« Gens de Séoul 1909 », d’Oriza Hirata, auteur et metteur en
scène japonais, est la première d’une série de quatre pièces
fondée sur le suivi d’une même famille au fil des années. La date
ne tient pas au hasard : en 1905, le Japon a commencé son
expansion coloniale en Corée. En 1910, l’annexion sera
officielle. Figure du renouveau théâtral au Japon, Hirata a sa
propre compagnie, Seinendan, où il a mis en place ce qu’il
appelle le « théâtre calme », fondé sur l’observation de la vie
quotidienne, les détails, la langue parlée.
La pièce a déjà été montée en France par Frédéric Fisbach au
Festival d’Avignon 2006, puis par Arnaud Meunier, la même
année. La mise en scène de Hirata est douce et fluide, mais la
gestuelle, le maniement des temps morts, la diction,
l’accentuation (que l’on entend bien même si on lit les sous-
titres) nous surprennent tout autant que la présence d’une
vingtaine d’actrices et acteurs sur scène. Sous ce calme
apparent, le texte prend alors toute sa force : les Shinozaki sont
des Japonais expatriés en Corée, où ils possèdent une papeterie
fondée par le grand-père. Il y a le père et sa seconde et jeune
épouse, les fils et les filles. On les regarde vivre le temps d’un
après-midi dans la maison familiale. Mais peu à peu, on décèle
sous les propos apparemment anodins l’attitude de colons
convaincus de leur supériorité vis-à-vis de leurs voisins,
employés, domestiques coréens. La nourriture, les coutumes et
même la langue – qui ne saurait donner de la littérature – sont
commentées avec une arrogance tranquille.