THÉÂTRE / MUSIQUE / DANSE / CIRQUE / MARIONNETTES
© MADOKA NISHIYAMA
la MÉtaMorpHose
VersIoN aNdroÏde
ORIZA HIRATA
JAPON
CDN DE HAUTENORMANDIE
THÉÂTRE DE LA FOUDRE, PETITQUEVILLY
MercredI 12 JeudI 13 et
VeNdredI 14 NoVeMBre 2014 20H
EN COLLABORATION AVEC LE CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL DE HAUTE-NORMANDIE
© OSAKA UNIVERSITY
LE PROFESSEUR ISHIGURO ET SON DOUBLE ANDROÏDE
PREMIÈRE FRANÇAISE
D’APRÈS
LA MÉTAMORPHOSE
DE FRANZ KAFKA
TEXTE ET MISE EN SCÈNE ORIZA HIRATA
DÉVELOPPEMENT DES ANDROÏDES PROFESSEUR HIROSHI ISHIGURO
TRADUCTION MATHIEU CAPEL ASSISTÉ D’HIROTOSHI OGASHIWA
ASSISTANTE À LA MISE EN SCÈNE YOKO NISHIYAMA
SCÉNOGRAPHIE ITARU SUGIYAMA
COSTUMES KARL ANDRÉ THYRIOT
LUMIÈRE AYA NISHIMOTO
SON YUTA SENDA
INGÉNIEUR ROBOT TAKENOBU CHIKARAISHI (LABORATOIRE HIROSHI ISHIGURO DE L’UNIVERSITÉ
D’OSAKA / CENTRE UNIVERSITAIRE POUR LE DESIGN ET LA COMMUNICATION DE L’UNIVERSITÉ D’OSAKA)
ASSISTANT ROBOTIQUE SHOGO NISHIGUCHI
RÉGIE GÉNÉRALE AIKO HARIMA
INTERPRÈTE MARIKO HARA
PRODUCTION AGORA PLANNING,LTD. SEINENDAN THEATER COMPANY, UNIVERSITÉ D’OSAKA, ATR HIROSHI
ISHIGURO LABORATORY | PRODUCTION DÉLÉGUÉE FESTIVAL AUTOMNE EN NORMANDIE
COPRODUCTION TAIPEI ARTS FESTIVAL, CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL DE HAUTE-NORMANDIE, LE TAP-SCÈNE
NATIONALE DE POITIERS, ESPACE JEAN LEGENDRE COMPIÈGNE–SCÈNE NATIONALE DE L’OISE EN PRÉFIGURATION
CO-ORGANISATION KINOSAKI INTERNATIONAL ARTS CENTER, KAAT (KANAGAWA ARTS THEATER JAPON)
AVEC LE SOUTIEN DE L’AGENCE DES AFFAIRES CULTURELLES DU GOUVERNEMENT DU JAPON, DE LA JAPAN
FOUNDATION, DE L’ONDA-OFFICE NATIONAL DE DIFFUSION ARTISTIQUE, DE L’INSTITUT FRANÇAIS DU JAPON
DURÉE 1H30
GRÉGOIRE SAMSA L’ANDROÏDE REPLIEE S1
LA MÈRE IRÈNE JACOB
LE PÈRE JÉRÔME KIRCHER
LA SŒUR LAETITIA SPIGARELLI
LE LOCATAIRE THIERRY VU HUU
VOIX ET MOUVEMENTS DE L’ANDROÏDE THIERRY VU HUU
autour du spectacle
Bord de scène avec ORIZA HIRATA metteur en scène et l’équipe du spectacle, animé par MATHILDE CARTON journaliste aux
Inrockuptibles
jeu 13 nov à l’issue de la représentation
Grand débat médecine et robotique
avec les PROFESSEURS HIROSHI ISHIGURO roboticien et JEAN-PAUL MARIE chirurgien ORL, animé par MATHILDE CARTON journaliste aux
Inrockuptibles
jeu 13 nov 12h30 Rouen Hôpital Charles-Nicolle
Entrée libre sur réservation au 02 32 88 85 47 ou [email protected]. Dans le cadre du projet culturel du CHU-Hôpitaux de Rouen
Table ronde autour de La Métamorphose version androïde
avec ORIZA HIRATA metteur en scène, le Pr HIROSHI ISHIGURO roboticien, THIERRY PAQUET directeur du LITIS, ALEXANDRE PAUCHET maître de conférences,
animée par NICOLAS MARTIN journaliste à
France Culture
ven 14 nov 14h Saint-Étienne-du-Rouvray INSA, amphi Germaine Tillion
Entrée libre sur réservation au 02 32 10 87 07 ou [email protected]. En partenariat avec le LITIS et l’INSA - Rouen
Né à Tokyo en 1962, Oriza Hirata est un « homme de théâtre » qui explore toutes les dimensions et
toutes les fonctions de son art : auteur, metteur en scène, il dirige également la compagnie de théâtre
Seinendan et le Théâtre Agora Komaba à Tokyo. Ajoutons à ces activités déjà nombreuses celle de
l’enseignement (à l’université d’Osaka) doublée d’une réflexion théorique qu’il expose dans plusieurs
ouvrages aux titres déjà révélateurs de ses partis pris et de sa méthode : Pour un style parlé dans le
théâtre contemporain, ou encore L’Art à la base de la Nation sont de bons exemples de l’objectif
qu’Oriza Hirata assigne à son art : allier les dimensions poétique, pédagogique et politique. Montrer
cette interaction permet alors de mettre la représentation théâtrale au service de la Cité en redonnant
une place au spectateur-citoyen. Une visée empirique qu’il met d’ailleurs en pratique en tant que
conseiller du ministre japonais de la culture... Il ne faudra donc pas s’étonner qu’il soit aujourd’hui
considéré comme l’une des figures les plus emblématiques de la littérature japonaise, si bien que ses
pièces sont souvent reçues comme des miniatures sociales, ce qui tend parfois à figer leur réception
dans certains stéréotypes.
L’ambition didactique est donc clairement revendiquée. Elle ne relève cependant pas de la thèse ou du
commentaire, comme dans le théâtre de Sartre ou de Brecht : Oriza Hirata ne cherche ni à représenter,
ni à critiquer, mais à déplacer (ne serait-ce que de manière infinitésimale) le regard et la position du
spectateur qu’il situe au centre de sa méthode. Minimaliste, ce théâtre à la fois réaliste et onirique doit
permettre d’imaginer des « mondes possibles ». En incitant le public à se concentrer sur les relations
entre les acteurs d’un groupe plus que sur des « personnages », le metteur en scène japonais suggère
que les relations qui lient chaque membre de la société relèvent déjà de choix politiques.
Avant La Métamorphose version androïde, deux pièces d’Oriza Hirata utilisaient déjà des éléments
mêlant anticipation et hyperréalisme en y intégrant des robots et des androïdes : Les Trois Sœurs
version Androïde et Sayonara version 2. La réécriture de Tchekhov, par exemple, mettait le robot
F- Geminoid en position d’« interpréter » l’une des sœurs. L’utilisation de la machine n’est pas tant
thématique (pointer du doigt l’influence grandissante des nouvelles technologies) que sensorielle, les
machines en scène ayant pour première fonction de déplacer la perception du spectateur qui se voit
amené à porter son attention sur les détails de la communication. Dans ce nouveau spectacle, Oriza
Hirata se sert de l’androïde pour donner une forme au « ungeheuer Ungeziefer » de Kafka (« cancrelat »,
« coléoptère » ou « vermine » selon les traductions...) que devient Grégoire Samsa sous le regard de ses
parents. Le parti pris de la machine pour interpréter Samsa permet à Hirata de créer une continuité
entre l’homme et la machine en les juxtaposant grâce aux moyens du théâtre, en premier lieu les
dialogues. L’ambiguïté entre l’humain et le non-humain est déjà présente dans l’univers kafkaïen, dans
La Métamorphose bien entendu, mais aussi dans l’Odradek, une créature vivante ressemblant à une
bobine de fil plate que Kafka décrit dans son étrange nouvelle Le Souci du père de famille. Il semble
logique que celui-ci s’inspire de l’univers kafkaïen, fait de formes indécises qui appellent le lecteur
à se projeter, à se mettre « à la place de ». Homme, machine, ou bien encore « créature »... Le Japonais
UN THÉÂTRE TÉLÉPATHE
poursuit son questionnement des communautés existantes au sein de sociétés post-industrielles, qui
mécanisent l’humain jusque dans son intimité en l’absorbant dans leurs institutions : État, entreprise,
mais aussi école, musée... Tokyo notes, la pièce qui l’a rendu célèbre, se déroulait dans un musée, un
univers calme et insulaire où, en temps de guerre, trouvaient refuge des chefs-d’œuvre de Vermeer qui
se retrouvaient dès lors mieux protégés que les hommes envoyés au front. Avec cette pièce, on voit
qu’Oriza Hirata est passé du lieu public à la sphère privée (ce qu’il avait déjà fait dans sa transposition
des Trois Sœurs). Le récit de Kafka écrit une année après le déclenchement de la Première Guerre
mondiale, première industrie de la mort, mettait déjà en jeu ces questions : la déshumanisation et le
morcellement du lien à l’intérieur même du cadre domestique.
Hirata modifie le dialogue théâtral en y autorisant l’intervention du robot. Cela passe par une réflexion
poussée sur le dialogue de théâtre, dialogue scénique mais aussi dialogue avec le public : « Le dialogue
suppose une tolérance : je tolère que mon propre contexte se transforme au contact de celui d’autrui.
Cette transformation sera un bonheur, même pour celui qui représente* ». L’art permet de traverser
l’expérience d’autrui, d’en développer la « sensation » chez le comédien comme chez le spectateur. Le
réalisme du théâtre d’Hirata ménage une place à l’étrange et à l’altérité. Il incite le spectateur à mieux
« voir » ses « plus ou moins » semblables : « Pour la formation des nouvelles communautés, le rôle du
théâtre est essentiel*. » Au début des années 90, il a fait partie d’un mouvement japonais qui a tenté
de renouveler l’écriture dramatique, le « shizuka na engeki » que l’on peut traduire par « théâtre calme »
ou bien « discret ». Conforme à cette doctrine, ce dernier spectacle d’Hirata est anti-spectaculaire ; il
explore une esthétique du quotidien où la banalité et l’oralité côtoient l’anticipation. Le jugement se
trouve comme suspendu au moyen de l’utilisation des silences, au sein d’un théâtre des mots, de la
marche, du regard et du geste, et cela jusque dans les moindres détails de ces différentes « notations ».
Le spectacle d’Hirata ne pouvait qu’être tâtonnant, modifiant par petites touches notre sentiment
de durée. Le spectateur se retrouvera ou pas dans ce contexte de communication qui joue de façon
millimétrée, presque télépathique.
Isabelle Barbéris
* Propos d’Oriza Hirata, traduits du japonais par Kazuhiko Ueda
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