Séminaire Economie nationale Prof. J.-Ch. Lambelet Assistant B. Blanche LA PLACE FINANCIÈRE SUISSE Lausanne, le 8 mai 2002 CHRIS CHRISTEN - MILENA FIERZ - MARC GERBER Séminaire d'économie nationale TABLE DES MATIERES 1 INTRODUCTION ................................................................................................... 4 2 HISTORIQUE DE LA PLACE FINANCIERE SUISSE .......................................... 4 2.1 Genève et les Italiens ................................................................................................. 4 2.2 L’or et les villes solidaires ......................................................................................... 5 2.3 Grand négoce et banque privée ................................................................................ 5 2.4 Les banques au service de l’économie ..................................................................... 6 2.5 Le mythe bancaire ..................................................................................................... 7 3 ANALYSE DE LA PLACE FINANCIERE HELVETIQUE...................................... 8 3.1 Définition d’une place financière ............................................................................. 8 3.2 Indicateurs des dimensions internationales d’un centre financier ....................... 9 3.3 Le marché des capitaux ............................................................................................ 9 3.4 Le marché des changes, les réserves d’or et de changes ...................................... 12 3.5 Part du secteur financier dans la valeur ajoutée brute........................................ 13 3.6 Le secteur bancaire en comparaison internationale ............................................ 14 3.7 Synthèse des dimensions internationales de la Suisse comme centre financier . 14 3.8 Impact macroéconomique ; considérations éthiques et systémiques .................. 15 4 POURQUOI LA PLACE FINANCIERE SUISSE EST-ELLE SI IMPORTANTE . 17 4.1 Gestion bancaire ...................................................................................................... 17 4.2 La Suisse ................................................................................................................... 21 4.3 Aspects marketing ................................................................................................... 23 5 CONCLUSION .................................................................................................... 24 6 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................ 25 Table des matières 3 Séminaire d'économie nationale 1 Introduction Nous allons aujourd’hui vous présenter le sujet de la place financière suisse. Nous avons opté pour celui-ci car il nous a semblé très intéressant de comprendre comment un si petit pays, sans grandes richesses et sans accès à la mer a pu développer un système financier aussi dense. Notre analyse va se porter autour de trois axes ; tout d’abord un historique pour tenter d’expliquer son émergence, puis une comparaison de notre place financière aux autres centres financiers importants et finalement, nous allons essayer d’expliquer les raisons de son importance par sa capacité de gestion. 2 Historique de la place financière suisse Notre pays est aujourd’hui une des places financières les plus importantes du monde après New York et Londres, les taux y sont les plus avantageux du monde. Comment notre petite Suisse contemporaine est-elle devenue une énorme banque ? 2.1 Genève et les Italiens L’activité des banques en Europe naît au XIIe siècle d’une triple nécessité imposée par l’expansion des économies d’alors. Une nécessité qui est partout aujourd’hui l’essence de la fonction bancaire. D’abord, le change des monnaies, ensuite le besoin de transférer des fonds d’une place de commerce à une autre et finalement le crédit. Genève est alors intégrée au système du crédit dès le XIVe siècle au moins. Elle bénéficie d’un privilège unique ; son prince-évèque tolère en 1387 les taux d’intérêts alors que la plupart des chrétiens les qualifient d’usure. Cette situation est, de plus, influencée ensuite par Calvin. Les foires de Genève, jusqu’en 1464, constituent une pièce maîtresse du système européen de crédit commercial et financier. Cependant, le marché est dominé à cette époque par les Florentins, les Vénitiens et les Génois qui rapidement s’établissent à Genève sous forme de filiales. Introduction et historique de la place financière suisse 4 Séminaire d'économie nationale L’intense activité bancaire à Genève prend fin brusquement, lorsque les Italiens déménagent à Lyon entre 1464 et 1466 car le roi de France Louis XI, inquiet des grosses quantités d’or qui sortent de son royaume vers Genève, favorise par de gros privilèges les foires tenues à Lyon. La ville de Genève ne se relèvera jamais vraiment ! 2.2 L’or et les villes solidaires L’interruption n’est pas longue mais la reprise se fait sous de nouvelles formes et à plus modeste échelle. La masse des métaux précieux en circulation, fin XVe siècle, et donc des ressources monétaires disponibles est à tel point insuffisante que le rôle du crédit public et privé prend au XVIe siècle des proportions gigantesques. La plupart des villes suisses participent à ce mouvement. Des premières, Bâle se distingue en créant à partir de 1504 un « change public », cette institution réalise pratiquement toutes les opérations d’une banque moderne de gestion ; elle accepte des dépôts contre intérêt de la part des particuliers ou de collectivités urbaines, elle consent des prêts, elle opère des transferts et à partir de 1574, elle s’occupe de gestion de fortunes. Au cœur d’une économie sans cesse à court d’argent, Bâle et la plupart des cantons urbains accumulent, aux XVIe et XVIIe siècles, une richesse publique presque insolente. Et cette richesse ne dort pas, entre les villes suisses se tissent des réseaux subtils de solidarité financière. Les cantons accordent de gros prêts à long terme à Genève qui essaie de les faire fructifier, par un « change public », sans succès. 2.3 Grand négoce et banque privée Le capital s’accumule dans tout le pays venant des pays extérieurs qui eux, s’appauvrissent sensiblement durant le XVIIe siècle à cause des différentes guerres. Ce sont deux groupes principaux qui se partagent ces capitaux, d’un côté les entrepreneurs du service mercenaire et de l’autre les négociants. Ces derniers forment la classe des véritables capitalistes et entrent bravement dans le circuit des spéculations sur l’argent. Peu après 1700, ce sont les élites de ce groupe qui accèdent au rôle de banquier pur et simple. L’origine de la banque privée, telle qu’elle existe aujourd’hui, remonte ainsi aux premières années du XVIIIe siècle. Ce sont souvent les mêmes familles qui président encore aujourd’hui les banques. Il y a depuis là une continuité sur près de trois siècles. Historique de la place financière suisse 5 Séminaire d'économie nationale Continuité des formes, des types d’activité de la banque privée, comme des règles de comportement qu’elle s’est imposées. Les banquiers genevois ont la réputation de prudence la plus importante. L’activité bancaire proprement dite recouvre toutes les fonctions usuelles d’une banque sauf le crédit ou l’acceptation des dépôts à court terme, car l’abondance des capitaux dans la Suisse du XVIIIe siècle maintient un taux d’intérêt très bas. Les banques privées de Genève dominent dans l’activité. Prudence, discrétion, politique à longue vue, ces vertus ont assuré la permanence des banques privées même à travers les crises du XIXe et XXe siècles. 2.4 Les banques au service de l’économie Les banques privées manipulent l’argent des gros rentiers, une forte part de la fortune privée nationale. Mais elles l’expatrient. Ceci ne pose pas de problèmes jusqu’en 1820 où deux besoins surgissent, pour les uns celui de trouver de l’argent afin de pouvoir suivre le mouvement de modernisation de l’équipement industriel ; pour les autres, celui de placer leur épargne. Les premières caisses d’épargne sont alors créées à Zurich, elles s’adressent aux paysans et aux petits commerçants. Elles sont ensuite complétées par le réseau Raiffeisen, d’origine allemande, dont le principe est que l’argent recueilli dans chaque commune ne peut être disponible qu’en faveur des habitants de celle-ci. Avant le milieu du XIXe siècle, s’érigent des banques à l’échelon cantonal cette fois. Le but est d’encourager le développement économique régional. Il est d’autre part inspiré par l’idéologie fédéraliste et est un instrument politique aux mains des cantons. Il y a donc deux groupes, les banques privées d’un côté et de l’autre côté les instituts d’épargne et de crédit local. Entre ces deux groupes subsiste un vide. A l’étranger, apparaissent les premières banques nationales d’affaires. La première en Angleterre, suivie par la France et l’Allemagne. La Suisse décide de suivre ces exemples avec audace et timidité, car ils n’ont pas l’habitude de travailler au niveau national, leur horizon avait été soit celui du canton, soit celui du Monde… Il faut donc attendre la fin du XIXe siècle pour que les banques d’affaires suisses trouvent cette assise à la taille du pays. La première est le Crédit Suisse, fondée à Zurich en 1856. Il y a d’autres expériences analogues mais avec peu de succès, de sorte que le Crédit Suisse domine nettement cette première génération de banques d’affaires. Historique de la place financière suisse 6 Séminaire d'économie nationale La suivante se constitue par transformation, la Banque Populaire de Berne devient en 1880 la Banque Populaire Suisse. La fusion des banques Winterthur et Toggenbourg donne naissance à l'Union de Banques Suisses dès 1912. La SBS, quant à elle, résulte de l’association en 18951896 de plusieurs établissements bâlois et zurichois plus anciens et de l’absorption de l’ex Crédit germano-suisse. C’est très tard que le système commercial d’assurances se développe en Suisse. Au début du XIXe siècle contre les risques d’incendie puis à partir de 1850 contre les autres types de risques. En 1857 la « Rentenanstalt » est fondée à Zurich, la compagnie « La Suisse » lui fait écho en 1858 à Lausanne. Les assurances s’en vont bientôt à la conquête du marché international. Arrivée à ce stade, la place financière suisse prend peu à peu le visage que nous lui connaissons aujourd’hui, mais bien entendu en faisant état de chiffres infiniment plus modestes. Durant la guerre de 1870-1871, les capitalistes français placent leurs économies à Genève et c’est le début d’un mouvement qui deviendra une tradition. Enfin, la Banque Nationale Suisse est créée par l’Etat Fédéral en 1907 pour servir d’unique institut d’émission de la monnaie au lieu de la trentaine de banques locales qui remplissaient jusque-là cette fonction. L’Association Suisse des Banquiers voit le jour à Bâle en 1912. 2.5 Le mythe bancaire Les créations bancaires rappelées plus haut ne sont que les plus importantes. Car les développements de l’industrie, des chemins de fer, de la construction, de l’agriculture, de l’hôtellerie, des assurances entraînent la création d’une multitude de banques, grandes et petites. La période entre les deux guerres mondiales n’est pas favorable à toutes, et quelquesunes d’entre elles disparaissent dans la tourmente. L’économie suisse ne peut repartir qu’en 1936 après une dévaluation de 30% du franc suisse. Il n’empêche qu’en 1945, il reste au total 383 banques en activité et leur nombre s’accroît encore d’une centaine jusqu’en 1970. C’est que la place financière suisse s’est acquise une réputation de solidité, de fiabilité et de commodité sans égale. Les banques privées et leur long passé ont beaucoup contribué à cela. En outre, au lendemain de la guerre, cette place reste intacte et les capitaux abondent. Beaucoup de grandes banques étrangères jugent utile d’y établir des filiales. Une législation stricte paraît offrir des garanties. Historique de la place financière suisse 7 Séminaire d'économie nationale C’est certainement dans la discrétion dont se sont toujours entourés des banques privées qu’est né le mythe. Discrétion qui devient mythe pour les non-initiés. Le mythe est né d’une impression, d’une réputation et d’une tradition, celle de la continuité. 3 Analyse de la place financière helvétique Dans la partie précédente, nous avons vu quelles ont été les grandes étapes de notre place financière pour arriver à ce qu'elle est. Maintenant, nous allons préciser l'état actuel de la place financière suisse. Cette partie de notre travail se présentera sous la forme d’une analyse comparative afin de nous permettre de mieux cerner la place financière tant par sa taille que par ses particularités. Dans cette optique, nous vous proposerons tout d’abord une définition du terme de « place financière », ce qui délimitera le champ de notre étude. Puis, dans un deuxième temps, nous chercherons par le biais de statistiques à chiffrer et à commenter l’importance en termes (absolus et) relatifs de la place financière helvétique au sein des centres financiers globaux à savoir les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, le Japon et l’Allemagne. Il convient aussi de relever que la présente partie de notre séminaire est une synthèse de l’étude du professeur J.-Ch. Lambelet et du doctorant A. Mihailov qui porte sur : « Le poids des places financières suisse, genevoise et lémanique »1. Définition d’une place financière 3.1 La littérature économique offre une multitude de définition de l’expression « place financière », en voici une: « Une place financière est (…) un lieu d’échange de capitaux nécessaires à la vie économique d’un pays (…). Lesdits échanges s’effectuent entre agents économiques, les uns ayant des besoins de financement et de couverture, les autres ayant des excédents à placer ou des envies de spéculation. » (Karyotis 1999, page 16) Comme le souligne cette définition, l’idée sous-jacente au terme de place financière réside dans la notion de marché des capitaux d’une importance globale. Nous allons donc pour 1 "Le poids des places financières suisse, genevoise et lémanique", Institut Créa, décembre 2001 Analyse de la place financière helvétique 8 Séminaire d'économie nationale estimer « la place financière suisse » nous servir des éléments caractéristiques de sa définition. Par conséquent, nous utiliserons les critères suivants : Le marché des capitaux : - marché des capitaux organisés (bourse) - intermédiation financière des banques Le marché des changes, les réserves d’or et de change La part du secteur financier dans la valeur ajoutée Le secteur bancaire en comparaison internationale Nous utiliserons successivement ces différents critères afin de saisir les différentes particularités de la place financière suisse pour nous donner une vue globale de cette dernière. Nous essayerons de faire la lumière sur les différences entre la place financière helvétiques et celle des Etats-Unis, du Royaume-Uni, du Japon, de l’Allemagne et de la France. Nous terminerons cette partie par une vue de l'impact macroéconomique, ainsi que par des considérations éthiques. Indicateurs des dimensions internationales d’un centre financier 3.2 Avant de commencer, nous débutons par les chiffres clés qui ressortent de l’analyse : La place financière suisse Dispose d’une bourse des valeurs qui est au huitième rang mondial et dont la capitalisation représente 3.72 fois le PIB annuel, soit plus que partout ailleurs. S’appuie sur un secteur bancaire fortement capitalisé qui détient 7.2% du total mondial des actifs bancaires sur l’étranger. Contribue pour près de 14% à la valeur ajoutée totale créée par l’économie suisse, bien qu’elle n’assure que 5% du total des emplois. Contribue à l’ensemble des recettes fiscales pour plus de 20%. Comprend des banques qui gèrent 30 à 40% des fortunes privées transfrontalières. A par conséquent sur le reste de l’économie un impact macroéconomique des plus positifs (le capital est très bon marché en Suisse). Constitue donc, en conclusion, un élément clé de la prospérité nationale. Ces données vont être développées dans la suite de notre travail. Analyse de la place financière helvétique 9 Séminaire d'économie nationale 3.3 Le marché des capitaux Le marché des capitaux est souvent considéré comme le centre d’une place financière. Nous utilisons deux approches, sous l’angle « des bourses de valeurs » et du point de vue «du marché bancaire international », elles nous permettent de chiffrer l’importance de la place financière suisse au sein du marché global des capitaux. a) Les bourses de valeurs : D’après ce premier facteur, c’est-à-dire la capitalisation des bourses des valeurs dans leur ensemble (actions et obligations), la Suisse se situait en 1998 à la huitième place mondiale, avec une part de 2.3%. Si nous regardons quelle était la situation en 1990, nous constatons que sa part était de 1.9% ce qui représente un accroissement de 0.4 point de pourcentage. Graphique 1 : Capitalisation boursière, 1998 (total FIBV = 100%) tous les autres pays 14.8% Suisse 2.3% Allemagne Bermudes 8.5% 3.6% Royaume-Uni 8.6% Luxembourg 5.2% Japon 16.5% France 4.4% Etats-Unis 36.1% Source : "Le poids des places financières suisse, genevoise et lémanique", Institut Créa Si nous prenons ensuite la capitalisation boursière par rapport au PIB, nous trouvons que le rapport pour la Suisse s’élève à 3.72. La capitalisation boursière helvétique représente 3.72 fois le PIB annuel de la Suisse (~400 mia CHF par an). A titre de comparaison, le rapport moyen pour la FIBV (Fédération internationale des bourses des valeurs) est de 1.67. Cette valeur est surprenante et met en avant l’importance de la place financière helvétique parmi les centres financiers globaux et témoigne de l’orientation financière de la Suisse. Analyse de la place financière helvétique 10 Séminaire d'économie nationale b) Le marché bancaire international : Nous nous servirons pour quantifier les différents marchés bancaires internationaux des « actifs et passifs étrangers d’une banque » et des « prêts et dépôts étrangers des banques ». Ces données reflètent le poids des marchés bancaires internationaux des différents centres financiers mondiaux. En 2000, la Suisse possède une part de 7.2% des actifs des banques à l’étranger et selon les passifs, une part de 6.5%. Sous cet angle, il apparaît que le Royaume–Uni est le centre financier le plus significatif. Cependant, la Suisse est le troisième créancier net mondial pour un montant de 85.6 milliards de dollars derrière le Japon et le Luxembourg. Graphique 2 : Actifs étrangers nets des banques, 3e trimestre 2000 Source : "Le poids des places financières suisse, genevoise et lémanique", Institut Créa En 1990, la Suisse avait une part de 6.8% des actifs étrangers et une part de 5.2% des passifs étrangers. Sa part s’est donc accru durant ces dix années, la place financière suisse s’est consolidée. Sa position créancière nette quant à elle n’a pratiquement pas changé. Comme le montrent les statistiques, la Suisse détient en 2000 8.9% des prêts ce qui la classe derrière le Royaume-Uni, les Etats-Unis et le Japon. A la lecture des mêmes chiffres mais pour 1995, nous constatons que la Suisse a bien progressé, elle a gagné du terrain tout comme les principaux leaders mondiaux. Nous pouvons nous arrêter ici quelques instants et essayer de résumer ce que nous venons de voir. La Suisse selon tous ces critères occupe constamment les places derrière les grands leaders mondiaux de la banque et de la finance. La place financière suisse semble donc être Analyse de la place financière helvétique 11 Séminaire d'économie nationale compétitive vu sa croissance des années écoulées. Enfin, si nous ramenons les données aux PIB de chaque pays, la place financière suisse apparaît comme le leader. 3.4 Le marché des changes, les réserves d’or et de changes A présent, nous avons une idée un peu plus nette de la valeur de la place financière suisse grâce aux comparaisons établies d’après le marché des capitaux. Nous allons nous pencher sur le marché des changes afin d’en savoir plus. Ce point va être traité sous trois angles différents : - Le franc suisse comme monnaie internationale. - La part de la Suisse dans le marché des changes total. - Les avoirs officiels en or. a) Le franc suisse comme monnaie internationale : Le franc suisse joue-t-il un rôle de monnaie internationale ? A la lecture des données, nous réalisons que le franc suisse était la cinquième monnaie internationale en avril 1998. Sa part dans le marché des changes global traditionnel était de 3.5%. Cependant, en 1989, cette même part était de 5%, notre monnaie a donc perdu 1.5 points de pourcentage. La monnaie de référence est comme nous pouvions nous y attendre le dollar américain. Malgré ce recul, il faut nuancer notre propos, certes, la part du franc suisse est faible mais elle est tout de même présente parmi les puissantes monnaies mondiales. La valeur moyenne journalière des transactions sur le marché des changes traditionnels suisse confirme ce point. En effet, nous constatons que cette valeur équivaut à plus du tiers du PIB helvétique annuel, la Suisse a par conséquent le rapport le plus élevé en comparaison avec les autres pays. b) La part de la Suisse dans le marché des changes total : En nous intéressant à la part de la Suisse dans le marché des changes total (dérivés + monnaie), nous serons plus à même de quantifier l’importance comparative des divers pays telle que mesurée par les transactions sur le marché des changes total localisé sur leur territoire. De ce point de vue, nous avons une image assez différente, en effet, la Suisse avec une part de 4% occupe la septième place mondiale (données de 1998). La situation 3 ans auparavant, en avril 1995 était caractérisée par une part de 4.9%, ce qui constitue une perte de Analyse de la place financière helvétique 12 Séminaire d'économie nationale 0.9 point de pourcentage. Cependant, sa part sur les marchés des dérivés a augmenté (de 1.6 à 3.3%) alors que sa part sur le marché traditionnel a baissé (de 5.5 à 4.1%). D’après les deux critères que nous avons utilisés, Londres apparaît comme le centre financier mondial en ce qui concerne les opérations liées aux échanges de monnaie. c) Avoirs officiels en or : En 1999, d’après les données de la BRI, la Suisse se situait au quatrième rang des pays possédant le plus d’or. Elle disposait de 7.7% des avoirs en or ce qui est équivalent à 2590 tonnes d’or. Seuls les Etats-Unis, l’Allemagne et la France précédent la Suisse. Cet élément peut constituer un facteur important de la force et de la stabilité du franc suisse. Graphique 3 : Avoirs officiels en or à fin septembre 1999, en % du total tous les autres pays 34.3% Suisse 7.7% Allemagne 10.3% Royaume-Uni 2.0% Pays-Bas 3.0% Japon 2.2% Etats-Unis 24.2% Italie 7.3% France 9.0% Source : "Le poids des places financières suisse, genevoise et lémanique", Institut Créa 3.5 Part du secteur financier dans la valeur ajoutée brute Dans les points précédents, nous avons vu que la Suisse malgré sa taille réduite, sa petite population et son absence de ressources naturelles est un centre financier d’importance internationale. Il découle de ce constat que la part du secteur financier dans la valeur ajoutée brute devrait être particulièrement élevée en Suisse. Comme nous l’avions pressenti, cette part est tout à fait remarquable. En 1991, la part du secteur financier dans la valeur ajoutée brute se montait à 10.9%. En 1998, cette part a progressé pour s’établir à 13.4%. L’OCDE ne fournit pas de données en ce qui concerne les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ce qui réduit le nombre de comparaisons possibles. Néanmoins, nous connaissons les Analyse de la place financière helvétique 13 Séminaire d'économie nationale parts d’autres pays comme le Canada qui s’élevait à 8.5% ou celle de l’Australie qui était de 7.1%, qui se classent respectivement second et troisième. Malgré ce manque d’information, un secteur de l’économie contribuant à hauteur de 13.4% du PIB annuel est nécessairement un secteur primordial pour ce pays. Le secteur financier suisse semble donc être un secteur compétitif compte tenu de la croissance qu’il a connu. Graphique 4 : Part du secteur financier (en %) dans la valeur ajoutée brute, 1998 Source : "Le poids des places financières suisse, genevoise et lémanique", Institut Créa 3.6 Le secteur bancaire en comparaison internationale Les deux tableaux proposés dans l’étude du Professeur J.-Ch. Lambelet et du doctorant A. Mihaïlov proposent au lecteur beaucoup d’informations. Nous ne reprendrons ici que les éléments les plus explicites. Ces données datent de 1997 : C’est en Suisse que le secteur bancaire fourni le plus d’emplois, il représente 3.03% du total des emplois. Cependant, le secteur s’est légèrement contracté depuis 1991 (3.22%). C’est également en Suisse que la somme des bilans bancaires, mesurée en pour cent du PIB, est de loin la plus grande, et cela en 1997 et 1991. La densité du secteur bancaire mesurée en habitants par institution bancaire, était la plus forte aux Etats-Unis et le reste. La Suisse arrive en seconde position. Analyse de la place financière helvétique 14 Séminaire d'économie nationale 3.7 Synthèse des dimensions internationales de la Suisse comme centre financier Les points 3.3 à 3.6 montrent que l’indice financier moyen ajusté pour la Suisse est de 6.7%. La place financière suisse représente donc près de 7% du total mondial. Et si nous nous plaçons du point de vue des économies nationales, la Suisse avec un rapport de 5.12 est de loin la place financière qui a le plus grand poids relatif. 3.8 Impact macroéconomique ; considérations éthiques et systémiques a) Impact macroéconomique : Nous avons vu au travers de ces différentes étapes que la place financière helvétique occupe une place importante parmi les grands centres financiers mondiaux. Un domaine d’activité aussi fort a par conséquent un impact macroéconomique dont l’importance n’est généralement ni connue, ni a fortiori reconnue. L’impact le plus important à relever est certainement le niveau des taux d’intérêts réels comme l’a souligné l'étude récente de l’Institut Créa2. En effet, une étude statistique a mis en évidence que la Suisse constitue une exception du point de vue des taux d’intérêt. La Suisse profite et a profité de taux d’intérêts réels inférieurs de moitié par rapport à la norme. Cette particularité qui rend le capital exceptionnellement bon marché est très importante pour la Suisse. C’est un avantage notable qui participe à la prospérité de notre économie nationale. Cette situation unique n’est vraisemblablement pas essentiellement due à une prime de risque. La raison de cet avantage semble plutôt se situer du côté du secret bancaire helvétique et la réserve de la Suisse en matière de coopération internationale en ce qui concerne l’information fiscale. 2 Institut de macroéconomie appliquée, Ecole des HEC, Université de Lausanne Analyse de la place financière helvétique 15 Séminaire d'économie nationale Graphique 5 : Taux d'intérêt nominal à long terme, moyenne pour 1976 - 1998 % 14 I Moyenne = 9,33 Ecart-type = 2,20 E 12 NZ S 10 F GB USA 8 A DK AUS CDN SF N B NL D 6 J CH 4 2 0 Source : "Le poids des places financières suisse, genevoise et lémanique", Institut Créa b) Considérations éthiques et systémiques : Jusqu’à aujourd’hui, le principal argument utilisé pour défendre les particularités de la place financière suisse a été la défense de la sphère privée. Cet argument est tout à fait valable et il est difficile de savoir ce qui devrait primer entre le secret bancaire et la lutte contre la criminalité. En effet, notre secret bancaire entrave la lutte contre le blanchiment d’argent, ne devrions nous pas à ce titre l’abandonner au profit de l’échange d’information ? Nous pensons qu’il est nécessaire de défendre notre secret bancaire et ceci pour plusieurs raisons : Tout d’abord, le secret bancaire est une particularité qu’il s’agit de conserver pour la protection de notre sphère privée. Ensuite, il faut relever que le secret bancaire suisse est un frein à la fiscalité spoliatrice de certains pays et qu’il en empêche d’autres de le devenir. Et enfin, si le secret bancaire suisse devait tomber, il faudrait que partout dans le monde, toutes les places qui manquent de coopération du point de vue fiscale décident de coopérer. En effet, il suffit qu’une seule place financière maintienne son statut pour qu’il soit tout aussi difficile de lutter contre le blanchiment d’argent. Et nous pouvons légitimement nous demander si Hong Kong (Chine) accepterait le principe d’échange d’information. Analyse de la place financière helvétique 16 Séminaire d'économie nationale 4 Pourquoi la place financière suisse est-elle si importante ? Nous avons décrit jusqu’ici l’histoire de la place financière suisse, ainsi que son importance tant au niveau national qu’international. Se pose alors la question légitime des raisons qui font que cette place financière est si importante. D’un côté, d’autres places financières que la Suisse gagnent en importance. Celles-ci lui font concurrence en profitant entre autre de la déréglementation des marchés internationaux. D’un autre côté de nouveaux clients apparaissent avec de nouvelles exigences. La lutte concurrentielle est ainsi exacerbée au niveau mondial. Comment alors expliquer que ces dernières années, la place financière suisse ait pu maintenir ou même améliorer sa position mondiale ? Il n’y a pas une seule réponse, mais plusieurs voies d’explications possibles. On entend souvent dire que c’est à cause du secret bancaire suisse3, à cause de la fiscalité favorable en vigueur ou encore à cause de la stabilité du franc et de la Suisse que la place financière helvétique est forte. Certes ces raisons ne sont pas sans fondements et contribuent à sa taille, mais ce ne sont pas les seules. Nous ne disserterons pas ici sur ces aspects qui ont déjà été traités dans des séminaires précédents. Nous voulons plutôt nous attarder sur d'autres aspects qui n'ont pas été évoqués jusqu'à présent. Nous envisageons plusieurs approches pour cerner et comprendre ce qui peut faire la différence d’une place financière. Nous nous demandons si ce n'est pas plutôt la qualité de gestion et de management des banques, les infrastructures ou encore l'image qui pourraient expliquer que la place financière suisse soit si importante. 4.1 Gestion bancaire La précision helvétique n’est pas un mythe. La Suisse n’a hormis ses paysages, aucune ressource naturelle. Sa prospérité repose exclusivement sur l’assiduité au travail, les 3 Notons que l'UDC veut lancer une initiative en juin 2002 pour faire inscrire le secret bancaire dans la Constitution fédérale. Pourquoi la place financière suisse est-elle si importante ? 17 Séminaire d'économie nationale connaissances et le savoir-faire de ses habitants. La Suisse n’a donc pas d’autre choix que de fabriquer de bons produits et de fournir d’excellents services. Ceci est également valable pour le secteur financier et pourrait bien être une des raisons principales qui fait de la place financière suisse un endroit incontournable. a) Style de gestion Swiss banking Les banques suisses ont développé un style de gestion bancaire bien spécifique avec des services de qualité et un management irréprochable. Les banques helvétiques ont dû tenir compte des contraintes posées par la Suisse en instaurant dans leurs activités les principes suivants : Sérieux, fiabilité, efficacité et sécurité Qualité suisse adaptée aux exigences internationales Protection totale de la sphère privée La Suisse a par conséquent développé au fur et à mesure du temps une expertise en gestion bancaire qui n’est comparable à nul autre pays. En respectant ces principes, le style de gestion bancaire suisse s'est fait connaître bien au-delà de ses frontières. La garantie de sécurité qui en découle est reconnue dans le monde entier sous le label « Swiss banking ». Ce style de management procure aux établissements suisses un énorme avantage concurrentiel. On peut par exemple remarquer que les banques helvétiques sont fréquemment parmi les premières à lancer de nouveaux produits sur le marché et que d'anciens dirigeants de banques suisses se retrouvent souvent à la tête d'entreprises étrangères. Ce style de gestion explique en grande partie la réussite des grandes banques suisses. Les deux grandes banques suisses (UBS et CS) comptent parmi les banques les plus grandes et les plus sûres au monde. Ces établissements jouent un rôle prépondérant dans l'agrandissement et la reconnaissance de la place financière suisse à l'étranger. Mis à part leur style de gestion, ces établissements jouissent d'une réputation de sûreté qui fait de la place financière helvétique un endroit aussi important. Pourquoi la place financière suisse est-elle si importante ? 18 Séminaire d'économie nationale La réputation de cette sûreté provient entre autres : De la notation des agences internationales de rating (AAA pour la Suisse et pour les banques UBS et CS) De l’organisation selon le principe de la banque universelle (« banque à tout faire ») De la disposition de l’une des plus fortes proportions de fonds propres au monde Du mythe : « too big to fail » La notation d'une entreprise par une agence de rating permet aux investisseurs de placer leur fortune d'après le degré de risques qu'ils sont d'accord d'assumer. Le même principe s'applique lorsqu'un investisseur veut placer son argent auprès d'une banque ou d'une place financière. La Suisse et les banques suisses sont donc le lieu de placement idéal pour tous les investisseurs qui veulent prendre le moins de risque possible. En aspirant à être une banque universelle, les banques suisses sont actives sur plusieurs marchés, ce qui permet d’être moins dépendant de chacun d’eux. Elles sont également en mesure d’effectuer elles-mêmes l’ensemble des opérations bancaires. La forte proportion de fonds propres permet aux établissements helvétiques d'assurer et de garantir tout dépôt même en cas de crise. Comme nous l'avons vu lors du dernier séminaire pour le cas Swissair, le mythe "too big to fail" s'applique également aux grandes banques suisses. La Confédération ne pourrait jamais se permettre de laisser partir en faillite une des grandes banques à cause des répercutions sur l'ensemble de l'économie nationale, voire internationale. Le style de gestion et la sûreté des banques procurent à la place financière helvétique une forte attractivité. Beaucoup de fonds étrangers sont donc amenés en direction de la Suisse et en font une place importante dans le marché financier mondial. A côté de cette attractivité due à la sûreté et à la qualité il y a un autre facteur qui joue en faveur de la place financière suisse. Il s'agit de la confiance que les investisseurs ont en celleci. Voyons plus en détail la confiance ci-dessous. b) La confiance La confiance est l’élément le plus fragile du succès de la place financière suisse. C’est une qualité qui doit être gérée quotidiennement. La confiance dans la place financière suisse est Pourquoi la place financière suisse est-elle si importante ? 19 Séminaire d'économie nationale énorme. Elle dépend d'une part de conditions d'ordre macroéconomique, législatives et opérationnelles. D'autre part, cette confiance repose sur une longue tradition dans le secteur financier comme nous l'avons vu dans la partie historique. Le degré de confiance que le client accorde à sa banque n'a pas son pareil. Seul le médecin jouit de plus de confiance. W. Blackman disait : “Indeed, if there is one single selling factor of the Swiss Banks it must be precisely this confidence”4. Les banques suisses ont toujours veillé à ce que l'argent qu'on leur avait confié ne soit pas considéré comme leur propre bien ou placé à leur gré dans un projet plus rentable. La sécurité et la protection de l'épargne du peuple étaient et sont donc décisives pour le maintien de la bonne réputation d'une banque. Le "cas Chiasso"5 du Crédit Suisse en 1977 montre à quel point la perte de confiance peut nuire à une banque. Il montre également l'urgence du rétablissement de cette confiance. Bien que la banque elle-même n'ait pas causé de dégâts (manipulations frauduleuses de quelques employés supérieurs), elle a pris à sa charge les pertes de la clientèle et a déboursé une somme de 11 milliards de francs puisée dans ses réserves latentes. Cet exemple est significatif et prouve que le système moral d'une société décide également de la réputation de la place financière. c) La gestion de fortune dans les banques suisses Une autre raison qui peut expliquer la performance de la place financière suisse est la gestion de fortune. Elle est à la fois importante en volume et très profitable. La clientèle privée souligne de la manière la plus significative le rôle international de la place financière helvétique comme exportateur de services. Elle est stratégique pour le développement d’autres spécialités financières comme la bourse, le négoce des devises, les affaires de crédit ou les émissions. La gestion de fortune est donc essentielle pour la place financière suisse. Les problèmes qui peuvent surgir dans ce secteur doivent être pris très au sérieux en raison des effets directs et indirects qu’ils peuvent entraîner sur toute une branche économique. 4 W. Blackman : Swiss banking in an International Context, London 1989, p.47 5 Von der Schweizerischen Kreditanstalt zur Credit Suisse Group, Joseph Jung, 2000 Pourquoi la place financière suisse est-elle si importante ? 20 Séminaire d'économie nationale L’importance de la gestion de fortune peut être expliquée en partie par la manière de gérer et de travailler en Suisse que nous avons traiter plus haut. Le style de gestion permet aux banques de se différencier sur le marché mondial. Le fait que la Suisse ne fasse pas partie de l'Union Européenne peut également être un facteur d'attractivité pour les grosses fortunes qui ne désirent pas être dépendantes de la politique monétaire de l'Euro. 4.2 La Suisse Un autre élément de solution à notre question est de dire que c’est la Suisse en tant que pays qui profite à la place financière. C’est une proposition que les milieux bancaires citent volontiers. La Suisse n’est en effet pas un pays comme les autres. Elle a des conditions cadres favorables au développement d’une activité de service et d’intermédiaire tel que le secteur financier. Nous allons développer ci-dessous la position géographique de la Suisse, les infrastructures à dispositions et la qualité du personnel. a) La position géographique de la Suisse La Suisse est au cœur de l’Europe, au carrefour des grandes voies commerciales. C’est un emplacement stratégique pour tout commerce ou échange de biens et services qui date depuis très longtemps. Cette position géographique a stimulé très tôt la fondation de banques commerciales comme nous l'avons vu dans l'historique. La Suisse a toujours ouvert ses portes et regardé au-delà de ses frontières. De cette manière la place financière et les banques suisses ont pu s'internationaliser et acquérir l'importance qu'on connaît d'aujourd'hui. Etant donné que le monde est de plus en plus global, chaque place financière dépend du fuseau horaire qui influence sa compétitivité. Londres est donc le concurrent direct de la place financière suisse, alors que les Etats-Unis ou le Japon n’ont pas autant d’impact que les pays européens. Un autre avantage de la position de la Suisse est qu'elle est polyglotte. En Suisse il y a quatre langues nationales et quatre cultures qui se mélangent. Dans le milieu de la finance tout le monde parle également l'anglais. Ainsi un investisseur trouvera en Suisse une banque ou un intermédiaire qui lui permettra de négocier, si ce n'est pas dans sa langue maternelle, au moins en anglais. Pourquoi la place financière suisse est-elle si importante ? 21 Séminaire d'économie nationale b) Les infrastructures présentes en Suisse La compétitivité de chaque institut financier est étroitement liée à un système de communication. Celui-ci peut être déterminant dans une situation de concurrence. La Suisse possède un des réseaux de communication les plus efficaces au monde. Il n’y a pas que les opérateurs téléphoniques qui offrent des lignes de téléphone, des lignes réseaux ou des services d’accès Internet à haut débit. Les CFF développent également depuis des années des moyens de communication par l'introduction de fibres de verre dans leurs installations. Ce réseau très dense sur l’ensemble du territoire permet de satisfaire toutes les exigences des banques. Les systèmes de transport sont également à prendre en considération : La Suisse compte plusieurs aéroports desservis par des vols internationaux. Les CFF possèdent un réseau ferroviaire très dense et de bonne qualité. Les autoroutes couvrent tout le territoire et sont bien entretenues. Ces facteurs ne sont pas à négliger lorsqu’une banque ou une entreprise étrangère choisit un lieu pour s’installer en Europe. Ce sont des atouts que la place financière suisse offre à quiconque veut s’y installer. c) La qualité du personnel en Suisse Il semble impossible de parler d'une place financière internationale et de ses chances de succès sans considérer le facteur élémentaire de production qu'est le « travail humain ». Dans un monde global, où tous les acteurs du secteur financier offrent à peu près les mêmes services, un facteur qui peut différencier une banque des autres est très certainement ses employés. L’efficacité du personnel des banques suisses est justement un facteur clé du succès de la place financière suisse. Etant donné que le niveau d'éducation et de formation du personnel sont élevés en Suisse, les instituts financiers se trouvent dans une situation favorable. Cela offre un excellent point de départ à la formation complémentaire organisée sur le plan privé ou financier. L’activité financière est une activité accrue en matière d'innovation. Cela exige une formation très poussée du personnel, tant à l'intérieur de leurs établissements qu'en association avec Pourquoi la place financière suisse est-elle si importante ? 22 Séminaire d'économie nationale d'autres banques. On peut mentionner ici quelques exemples d’instituts de formation suisses en matière bancaire : La Fondation Swiss Banking School, 1987 Zurich Centro di Studi bancari, 1990 Vezia/Lugano L’Association pour un Institut Supérieur de Formation Bancaire, 1991 Genève Chose curieuse, des sondages démontrent que ce sont surtout les banques possédant elles-mêmes un système de formation interne perfectionné qui utilisent ces centres communs de formation, tandis que les instituts d'envergure moyenne ou plus petite qui n’ont pas un système de formation intégré, renoncent même à une formation complémentaire dans ces instituts. 4.3 Aspects marketing Le succès d’une entreprise sur le plan économique dépend toujours de la satisfaction de la demande. Cette affirmation est également valable pour un établissement bancaire ou une place financière. L’évolution du marché est donc décisive. Il faut l’observer, procéder à des sondages, évaluer les influences du marketing sur la demande et si nécessaire se repositionner sur le marché. Le marketing bancaire n’est pas évident, il doit respecter les normes légales et les conventions qui restreignent son champ d’action. La place financière suisse se comporte comme une entreprise qui veut gagner des parts de marché sur un marché très concurrentiel. La Suisse met en avant son image de qualité et de sécurité. Afin de pouvoir garder une place importante parmi les places financières mondiales, la place financière suisse doit poursuivre une politique qui permet de se distinguer. Les banques suisses doivent offrir des prestations de qualité supérieure pour maintenir leur réputation et se différencier. Ils doivent soigner la confiance et l'image qu'ils ont auprès des déposants et des investisseurs. La place financière doit mettre en avant son image de sûreté, de tradition et d' "île au milieu de l'Europe". Elle doit promouvoir son secret bancaire, sa fiscalité, son franc suisse et toute son expertise pour assurer une position importante dans ce monde financier. Pourquoi la place financière suisse est-elle si importante ? 23 Séminaire d'économie nationale 5 Conclusion Nous avons pu observer que l’importance de la place financière helvétique remonte déjà à quelques siècles. Aujourd’hui, son activité est indispensable au bon fonctionnement de notre économie nationale par son apport en valeur ajoutée, en revenus fiscaux ou encore par le nombre d’emplois qu’elle génère. Nous avons relevé que la Suisse domine surtout au niveau du marché bancaire international, serait-ce grâce à nos taux d’intérêts si bas ? Si c’est le cas, il nous semble clair que la défense du secret bancaire par le conseil fédéral est indispensable. Cependant, Dimanche.ch du 28 avril 2002 affirmait que 65% de la population suisse était pour sa suppression ! Se rendent-ils vraiment compte de l’impact de son abandon sur notre économie ? La place financière attire aussi de nombreux investisseurs de par sa stabilité et aussi de par la force de sa monnaie. Cette stabilité pourrait avoir comme origine nos énormes réserves d’or. Une autre question se pose alors. Le gouvernement y pense-t-il quand il réfléchit à distribuer l’or de la BNS (pour l’AVS,…) ? Quelques questions restent donc en suspend. Mais nous pouvons clairement affirmer que notre centre financier est compétitif et a de nombreux avantages concurrentiels. Nous ne pouvons dire quel point est le plus dominant, est-ce la qualité et la sécurité du « Swiss Banking » ? Son bon rating ? Ou encore sa position géographique et son infrastructure ? En tout cas, il est certain que les banques doivent continuer à déployer tous leurs efforts pour garder notre place financière toujours compétitive car si nous perdons cet avantage, que nous restera-t-il ? Des montres ? Du chocolat ? Des montagnes ? Conclusion 24 Séminaire d'économie nationale 6 Bibliographie Ouvrages : "Histoire économique de la Suisse", Jean-François Bergier, Editions Payot, 1984 "Problèmes de l'histoire économique de la Suisse", Jean-François Bergier, Francke Editions, 1968 "Le poids des places financières suisse, genevoise et lémanique", Institut Créa, décembre 2001 "Place financière suisse, évasion fiscale et intégration européenne", Colloque international organisé par l'institut européen de l'Université de Genève, 2002 "La place financière suisse sous la tension des développements internationaux", Institut für Schweizerisches Bankwesen der Universität Zürich, Schweizerisches Institut für Banken und Finanzen an der Hochschule St. Gallen, Les Editions Paul Haupt, Bern, 1992 "Place financière suisse : le secret du succès", ASB, 1990 Sites Internet : www.geneva-finance.ch www.swissbanking.org www.eda.admin.ch www.snb.ch www.letemps.ch Bibliographie 25