuille d'olivier perdue, mais
retrouvée avaient d'abord été utilisés.
Aucun nom de directeur de publication ni d'éditeur n'aide à reconnaître l'origine de ces
fascicules. Seuls points de repère, des dessins de Lhote et des compositions graphiques de
Sébastien Voirol, ainsi que des noms de destinataires, parmi lesquels ceux de Barzun,
Mercereau, Divoire, Gleizes, qui nous ramènent à la mouvance du Dramatisme, d'amateurs
comme Gra-nié, Poiret ou Rondel, et de critiques, Billy, Tautain, Allard ainsi que Pierre Albert-
Birot, probablement comme directeur de SIC.
L'auteur anonyme de ces lignes est mal informé, ou feint de l'être, quand il fait
d'Apollinaire l'inventeur du Nunisme; son propos néanmoins rejoint ceux qu'on tenait dans des
milieux qui portaient au poète un intérêt critique, Le Cri de Paris, par exemple, ou Soi-même
(voir notamment dans cette dernière publication, le 15 décembre 1917, l'article de René-Marie
Hermant intitulé "Le Poème assassiné"). [107]
UNE MANIFESTATION DE «DEFAITISME» EN ART
Guillaume Apollinaire est un poète fantaisiste, un critique d’art, c’est-à-dire un esthéticien
d’avant-garde et, d’après les feuilles du jour, l’inventeur du «nunisme».
Il est un militaire blessé et distingué.
Ceux qui le connaissent n’hésitent pas à affirmer qu’il est intelligent, érudit, et bon garçon, tout en
faisant métier de mystification.
Les privilégiés qui ont assisté à la représentation de «sa première pièce» le 24 juin, à Montmartre,
ajoutent que le seul défaut capital de Guillaume Apollinaire est d'afficher, peut-être délibérément, le plus
mauvais goût dont on puisse donner exemple dans la littérature contemporaine..
Le titre de sa pièce : «les Mamelles de Tirésias» en est une première preuve.
Il eu est d'autres : l'exhibition sur la scène de biberons, bidet, vase de nuit, etc., l'emploi des pires
trucs de revue, de pitreries les moins faites pour divertir, etc.
Enfin nous signalerons ici comme preuve décisive, dans l'oeuvre d'un poète, l'absence totale de
préoccupations littéraires.
On a l'impression prédominante que tout ce qui un instant a pu germer dans le cerveau
heureusement non assassiné, de l'auteur, lui a paru bon, que le discernement entre les blagues à faire ou à
ne pas faire, est par lui complètement négligé. En de telles conditions, rien n’est plus facile que de «créer».
Mais le résultat fatal est celui-ci : on se gardera longtemps de voir en Guillaume Apollinaire un poète de
talent qui s'impose, et on le traitera, à tort, nous aimons à le croire, d'ambitieux, tenant à faire parler de lui,
serait-ce au prix du dédain de ses pairs.
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À ajouter au dossier de presse de la pièce ces lignes parues le dimanche
1er juillet 1917 dans Le Cri de Paris :
Les Théâtres
[..]
À Montmartre
Nûn est un mot grec qui signifie maintenant. M. Guillaume Apollinaire a donc créé le nunisme. Et
pour appliquer cette doctrine ultra moderne il a mis en pièce une vieille légende d’Hésiode. Les Mamelles
de Tirésias ont été acclamées et huées par tout ce que Paris compte d'excentriques. On regrette que M.
Apollinaire gâche ainsi un beau talent.