L`étude de la langue à l`articulation de l`école et du collège

Conférence de P. Gourdet (maitre de conférence) du 30 novembre 2011 Liaison CM2-6ème Etampes L’étude de la langue
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L’étude de la langue à l’articulation de l’école et du collège
1 - Clarification terminologique préalable
L’expression « étude de la langue » utilisée dans ce compte-rendu comprend l’enseignement de la grammaire et de
l’orthographe (mais aussi celui du vocabulaire non abordé durant cette matinée).
Le terme orthographe fait référence à une définition proposée dans un ouvrage de 1986 intitulé La grammaire
d’aujourd’hui, Guide alphabétique de linguistique française, Paris, Flammarion (Arrivé, M., Gadet, F. & Galmiche, M.) :
« l’orthographe est la manière de manifester par écrit une langue conformément aux règles en vigueur à l’époque
considérée ». Cette définition renvoie bien à la question de la norme essentielle en orthographe mais une norme
actuelle qui peut évoluer et non une surnorme qui serait figée sur le plan temporel. Il est important de rappeler qu’il
existe donc des modifications orthographiques validées sur le plan institutionnel et par l’académie française (cf. le
document qui présente les rectifications orthographiques de 1990). L’objectif est de poursuivre des gularisations de
notre orthographe (le français possède une des orthographes les plus complexes d’Europe).
La grammaire est un terme générique avec plusieurs acceptations :
- La grammaire renvoie à la syntaxe, c’est-à-dire à la relation entre les mots
- La grammaire peut englober toute l’étude de la langue (la syntaxe et la morphologie)
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- La grammaire peut également désigner un manuel, un ouvrage de référence.
- Enfin « la grammaire scolaire » est une discipline, objet d’enseignement, qui parait immuable alors qu’il existe plusieurs
grammaires scolaires qui se sont succédées ou qui peuvent se superposer dans les classes. Les linguistes en définissent
quatre :
1ère grammaire scolaire
2ème grammaire scolaire
3ème grammaire scolaire
4ème grammaire scolaire
Avant 1838
Analyser les propositions qui
sont des jugements => une
analyse de la pensée logique
(lien langage pensée)
À partir de 1838 jusqu’à aujourd’hui
Mettre en adéquation le plan logique et le
plan grammatical : avènement des
fonctions…
> Analyse grammaticale = étiquetage
> Analyse logique (un avatar de la 1ère
grammaire) = repérer les propositions,
leurs hiérarchies et articulations
Avènement dans les années
1970 (rénovation de
l’enseignement du français)
Influence de la linguistique
structurale => plan de rénovation de
l’enseignement du français !
Avènement des arbres…
À partir des années 1990
Influence de la linguistique textuelle
=> la phrase n’est plus le seul espace
pour pratiquer une étude de la
langue.
Avènement de la grammaire de
texte, de discours…
2 Problématique de cette matinée
La question de l’étude de la langue et la liaison CM2-6ème interrogent au moins trois entrées :
- L’articulation des programmes
- La nécessité d’interroger les notions à travailler (les propriétés à valoriser dans une progression)
- L’articulation et cohérence des activités pédagogiques
Il y a une nécessité à se mettre d’accord sur les bases nécessaires aux élèves de C3 pour mieux bénéficier des enseignements au
collège. L’objectif est bien d’améliorer la cohérence des apprentissages dans le cadre du socle.
3 Les attentes institutionnelles de CM2 et de 6ème
Les objectifs de la grammaire dans les programmes :
=> Au Cycle 3, favoriser la compréhension des textes, améliorer l’expression. Le vocabulaire grammatical s’acquiert
progressivement et se remobilise dans les activités d’écriture.
=> Au collège, conduire les élèves à comprendre les mécanismes de la langue, les analyser afin de les amener à réutiliser
leurs connaissances pour mieux s’exprimer (oral et écrit).
Le socle commun des connaissances et des compétences définit un ensemble de contenus que les élèves doivent acquérir
durant la scolarité obligatoire. L’outil national à utiliser est le livret personnel de compétences (ou LPC) qui reprend l’ensemble
des « items » à travailler au palier 1 (fin de CE1), au palier 2 (fin de CM2) et au palier 3 (fin du collège). Pour l’étude de la langue,
les attentes au palier 3 sont intégrées dans le Lire-Écrire-Dire.
Ce LPC fait état de l’attestation de la maîtrise des 7 compétences, la maîtrise de la langue étant la compétence N°1 qui, pour le
palier 2, regroupe 6 domaines (Dire / Lire / Écrire / Étude de la langue : vocabulaire / Étude de la langue : grammaire / Étude de
la langue : orthographe) et 29 items.
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Cette acceptation est souvent celle utilisée dans ce compte-rendu.
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« Distinguer les mots selon leur nature » est l’un des items de ce palier 2, en fin de CM2. Sur cette question précise des classes
grammaticales, il est indispensable de comparer les attendus des programmes avant de définir un niveau d’acquisition souhaité
pour la fin de l’école élémentaire. Le tableau ci-dessous reprend les programmes de l’école primaire et ceux du collège :
BO spécial n°6 28 août 2008 (collège)
Distinguer selon leur nature le verbe, le nom (propre / commun), les articles, les
déterminants possessifs, les pronoms personnels (formes sujet), les adjectifs
qualificatifs
CE2
6ème
* Le nom et ses déterminants : les articles,
indéfinis, définis, partitifs ; distinction entre des
article indéfini, des article défini contracté ; du
article partitif, du article défini contracté ; le
déterminant possessif ; le déterminant
démonstratif
* Le verbe (savoir l'analyser en donnant son
infinitif, son groupe, son temps, son mode, sa
personne)
* Les pronoms : les pronoms personnels (leurs
formes et leurs fonctions ; distinction entre la , les
déterminants et pronoms) ; les pronoms
possessifs ; les pronoms démonstratifs
* L'adjectif qualificatif (il s'ajoute au nom pour le
qualifier, s'accorde en genre et en nombre avec le
nom qu'il qualifie)
Distinguer selon leur nature les mots des classes déjà connues, ainsi que les
déterminants démonstratifs, interrogatifs, les pronoms personnels (sauf en, y), les
pronoms relatifs (qui, que), les adverbes (de lieu, de temps, de manière), les négations
CM1
Distinguer selon leur nature les mots des classes déjà connues, ainsi que les pronoms
possessifs, démonstratifs, interrogatifs et relatifs, les mots de liaison (conjonction de
coordination, adverbes ou locutions adverbiales exprimant le temps, le lieu, la cause et
la conséquence), les prépositions (lieu, temps)
CM2
Connaitre la distinction entre article défini et article indéfini et en comprendre le sens ;
reconnaître la forme élidée et les formes contractées de l’article défini
CM2
Reconnaitre et utiliser les degrés de l’adjectif et de l’adverbe (comparatif, superlatif)
CM2
Approche de l’adverbe : modifier le sens d’un verbe en lui ajoutant un adverbe, relier
des phrases simples par des mots de liaison temporelle (ex. les adverbes puis, alors…)
CE2
La classe de sixième, dans une démarche spiralaire et non linéaire et cumulative
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permet de reprendre les classes variables (Le
nom et ses déterminants / le verbe / les pronoms / l’adjectif qualificatif). Il est donc impossible, en fin de CM2, d’avoir des
exigences supérieures à celles des programmes de 6ème. Les items du socle ne sont qu’un minimum validé par les enseignants
(un socle) et ils ne résument pas le travail effectué sur un ensemble plus large de notions avec les élèves à l’école primaire !
Pour compléter, valider le Livret Personnel de Compétences, il faut se mettre d’accord sur ce qu’on attend pour chaque item.
La réflexion entre enseignants sur les attentes est obligatoire !
Sur la distinction des natures de mots, des questions émergent :
Faut-il travailler toutes les classes grammaticales ? Il faut travailler celles avancées dans les programmes mais la
structuration des notions concernent avant tout les classes variables.
Doit-on hiérarchiser ces classes grammaticales ? Oui, car la langue est un système basé sur une hiérarchie (le nom et le
verbe avant tout).
Distinguer ? Il est indispensable de se mettre d’accord sur la signification de ce verbe (besoin d’un discours commun au
sein d’un cycle, d’une école, d’un secteur scolaire).
Quelles propriétés linguistiques met-on en avant ? Il est indispensable de mettre à plat les propriétés qui permettent de
manipuler, de reconnaître d’identifier une classe grammaticale.
Ce palier 2 marque-t-il une acquisition définitive ? C’est une acquisition à un instant T avec un niveau donné et bien
défini par les enseignants.
4 Les évaluations nationales : des indicateurs à interroger
Les évaluations nationales CM2-2011 sont des évaluations effectuées au mois de janvier 2011 et les élèves ont bénéficié, depuis,
de 5 mois d’enseignement à l’école élémentaire. Les résultats aux exercices ne peuvent être analysés qu’en comparant avec une
norme (soit les résultats départementaux, soit les résultats nationaux).
Pour la circonscription d’Etampes, les résultats globaux dans les différents domaines montrent des résultats supérieurs au
département dans Lire-Écrire et le Vocabulaire et des résultats inférieurs en Grammaire et Orthographe.
En parallèle, un travail effectué par le ministère sur une comparaison des erreurs faites sur une dictée entre 1987 et 2007
montrent également une stabilité dans les erreurs lexicales mais une baisse au niveau des erreurs grammaticales. À l’école
élémentaire l’orthographe grammaticale concerne les deux chaines d’accord (l’accord au sein du groupe nominal et l’accord
sujet-verbe). La maîtrise de ces accords suppose un préalable : « Distinguer les mots selon leur nature » !
L’analyse des exercices proposés dans le protocole CM2-2011 permet d’affiner le contexte des évaluations. L’item « Distinguer
les mots selon leur nature » est évalué en partie avec l’exercice N°9 (trouver dans un texte 2 noms communs et 2 articles sur
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Une démarche linéaire présuppose qu’une notion travaillée auparavant est acquise et s’il faut reprendre une notion, c’est une perte de
temps. Une démarche spiralaire reprend des notions déjà travaillées mais en les complexifiant (en les rebrassant).
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plus de 12 possibles, 2 adjectifs sur 3 facilement repérables, 1 pronom personnel sur 9 repérables en fonction sujet et 1 pronom
relatif sur 1). Les résultats montrent des difficultés pour les articles (avec la question de l’étiquetage puisque les articles ne sont
qu’une infime partie des déterminants qui sont travaillés et étiquetés de cette manière en classe) et pour les adjectifs.
5 - Notions de grammaire - Réflexion commune sur des notions qui semblent évidentes
Tout d’abord il existe deux démarches pour enseigner la grammaire, démarches antagonistes selon Jean-François Halté
(Linguiste) :
la grammaire de prescription : on donne une notion, on la définit, on pose une règle et on l’appliqueC’est facile à
programmer mais cela ne semble pas performant car c’est linéaire.
la grammaire de description : observer, manipuler, structurer quand les élèves sont prêts avec des règles de
fonctionnement qui expliquent les régularités.
Le principe sous jacent est que notre langue est avant tout régulière et non pas irrégulière. Cette régularité permet aux élèves,
par analogie, de générer du langage oral et écrit (cas des enfants qui disent « vous faisez » au lieu de « vous faites »).
Le second principe renvoie à la hiérarchie des notions grammaticales. Notre langue s’articule autour de deux concepts clés ; le
nom et le verbe !
L’application de ces principes doit requestionner notre enseignement et la prépondérance des règles qui mettent en avant les
irrégularités, les exceptions au détriment des régularités. L’exemple classique concerne le fonctionnement du pluriel des noms
(un s mais parfois un x et parfois rien avec des listes de mots à apprendre dans lesquelles on retrouve pneu, landau, carnaval,
nez ou paix et la liste des bijoux, cailloux, etc.).
L’analyse des 500 noms les plus fréquents
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permet de construire une véritable règle de fonctionnement qui est la suivante :
Niveau 1 (cycle 2)
Niveau 2
les noms au pluriel se construisent avec l’ajout d’un –s que l’on
n’entend pas.
les noms au pluriel se construisent avec l’ajout d’un –s que l’on
n’entend pas et quand le nom au pluriel se termine par /eu/, /ou/,
/au/ ou /eau/ alors on rajoute un x
On hiérarchise la compréhension de ce fonctionnement en généralisant pour
automatiser le pluriel (cette règle concerne 90% des 500 noms les plus
fréquents).
Sur les 500 noms les plus fréquents, cette règle ne fonctionne pas avec
seulement 4 noms (dont un très fréquent chez les élèves) : bisou, sou, trou,
cou.
La réflexion doit donc porter avant tout sur les notions grammaticales et pour « Distinguer les mots selon leur nature », les
notions à questionner sont avant tout les classes grammaticales variables sur le plan orthographique : noms et verbes mais aussi
déterminants, pronoms, adjectifs.
La commission « étude de la langue » qui appartient au groupe départemental « Maitrise de la langue » a produit un document
(accessible sur le site de la circonscription d’Etampes) qui propose les propriétés sur lesquelles les enseignants peuvent
s’appuyer sur le plan didactique et pédagogique.
Il faut distinguer différentes entrées : l’entrée sémantique (liée au sens), l’entrée syntaxique (liée à la relation entre les mots) et
l’entrée morphologique (pour l’orthographe).
6 - Bases possibles pour construire une progression commune d’apprentissages
La construction d’un langage commun, d’exigences et d’attentes communes est primordiale. Il est indispensable de se mettre
d’accord (pas d’implicite). Les élèves ne peuvent que pâtir d’une non cohérence de nos pratiques.
En grammaire, il faut s’appuyer sur 3 types de situations d’apprentissages qui sont complémentaires :
Des séances centrées sur la résolution d’un
problème de langage
Des activités d’entrainement ritualisées
Des activités de structuration
Tri de mots, dictées négociées (durant lesquelles
on justifie des graphies)… Ce sont des chantiers. Il
n’y a pas de règle au bout de chaque séance.
Dictée quotidienne. On met en place
de l’automatisation par pétition.
L’enseignant verbalise.
Quand les élèves ont bien compris une
notion, on fait des exercices.
Mais dans tous les cas, ne pas perdre de vue
que le but reste la production d’écrit.
En parallèle, il y a plusieurs versants à travailler : Le mot (vocabulaire, orthographe lexicale, famille de mots…)
Les groupes de mots / la phrase (fonctions grammaticales, orthographe grammaticale)
Le texte (règles de cohérence, emploi des temps, chaine anaphorique)
Référence bibliographique :
PELLAT Jean-Christophe (2009). Quelle grammaire enseigner Paris, Hatier.
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Liste que l’on peut retrouver sur le site Éduscol : http://media.eduscol.education.fr/file/ecole/20/6/liste-mots-par-frequence_115206.pdf
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